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2837Nous avons laissé trop longuement de côté notre ami Scott Adams, qui continue son observation de la situation des USA, désormais après l’élection de Trump. Il est temps d’y revenir, d’autant qu’il donne le 23 novembre une petite chronique sur un sujet bien intéressant : A Lesson in Cognitive Dissonance. Ce titre, assez strict, recouvre une situation assez originale et qui pourrait faire l’objet de remarques agrémentées d’une belle ironie sur une perspective marquée des excès considérables d’un phénomène pas vraiment nouveau parce qu’on l’a déjà expérimenté ici et là (Syrie, Ukraine surtout) mais qui acquiert une autre nature à cause de son ampleur, de sa profondeur abyssale et du vaste et fameux panorama où il s’exerce. Il s’agit de savoir si une hallucination collective qui a guidé un mouvement puissant pourrait, pour se sauver elle-même, se transformer par le fait d’une hallucination supplémentaire, l'hallucination initiale qui devrait, en quelque sorte, s’halluciner elle-même. Il s’agit du puissant mouvement critique de Trump, furieusement anti-Trump, développé pendant la campagne, fondé sur une dialectique progressiste-sociétale extrême rendue irrésistible pour nombre d’esprits à cause de la puissance du système de la communication manipulé par le Système et recrachée par une presse-Système elle-même dans un stade halluciné. Scott Adams pose la question de savoir ce que va devenir cette dynamique hallucinée devant la “réalité” qui apparaît.
(Écrivant cela, nous respectons l’esprit du propos de Scott Adams. En vérité, comme c’est le cas de le dire, nous dirions selon notre propre jargon “devant cette vérité-de-situation qui apparaît” puisque nous tenons que la “réalité objective” est pulvérisée par l’abondance des narrative permise par la puissance du système de la communication, et que nous évoluons avec des surgissements temporaires mais d’une extrême puissance de vérités-de-situation que la grande majorité des sapiens, ou zombies-Système, ne peuvent pas distinguer malgré cette puissance qui les contraint temporairement sans qu’ils en aient conscience. Ainsi laissons-nous ouverte de façon plus logique, moins pathologique en un sens, l’hypothèse de l’“hallucination qui s’hallucine elle-même” comme moyen quasiment volontaire quoique non identifiée par celui qui en use de tenter d’écarter cette contrainte de la vérité-de-situation. [A cette occasion en effet, nous avons découvert que le verbe “halluciner” pouvait parfaitement être utilisé de cette façon que nous étions poussé à utiliser, et que nous utilisons effectivement. Nous l’ignorions dans notre grande inculture, surtout des mœurs linguistiques postmoderne. Dans ce cas, c’est fort bien car le mode utilisé, s’il rend un son vraiment peu agréable en renvoyant au patois postmoderne du type “j’hallucine”, rend bien compte de la situation décrite, elle-même complètement postmoderne.])
Que dit Scott Adams ? Il prend l’appréciation du comportement de Trump depuis son élection d’un point de vue réaliste et en toute neutralité, et il constate que Trump annonce des mesures, rencontre des gens, déclare, tweete, etc., d’une façon qui n’illustre en aucun cas et même qui contredit l’Hitler-postmoderne raciste, xénophobe, etc., qu’on nous a décrit avec fureur, rage et terreur pendant des mois. (Cela ne signifie en aucune façon et bien entendu que Trump ne doive pas être considéré d’une manière critique, et cela se fait effectivement, notamment dans le chef de ses partisans lorsqu’il semble pencher pour des décisions fort contestable, notamment la possibilité du choix absolument désastreux et absolument catastrophique de prendre comme secrétaire d’État la vieille charentaise-Système qu’est Mitt Romney, – on pourrait difficilement trouver une décision de Trump, s’il la prend, qui serait plus une “erreur totale” par rapport à ce qu’il prétend faire. Mais l’appréciation critique reste largement dans le domaine de l’équilibre du jugement et de la raison bien tempérée par l’opinion, qui n’a aucun rapport avec la critique excommunicatrice et évoquant les flammes de l’enfer de “Trump-Hitler”.)
