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179604 février 2016 – La question de l’état mental du président, c’est-à-dire l’aspect de loin le plus radical de la critique portée contre lui, est débattue depuis un certain temps, et très fortement depuis les premiers jours de son entrée à la Maison-Blanche. Il s’agit de savoir si ce président est dans une capacité mentale d’assurer ses fonctions, et le débat public et non dissimulé comporte une large part consacré à la façon de s’en débarrasser, y compris par des moyens complètement inconstitutionnels qui confirmeraient a contrario que nous sommes, selon les accusateurs anti-trumpistes, dans tous les cas, – le président en fonction ou le président à éliminer, – dans une période tranquillement et sans état d’âme hors des normes démocratiques y compris pour ceux qui accusent Trump d’être hors des lois démocratiques.
(On remarquera que cette question fut souvent soulevée, ou aurait due être soulevée, à propos de très nombreux autres présidents, mais jamais d’une façon si systématique aux tous premiers jours de son mandat, et jamais d’une façon aussi radicalement intrusive par rapport à l’état psychologique seul [la même question ayant étant posée, ou qui aurait dû l’être, pour certains de ceux qui sont cités, concernant l’état mental de la capacité de gouverner à cause d’un état déficient de leur santé avec effets sur le mental]. La liste est impressionnante, même dans ce cas où nous la faisons non restrictive et concentrée sur la période des USA triomphants : Lincoln, Wilson, Harding, FD Roosevelt, Eisenhower, Kennedy, Johnson, Nixon, Carter, Reagan, Clinton, GW Bush, voire Obama pour de possibles dépressions qui furent l’objet de chuchotements. On notera que quasiment tous les présidents depuis 1933, sauf Truman et Bush-père, sont dans ce cas et certes, la pression de la fonction multipliée par la nécessité de n’en rien laisser paraître est une explication évidente de cette tendance qui s’exprime le plus souvent par des aspects dépressifs ou paranoïaques. Mais on doit répéter encore que Trump est un cas complètement à part car l’accusation d’état mental inadéquat pour la fonction a surgi dès le premier jour à la Maison-Blanche, sinon dès la campagne présidentielle.)
On réunit ci quelques pièces de pour et de contre (l’état mental déficient), mais il doit être entendu que ce ne sont que des exemples, l’argument état unanimement débattu et formant l’un des piliers de l’attaque de l’“opposition” contre lui, à côté de l’accusation d’être un “dictateur” (les deux étant souvent connectés : “dictateur fou”, “dictateur parce que fou” ou “fou parce que dictateur”, etc.). Le caractère le plus remarquable, on y reviendra, est la fantastique ambiguïté de cette attaque par rapport au sens de sa politique et à son opérationnalité. Cette politique telle qu’on peut l’analyser ne peut espérer réussir que si elle est menée sur un rythme extrêmement élevé qui peut effectivement suggérer un état mental déficient (un “rythme fou”, ou “le rythme d’un fou”) ; plus encore et surtout, elle va dans un sens qui, du point de vue du Système et parce qu’elle est objectivement antiSystème, est considérée comme celle d’un fou par les partisans du Système, comme dans toute situation totalitaire moderne nécessairement liée au Système. (En URSS, après la période stalinienne des liquidations sommaires et l’intermède plus ou moins exotique de la déstalinisation et de Krouchtchev vint, avec Brejnev à partir de 1964, la période “sanitaire” : les opposants au régime, – c’est-à-dire au Système, – était souvent internés dans des hôpitaux psychiatriques ; l’“opposition” au régime [au Système] était quasi-officiellement, ou quasi-médicalement, considérée comme “une maladie mentale”.)
