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5571En complet contraste avec ce que nous écrivions hier, il paraît évident selon les écrits de Elijah J. Magnier que l’Iran croit à la probabilité de la guerre essentiellement du fait des USA, et contre les USA. Le point principal à cet égard est la totale perte de confiance des Iraniens pour la parole des dirigeants américanistes. Les Européens ? Ah oui, les Européens (en mettant à part les laquais britanniques) : ils ne “bénéficient” guère que du complet mépris iranien, pour l’étalage de leur impuissance et de leur soumission ; impuissance à appliquer l’esprit autant que la lettre du traité dont ils sont les signataires, sinon les principaux parrains (Mogherini partante de la fonction de Haute Représentante, qui s’est battue jusqu’au bout et sans beaucoup d’espoir pour obtenir une réaction de l’UE, considère que le traité JPOAC constituait le premier grand acte diplomatique de l’UE) ; soumission complète à l’influence et aux consignes des USA, bien que la plupart des dirigeants européens tiennent l’actuel président des USA pour un bouffon ou un fou c’est selon...
On s’attachera donc aux deux derniers textes de E.J. Magnier pour sonder l’état d’esprit iranien, selon notre constat que ce journaliste dispose d’excellents contacts et sources dans toute la zone couverte par la crise iranienne, et est considéré par nombre de directions comme un excellent relais pour faire connaître officieusement quelques pensées et analyses difficiles à diffuser officiellement. Bien évidemment, Magnier ne cache pas son engagement pro-iranien, qui correspond d’une façon générale à ses points de vue et prises de position, notamment vis-à-vis de la crise syrienne. Nous donnons la préférence à celui du 21 juillet, qui sonne comme un avertissement selon lequel les Iraniens jugent que l’on est proche du conflit.
On lira néanmoins également celui du 17 juillet, parce qu’il détaille l’état et la résolution des forces iraniennes et surtout de la population iranienne, c’est-à-dire la situation intérieure que l’auteur caractérise comme une dynamique d’union nationale identitaire plus que religieuse extrêmement ferme ; c’est là l’une des thèses que l’on rencontre également en Occident concernant la politique US : les pressions US vont affaiblir le pays jusqu’à susciter de l’intérieur un regime change ; au contraire, les pressions US cimentent l’unité nationale, renforcent l’Iran face au danger commune... Mais il y a quelque chose de plus dans la présentation de Magnier.
On comprend que la thèse défendue par Magnier est la seconde (“les pressions US cimentent l’unité nationale”), et pour le pouvoir iranien également. Il y a surtout cette particularité, soulignée dans les extraits ci-dessous de ce même texte du 17 juillet, que la direction religieuse abandonne elle-même les slogans religieux qu’elle propose aux forces et et à la population iraniennes pour élargir jusqu’à ses extrêmes cette union nationale, et la dégager de l’emprise religieuse. Il s’agit d’une évolution certes symbolique, – au niveau du slogan des moments de combat, – mais il s’agit, dans le chef de l’Iran, d’une puissance très importante parce que ce pays de tradition ancienne tient le symbole comme un facteur central du langage politique le plus haut. On tiendra donc cette décision symbolique de l’abandon des slogans religieux comme une mesure d’une importance considérable, tout simplement ontologique, de l’existence de l’Iran dans une histoire issue de la Perse, et de son rôle dans l’actuelle “étrange époque” si absolument crisique.
« Durant la guerre Iran-Iraq dans les années 1980, la République islamique d’Iran scandait le slogan « Kerbala, Kerbala, nous arrivons » pour “défendre la valeur de l’Islam”. En Syrie, le cri de ralliement « Zeinab ne sera pas capturée deux fois » a contribué à mobiliser les alliés chiites et à inciter des milliers d’hommes à combattre les takfiris sunnites d’al-Qaeda et du groupe armé “État islamique” (Daech).Aujourd’hui, malgré la bataille existentielle entre l’Iran et les USA, la “République islamique” n’utilise plus de slogans religieux, préférant mobiliser le soutien de la population à l’échelle nationale. Même les Iraniens qui étaient en désaccord avec le régime en place soutiennent leur pays devant l’attitude hostile des USA. La révocation illégitime de l’accord sur le nucléaire iranien a déçu les pragmatiques iraniens. De dures sanctions sont imposées sur le peuple iranien parce que Trump a rejeté l’accord pour faire plaisir à Netanyahu et par rancune à l’égard de son prédécesseur Obama. Confrontée à ces sanctions, la République islamique refuse de se plier aux diktats des USA. Contrairement à d’autres pays du Moyen-Orient qui se soumettent volontiers au chantage et à l’intimidation de Trump, l’Iran dit “non” à la superpuissance. [...]
