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3444Les dirigeants européens semblent de plus en plus rassemblés sur une posture d’hostilité complète à l’encontre de l’administration Trump. Si l’on écoute bien les bruits de couloir dans les institutions européennes, on comprend bien que, pour ces dirigeants, « Trump et Bannon, ce sont des ennemis absolus », comme susurre l’un de ces bruits. Il est difficile de savoir où mènera cette attitude, et si même elle est tenable longtemps, mais le fait est qu’elle existe, comme partout existent des positions d’hostilité intangibles…
Cela n’empêche bien entendu pas des contacts (de la part des Européens) avec Washington D.C., y compris et surtout dans l’“opposition”, et ces contacts cherchant à déterminer s’il existe un point de convergence dans le chaos qu’on y trouve actuellement en fait de situation politique. Les Européens espèrent effectivement qu’un rangement puisse se faire à Washington, avec la fin de la “guerre civile“ qui y fait rage, mais ils ne trouvent aujourd’hui qu’un seul point de cette sorte, – et il concerne l’Iran, et cela n’enchante guère ces mêmes Européens.
Il existe à Washington une résolution très majoritaire d’hostilité à l’encontre de l’Iran, avec un véritable risque de conflit. On ne peut dire, pour le coup, que ce constat d’une certaine entente à Washington sur ce point de l’Iran constitue un indice rassurant pour les Européens, qui ne voient que des gravissimes inconvénients dans cet antagonisme alors qu’ils sont partie prenante de l’accord international avec l’Iran et qu’ils entendent le protéger. Il existe même la crainte que Trump puisse songer à pousser dans le sens de cette hostilité pour tenter de former une plate-forme stable de soutien à son administration.
On a noté dernièrement une déclaration de John Bolton, neocon très tôt rallié à Trump mais qui n’a pas trouvé de place dans son administration, annonçant une prochaine attaque contre l’Iran. Les Israéliens ont retrouvé une certaine vigueur dans leurs relations avec Washington, gelées du temps d’Obama, pour pousser vers une telle possibilité ; et le sommet des pays arabes à Amman, orchestré par l’Arabie, a constitué un procès en règle de l’Iran. Le dernier élément allant dans le même sens est une audition au Congrès du Général Votel, qui commande l’important commandement du Central Command, couvrant notamment la zone du Moyen-Orient et bien connu pour mener sa propre politique, souvent d’une façon indépendante par rapport à Washington D.C., parfois même par rapport au Pentagone. Le site WSWS.org commente cette intervention sur un ton extrêmement alarmiste, ce 30 mars :
« The top American commander in the Middle East, General Joseph Votel, yesterday branded Iran as the “greatest long-term threat to stability” in the region and called for steps, including military action, to disrupt and undermine Iranian influence and activities. Such use of military force would constitute an act of war, destroy the international nuclear deal struck with Iran in 2015 and set the Middle East on the path for another disastrous conflict.
Testifying before the House Armed Services Committee, Votel, head of the US Central Command, denounced Iran for its “destabilising role” in the region. “I believe that Iran is operating in what I call a gray zone,” he said. “And it’s an area between normal competition between states—and it’s just short of open conflict.”
The general menacingly declared: “We need to look at opportunities where we can disrupt [Iran] through military means or other means.” He also foreshadowed a propaganda war, saying: “We need to look at opportunities where we can expose and hold them accountable for the things that they are doing.” [...]
» Votel accused Iran of wanting to be “the hegemon” in the region and being involved in “lethal aid facilitation,” the use of “surrogate forces” and cyber activities, among other things. Yet the US and its allies have provided billions of dollars in arms to its surrogates in Syria, and elsewhere, to foment a civil war to oust Syrian President Bashar al-Assad. Moreover, the aim of the criminal activities of US imperialism in the Middle East over the past quarter century has been precisely to ensure its own hegemonic role. Washington has long regarded Iran as the chief regional obstacle to its dominance in the Middle East.
» Significantly, Votel challenged the 2015 nuclear deal between Iran and the so-called P5+1 group—the US, Britain, France, China, Russia and Germany—that eased sanctions on Iran in return for severe restrictions on its nuclear programs. The general declared that the US had “not seen any improvement in Iran’s behaviour” and claimed it still posed “credible threats” through its “nuclear weapons potential” and “robust” ballistic missile program. »
WSWS.org décrit la satisfaction qui accueille au Congrès ces déclarations du Général Votel et, d’une certaine façon, la reconstitution d’un climat de va-t-en-guerre qu’on a déjà vu se manifester à plusieurs occasions, comme une sorte de leitmotiv washingtonien. Cette vision est particulièrement pessimiste, comme c’est l’habitude dans les analyses de WSWS.org, qui est très prompt à déceler la constitution d’entreprises bellicistes du côté des puissances capitalistes, particulièrement des USA. Le même article termine en soulignant le point important des relations entre la Russie et l’Iran, qui connaissent actuellement un renforcement avec des rencontres bilatérales, et qui font bien entendu penser qu’un conflit, sous une forme ou l’autre, des USA avec l’Iran, pourrait et devrait évidemment impliquer la Russie. Les circonstances décrites ici y font penser effectivement, mais aussi toute l’analyse stratégique habituelle : l’Iran est un pays trop important, et en plus signataire d’un accord international dont la Russie est partie prenante, pour que la Russie ne se juge pas d’une manière ou l’autre impliquée par un conflit impliquant directement l’Iran et prenant la forme, d’une façon ou d’une autre, d’une agression contre l’Iran… On reparle donc de l’utilisation de bases iraniennes par des avions de bombardement stratégique russes intervenant en Syrie.