• Un exemple standard de la démonstration de la folie-Trump nous est donné par Ruth Marcus, et l’on ne craindra pas d’être pris de folie en découvrant qu’elle est publiée dans le Washington Post (WaPo), qui est bien entendu le réceptacle favori de toutes les attaques anti-Trump. Marcus sembler estimer ce 27 janvier, que la semaine écoulée (« Trump’s erratic first week was among the most alarming in history »), la première de Trump-président, démontrait amplement cet état de démence de Trump, – nous interprétons à peine. Le discours de l’inauguration sembla devoir être considéré comme le signe le plus évident de la “la folie du président The-Donald”, avec cette accusation majeure implicite et absolument grotesque dans la consigne de la narrative qu’elle implique de ne pas comporter une description enthousiaste et heureuse de la situation courante : « In depressing retrospect, the dark inaugural address, with its invocation of “carnage” and “tombstones,” was the week’s high point. » L’auteure veut-elle dire le “high point” de la “la folie du président The-Donald” comme l’on disait “la folie du Roi George” ? Le texte dans ce “journal de référence”, qui concourt avec le New York Times et l’emporte plus souvent qu’à son tour pour le titre de Pravda of the Fourth Estat & the Free Press, se termine par un paragraphe énigmatique où il est question, de la part d’un sénateur républicain, d’envisager un projet de loi prévoyant un examen médical indépendant de tout président-en -fonction, y compris de ses conditions mentales, sans que l'on soit absolument contraint d'y voir une référence à l’actuel président-en-fonction :
« What is to be done? In a meeting last week with The Post editorial board, Jason Chaffetz (R-Utah), chair of the House Oversight Committee, said he was weighing legislation to require presidents to undergo an independent medical examination, including for mental health. Chaffetz cautioned that he wasn’t “talking about some of the rhetoric that’s flying around” about Trump. Still, he said, “If you’re going to have your hands on the nuclear codes, you should probably know what kind of mental state you’re in.” »
• Pour certains, la question de la santé mentale de Trump ne se pose plus puisque la question la plus urgente, qui contient la réponse à la précédente, est de déterminer comment se débarrasser de lui. L’exemple cité ici provenant d’un milieu pseudo-académique mais considéré comme tel, l’option de la liquidation physique pure et simple, et expéditive, n’est pas envisagée ; il va de soi qu’on la laisse à l’imagination débordante des lecteurs. La réalisatrice de la chose, c’est Rosa Bruce, qui fut tout de même conseillère du sous-secrétaire à la défense puis au département d’État de 2009 à 2011, qui est actuellement Schwartz Fellow au think tank nommé New America, anciennement the New America Foundation, dont le président du conseil d’administration est Eric Schmidt, CEO de Google, et dont l’un des principaux financiers est... Oui, vous avez trouvé : Georges Soros, surnommé “Who Else ?”
C’est donc d’une manière très académique que Bruce analyse très rationnellement “comment se débarrasser du président-Trump” puisqu’il apparaît, démocratiquement, après une telle première semaine, qu’attendre 2020 est vraiment irritant ; exaspérant voire impensable et que c’est manifestement l’option la moins acceptable au point qu’on dirait presque que “ce n’est pas une option”... Elle fait cela sur son blog, sur le prestigieux Foreign Policy où s’expriment les plus grands experts en matière de sécurité nationale, proposant notamment l’argument de la folie (douce ou pas, sous la rubrique “incapacité mentale”), d’une façon assez étonnante, comme une des quatre options, comme si finalement ce n’était pas une cause fondamentale (si le président est fou, il n’y a pas de question ni d’option) ; comme si elle observait pour nous, “bon si c’est finalement la meilleure option, allons-y pour ‘incapacité mentale’” ; comme si elle nous dirait, à peine à l’oreille, “eh bien si l’option est bonne il suffira de fabriquer le dossier ad hoc” ; comme si, enfin, elle laissait entendre clairement à notre attente que ce n’est ni une option ni une hypothèse puisque c’est un fait indiscutable...
« “Are we truly stuck with Donald Trump,” Brooks asked in her posting for Foreign Policy. “It depends. There are essentially four ways to get rid of a crummy president.”
» Brooks went on to outline four ways to remove President Trump from office, including impeachment, declaring him mentally unfit for office, or having the military overthrown him in a coup. While waiting for the next election in 2020 is possible, Brooks argued that after “such a catastrophic first week, four years seems like a long time to wait.”
