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3002Effectivement, on ne peut pas ne pas se poser la question : mais pourquoi et comment les USA ne bombardent-ils pas plus efficacement Daesh depuis un an et demi qu’ils ont lancé une coalition contre l’entité en question ? Pourquoi et comment n’ont-ils rien fait contre les convois sans fin de camions-citernes baladant le pétrole-Daesh vers la Turquie, sur des dizaines et des dizaines de kilomètres, voire quelques centaines de kilomètres, tant que la chose est visible à des kilomètres et des kilomètres, voire l’une ou l’autre dizaine de kilomètres d’altitude ? On ne dira pas tout de même qu’ils n’étaient pas au courant ? Non ? Oui, on le dira ? Ce sont les questions cruciales que RT posait in fine hier au journaliste Marcus Papadopoulos, de la revue Politics First, – dans tous les cas Papadopoulos l’a bien compris ainsi.
RT : « Pensez-vous que les Etats-Unis suivront l’exemple du ministère russe de la Défense qui a partagé ses données de renseignement concernant Daesh ? »
Marcus Papadopoulos : « Personne n’entend sérieusement mettre en doute que les Américains n’étaient pas au courant des révélations russes concernant le président Erdogan et les dirigeants turcs. Les Etats-Unis disposent de l’un des services de renseignement les plus puissants dans le monde, ainsi que le Royaume-Uni et la France. Ils savent ce qu’a fait la Turquie. Franchement, ils peuvent dire qu’ils entendent bombarder les lignes du pétrole de Daesh en Syrie. Mais pourquoi ne l’ont-ils pas fait durant l’année écoulée ? Les Américains «bombardent» Daesh depuis une année, mais c’est un échec : les territoires contrôlés par Daesh en Syrie se sont considérablement élargis. Alors, bien sûr, les Etats-Unis peuvent dire qu’ils vont bombarder les lignes de pétrole de Daesh, mais les actes sont plus éloquents que les paroles. Encore une fois. C’est la Russie qui lutte contre Daesh dans les airs, c’est ce pays qui bombarde les lignes du pétrole de Daesh, pas les Américains. Les Américains en ont les capacités, les mêmes capacités d’ailleurs que l’aviation russe. Ils auraient pu le faire mais pourquoi ne l’ont-ils pas fait ? C’est la grande question à laquelle la Maison Blanche, le département d’Etat et le Pentagone doivent répondre. Les militaires russes et syriens sont les seuls qui combattent réellement Daesh et tous les groupes islamistes en Syrie. »
... Et pourtant ! Il faut s’arrêter à cette question de Papadopoulos («Ils auraient pu le faire mais pourquoi ne l’ont-ils pas fait ? ») et surtout à sa réponse concernant la nécessité que les trois grands centre de pouvoir de la sécurité nationale US ont de donner une réponse commune à cette question : « C’est la grande question à laquelle la Maison Blanche, le département d’Etat et le Pentagone doivent répondre. »
Pour cela, on passe à l’article de Rowan Scarborough, dans le Washington Times du 1er décembre, qui décrit une audition du général Dunford, nouveau président du Comité des chefs d’état-major (JCS), accompagné du secrétaire à la défense Ashton Carter curieusement désigné comme “témoin” («...a hearing on war strategy that included Defense Secretary Ashton Carter as a witness »), – comme si Carter, qui n’était effectivement pas auditionné par le Comité, avait voulu marquer à la culotte son chef d’état-major général pour mieux contrôler ses déclarations, et les compléter éventuellement, – et comment ! (Certaines photos montrent d’ailleurs un certain désarroi de Dunford lorsqu’il regarde Carter, comme s’il craignait de parler dans le sens où il ne faut pas. Nous aurions un grand désir de le rassurer.)
L’intérêt de cette audition est que les deux auditionnés, puisqu’ils étaient deux finalement, avaient affaire à forte partie. D’habitude, lorsqu’il est question de problèmes stratégiques ou de la sorte, l’attitude des chefs militaires et de détourner les questions des parlementaires par des affirmations opérationnelles que ces parlementaires, peu instruits de la chose, ne peuvent discuter. Mais les dernières élections de novembre 2014 ont amené à la Chambre des jeunes parlementaires, encore récemment militaires, ayant opéré dans les conflits récents ou en cours, et donc avec une forte expérience opérationnelle, – et à ceux-là, un général, même au plus haut de la hiérarchie, et même surtout parce qu’il est au plus haut de la hiérarchie, ne peut pas (ne peut plus) leur imposer le silence. (Dans la Commission des Forces Armées, on trouve ainsi la députée Martha McSally, qui fut la première pilote de combat de l’USAF en 1997 et qui termina avec le grade de colonel, comme première femme commandant un groupe de combat [en 2005] de A-10A WartHog opérant notamment en Afghanistan ; le député Seth Moulton, ancien officier du Corps des Marines [comme Denton], chef de compagnie qui effectua quatre tours opérationnels durant la guerre d’Irak ; le député Jim Bridenstine, qui fait partie de la réserve et vole régulièrement sur E-2C HawkEye et sur F-18 Super Hornet à bord de porte-avions de l’US Navy.)
