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666230 décembre 2017 – D’une façon générale, la situation est devenue telle qu’il ne s’agit plus de la commenter, de rechercher les perspectives, d’annoncer telle victoire ou telle défaite, ou telle évolution ; qu’il ne s’agit même plus de tenter de la comprendre puis de l’expliquer, de la décrire après l’avoir embrassée ; qu’il ne s’agit de plus rien dont la raison, même débarrassée quand elle le peut des rets de l'inversion, puisse à elle seule faire son affaire. D’une façon générale, la situation est devenue telle qu’il s’agit tout simplement de parvenir à la percevoir, simplement comme il s’agit de respirer pour continuer à vivre.
La catastrophe du monde en est effectivement à ce stade d’ignorance, de confusion, de désordre, d’irritation et d’hystérie de l’esprit, à partir d’une psychologie qui est tout cela à mesure. Les analyses géopolitiques et les théories complotistes sont comme autant de vieilles lunes usées, ossifiées, complètement à la dérive à force d’avoir été ressorties mille fois sans avoir fait progresser d’un centimètre la compréhension et l’explication de la situation du monde, au contraire brouillant tout espoir de seulement s’ouvrir intellectuellement à une simple perception sortant de leurs sentiers battus et rebattus. Il faut utiliser d’autres voies, d’autres logiques, en espérant l’éclairage de l’intuition qui est la seule compagne acceptable pour traverser les Derniers Temps.
Là-dessus et assez logiquement, nous passons à un article de James Howard Kunstler, qui est de ces chroniqueurs indépendants comme il y en a aux USA, dégagés des dogmatismes et de l’idéologisation, et qui est évidemment puisque l’on se réfère à ses qualités du parti de la collapsologie, – selon le terme de la spécialité proposée par Andrei Orlov, poursuivant l’observation de l’effondrement des USA/du Système. On a déjà cité Kunstler à diverses occasions sur ce site, le 23 juillet 2017 pour le dernier cas ; il écrit cette fois un article d’abord commandé par The American Conservative et publié le 21 décembre 2017, sous le titre “Beyond Cynicism: America Fumbles Towards Kafka’s Castle” ; et nous adapterions cela en français, de cette façon : « Au-delà du cynisme : l’errance de l’Amérique dans le château de Kafka ». Kunstler n’attaque personne en particulier, ne soulève pas un problème spécifique, ne s’exerce pas à l’habituel style d’ironie cynique auquel notre époque incite irrésistiblement nombre d’observateurs indépendants ; nous sommes “au-delà du cynisme”, n’est-ce pas ? Nous sommes en pleine collapsologie et voici les paragraphes de début...
« Un peuple peut-il se remettre d'une excursion dans l'irréalité ? Le séjour des Etats-Unis dans un univers alternatif de l'esprit s'est fortement accéléré après que Wall Street a presque fait exploser le système financier mondial en 2008. Cette débâcle n'était qu'une manifestation d'une série de menaces accumulées à l'ordre postmoderne, incluant les fardeaux de l'empire, l'explosion démographique, la globalisation de la fracture sociale, les inquiétudes au sujet de l'énergie, les technologies perturbatrices, les ravages écologiques et le spectre du changement climatique.
» Un sentiment de crise, que j'appelle la longue urgence, persiste. C'est systémique et existentiel. Cela remet en question notre capacité à mener une vie “normale” beaucoup plus loin dans ce siècle, et l’angoisse qui accompagne cet état de fait est quelque chose de difficilement supportable pour le public. Il s'est manifesté d'abord dans la finance parce que c’est la plus abstraite et la plus fragile de toutes les grandes activités dont nous dépendons pour la vie quotidienne, et donc la plus facilement altérée et mise en situation critique par un groupe d'opportunistes irresponsables à Wall Street. En effet, beaucoup de ménages ont été définitivement détruits après la soi-disant Grande Crise Financière de 2008, malgré les enthousiastes et bruyantes affirmations officielles de “reprise” et l’injection de sommes énormes fabriquées pour la circonstance dans le marchés de capitaux depuis lors.