» L’Iran subit des sanctions étasuniennes depuis 40 ans sans avoir cédé aux demandes de l’oncle Sam. Il s’en est pris aux USA sur de multiples scènes au Moyen-Orient et a récemment abattu un drone pour lancer le message clair qu’il est prêt à affronter la guerre et ses conséquences s’il le faut. L’Iran est prêt à payer le prix pour défendre son ciel, ses eaux et son territoire. Il ne fera aucun compromis en cas de violation de sa souveraineté, même par une superpuissance comme les USA. L’Iran envoie le message suivant aux USA, à son principal allié Israël et à tous les pays du Moyen-Orient : en cas d’agression, la riposte sera terrible. [...]
» Aucune voix en Iran n’appelle à la chute du régime en place malgré la “pression maximale” des USA. Le président iranien a fait preuve d’une “patience extrême” en attendant 14 mois avant de faire un premier pas légitime en vue de se retirer partiellement de l’accord sur le nucléaire. Rouhani s’est ensuite tourné vers une “stratégie de confrontation”, puis a adopté une « stratégie de « riposte équivalente » contre toute attaque. Le Corps des gardiens de la Révolution iranienne n’aura pas besoin de slogans religieux cette fois-ci, parce que tous les Iraniens, peu importe leur ethnicité, sont unis derrière leurs dirigeants contre les USA. Trump a réussi à unir les pragmatiques et les radicaux sous une même bannière… contre lui. »
Cette mise au second plan de l’aspect religieux dans les moments de grande intensité, devant une période déjà ouverte qui est elle-même d’une immense “grande-intensité”, a pour nous aussi une signification symbolique importante. Elle signifie que la République islamique ne s’oppose plus aux USA en tant qu’ennemi religieux, ou selon un affrontement qui a des fondements religieux, mais bien plutôt parce que les USA représentent pour elle l’ennemi déstructurant de l’identité, le représentant des forces de dissolution et d’entropisation.
Même si l’on comprend que la démarche de la direction religieuse a un sens tactique et opportuniste, il reste qu’elle a sa valeur en soi quoi qu’en veuille ou n’en veuille pas la direction religieuse. Elle tend à faire sortir l’affrontement USA-Iran de la sphère religieuse, qui est un faux-nez de notre “étrange époque” pour dissimuler ses véritables ambitions d’entropisation du monde, et un simulacre bien-pratique pour bien des “aventuriers” politiques (au sens où l’entend Ferrero) dont on connaît les ambitions déstructurantes et déconstructrices. Elle tend à élargir l’enjeu de la bataille et à faire entrer l’affrontement USA-Iran, d’une façon officielle, reconnue par la direction religieuse la plus stricte et la plus affirmée, dans l’arène eschatologique de l’opposition fondamentale de notre Grande crise Générale des forces déstructurantes contre les forces structurantes.
On se situe alors plus aisément, puisque l’on sait si bien ce que représentent les États-Unis, chantre et bras-armé de la modernité, tandis que l’Iran vient de la lointaine Antiquité où se sont trempés les enseignements et les élans dynamiques de la Tradition Primordiale. Tout cela permet de dépasser les épuisantes et desséchantes querelles religieuses qui sont infectées du venin suprémaciste de la modernité, et dont le Système se délecte grâce aux opportunités de manipulation qui lui sont ainsi offertes.
Tout cela permet de mesurer l’abîme de différence et d’incompatibilité séparant les USA de l’Iran, et l’impossibilité absolue de ces deux mondes de se comprendre, voire même de s’entendre. On comprend que Trump joue un jeu complexe, avec ses habiletés mercantiles et son habitude l’entertainment, et qu’il n’a sans doute nulle envie de partir en guerre contre l’Iran, en toute sincérité... Mais il aura bien du mal à “vendre” cette attitudes et cette position aux Iraniens, lorsqu’on mesure la distance qui sépare ces deux mondes. Certes, un Rand Paul serait le mieux à même d’expliquer cette situation, et sans doute les Iraniens tendraient-ils un peu plus attentivement l’oreille ; mais espérer plus que cela, c’est bien risqué. Il n’est pas dit que les Iraniens ne soient pas en train de se convaincre que c’est à eux que revient la mission de faire sauter ce bouchon que sont les USA comme celui d’une bouteille de champagne frelaté, pour faire sortir le diable de sa bouteille, et qu’ainsi, privé de sa protection et de sa dissimulation, il sombre dans l’opprobre et dans la dérision catastrophique d’où il n’aurait jamais dû sortir.