« In an unprecedented move last year, Tehran gave Russian war planes access to one of its air bases to carry out operations inside Syria. Iranian Foreign Minister Javad Zarif announced on Tuesday that Russia would be able to use the country’s military bases on a “case by case basis” in carrying out the air war inside Syria.
Zarif was part of the Iranian delegation headed by President Hassan Rouhani that arrived in Moscow on Monday for talks on economic and strategic matters. Among the other deals concluded was an agreement for Russia to build two new nuclear power plants in the city of Bushehr, the site of its first power reactor.
» The growing ties between Moscow and Tehran are undoubtedly provoking deep resentment and hostility in Washington where it will further fuel the bitter infighting in the American ruling elite over foreign policy. US claims that Iran is destabilising the Middle East are matched by the denunciations of Putin and Russia for destabilising Eastern Europe, the Balkans and the world... »
Il est vrai que l’Iran est un joker particulièrement tentant et dangereux dans le jeu actuel, à Washington D.C. Un acte d’hostilité contre ce pays pourrait constituer un point de rencontre de toutes les faiblesses et inconséquences des différents acteurs de la “guerre civile” en cours dans la capitale, comme caractérisant la crise actuelle de l’américanisme. Pour Trump, on l’a vu, une attaque ou ce qui s’en rapprocherait pourrait être un moyen d’affirmer une prise en main de la politique extérieure qu’il ne parvient pas à maîtriser pour l’instant. Pour les militaires, ce serait une voie de réaffirmation de leur capacités manoeuvrières supplantées depuis deux ans par la présence des Russes en Syrie, et par ailleurs à cause de leur complète incapacité à évoluer de façon cohérente dans les divers points crisiques, notamment en Syrie et en Irak. Pour les démocrates, et même si le traité avec l’Iran reflète la politique extérieure d’Obama, il s’agirait d’appuyer indirectement une politique interventionniste beaucoup plus active en Syrie, contre Assad, et de satisfaire finalement le courant belliciste dont ils sont devenus, ces dernières années, les représentants les plus zélés.
… Mais vu de façon plus globale et sans s’arrêter à tel ou tel intérêt partisan, cette perspective d’hostilité plus ou moins ouverte contre l’Iran constituerait finalement un signe puissant de la part de Washington D.C. de tenter de réaffirmer sa puissance et son influence hégémonique globale, largement contestée, sinon battue en brèche par plusieurs puissances concurrentes. Une telle aventure impliquerait par conséquent la Russie, et sans doute la Chine elle-même, prenant ainsi des dimensions effectivement globales. Les pays européens, qui sont dans une période de crise supplémentaire (élections en France et en Allemagne) par-dessus la crise endémique de l’Europe, se trouveraient dans une position particulièrement délicate, et d’autant plus que leurs relations avec le Washington D.C. de Trump sont dans l’état qu’on a vu. Il s’agit d’une vision générale absolument catastrophique pour à peu près toutes les parties, et les parties à l’intérieur des parties, qui resurgit notamment à chaque nouvelle poussée de fièvre washingtonienne contre l’Iran, y compris dans le Washington D.C. de Trump, accompagnée de clameurs de joie à Tel-Aviv et à Ryad, – et de signes de lassitude des commentateurs... Les mêmes arguments sont alors développés, comme celui de Patrick Buchanan il y a presque deux mois, le 2 février (« On pensait que Trump [avait été élu pour nous désengager] de ces guerres, et non pour agiter des menaces inconsidérées contre l’Iran qui est trois fois plus grand que l’Irak et qui a comme premier partenaire et fournisseur d’armements Vladimir Poutine ») ; ou bien il y a plusieurs années, alors que la situation était déjà enlisée dans cette tentations de guerre d’un pouvoir déjà confronté à ses contradictions, possibilité que nous rappelions en octobre 2015, après l’intervention russe en Syrie et la démonstration des capacités de la Russie en matière de frappe stratégique (avec les missiles de croisière Kalibr) :
« La perspective apparaît alors, du point de vue de la communication, extrêmement importante et sérieuse, et elle rejoint une possibilité qu’avait évoquée un néo-sécessionniste du Vermont, Thomas Naylor, en 2010, à propos de la crise iranienne : “Il y a trois ou quatre scénarios possibles de l’effondrement de l’empire [les USA]. Une possibilité est une guerre avec l’Iran…” » Après tout, certes, ce serait une bonne manière de régler la “guerre civile” qui fait rage à Washington D.C.
Mis en ligne le 30 mars 2017 à 16H42
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