L’intronisation d’Alex Jones

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L’intronisation d’Alex Jones

Ils font des erreurs, de grosses erreurs, malgré leurs moyens colossaux et leurs certitudes basées sur la puissance et une utopie grossière et sombre comme le Mordor travestie en un idéal lumineux (Hillary elle-même qui y croirait à cette lumière, « midinette du militantisme bon chic bon genre et un peu écolo... ») – ces erreurs “malgré leurs moyes colossaux...” , ou peut-être à cause de ceci et de cela, non ? Oui, certes... Un exemple archétypique de leurs erreurs, la dernière en date et de belles dimensions, c’est d’avoir choisir sans que personne ne les y contraignait en rien de croiser le fer avec le fameux Alex Jones, de Infowars.com, – mais “fameux” jusqu’alors selon un enfermement dans une clandestinité comme seul le Système sait en ménager en mettant à l’index ses adversaires sans les nommer, sans les accepter en tant qu’êtres, en les condamnant à l’épouvantable réputation implicite du non-être... (C’est-à-dire “fameux” sans existence, “fameux” par inversion, “fameux” dans la non-existence officielle, broyé par la technique du négationnisme qui est une sorte de “néantissement” par la communication et dont le Système est le véritable artisan, l’ardent promoteur et l’efficace opérateur.) Du moins était-ce jusqu’alors la stratégie très efficace du Système, et l’on peut considérer qu’elle vient d’être rompue d’une certaine façon et même d’une façon brutale, qui montre l'extrême vulnérabilité et la trouille panique de ses plus brillants drigeants dans cette élection présidentielle qui n’en finit pas de ne pas se montrer pour ce qu’elle et de ne pas laisser deviner le résultat dont elle va accoucher : Alex Jones et son Infowars.com existent donc...

(Bien... Alex Jones n’est pas absolument notre tasse de thé, tant s’en faut, et l’on dira qu’il y a vraiment à boire et à manger. Le problème est que du côté du Système, Obama, Hillary, New York Times & Cie, il y a non seulement à boire et à manger, mais il y a également et surtout à dégueuler, et à dégueuler encore... Dans notre texte du 16 octobre, nous écrivions de lui, ironie éventuellement pas trop malveillante mais largement sur la réserve : « Le pétulant Alex Jones, spécialiste des complots et false flags, et donc comme un poisson dans l’eau par les temps qui courent où une simple averse passagère pourrait être soupçonnée, y compris par Team Obama, d’être un false flag de l’Alt-Right pour faire élire la marionnette de Poutine [Trump], Alex Jones, donc, en tient pour sa menace de guerre nucléaire fomentée par Obama pour avant ou après le 8 novembre, c’est selon (selon “l’averse passagère”, peut-être) [...] Zuesse, historien bien plus sérieux que le saltimbanque Jones... » Voilà notre impression sur Jones : un jour “oui sans doute”, un autre “non, vraiment pas”, et entretemps “peut-être, pourquoi pas, mais tout de même il ne faut pas pousser, quoique...” Bref, nous consultons Alex Jones, – bien entendu, nous le faisons très régulièrement, – avec des pincettes et sur nos gardes, ce qui ne nous empêche nullement de le citer sans la moindre hésitation et d’en prendre argument quand nous jugeons que nous pouvons le faire. Pour le reste, Infowars.com est une organisation multimédia qui a un énorme public, désormais avec Breitbart.News le très gros poids de la presse antiSystème, – car, et c’est l’essentiel pour le jugement général qu’on doit porter sur eux, ils font partie de l’antiSystème. Quant aux accusations idéologiques [Alt-Right & Cie] de la bande globaliste qui ont autant de fraîcheur que la révolution de 1848 ou la Guerre d’Espagne de 1936, et une pertinence d’opérationnalité historique à mesure, on connaît notre opinion, que nous résumerons par le mot de Montherlant que nous affectionnons : « Va jouer avec cette poussière.. »)

