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5823Après les trois semaines d’émeutes en octobre et novembre 2005 qui avaient concerné pas moins de 300 communes en France, les pays européens ont pris au sérieux la menace insurrectionnelle urbaine. Le bilan après la mort des deux jeunes adolescents pris en chasse par la police et piégés dans un site EDF, 6000 interpellations et 1300 personnes écrouées, a été lourd. Les violences ont décliné puis cessé après que le gouvernement ait décrété l’état d’urgence. Nicolas Sarkozy, alors Ministre de l’Intérieur, avait fait appel aux conseils techniques du régime de Tel Aviv. Le Ministre de la Sécurité publique et un Haut Commissaire ont été mandés pour passer 4 jours en France et livrer leur expérience accumulée lors de la répression sanglante de l’Intifada de l’an 2000.
L’ordre néolibéral devait être défendu de l’émergence probable d’une révolte populaire.
Le Danemark a offert en mars 2007 aux corps répressifs de quelques pays un terrain d’expérimentation de techniques de contrôle d’une insurrection au centre d’une ville. Une maison de quatre étages, mise à la disposition par la mairie depuis 25 ans à des jeunes de la culture underground et finalement vendue à une église évangéliste fondamentaliste devait être évacuée au profit de ses nouveaux acquéreurs. Tout un dispositif que ne nécessitait pas la situation, à peine une quarantaine de jeunes gens de moins de vingt ans dormaient là, a été mis en place pour faire éclater une émeute. L’expulsion des occupants d’Ungdomshusetdans le quartier de Noerrebro allait être réalisée par une unité d’élite de la police de très bonne heure un matin. Déposée par un hélicoptère sur le toit, elle a été appuyée par des canons à eau au sol et des grues qui ont transporté jusqu’aux étages des policiers anti-émeutes, surprenant les résidents dans leur sommeil.
Il s’en est suivi des batailles de rues vite étendues à d’autres quartiers de la ville. Incendies de voitures, jets de cocktail Molotov et de pavés, barricades ont été la réponse d’une jeunesse qui a été délibérément provoquée. La ‘guerre des rues’ a duré quelques jours et a donné lieu à des milliers d’arrestations. Le porte-parole de la police danoise avait d’abord nié la présence d'unités actives venant d'autres pays d'Europe. Il a fini par reconnaître que des policiers étrangers pouvaient avoir été présent en ‘qualité d'observateurs’. Les législatives de 2001 avaient mis au pouvoir une coalition du parti libéral d’Anders Fogh Rasmussen et du Parti populaire conservateur, soutenue par le Parti du Peuple danois ouvertement raciste et xénophobe. Le système politique a alors adopté une politique chauvine visant autant la gauche que les musulmans fort peu présents dans ce pays qui réglemente très strictement l’immigration.
Les attentats du 11 septembre 2001 ont permis de faire muter le problème de l’inégalité économique entre nations en une question de lutte contre le terrorisme. Ils ont aussi autorisé ici et là une transformation des luttes sociales en luttes raciales dissolvant le caractère économique de la régression des acquis des travailleurs, principe subrepticement inclus dans le Traité de Maastricht puis le Traité constitutionnel européen. Les partis de gauche, comme les directions syndicales, absorbés par le système et préoccupés uniquement à mettre en avant des revendications sociétales t se sont absentés du terrain social . Ils ont même été souvent à l’œuvre pour promouvoir la flexibilité, c’est-à-dire la précarité, et l’aide à l’emploi autrement dit les privilèges fiscaux accordés aux grosses entreprises ainsi que la suppression de la part patronale du salaire social différé, retraite, assurance maladie et chômage. Ces entités, devenues accessoires puis inutiles potiches, ont fini par disparaître fonctionnellement et ontologiquement.
Puis vint cette vague jaune inattendue, acéphale, vivante de ses mille molécules toutes agrégées autour du refus de la mise en esclavage salarial à vie au profit de quelques privilégiés et nantis. Semaine après semaine, elle revient, plus puissante. Elle surmonte allégrement les digues qu’on lui oppose. Chaque nouveau blessé, chaque arrestation arbitraire la renforce.
Le discrédit
Elle est réfractaire à toute division et se montre inclassable dans les catégories classiquement réprouvées par la moraline du plasma idéologique ambiant. Ni raciste, ni d’extrême-droite, ni d’extrême gauche, ni antisémite ni homophobe. Rien de tout cela.
La mutilation
La violence policière sciemment organisée ne l’affaiblit pas. Chaque nouveau blessé, chaque arrestation arbitraire la renforce.
Un temps, au début, on pouvait l’attribuer à l’inexpérience d’unités non ou insuffisamment entraînées à la guérilla urbaine et au contrôle des manifestations. La sidération produite par la crise financière mondialisée de 2008 aidée d’une réticence à l’offre politique a pu faire croire en effet à la disparition définitive de toute forme de rébellion. L’austérité élevée au rang de religion d’Etat, alpha et oméga de toute orientation budgétaire, avait mené à une restriction du personnel répressif qualitativement et quantitativement. Mais il a fallu admettre que les assauts répétés dans plusieurs villes, à l’occasion de nombreuses manifestations sans violence de la part de ses participants ne sont pas le fruit d’erreurs d’appréciation des forces policières et apparentées. Les têtes et les yeux sont visés délibérément et très adroitement atteints par les lanceurs de balles ‘de défense’. Le gazage systématique de foules rassemblées et soigneusement encerclées dans des places n’est pas non plus fortuit. Il est accompagné de lancers de grenades de désencerclementet d’usage de canons à eau alors que nul danger n’est couru par les forces répressives.
Une atmosphère de guerre asymétrique est présente à chaque fin de manifestation.