En attendant, voici le texte du 21 juillet d’Elijah J. Magnier, qui nous donne une revue complète de l’actuelle situation politique et stratégique dans la région, du point de vue de l’Iran.
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Le Moyen-Orient s’approche d’un niveau d’alerte maximale à la suite du “maximum de pression” imposé à l’Iran par le président Donald Trump qui, il y a un peu plus d’un an, s’est retiré unilatéralement et illégalement du Plan d’action global commun (PAGC), connu aussi sous le nom d’accord sur le nucléaire iranien, en plus d’imposer de dures sanctions contre l’Iran et que Téhéran considère comme une déclaration de guerre économique. Ces gestes de Trump à l’encontre de l’Iran provoquent une tourmente qui balaie les pétroliers, comme l’illustre la détention mutuelle de navires par l’Iran et la Grande-Bretagne. L’administration étasunienne a poussé Londres à s’en prendre à l’Iran en capturant un superpétrolier iranien (le “Grace 1”) à Gibraltar le 4 juillet, qui a entraîné des représailles réciproques de la part de l’Iran (en capturant un pétrolier britannique dans le détroit d’Hormuz). Alors que les USA et le R.U. se dirigent tout droit vers le précipice en entraînant avec eux l’Iran, le guide suprême iranien, Sayyed Ali Khamenei, a annoncé publiquement « trois orientations » à l’intention des responsables du pays, qui comprennent une feuille de route à suivre même en sa propre absence.
L’Iran a détenu un pétrolier britannique, le “Stena Impero”, quelques heures après que la Haute Cour de justice de Gibraltar eut annoncé le prolongement d’un mois de la détention du pétrolier iranien “Grace 1”, qui transporte deux millions de barils de pétrole. Lorsque cette nouvelle est parvenue aux dirigeants iraniens, ils ont réalisé que les efforts de médiation du président français Emmanuel Macron avaient échoué et que l’heure était venue pour l’Iran de prendre les choses en main.
Cela ne signifie pas que l’Iran ferme la porte à la diplomatie française ou aux tentatives d’autres États intermédiaires de désamorcer la situation extrêmement tendue qui s’intensifie quotidiennement au Moyen-Orient, notamment avec l’arrivée de nouveaux navires de guerre britanniques et de forces militaires étasuniennes supplémentaires en Arabie saoudite.
Le conseiller en chef du président Emmanuel Macron, l’ambassadeur Emmanuel Bonne, s’est rendu à Téhéran ce mois-ci pour rencontrer les dirigeants iraniens, à qui il a promis d’intervenir pour obtenir la libération du superpétrolier iranien “Grace 1”, et de jouer un rôle de médiation entre Téhéran et Washington.
Selon des sources iraniennes, la détention du superpétrolier iranien est le fruit des efforts des USA pour impliquer davantage l’Europe dans l’offensive étasunienne contre l’Iran. Les USA se cachent derrière Londres et observent le premier affrontement entre le R.U. et Téhéran dégénérer, alors que les forces spéciales iraniennes ont pris la situation en main en confisquant un pétrolier britannique.
Les USA semblent avoir poussé le R.-U. à prendre la décision de détenir le Grace 1 au début de la crise des pétroliers, après que l’Iran eut abattu un drone étasunien. Malheureusement, Londres a accepté de s’impliquer au nom de son allié étasunien, confirmant ainsi davantage les appréhensions européennes ayant trait aux effets du retrait étasunien de l’accord sur le nucléaire, que les pays européens n’ont pas soutenu, puisque l’Iran n’a violé aucune clause de l’accord en 14 mois.
La décision des USA de révoquer l’accord sur le nucléaire iranien et le « maximum de sanctions » imposées à l’Iran ne font qu’augmenter la pression et accroître le danger d’une guerre possible au Moyen-Orient.