Nous-mêmes avons toujours eu une position quasiment d’épuisement intellectuel devant la tâche de réfuter ces affirmations (Trump-Hitler), tant l’évidence nous hurlait le contraire à observer, écouter, éventuellement comprendre le personnage de Donald Trump. L’idée est si obscène par rapport à la perception, le trait est si grossier, l’humeur est si hallucinée (justement) qu’il y a des difficultés pour un esprit normalement indépendant et un caractère un peu ferme à écrire une réfutation tant l’argument charriant une évidence aussi basique décourage par son caractère d’être presque une addition de lieux communs ; c’est-à-dire qu’on craindrait d’être happé par la médiocrité en réfutant une vision si complètement marquée par une hallucination d’une telle médiocrité. Quoi qu’il en soit, il a bien fallu, ici ou là, tenter l’expérience et nous proposerions bien, par exemple, cette description que nous en faisions, sous l’impulsion d’appréciations faites par Michael Moore sur la façon dont Trump s’est engagé dans cette affaire (voir le 3 octobre 2016) :
« D’autre part, ce même texte du 17 août, même hors de la question de sa complète véracité, permet d’avoir une meilleure perception du personnage qu’est Donald Trump, du milieu où il évolue, de ses préoccupations et de son comportement. On ne peut certes pas dire, sans surprise excessive, que l’impression générale soit exaltante ; cela permet de mettre d’autant mieux en évidence l’étrangeté de cette situation présente, avec ce milliardaire qui, sans le vouloir et même en n’ayant aucunement l’idée de faire cela selon Moore, “a enflammé le pays, particulièrement chez ceux qui sont l’opposé des milliardaires” ; il est vrai, comme le remarque Moore, que Trump est beaucoup mieux dans ses habitudes et dans son rôle à fréquenter des gens comme les Clinton ou les Obama, plutôt que les dizaines de milliers de “Deplorables” qu’il rassemble régulièrement autour de lui dans des meetings enthousiastes. Il s’agit effectivement d'une sorte de “Tintin chez les capitalistes” ; une étonnante péripétie chez les capitalistes, au cœur du capitalisme, pour une mise en cause tonitruante par la campagne du plus capitaliste d'entre tous, Donald Trump, de la production principale du capitalisme, – la pauvreté et l’instabilité... Et tout cela pourrait bien être vrai, véridique, conforme à une vérité-de-situation !
» Effectivement encore, cette description conduit à mesurer l’abîme d’absurdité ubuesque de la narrative concernant un Trump fasciste-nazi à peine dissimulé, avec des plans de mise en place d’un régime oppressif extrêmement structuré, qui serait le nième “nouvel Hitler” et le plus sérieux puisqu’américaniste (l’avez-vous imaginé avec son fameux combiné mèche-moustaches et son Sieg Heil ? Serait-il meilleur que Ludwig Von Apfelstrudel [“gâteau aux pommes” en allemand], demi-frère d’Hitler, alias Jacques Villeret dans Papy fait de la résistance ?). Par conséquent, il y a une interrogation majeure à développer sur l’extraordinaire aisance avec laquelle une telle narrative se développe dans le jugement des élites-Système des nations dites-civilisées, celles du bloc-BAO essentiellement, par exemple dans des pays réputés pour leur culture constante et attentive de l’intelligence en plus de leur position d’inspiratrices de la civilisation, comme la France du président-poire par exemple. »
Donc, poursuit Scott Adams, Trump se révélant peu à peu comme quelque chose de complètement différent de ce Trump-Hitler qu’on a dénoncé pendant des mois, que vont faire “les hallucinés” ? Vont-ils en rester à leur “vision” ? (Pour l’instant, ce qui se passe dans les rues de villes US ne rend pas la question inutile, au contraire elle la justifierait prioritairement.) Logiquement, Adams voit pour ces hordes hurlantes et déchaînées une alternative : réinterpréter leur propre perception, celle qu’ils ont eue de Trump, en la faisant passer de “perception fondée” à “perception sans la moindre valeur“, ou bien générer une hallucination encore plus forte (ce que Adams nomme “cognitive dissonance”, qui se comprend aisément, dont nous ferions, nous, plutôt “perception faussaire“, voire “perception manipulée par soi-même” pour la faire correspondre à la narrative à laquelle on est attaché).
Bien entendu, cette “hallucination encore plus forte”, nous l’interprétons plutôt comme “l’hallucination qui s’hallucine elle-même”, pour bien marquer qu’il y a un stade important qui est franchi avec l’élection de Trump et ce qui s’ensuit. L’hallucination initiale, qui évoluait sur un terrain vierge, sans vérité-de-situation, avec un système de communication dans sa partie-Système en pleine action, évoluait à son aise, sans véritable obstacle ; désormais elle doit évoluer avec l’obstacle énorme d’une vérité-de-situation que même la presse-Système doit rapporter au moins épisodiquement, et déjà avec quelques renégats type Robert De Niro qui rétropédalent comme autant de Bahamontes avalant en sens contraire le col de l’Aubisque en 1954. Il est donc bien question, ici, non pas de se laisser aller à l’hallucination, mais de s’halluciner d’une façon volontaire, – donc effectivement “l’hallucination qui s’hallucine elle-même”.