» Avec l'élection de 2016, les symptômes de la longue urgence ont envahi le système politique. Une désinformation extraordinaire règne sans partage. Il n'y a pas de consensus cohérent sur ce qui se passe et aucune proposition cohérente pour faire quoi que ce soit à ce sujet. Les deux partis sont embourbés dans la paralysie et le dysfonctionnement et la confiance du public à leur égard est à des niveaux abyssaux. Donald Trump est perçu comme une sorte de président pirate, un fripon élu par hasard, un “perturbateur” du statu quo au mieux et, au pire, un dangereux incompétent jouant avec le feu nucléaire. Un état de guerre existe entre la Maison Blanche, la bureaucratie permanente à D.C. et les médias traditionnels. Le leadership authentique est aux abonnés absents, totalement introuvable. Les institutions chancellent. Le FBI et la CIA se comportent comme des ennemis du peuple.
» Des idées inconséquentes et baroques s'épanouissent dans ce milieu de crise sans fin qui les nourrit abondamment. Elles dominent exclusivement la spéculation intellectuelle. Ressemblant à une espèce de vœu pieux renvoyant à une sorte de culte primitif, cette spéculation a saisi la classe technocratique qui attend des remèdes relevant de la magie, pour promettre la poursuite et l’extension du Bonheur Motorisé, du consumérisme et de la vie florissante de banlieue qui constituent l'armature de la vie “normale” aux USA. L’on parle de flottes de véhicules électriques sans conducteur, de services de drones pour la livraison à domicile et de modes de production d'énergie encore peu développés pour remplacer les combustibles fossiles de plus en plus incertains et destructeurs, tout en ignorant les contraintes évidentes de ressources et de capital, et même les lois de la physique fondamentale, – principalement l’entropie, la deuxième loi de la thermodynamique. Leur assise mentale fondamentale est leur croyance en la croissance industrielle infinie sur une planète finie, une idée si puissamment idiote qu’elle met en danger leur statut de technocrate. »
La suite concerne les diverses situations qui justifient une telle description pour l’entame du texte. Kunstler n’a aucune peine à nous convaincre de la justesse de son argument : « Une désinformation extraordinaire règne sans partage » certes, mais aussi le désordre, l’errance, l’hystérie jusqu’à la folie, une sorte de marche hallucinée vers des buts et des objectifs qui sont comme des ombres molles et des mirages s’éloignant de vous à mesure que vous vous en rapprochez, sans avoir pu d’ailleurs comprendre de quoi le mirage était le simulacre...
Comme on le lit, Kunstler n’évite certes pas de longuement commenter les évènements depuis l’arrivée de Trump, celle-ci qui marque selon lui une nouvelle étape et sans doute une étape décisive de la sorte d’“irréalité” qu’il identifie. (Pour cela, nous avons l’emploi nous-mêmes de diverses expressions, de “virtualisme” à “simulacre” en passant par narrative et par déterminisme-narrativiste.) Il nomme cela “la longue urgence”, ce qui correspond à nos divers phénomène crisique (structure crisique, chaîne crisique, “tourbillon crisique“) impliquant la permanence du paroxysme et l’impossibilité de terminer une crise malgré l’apparent illogisme de la chose puisqu’une crise est un paroxysme qui, par définition, ne dure qu’un instant avant de s’éteindre au bénéfice de l’un ou de l’autre, ou au bénéfice de personne ou bien au bénéfice (!) de la destruction du monde, de l’entropie, de la fameuse Deuxième Loi de la Thermodynamique que cite également Kunstler.
Notre auteur analyse la situation actuelle (USS America perdue dans Le Château de Kafka) essentiellement selon le partage en deux étapes fondamentales dans l’époque, la crise financière partie des USA de 2008 et la crise politique US de 2016 (ou devrait-on dire plutôt “commencée en 2008 [2007]) et “... commencée en 2016 [2015]”). Il justifie la chronologie par la fragilité inhérente au secteur financier mais il écarte désormais, à la différence de ce qui est fait d’habitude, la primauté sinon l’exclusivité de la crise financière (ou la Grande Crise Générale réduite à la crise financière). Il prend en compte ce que nous pourrions nommer en citant Houellebecq l’extension du domaine de la crise, c’est-à-dire ce que nous-même, nous estimons être la désincarnation de la crise et sa transmutation en un évènement cosmique, indéfini et absolu, dont l’enjeu pour l’acteur crisique-diabolique est sans aucun doute l’entropisation du monde.