» Impeachment, while an option, “take time: months, if not longer — even with an enthusiastic Congress. And when you have a lunatic controlling the nuclear codes, even a few months seems like a perilously long time to wait.” Another option is “an appeal to Vice President Pence’s ambitions” by having Trump removed from office after being declared unfit for office under the terms of the 25th Amendment.
»“The fourth possibility is one that until recently I would have said was unthinkable in the United States of America: a military coup, or at least a refusal by military leaders to obey certain orders,” Brooks said. “The prospect of American military leaders responding to a presidential order with open defiance is frightening — but so, too, is the prospect of military obedience to an insane order. ” “After all, military officers swear to protect and defend the Constitution of the United States, not the president. For the first time in my life, I can imagine plausible scenarios in which senior military officials might simply tell the president: ‘No, sir. We’re not doing that,’ to thunderous applause from the New York Times editorial board.”
• Du côté des fous qui ne croient pas qu’il est fou (fous parce qu’ils ne croient pas qu’il est fou), il y a Jeff J. Brown, sur le Saker US, qui trace un parallèle très appuyé entre Franklin D. Roosevelt et Donald J. Trump. Selon cette comparaison d’ailleurs, puisque les débuts frénétiques et inhabituels de Trump semblent tant compter pour mesurer le degré de folie du nouveau président, que dirait-on du jour de l’inauguration de FDR ; alors que FDR prêtait serment et prononçait un discours également tragique (« La seule chose dont il faut avoir peur, c’est de la peur elle-même »), son secrétaire au trésor était en train de rédiger la directive présidentielle ordonnant la fermeture des banques que le président entrant en fonction signerait aussitôt après la cérémonie, tandis qu’il emmenait tout son cabinet, juifs, protestants et catholiques mêlés, écouter « le Docteur Peabody [lisant] l'action de grâce pour “Ton Serviteur, Franklin, qui est sur le point de devenir Président de ces Etats-Unis” ». (Même si certains balaieraient l’analogie en observant que le 4 mars 1933, l’urgence de la situation exigeait de telles attitudes sans qu’on s’inquiétât de l’état mental de FDR, on pourrait observer qu’il n’est pas absurde d’estimer que le 20 janvier 2017, la situation n’était pas meilleure, la seule différence étant la chape de plomb que la presseSystème maintient sur la vérité-de-situation de notre Grande Crise.)
• Finalement, la meilleure justification qu’on puisse trouver pour le comportement de Trump, sans nécessaire explication d’un dérangement mental mais selon la logique du bouleversement qu’il entend provoquer vient d’un historien libertarien, qui n’est pas précisément trumpiste (mais qui est certainement encore moins clintonien puisqu’antiSystème comme sont les libertariens), Michael S. Rozeff. Il s’agit d’une description d’une méthodologie d’action qui ressemble absolument à l’action qu’avait entreprise Gorbatchev en mars 1985... Rozeff écrit sur le site, rendez-vous préféré des libertariens, LewRockwell.com, le 2 février :
« The Left and some Republicans are attacking Trump as a madman. The media are taking this tack. They are mightily confused, shocked and thrashing around.
» However, Trump’s actions and style are both rational. He is not a lunatic, not crazy, not erratic and not acting at random. What he’s doing is no less calculated or rational than anything that Bush or Obama did in the past 16 years, although I admit that sets a pretty low hurdle. Trump is no fool. What critics bemoan as “chaos” consists of calculated effects.
» He has definite goals in mind. He’s engaged in political shock therapy. He is also smart enough to bob and weave, mixing his statements up in ways to confuse his opposition, all the while placing them on the defensive. He has to use shock tactics and quickly if he wants to change anything, because the existing system is so frozen in place. The system is crusted over with frozen paths and barriers of money and power. He’s out to smash the psychology of it and its comfort level. He is not letting himself be captured by established interests, although he may feign such accommodation temporarily. Trump is a very clever man, from what I can see of how he’s operating.