Asphyxié, aveuglé par des gaz chlorés lacrymogènes, chacun tente de fuir l’agression sans trouver d’issue de sortie. Les ordres de la préfecture sont exécutés, il ne s’agit donc pas de disperser mais de punir. Pas de quartier, sus aux revendicateurs !
Le contre-feu
La contremanifestation organisée le dimanche 27 janvier n’a rassemblé que quelques centaines de personnes. Macron n’est décidément pas un De Gaulle, Riester n’est pas non plus un Malraux et il manquait 990 000 foulards rouges pour atteindre le million de supporter à l’équipe Macron. Cet échec patent souligne si besoin était l’illégitimité du pouvoir en place totalement déconnecté de la réalité concrète vécue par les millions de Français poussés en dehors de chez eux vers des ronds-points, des carrefours et des centre-ville.
La division
Ils ne se sont pas désignés de chef et récusent toute instrumentalisation de la part de l’ennemi politique. Ils jouent spontanément la partition de la solidarité. La liste pour les européennes contestée pour usurpation du titre gilets jaunes semble vivre des jours difficiles avec le retrait momentané de son directeur de campagne.
La distraction
Le Grand Débat national devait mettre un terme au mouvement des GJ. Il est apparu rapidement comme une manœuvre des communicants élyséens destinée à rendre illégitime et sans objet la colère populaire. L’exécutif consent à donner des leçons à des collèges de maires soigneusement sélectionnés et évite de prendre en compte les doléances émanant des citoyens. La concertation de deux mois sur quatre thèmes étroitement balisés s’effectuera sous contrôle par une autorité administrative sans aucune indépendance. Il est aussi le premier moment du lancement de la campagne des élections pour le Parlement européen qui se tiendront en mai 2019, scrutin de plus en plus boudé par les citoyens européens avec des taux d’abstention de plus de 50%.
L’interdiction
Maniant une séduction qui n’opère plus et le bâton, le régime de cette 5ème République finissante se propose de faire voter une loi anticasseurs qui, si elle venait à être adoptée, reviendrait à une véritable abrogation du droit constitutionnel à manifester, rejoignant en cela les mesures adoptées par le maréchal al Sissi qui avait interdit manifestations et grèves dès son arrivée au pouvoir. Le texte est jugé liberticide y compris par des députés de la majorité ‘En Marche’.
Pendant ce temps-là, Macron continue ce qu’il sait faire de mieux et pour quoi il a été porté au pouvoir, brader des biens nationaux et dépecer la nation. La fusion Alstom-Siemens va donner lieu en réalité à une absorption du groupe du rail par l’entreprise allemande qui sera majoritaire à 50,5%. Il s’agit bien du rachat de l’activité ferroviaireAlstom par Siemens et le terme de fusion n’est qu’une formule promotionnelle destinée à calmer les 67 000 emplois français qui risquent bien d’être translatés en Allemagne et transformés en emplois précaires pour Polonais, Ukrainiens ou immigrés récents syriens.
Macron s’apprête également à céder au secteur privé ADP, les trois aéroports d’Orly, de Charles de Gaulle et du Bourget. L’Etat sera délesté d’une rentrée financière importante en augmentation constante avec l’accroissement du fret Paris étant une des premières destinations touristiques mondiales. Cette opération comporte de plus le risque de l’augmentation des taxes aéroportuaires et du prix des billets d’avions, constituant un facteur de ralentissement de leur fréquentation. On peut raisonnablement considérer qu’il s’agit d’un choix malheureux pour un pays dont l’ambition est de devenir un pays avec un PIB alimenté essentiellement par les services du tourisme.
Le service publicest une notion de droit public et administratif évolutive et d’une grande plasticité. Quand des organismes ou personnes privées l’assurent, elles doivent se soumettre à un régime juridique de droit public et ne pas rechercher le profit. En déléguant à la société privée Streeteofiliale d’Indigo la gestion du contrôle des paiements du stationnement payant en voierie de la capitale, la mairie de Paris réintroduit le fermage de l’impôt avec rentabilité de l’activité qui lui est attenante.
Le même type de prise en charge par le privé a été institué dans de nombreuses villesfrançaises. Depuis qu’elle a adopté le principe d’une police municipale indépendante de la préfecture de police de Paris, Hidalgo va avoir recours à des sociétés privées de sécurité pour contrôler l’accès aux arrondissements piétonnisés un dimanche par mois. L’obsession escro-écologique de la guerre aux voitures conduit à donner à des personnes non assermentées la prérogative de vérificationdes documents d’identité.
Les suppressions de postes,près de 2130, programmée par le Ministère des finances et de l’économie fait craindre à juste titre l’extension de sociétés privées de fermage et le retour aux méthodes de l’Ancien Régime et une aggravation de la charge fiscale qui pèse sur les plus démunis. Les plus puissants, on le sait, savent tout des techniques de l’optimisation fiscale.
Il faudrait pouvoir recenser exhaustivement tous les domaines où le public disparaît en faveur du privé sans que l’administration n’ait les moyens de contrôler la conformité de son activité dans des domaines d’intérêt général comme pour le médicament, l’eau et la gestion des déchets.
Les inégalités se sont creusées tout au long des quatre décennies précédentes, elles prennent des proportions monstrueuses, véritable violence incompatible avec une vie sociale sans heurts. Les parrains de Macron l’ont compris. L’affrontement devenu inévitable est en cours. Les GJ ont intégré désormais que leurs balades même imprévisibles et désordonnées dans les villes et leur occupation de nœuds de circulation est insuffisante à faire plier un système qui n’hésite pas à mutiler avec des armes de guerre. Ils ont décidé de s’emparer de la grève reconductible. Les syndicats n’ont qu’à bien se tenir, elle se fera avec ou sans eux.
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