D’autre part, et en cela avec une certaine contradiction ou bien encore un certain flou, et peut-être bien une sollicitation des étiquettes, Kunstler maintient la dichotomie droite-gauche en attribuant successivement la “réalisation de l’irréalité” successivement à la droite puis à la gauche. La question qui se pose et à laquelle il n’est pas répondu précisément est de savoir si la “réalisation de l’irréalité” à droite, effectuée en 2001-2002, subsiste malgré la “réalisation de l’irréalité” par la gauche.
Pour l’instant, contentons-nous de marquer ces deux “réalisations de l’irréalité”...
• La première est archi-connue : c’est cette affirmation fameuse par le gouvernement GW Bush, (mais aussi par les neocons, mais aussi par une quasi-unanimité des élites-Système où “la gauche” [les démocrates] a sa place), – en la personne de Karl Rove, chef de la communication du président GW Bush, parlant à l’auteur Ron Suskind à l’été 2002, « Nous sommes un empire maintenant et quand nous agissons nous créons notre propre réalité. Et alors que vous étudierez cette réalité, – judicieusement, si vous voulez, – nous agirons de nouveau, créant d’autres nouvelles réalités, que vous pourrez à nouveau étudier, et c’est ainsi que continuerons les choses. Nous sommes [les créateurs] de l’histoire... Et vous, vous tous, il ne vous restera qu’à étudier ce que nous avons [créé]. »
• La seconde est ainsi synthétisée par Kunstler, à propos des différentes facettes du progressisme-sociétal tel qu’il s’est développé à une vitesse extraordinaire depuis 2014-2015 et essentiellement à l’occasion de la campagne puis de l’élection de Donald Trump :
« L’idée nouvelle et fausse que quelque chose étiqueté “discours de haine” – étiqueté par qui ? –équivaut à la violence qu’il décrit flottait autour des établissements d’enseignement des cycles supérieurs en un nuage toxique d'hystérie intellectuelle concocté dans le laboratoire de la philosophie dite “post-structuraliste”, où gisaient des parties des corps de Michel Foucault, Jacques Derrida, Judith Butler et Gilles Deleuze, qui seraient surmonté d’un cerveau fait d’un tiers de Thomas Hobbes, d'un tiers de Saul Alinsky et d'un tiers de Tupac Shakur, le tout donnant un parfait Frankenstein accouchant d’une monstrueuse pensée. Tout se résume à la proposition que la volonté de puissance annule tous les autres pulsions et valeurs humaines, en particulier la recherche de la vérité. Dans ce schéma, toutes les relations humaines sont réduites à une dramatis personae comprenant en général les opprimés et leurs oppresseurs, les premiers étant généralement “gens de couleur” et femmes, tous soumis à l’oppression exercée par les Blancs, en majorité hommes. Les tactiques de cette politique déployée par les “opprimés” et les “marginalisés” autoproclamés sont basés sur le credo que la fin justifie les moyens (au standard Alinsky). »
Ce passage est d’une extrême importance pour nous, dans la mesure essentiellement où Kunstler mentionne quelques noms de “déconstructivistes” dont la pensée pèse sur notre époque, – non pour l’aider à reconstruire quelque chose sur ce qui aurait été détruit mais pour la pousser, pour l’entraîner, pour l’emprisonner dans une irrésistible pulsion de destruction, quel que soit l’objet à détruire. (“Destruction” plutôt que “mort” parce que ces déconstructivistes pensent finalement que la destruction n’est pas la mort, – et c’est en cela que cette pensée est singulièrement diabolique.) Dans ce cas, selon cette démarche intégrationniste, nous répondons à cette “question [...] de savoir si la ‘réalisation de l’irréalité’ à droite, effectuée en 2001-2002, subsiste malgré la ‘réalisation de l’irréalité’ par la gauche.” Pour nous, au contraire, le “malgré” est superflu ; comme on le verra, c’est en toute logique que les deux “irréalités” se complètent et s’intègrent l’une dans l’autre.