» His style of dickering with other politicians overseas is designed to shake them up and force them into channels they’re not used to. Even their defensive reactions may be exactly what he wants from them. He’s breaking down the stuffy and guarded bureaucratic ways of assessing issues by his blunt language. This is designed to awake new ways and approaches to relations that are now frozen in ways he dislikes.
» This assessment is only of Trump’s mind and methods. It doesn’t attempt to say whether he will succeed, and it doesn’t evaluate the content of his goals. »
Le dernier paragraphe est donc essentiel : “Cette évaluation concerne seulement l’esprit et les méthodes de Trump. Elle ne constitue en aucune façon une tentative d’apprécier s’il réussira ni ne prétend nullement apprécier le contenu de ses buts.” Nous nous appuierons là-dessus pour affirmer, pour notre part, qu’il est inutile de chercher à juger le comportement de Trump selon des critères courants de la politique, – y compris sur la question de sa folie ou pas, – mais par contre de l’éclairer par sa relation intime et absolument antagoniste contre le standard opérationnel du Politically Correct (PC) et la narrative qui l’accompagne ; relation qui est de pure aversion, en plus de l’inversion qui va de soi.
Dans ce cas, le jugement qui prétend quasiment à l’objectivité médicales type-WaPo de la maladie mentale est en soi un bulletin de santé rassurant : Trump n’est pas fou une seule seconde selon les critères hostiles au Système tandis qu’on peut raisonnablement observer que ses critiques de l’hypergauche, eux, pourraient bien l’être, fous, ou disons le devenir en tentant de démontrer la folie-Trump... Cela conforte notre remarque : si les fous du standard-PC/Système le juge fou, c’est que, manifestement il ne l’est pas du point de vue de l’antiSystème.
Pour autant, nous ne sommes pas sortis de l’auberge puisque le festin n’est pas fini. Nous n’aurions qu’à demi compris Trump si nous ne faisions que déterminer ce qu’il semble bien éventuellement qu’il ne soit pas (fou). Un autre texte, reprenant différents avis sur des réactions de dirigeants étranger aux premiers jours de la présidence Trump nous aide à progresser dans l’exploration du personnage, mais sans réelle surprise par rapport à ce que nous savons désormais de lui. On notera comme une évidence que l’incertitude et l’incontrôlabilité sont évidemment les deux termes caractérisant le personnage du président, et par conséquent ce qui lui tient lieu de politique. Il faut bien admettre que cette incertitude et cette incontrôlabilité affectent également ceux qui croyaient pouvoir attendre Trump les bras ouverts, jugeant qu’ils avaient avec lui une alternative constrictive permettant de nous échapper des rets du Système, parce qu’ils pensent (faussement à notre sens) que l’on peut se sortir des rets du Système sans trop de dommages pour lui imposer des changements de l’extérieur... Quelques citations du texte référencé, de ZeroHedge.com du 3 février 2017 :
• Enfonçant une porte ouvertes, – mais il est bon que la chose soit actée, Tim Bale, professeur de politique à la Queen Mary University de Londres, remarque succinctment : « ...[O]ur reliance on the United States, in normal times, wouldn’t worry too many people... But Donald Trump doesn’t seem to be a normal president. » Par conséquent, oui, tout le monde est inquiet, préoccupé, incertain de tout ; la seule chose qu’on jurait être ferme dans ce mode de chaos déchaîné, la puissance et la pérennité de l’influence US, est devenue comme le sol qui se dérobe sous vos pieds...