• Plusieurs choses sont sorties de cette audition, et d’abord la révélation assez extraordinaire que le département d’État et le département de la défense viennent de réaliser qu’ils ne coordonnaient pas leur action, leurs renseignements, leurs évaluations, leurs intentions dans la lutte contre Daesh et qu’il serait temps de songer à le faire ; ce qui est fait depuis octobre 2015 alors que la pseudo-lutte US anti-Daesh est en marche théoriquement depuis juillet 2014. La coopération entre services de pays amis avec ceux des USA correspondants est certainement plus effective, d’ores et déjà en place, etc., que celle qui n’existe pas entre le Pentagone et le département d’État.
« It was not until two months ago — as the war against the Islamic State was over a year old — that the Pentagon and the State Department began regular high-level planning meetings to make big decisions on how to defeat the terror army in Iraq and Syria, the nation's top military officer told Congress on Tuesday. [...] Marine Corps Gen. Joseph Dunford, chairman of the Joint Chiefs of Staff, said top Pentagon leadership and Secretary of State John F. Kerry began the sessions in October. “We meet about every three or four weeks on specific issues in a campaign,” he told the House Armed Services Committee at a hearing on war strategy that included Defense Secretary Ashton Carter as a witness.
» “I think it's fair to say there was a recognition — Secretary Carter and Secretary Kerry recognized that we weren't as integrated across the government as we should be,” Gen. Dunford said. “So about two months ago, we began to meet on a periodic basis to attack specific issues,” he said. “So far, the oil issue is actually an outcome of the first meeting that we had, and the most recent meeting was on foreign fighters because that clearly requires the whole government.” “Am I satisfied with the level of integration? No. We’re working on that,” he said. »
• On a aussi parlé des attaques, ou de l’absence d’attaque contre les flots de pétrole allant de Daesh vers la Turquie. Le secrétaire à la défense Carter semblait irrité par ces questions, qu’il prenait pour lui alors que la personne auditionnée était le général Dunford. Finalement l’explication du “retard” est simplement que le Pentagone n’a pas songé jusqu’ici, ou jusqu’à très récemment, à développer les moyens de récolter le “type de renseignement” permettant d’identifier et d’attaquer ces camions-citernes.
« The testimony about oil and a flawed interagency process brought complaints from the committee's newer, more hawkish Republican members who have military combat experience. Rep. Martha McSally, a former Air Force A-10 pilot and the first woman pilot to fly into combat, recalled air power seminars that called for the maximum strikes possible. “You identify those centers of gravity or critical capabilities and vulnerabilities, and then you unleash American air power that overwhelmingly goes after them,” the Arizona Republican said. “We're just now realizing oil trucks are moving. It’s been reported from the very beginning I’m deeply concerned about the lack of using American air power for all it brings to the fight.”
» Mr. Carter testified that it was not until recently that the U.S. developed the intelligence to distinguish which trucks were carrying Islamic State oil. With that knowledge, over 400 trucks have been destroyed, he said. [...]
» One important new move is the creation of a “specialized expeditionary targeting force” that will involve putting an unspecified number of U.S. special operations forces into Iraq on a “standing” or permanent basis — boots on the ground. Its missions in both Iraq and Syria will include raids to capture or kill Islamic State leaders, intelligence gathering and hostage rescue. “That creates a virtuous cycle of better intelligence, which generates more targets, more raids and more momentum,” Mr. Carter said. To date, the U.S. has only captured a handful of Islamic State operatives, Gen. Dunford said, adding, “The lack of human intelligence hinders our campaign.” »
D’autres sujets polémiques ont été abordés, comme le fait d’avertir les chauffeurs des camions transportant le pétrole des terroristes d’une attaque prochaine, certains élus se demandant au nom de quoi il fallait considérer que ces chauffeurs n’étaient pas des adversaires au même titre qu’un combattant de Daesh. Tout au long de l’audition, effectivement, le malaise de Carter et l’ahurissement épisodique de Dunford étaient palpables. D’une certaine façon, il ne nous paraît déplacé et peu concevable de douter de ces explications, extrêmement détaillées et mettant en cause d’autres services et département. (Les officiels ne peuvent s’aventurer à mentir dans une déposition sous serment que dans des circonstances exceptionnelles et d’une façon très allusive, le mensonge le plus répandu étant à cet égard le refus de répondre au nom de secret de sécurité nationale, qui peut être évoqué de manière abusive, voire mensongère.)