En fait, on décrit deux phases : la phase de l’hégémonisme-chaotique et la phase du progressisme-sociétal, qui sont deux étapes successives du déconstructivisme... L’hégémonisme-chaotique est une version hallucinée et complètement invertie d’“un pont trop loin” selon la terminologie militaire (*) ; il “conquiert” brutalement ce qui est déjà conquis en y installant le chaos, par conséquent il détruit la victoire installée et construite en développant ce qu’il croit être l’assurance de la victoire finale ... Il détruit une hégémonie déjà existante, essentiellement sur la région stratégique centrale du Moyen-Orient, en la surchargeant, en l’inondant de sang et de ruines, en pulvérisant le simulacre de légitimité que les USA (le Système) avaient édifié durant la Guerre froide.
(Pour comprendre cela, il faut bien entendu admettre l’évidence que les USA dominaient l’ensemble du Moyen-Orient depuis le milieu des années 1970, sauf l’Iran à partir de 1979. L’URSS en avait été chassée et commençait à la fin des années 1970 sa plongée dans ce qui révélerait être l’effondrement de 1979-1991. L’hégémonisme-chaotique à partir de septembre 2001, avec l’avant-goût de la première Guerre du Golfe [1990-1991], a pulvérisé ce rangement extrêmement avantageux pour les USA/le Système.)
Le progressisme-sociétal qu’on sait en germe depuis les années 1960 et les diverses révoltes “sociétale” avant l’heure, suivies de l’instauration du système de pensée pavlovienne du “politiquement correct” fermement installé dans les années 1980, arrive avec une brutalité inouïe à la maturité de la déconstruction intérieure des USA dans le chef de leur société et de leur culture, et s’emboîte parfaitement sur l’hégémonisme-chaotique qu’il n’a jamais vraiment combattu. La “gauche” ne s’est opposée aux aventures afghane et irakienne que dans la mesure où celles-ci ont tourné mal et ont pu être exploitées politiquement, et nullement sur leur principe comme le montrent les votes staliniens et quasiment unanimes du Congrès en 2001-2002, et l’absence d’un véritable “parti antiguerre” comme au temps du Vietnam. Bien au contraire, le démocrate soi-disant “de gauche” Obama a poursuivi sinon accentué ces aventures extérieures en faisant du Bush-turbo avec une politiqueSystème multipliée dans sa brutalité. BHO est bien l’homme de la transition décisive, du déconstructivisme réalisé, celui qui poursuit l’hégémonisme-conquérant et institue le progressisme-sociétal comme complément.
Le progressisme-sociétal est donc la face intérieure qui complète l’hégémonisme-chaotique pour achever la mise en place du dispositif déconstructiviste. Les deux dynamiques s’ajoutent l’une à l’autre pour former une dynamique commune de déconstruction par effondrement (domaine de la collapsologie) ... Le progressisme-sociétal triomphe d’autant plus aisément aux USA qu’il est évidemment favorisé par la gravité de la spécificité du problème racial qui l’exacerbe en renforçant ses diverses tendances, – lesquelles sont à terme antagonistes entre elles après avoir détruit toutes les structures traditionnelles. C’est là aussi pour une belle part l’œuvre d’Obama. Volens nolens, le premier président noir des USA que les belles âmes voyaient comme un achèvement de l’intégration multiculturelle et multiraciale a suscité une fermentation décisive de la situation raciale. Kunstler observe justement que cette situation, devenue explosive, est pire que lors de la crise des années 1960 et s’inscrit ainsi complètement dans la mouvance déconstructionniste dans sa composante progressiste-sociétale.
Kunstler : « La sous-classe noire est plus grande, plus dysfonctionnelle et plus aliénée qu’elle ne l’était dans les années 1960. Ma théorie [...] est que la législation sur les droits civils de 1964 et 1965, qui éliminait les barrières légales à la pleine participation à la vie nationale, suscita chez les citoyens noirs une anxiété considérable dans la nouvelle situation créée, pour diverses raisons. C’est précisément pour cette cause déjà qu’un mouvement de séparatisme noir était apparu comme une alternative à l'époque, menée initialement par des personnages aussi charismatiques que Malcolm X et Stokely Carmichael. [...] Le legs du mouvement “Black Power” [...] a été exacerbé par la croisade pour le multiculturalisme et la diversité qui [...] détruit le concept de culture commune nationale. »)
L’hégémonisme-chaotique a fonctionné littéralement comme un ferment de paralysie et d’impuissance des divers points de support de l’hégémonie US active du temps de la Guerre froide, jusqu’à l’invertir complètement et en faire un événement qui transmue en boulet la puissance des USA et l’entraîne vers les abysses. Le progressisme-sociétal, quant à lui, introduit une dynamique irrésistible qui ne peut conduire qu’à l’effondrement par parcellisation, par dissolution, par désintégration, de la société US telle qu’elle a existé du temps de la toute-puissance, de l’American Century ... Ceux qui luttent contre le progressisme-sociétal, les paléoconservateurs et les traditionnalistes de l’américanisme, ne peuvent le faire qu’en proposant leur propre version déconstructiviste, c’est-à-dire en s’opposant et donc en se séparant d’une partie de la population.