• Andrew Shearer, qui fut conseiller de sécurité nationale pour deux Premiers ministres australiens, s’attarde à un portrait de Donald Trump, – pas vraiment enchanteur ... « “The troubling thing for allies is this kind of hard-edged, transactional approach, where longstanding relationships and all that shared history and shared military sacrifices going back to World War I just doesn’t seem to count for anything...” [...] “Every deal is a struggle between a winner and a loser,” he said of Mr. Trump’s style. “That approach might work in business, but as someone who’s been around foreign policy for a long time, I just don’t see how it’s going to work internationally.” »
• On connaît les déclarations de Tusk sur Trump, notamment dans cette mesure où les déclarations de Trump “rendent notre futur hautement imprévisible”. Un diplomate européen de haut rang est cité comme affirmant que « nous avions espéré une version plus nuancée, plus sophistiquée de Trump après son inauguration. Hélas, cela n’a pas été le cas ». (Déclaration juste dans l’absolu mais un peu arrangée dans la chronologie : personne au sein de l’UE n’avait vraiment quoi que ce soit en fait d’information et d’évaluation de Trump avant son élection puis son inauguration, puisque personne ne voulait croire à la possibilité, encore moins à la vérité possible de cet événement. Maintenant que l’événement est accompli et sa vérité-de-situation avec lui, nous en sommes au “hélas, hélas, hélas, trois fois hélas”.)
• Richard Haass, président du Council on Foreign Relations estime que Trump a introduit l’incertitude à propos du rôle que les USA jouent dans le monde. « [T]the new president has shown an openness to upending the foreign policy status quo. “He doesn’t feel confined by what he inherited,” he said. “In the short run everyone is trying to get a handle on the new administration,” Mr. Haass said. “But in the medium and long run, whether governments like or loathe what they’re seeing, I believe what every government will do is essentially rethink its relationship with the United States.” »
Avec lui (Trump), « every deal is a struggle between a winner and a loser », dit un des intervenants à propos de la “méthode”-Trump qui aurait ainsi tout du darwinisme le plus prédateur. D’une certaine façon, cet constat rejoint l’avis plusieurs fois répété d’un de nos lecteurs avec la formule “Struggle for Life” appliquée à Trump comme forme de “barbarie absolue”. (J.C. le 2 février : « L'abolition des frontières est une connerie car, dit en termes savants, la structure des corps humain et social est stratifiée. Trump l'a compris instinctivement; d'où, à mon avis, son revirement anti-globaliste. Par contre je suis convaincu qu'il reste un “Struggle for Life” [et même l'archétype du “Struggle for Life”]. ») Tout cela est sans aucun doute justifié, sinon déjà démontré par quelques faits posés par Trump-président.
Pour autant mais d’ailleurs selon une certaine logique, comme on le constate par les divers avis rapportés, cela ne donne comme effet que l’incertitude et l’imprévisibilité. D’une certaine façon, même les “partisans” de Trump (voir Buchanan et divers autres), – et les Russes avec eux, éventuellement, – peuvent se dire désappointés et surtout désorientés, parce qu’ils attendaient un changement de voie et un changement de cap qui auraient utilisé des références stables permettant d’identifier cette nouvelle voie et ce nouveau cap. Nous insistons sur ceci : ils ne sont pas déçus, ils ne se sentent pas trahis, car Trump ne rejoint pas le flux-Système, ne redevient pas Système, ils se sentent désorientés. Même les “adversaires” de Trump se retrouveraient éventuellement dans ce même état, ne sachant plus exactement comment contre-attaquer, comment frapper cette dynamique qui se dérobe chaque fois qu’on croit la saisir.