Il est clair que l’Iran n’a pas l’intention d’abdiquer devant les sanctions et l’agression des USA. Le Moyen-Orient s’approche d’un « niveau d’alerte maximale » parce que l’Iran se considère déjà en guerre (économique) avec les USA et ses alliés. À ce moment-ci, l’Iran ne fait pas de différence entre la guerre économique imposée par l’administration étasunienne et une guerre militaire : les résultats sont dévastateurs dans les deux cas.
J’ai appris que Sayyed Ali Khamenei s’est réuni avec les dirigeants iraniens et a donné trois directives à suivre par l’Iran, peu importe les difficultés pouvant surgir à tout moment dans l’avenir, en tant que principes arrêtés.
« Les USA semblent conscients de ce que Téhéran planifie et vise. Voilà pourquoi cette administration, comme toutes celles d’avant, veut nuire au développement nucléaire et de missiles de l’Iran et au soutien qu’il accorde à ses alliés, mais en vain », a indiqué la source
Voici les directives de Khamenei :
1 – Adhérence au droit de l’Iran à l’enrichissement nucléaire et à tout ce qui est lié à cette science à tout prix. L’enrichissement nucléaire est un sabre que l’Iran peut brandir au visage de l’Occident, qui veut lui enlever. C’est la carte dont l’Iran dispose pour bloquer toute intention des USA « d’anéantir » l’Iran.
2 – Poursuite du développement des capacités de missiles et des programmes balistiques de l’Iran. C’est l’arme de dissuasion qui empêche ses ennemis de lui faire la guerre. Sayyed Ali Khamenei considère le programme de missiles comme un moyen d’équilibrer le rapport de forces et ainsi prévenir les dommages pour l’Iran.
3 – Soutien des alliés de l’Iran en Irak, en Syrie, au Liban et au Yémen sans jamais les abandonner, parce qu’ils sont essentiels à la sécurité nationale de l’Iran.
Les trois points de Sayyed Khamenei constituent la réponse aux 12 conditions annoncées par le secrétaire d’État Mike Pompeo, qui a demandé au gouvernement iranien d’abandonner ses programmes nucléaires et de missiles ainsi que ses alliés au Moyen-Orient, ce qui priverait l’Iran de tout moyen de défense en le transformant en pays vulnérable.
Les sources ont ajouté ceci : « Sayyed Khamenei a recommandé ces commandements afin de préserver la République islamique d’Iran, et ces trois points sont tout aussi importants pour la protection de l’Iran, la poursuite de son existence et sa sécurité nationale et stratégique. »
L’Iran a commencé à développer ses capacités de missiles sous les sanctions des USA. Il a élaboré son programme nucléaire pendant les 40 ans d’imposition d’un blocus suffocant par les USA. Aujourd’hui, l’Iran a atteint un stade très avancé dans les deux cas, au point qu’il n’abandonnera jamais les deux programmes et continuera d’avancer.
Pour ce qui est de ses alliés, les dernières années ont démontré comment l’Iran et ses alliés au Yémen, en Irak, en Syrie et au Liban ont pu prendre l’initiative au Moyen-Orient et tourner les choses en leur faveur.
Il n’est pas à exclure que Téhéran installe des missiles balistiques à proximité d’ennemis ou de pays qui pourraient être ciblés par ces missiles. Les alliés de l’Iran le défendront au pied levé.
La situation aujourd’hui est la suivante : l’Iran détient le pétrolier britannique « Stena Impero » et ses 23 membres d’équipage à Bandar Abbas, d’ici à ce que le Grace 1 soit libéré. Le commandement central des USA a annoncé qu’il collaborait avec ses alliés pour sécuriser la liberté de mouvement. L’Iran a menacé d’empêcher toute exportation de pétrole de la région du golfe Persique s’il ne peut exporter son propre pétrole. Téhéran a abattu un drone étasunien. Trump a annoncé lui-même avoir abattu un drone iranien (une affirmation niée par l’Iran), se plaçant au même niveau que le Corps des gardiens de la Révolution iranienne, que Trump considère comme un groupe terroriste!
Les USA dépêchent de nouvelles troupes en Arabie saoudite et la Grande-Bretagne envoie d’autres navires de guerre dans le golfe Persique. Tout ce déploiement se fait dans un petit secteur du Moyen-Orient, un détroit tout mince qui peut difficilement être le centre de tant d’événements. La région s’approche d’un niveau d’alerte maximale alors que tous les pays et leurs alliés ont le doigt sur la gâchette au lieu de se rendre à la table de négociations et de respecter les accords signés. Mais il se pourrait que le pire reste à venir.
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