On dira qu’on se trouve au cœur de l’“hyperimpuissance”, productrice d’immobilisme, d’incapacité d’adaptation et d’ignorance totale de la moindre souplesse d’action, d’absence de coordination, de refus de sortir de normes contraignantes, de craintes d’interférer sur d’autres politiques ou sur ce qui est perçu comme des divergences possibles avec d’autres pouvoirs washingtoniens, d’ignorance volontaire et de refus d’impulsions ou de renseignements venus de sources US extérieures à la bureaucratie du département ou de l’agence. Il en résulte une impuissance et une paralysie générales tandis que les narrative diverses des différents services de communication des différents centres de pouvoir (washingtoniens, toujours) s’entrechoquent et créent une cacophonie générale qui rend totalement incompréhensible le comportement de l’entité nommée sécurité nationale des USA. C’est certainement de cette façon que s’organise le déclin en forme d’effondrement de la puissance US, avec les conséquences sur l’influence en déroute des USA que l’on constate partout.
Pour clore le chapitre, on se tournera vers la Maison-Blanche, qui est le palais des mystères, une sorte de labyrinthe de miroirs déformants, ou comme le dit le colonel Pat Lang sur son site Sic Semper Tyrannis (SST), une forteresse faite d’une “narrative impénétrable”. Il est certain que Lang, ancien colonel de la DIA, a été inspiré pour l’usage de cette expression par le Général Michael Flynn, qui dirigea la DIA de 2012 à 2014 et qui ne cesse de se plaindre de la barrière totale qui fut opposée par la Maison-Blanche aux information de la DIA sur la formation de Daesh. (« Our colleague David Habakkuk remarked here that LTG Flynn and the DIA encountered in Obama's Borgist administration an “impenetrable narrative.” »)
Lang a ainsi tronçonné les dernières déclarations d’Obama à Paris, le 1er décembre, en gardant quelques phrases types qu’il a interprétées. Toutes les hypothèses, – complots, complaisance, manœuvres, indifférence, etc., – peuvent être évoquées, mais c’est surtout l’évidence d’un monde, d’une “bulle” complètement fermée sur l’extérieur qui doit venir à l’esprit. On comprend dans tous les cas que cette “position” politique au plus haut degré du gouvernement ne fasse bien entendu qu’alimenter la paralysie et l’inefficacité totale de l’“hyperimpuissance” que l’on constate par ailleurs. Ci-dessous, le tronçonnage et les interprétations de Lang :
« Syria. Paraphrasing – “I have been convinced for the LAST FIVE YEARS that Assad must go, must be removed from office.” Well, pilgrims, five years ago was BEFORE the Syrian Civil War. Did he simply misspeak? Did he mean four years? Or, was this a Freudian slip in which he really admitted that he had decided to get rid of Assad BEFORE the civil war began? If he really did mean five years then the accusation that the US, Saudi Arabia and Israel promoted the revolt in the context of “The Arab Spring” gains weight in the debate over the origins of the civil war.
» Jihadi groups in the Syrian National Congress (SNC). Paraphrasing – “Some of these groups are not people we have much in common with and we know that the transition post-Assad will be ‘messy’ but these groups are important to some other countries in our coalition...” Can there be any doubt that he was referring to Sultan Tayyip's Turkey, Wahhabi Saudi Arabia and Wahhabi Qatar? Do he and his Borgist crew not understand that these Islamist forces seek a Syria in which their varied visions of a Sunni Islamic future are triumphant and in which religious minorities are reduced to dhimmitude. Is this what the emperor of us all thinks is a desirable outcome in Syria?
» Russia. Paraphrasing – “They will ‘come around’ to our view about Syria and accept that what we want must be.” Once again, pilgrims, I see nothing in anything the Russians are doing that indicates they are going to “come around.” ... The War. Paraphrasing – “Nothing the Russians have done since they began their operations in Syria has changed the situation. They will eventually understand that a military solution in Syria is not possible.” SWMBO listened to that and remarked that this man knows nothing of war. I agree. [...]
» Turkey. Paraphrasing. “I am assured that Turkey will seal its border against movement of IS oil, people and supplies.” Sultan Tayyip must believe that he has already died and gone to heaven.
» His attitude. His imperial majesty displayed the now familiar petulant disdain for all who dared question him. The atmosphere was the kind of thing one sees in meetings in which a teacher tries to contain his patronizing of students. His reference to the UK as “the Brits” was painful to hear. »
Mis en ligne le 3 novembre 2015 à 11H17
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