(Le paradoxe déjà très-souvent vu ici, – mais la répétition, comme celle du concept de l’effondrement, ne fait que renforcer la puissance du concept, – c’est bien que le déconstructivisme s’attaque au Système comme si le Système était son ennemi à détruire absolument, avec une rage et une haine féroces, alors qu’il [le déconstructivisme] est directement l’enfant du Système. Comme le scorpion, le Système retourne contre lui son venin dans une courbe élégante et même gracieuse de surpuissance-autodestruction.)
Tout cela va très, très vite, à cause de la puissance de la communication qui active une véritable compression du temps et une accélération de l’Histoire selon la forme désormais bien définie pour nous de “tourbillon crisique” enchaînant et intégrant toutes les crises qui naissent et se rajoutent au tourbillon, exactement comme se creuse un typhon qui se renforce d’une énergie extérieure en se creusant, en accélérant, en se chargeant d’une extrême puissance. Désormais, parmi les avis de personnes dignes d’attention du fait de leur attitude antiSystème, l’“optimisme” se mesure à l’espoir qu’on manifeste que l’effondrement ne fasse pas trop de dégâts. Ron Paul dit au Washington Examiner le 26 décembre 2017 : « Nous sommes tout proche de quelque chose qui ressemble à ce qui est arrivé en 1989 lorsque le système soviétique s’est effondré. J’espère seulement que notre système se désintégrera avec aussi peu de dégâts que le système soviétique. » Kunstler, lui, pense que le réveil des diverses “irréalités” sera d’une extrême brutalité : « Ce sera le moment où personne n’aura plus d’argent, ou beaucoup d’argent qui n’aura plus aucune valeur. De toutes les façons, la faillite fonctionnelle de la nation sera complète et rien ne fonctionnera plus, y compris la possibilité de trouver de quoi se nourrir... »
Qu’importe, la psychologie considérée ici comme un phénomène d’ordre collectif est prête, ou plutôt, plus encore, elle est demanderesse de l’effondrement du Système, de cela qui n’est rien de moins que la manœuvre invertie décisive de l’entropisation postmoderne se réduisant elle-même à l’entropisation (le coup du scorpion). Notre psychologie collective souhaite cet effondrement, elle le désire, elle le veut, pour que cesse cette intolérable attente dans un cadre de communication totamment mensonger, cette tension insupportable sous le poids du simulacre, consciente chez certains, inconsciente et latente chez d’autres qui sont le plus grand nombre. L’article de Kunstler, comme la déclaration de Ron Paul qui est venue à notre connaissance sans recherche particulière, constituent de ces signes manifestant la partie émergée de l’iceberg figurant l’attente de ces psychologies que nous décrivons ici.
Nous sommes dans une époque terrible, une époque de Fin des Temps. Il s’agit de cette époque terrible, encore bien plus terrible que celle que Vautrin décrivait au jeune Rastignac : « Il n’y a pas de principes, il n’y a que des évènements ; il n’y a pas de lois, il n’y a que des circonstances : l’homme supérieur épouse les évènements et les circonstances pour les conduire... » ... Une époque “encore bien plus terrible” où il nous faut “épouser” des évènements qui nous dominent, pour notre compte pour mieux les éclairer bien plus que pour “les conduire”, pour qu’enfin l’on puisse distinguer vers où se trouve la sortie de la grotte, et quand apparaîtra cette sortie.
Note
(*) D'après le titre du livre de Cornelius Ryan décrivant l'opération Market Garden lancée par Montgomery en septembre 1944 sur la Hollande et qui s'est terminée par un désastre qui décima une division aéroportée britannique pour l'objectif le plus éloigné, le pont d'Arnheim sur le Rhin.