La séquence vient d’une intervention lors d’un discours d'Obama, la semaine dernière, souligné par un article du New York Times du 13 octobre 2016 de Liam Stack, « He Calls Hillary Clinton a “Demon”. Who Is Alex Jones ? », auquel Alex Jones répondit le 14 octobre... Quelques paragraphes de l’article du NYT, de présentation de la chose, le reste étant une description d’Alex Jones et de son énorme organisation et de son influence (« The Alex Jones Show says it is broadcast on 160 radio stations, but his influence is perhaps most keenly felt on the internet. More than 1.6 million people have subscribed to his YouTube channel, where video clips from his show have been watched almost one billion times since 2008. Another 1.2 million people have liked his Facebook page and over 470,000 follow him on Twitter. ») Voici donc le NYT présentant le président Obama qui nous parle d’Alex Jones, et sur un ton qui montre que l’étendard vertueux de la presse-Système n’est pas vraiment satisfait de cette initiative du président qui introduit Alex Jones dans le jeu public officiel, presque sur un tapis rouge.

« ...President Obama took a moment at a rally this week to sniff his hand to prove that he is not really a demon from hell who reeks of sulfur and walks the Earth swarmed by flies. Why would the president of the United States do such a thing, even in jest? “I was reading the other day there is a guy on the radio who apparently — Trump’s on his show frequently — he said me and Hillary are demons,” Mr. Obama explained to the laughing crowd. “Said we smelled like sulfur. Ain’t that something?” He then lifted his hand, took a sniff, and broke into a broad grin. “Now, I mean, come on people!”

» The radio host in question was Alex Jones, who on Monday called Hillary Clinton “an abject psychopathic demon from hell” who was bent on destroying the planet. “She’s so dark now and so evil and so possessed” that her very presence inflicts nightmares upon those in close physical proximity to her, he said. “I been told this by high up folks and they tell me Obama and Hillary both smell like sulfur,” he said in his trademark style, a kind of shout that mixes bombast and panic. “They smell like hell.”

» Mr. Obama may laugh off Mr. Jones fire-and-brimstone rantings, but many people do not. He is an influential, if fringe, conservative figure whose radio show, videos and websites peddle conspiracy theories to an audience of millions. »

Si l’article est évidemment inspiré par l’intervention du président Obama, d’ailleurs auditeur régulier d’Alex Jones suggère-t-on parfois, il (le NYT) rappelle également que Clinton avait indirectement cité Jones, déjà, lors de son fameux discours du mois d’août sur l’Alt-Right, nouveau monstre débusqué comme un nouveau monstre venu directement du ventre de la Bête dont on sait qu’il est toujours fécond.

« Has Hillary Clinton Addressed His Claim?

» Yes, she has.

» Mrs. Clinton condemned Mr. Jones during a speech in August that criticized Mr. Trump for his support among the “alt-right,” a radical group of conspiracy theorists and white nationalists on the fringe of the conservative movement.  Hillary Clinton goes after Trump's controversial "alt-right" supporters Video by CBS News She compared his radio show to The National Enquirer and called his claims that the Sandy Hook shooting was a hoax “disgusting.”  “I don’t know what happens in somebody’s mind or how dark their heart must be to say things like that, but Trump doesn’t challenge these lies,” Mrs. Clinton said. »