Nous avons écrit déjà plusieurs fois “l’événement-Trump” pour qualifier l’arrivée de ce faux-homme politique, et nous devons aller plus loin dans ce que suggère cette expression : Trump est un “événement” au sens le plus informel, sinon informe du mot, c’est-à-dire qu’il en a tout de l’insaisissable, de la fluidité et du fuyant, mais aussi de l’implacabilité et de l’inéluctabilité… Il est à la fois dynamique, mouvement, inconséquence, irresponsabilité ; il est l’instant présent et rien d’autre, sans passé ni stratégie, pour le struggle immédiat où il veut être le winner. De ce point de vue, nous revenons sur la définition déjà avancée par PhG, – « Trump est un “tourbillon crisique” » :
« Car Trump n’est rien d’autre qu’un “tourbillon crisique”, un de ces monstres sortis des ors et des paillettes de la postmodernité pour mieux étaler, par la représentation qu’il en fait à la manière d’un saltimbanque de génie, toutes les contradictions, apories, dissonances, antilogies, antinomies, paradoxes, absurdités, non-sens, contrepieds et j’en passe autant qu’il vous plaira, que le Système a installés comme autant de crises tourbillonnant vers un trou noir dans l’univers soumis à ses lois, par simple besoin de satisfaire à sa seule logique qui est celle de l’enchaînement déstructuration-dissolution-entropisation. Il devrait y avoir certes nombre de ces “monstres” en attente, mais lui seul, avec son génie-saltimbanque, il a réussi à occuper le devant de la scène pour énoncer ses propres exigences et leurs nécessités sans souci de la moindre cohérence, ni de la dévastation qui s’ensuit pour la logique régnante qui est celle du Système. Il nous place tous, – y compris lui-même mais si peu lui importe, – devant nos propres inconséquences et irresponsabilités. »
En ce sens qui, paradoxalement mais justement, n’a aucun sens, Trump, outre tout ce qu’il est et tout ce qu’on peut détester justement chez lui, outre tout ce qu’on peut distinguer chez lui qui l’éloigne de ce qu’on juge être antiSystème, est en vérité plus antiSystème qu’aucun être ne saurait se constituer parce qu’il se transforme pour agir en une fonction, en un seul “événement” ; et parce qu’il sème en vrai barbare “la dévastation [dans] la logique régnante qui est celle du Système”, cette transformation le fait par obligation événement-antiSystème ou antiSystème pur. Il n’y a aucune vertu en lui, aucun caractère durable, et il disparaîtrait aussi bien sitôt sa mission accomplie, – un peu comme Gorbatchev d’ailleurs, dont il est la version-hard comme Gorbatchev était du Trump-light.
Quoi qu’on en pense, quoi qu’on en juge, qu’importe parce que nous sommes dans une époque où les sapiens ne comptent plus pour ce qu’ils sont mais pour ce qu’ils représentent dans la vérité-de-situation : Trump est une nécessité par où il faut passer, un événement dont l’effet est une amplification cosmique du tourbillon crisique. Sa position tient aujourd’hui d’une sorte de prestidigitation du contre-pieds et de l’inversion puisqu’il semble être en train de réussir, – certainement d’une façon plus involontaire que volontaire, – à déconnecter une politique extérieure qui est un mélange déstructurant et contradictoire de menaces et de renversements d’alliances (par exemple, menacer l’Iran contre laquelle s’étaient rassemblé le bloc-BAO, tout en déstructurant ce bloc par son attaque incroyable de puissance de communication lancée contre l’UE) ; cela déconnecté d’une politique intérieure créant une situation de la société incroyablement polarisée jusqu’à ne plus pouvoir envisager la possibilité du “vivre-ensemble” de ses fractions (Kunstler, parlant le 3 février de la situation aux USA, constatant que « [la Gauche-Campus et la Droite-Trump] constituent les deux parties d’un ensemble politique, si pulvérisées et si éloignées l’une de l’autre qu’il est pratiquement impossible d’envisager qu’elles puissent jamais se retrouver dans ce consensus nécessaire à l’opérationnalité réussie d’une société »)...
Tout cela, cette accélération extraordinaire de la déstructuration et de la dissolution générale des USA avec la projection de ce chaos partout dans le monde, a, en quelques mois comme l'on vient à maturité après de nombreuses années de préparation, été réalisé par l’événement-Trump ; et il l’a été nécessairement aux dépens du Système puisque tout ce qui est en place aujourd’hui, tout ce qui constitue un ordre résiduel avec sa structure, est sous la maîtrise du Système. Trump l’antiSystème n’étant là que pour détruire, il ne nous apporte pas la solution du problème mais il s’affaire à débarrasser le problème de toutes les questions annexes de peu d’intérêt pour en venir à l’essentiel.
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