Bien entendu, Adams croit que nombre des anti-Trump vont choisir cette option décrite selon nous comme “l’hallucination qui s’hallucine elle-même”. C’est aussi complètement notre avis parce qu’on n’apaise pas sa propre hystérie confrontée à une vérité-de-situation par la reconnaissance de la chose, mais plutôt en y voyant une machination, une sorcellerie, – un complot si vous voulez, Hitler se faisant passer au début pour Trump pour mieux être Hitler ensuite, – et l’on en rajoute dans le sens de la révélation en rajoutant une hallucination nouvelle et volontaire à sa propre hallucination. Par conséquent, conclut Adams, « Anyway, enjoy the show » ; ce qui pourrait s’interpréter comme : “Quoi qu’il en soit, installez-vous dans vos fauteuils pour vous préparer à assister au spectacle grandiose d’une dynamique considérable dénonçant avec une fureur redoublée l’hallucination d’une hallucination comme affirmation du plus grand danger qui nous ait jamais menacés depuis Hitler, euh depuis Trump, euh depuis Trump-Hitler ou Hitler-Trump”. Dans une contrée annexe, type-Ukraine, ce genre de dynamique collective de l’hallucination multipliée par elle-même, ou hallucination au carré, a peu d’importance et on laisse “Kiev-la-folle” continuer sa danse de Saint-Guy loin des projecteurs ; mais aux USA, “centre du centre” et centre de toutes chose, Beacon of Freedom & Enlightment, modèle universel et ainsi de suite, cet aspect du Show Must Go on ne quittera pas le devant de la scène et ne sera pas sans effets ni conséquences considérables.
En attendant, voici le texte de Scott Adams, du 23 novembre sur son site, – et enjoy the show...
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Imagine you are one of the anti-Trump folks who believe we just elected a racist, sexist, homophobic, anti-semitic, science-denying dictator. Let’s say that’s the movie playing in your mind. That’s some scary stuff.
Now imagine watching the news as Trump reveals in slow-motion that he’s flexible and pragmatic on just about everything. Thomas Friedman at the New York Times just reported that Trump is – as of yesterday anyway – open-minded about climate-change science, and Trump is no longer in favor of waterboarding terror suspects.
You also watched Trump move to the middle on his immigration policies. And you watched as Trump said he plans to keep the good parts of Obamacare instead of jettisoning it whole.
And you saw Trump say he wasn’t interested in prosecuting Clinton. Her supporters were worried that Trump was going to go full-dictator and jail his adversaries. That won’t happen, apparently.
And Trump also told the New York Times that they don’t need to worry about changes in libel laws. That means it will not become easier for people such as Trump to sue them out of business. That was one of the possibilities that scared people.
The areas in which Trump hasn’t budged in his opinion seem to be where states’ rights are involved. Trump would leave it to the courts and to the states to decide on abortion, legal marijuana, and gay marriage. You might not like the fact that Trump wants the federal government to stay out of those decisions, but it isn’t very dictator-like to leave big decisions to the states.
As Trump continues to demonstrate that he was never the incompetent monster his critics believed him to be, the critics will face an identity crisis. They either have to accept that they understand almost nothing about how the world works – because they got everything wrong about Trump – or they need to double-down on their current hallucination. Most of his critics will double-down. That’s how normal brains work.
And that brings us to our current situation. As Trump continues to defy all predictions from his critics, the critics need to maintain their self-images as the smart ones who saw this new Hitler coming. And that means you will see hallucinations like you have never seen. It will be epic.
The reason this will be so fun to watch is that we rarely get to see a situation in which the facts so vigorously violate a hallucination. Before Trump won the presidency everyone was free to imagine the future they expected. But as Trump continues to do one reasonable thing after another, his critics have a tough choice. They can either…
1. Reinterpret their self-images from wise to clueless.
or…
2. Generate an even stronger hallucination. (Cognitive dissonance.)
If Trump’s critics take the second option – and most of them will – it means you will see a lot of pretzel-logic of the type that is necessary hold onto the illusion that Trump is still a monster despite continuing evidence to the contrary.
Prediction: Expect the anti-Trump press to continue asking Trump surrogates this question: “Why do you think the KKK and white nationalists support Trump?”
The question makes sense if you don’t think about it for too long. But once you realize that Trump has repeatedly and publicly disavowed those groups, you have to hallucinate extra-hard to make the racist narrative work. That’s where the “top-secret-racist-dog-whistle” comes in. You need a theory to explain why the supposed Racist-in-Chief keeps disavowing racists. How does that make any sense?
This is where cognitive dissonance comes in. In order to explain Trump’s disavowal of White Nationalists and the KKK while holding onto the hallucination that Trump is a dangerous monster, you have to hallucinate that he is playing a clever game of pretending to be against racists while secretly planning to purge the earth of all non-orange people.
That feels unlikely to me. I think Trump just wants to do a good job for the country, thereby bringing money and glory to his family name. And he won’t get any of that by being a racist monster. He only gets that happy ending by being pragmatic and flexible, exactly as we observe him now to be.
I think the total number of KKK members is a few thousand people sprinkled across the country. But what matters more than the absolute number is the trend. The group once numbered over a million. Now they are a few thousand. Did Trump’s election cause a spike in recruitment that will have a lasting impact on the long term trend toward zero membership? I doubt it. But in any case, you have to wonder why the press isn’t reporting KKK membership trends. Every other part of the story is meaningless without that one piece of data.
Anyway, enjoy the show. And enjoy Thanksgiving too.
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