Alex Jones a aussitôt répondu, le 14 octobre, exploitant ainsi l’intense publicité faite par l’intervention d’Obama qui lui confère à lui, Jones, une stature nationale, sinon presque institutionnelle. Que cette stature soit antiSystème, anti-Obama, anti-Clinton, anti-gouvernement, etc., rien de plus naturel et même au contraire excellent point de ralliement qui sert Jones en contribuant à légitimer l’antiSystème et tout le reste. Curieusement ou bien logiquement selon l'humeur ronchonne (contre Obama) de l'article, la fin de l’article du NYT constatait par avance (puisqu’écrit avant la réaction d’Alex Jones au discours d’Obama) l’erreur qu’il y avait à ainsi impliquer publiquement, à des niveaux aussi élevés, une source de communication qui était cantonnée jusqu’ici, malgré son audience et son influence, à un statut de “dissident”, et un personnage également resté marginal et qui acquerrait désormais une dimension nationale même si dans le registre de la dénonciation furieuse dont il (Jones) n’a cure en rien : « Pour Mr. Jones, quoi qu’il soit, toute publicité semble une publicité bonne à prendre. Quelques heures après que madame Clinton ait parlé [en août], son show consacra un long segment aux critiques de la candidate. Il [Jones] rejeta toutes les accusations portées contre lui mais profita de l’attention ainsi portée sur lui comme d’une opportunité pour se peindre lui-même en noble combattant de la vérité : “elle a attaqué la résistance opposée à la mainmise sur ce pays des banques étrangères, du gouvernement saoudien, des Chinois communistes et d’autres... Elle est dans une situation très difficile”. » La dernière phrase de Jones ici citée doit se lire “Clinton est dans une situation très difficile pour ainsi s’attaquer publiquement à moi [Alex Jones]” ; même chose pour Obama par rapport à la campagne électorale.

Bien entendu, cet épisode spectaculaire opposant les plus hauts dirigeants US à Jones fait partie du constat qu’on a déjà fait à l’occasion de la brève nouvelle concernant Breitbart.News. Les grands sites antiSystème d’opposition politique active sont conduits à une position d’extrême influence, voire dans certains cas une position dominante qui conduit à une légitimation par rapport à nombre de médias de la presse-Système, et de plus en plus selon cette dynamique tant la nécessité pour la presse-Système de se tenir absolument et grotesquement conformés à la narrative (nécessité du déterminisme-narrativiste) finit par les rendre illisibles, contradictoires, extraordinairement ennuyeux et ternes, en même temps que grotesques par rapport à la dialectique de communication qu’ils sont obligés de développer lorsqu’ils sont comparés à ce que développe l’antiSystème en général. A cet égard également, la campagne-Trump, parce que le candidat républicain s’appuie quasiment sur la seule presse-antiSystème, renforce d’une manière exceptionnelle la puissance de cette presse, qui a désormais tout pour prétendre à la première place au niveau de la communication. (La TV ne devrait pas être laissée de côté puisque les antiSystème ont aussi leurs chaînes.)

Il s’agit d’un basculement potentiel d’une exceptionnelle importance si l’on considère l’importance quasi-exclusive de la communication dans la bataille politique dans les formes où elle se fait aujourd’hui, où l’enquête pour la description des positions et des intentions aboutissant à appréhender les vérités-de-situation compte bien plus que le constat et les commentaires de faits qui sont systématiquement déformés et difformes en raison de la désintégration complète de la réalité. L’enjeu est donc ici, au-delà même de l’influence elle-même, celui d’imposer sa “réalité” subjective contre celle de l’adversaire, avec la victoire allant à celui qui approche le plus la vérité-de-situation des événements qui sont sortis d’une réalité objective que l’action humaine a totalement discrédités. Dans cette bataille, sous cette forme et dans ces conditions où les puissances d’influence disponibles tendent désormais à s’équilibrer, la presse-Système est destinée à devenir une perdante sans retour dans la mesure des liens qui l’emprisonnent au Système. L’ironie de l’aventure, pour les USA dans tous les cas et d’une façon évidente actuellement, tient dans ce que ce sont les plus hauts dirigeants de la direction-Système qui sont en train de donner l’ultime impulsion à la possibilité d’un tel retournement, par simple calcul faussaire d’un affrontement inutile avec des antiSystème, cela qui conduit à légitimer le phénomène antiSystème en général.

 

Mis en ligne le 17 octobre 2016 à 12H41