L’UE ? LA crise, et vite !

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L’UE ? LA crise, et vite !

Il y a quelques jours, – trois au moins, peut-être quatre, – il y eut un “sommet” des présidents et chefs de gouvernement des pays-membres de l’UE. Il y eut même des “temps forts”, comme l’on dit dans les grands journaux, et Angela-sur-son-radeau qui, ostensiblement, consentit à ne pas saluer Theresa, lui préférant la très-importante Lithuanienne. (« En effet, Angela Merkel est passée devant Theresa May [sans la saluer-er-er] afin de saluer la Présidente lituanienne Dalia Grybauskaite. »)

Ce genre de nouvelles d’une si extrême importance nous rappelle que l’UE existe encore et qu’elle prétend toujours... Des commentateurs excédés, eux, nous confient qu’ils n’espèrent plus qu’une chose : une crise, et vite, et qu’on en finisse ! C’est le cas de Jacques Sapir qui, à la suite d’un compte-rendu qui n’est qu’une addition d’impuissances, de chamailleries, de mésententes, d’hypocrisies et de paralysies, nous confie, à-la-Chateaubriand, son « Levez-vous, orages désirés » :

« La structure des institutions européenne interdit aujourd'hui de croire qu'un quelconque changement pourra être initié du sein des institutions de l'UE. Tout discours appelant à “changer l'Europe” est vain et illusoire. C'est en réalité la dernière défense d'un statuquo insupportable. Ce qu'il faut, c'est “changer d'Europe”, et – pour cela – provoquer une crise suffisamment grave de l'UE pour permettre une recomposition des rapports de forces et des institutions conduisant à autre chose. La dissolution de l'UE est donc désormais l'horizon historique. Ce sera l'enjeu réel des élections européennes de mai 2019. »

Effectivement, nous en sommes là. Il ne s’agit plus de tenter de sortir de l’UE, encore moins de réformer l’UE, il s’agit de briser l’UE, de la disloquer, de la désintégrer. Nous nous acheminons, sur ce théâtre crisique comme sur tant d’autres, vers les issues ultimes qui sont de recommander et de choisir, dans les situations générales de désordre que l’on rencontre partout, de pousser encore ce désordre vers son extrême et son destin naturel de crise terminale. C’est donc le cas de Jacques Sapir pour l’UE : on sent chez ce commentateur éclairé, économiste qui ne se sent jamais plus à l’aise que dans les visions politiques et les raisonnements principiels, une plume excédée devant l’extraordinaire apathie, le blocage entêté, l’arc-boutement sur des “valeurs” rancies et de idées-toutes-faites qui ont toutes prouvées leur absurdité et leur stupidité.

Sapir nous donne rendez-vous en mai prochain, espérant au fond de lui que d’ici là auront fleuri les listes dissidentes, les populismes divers, les nationalismes et souverainismes furieux, suffisamment pour déboucher sur un Parlement Européen révolutionnaire et anti-européen (puisqu’encore mais pour combien de temps, l’UE prétend être l’Europe). Est-il possible que, pour la première fois, les élections européennes aient vraiment de l’importance ?

Le texte de Jacques Sapir, du 22 septembre 2018, vient de Spoutnik-français.

dde.org

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Salzbourg, ou l’agonie de l’UE ?

Le sommet de Salzbourg des chefs d’État et de gouvernement de l’Union européenne pourrait bien avoir été celui du début de la désintégration de cette institution.

Incapable d'aboutir à un accord, ne serait-ce que de façade, sur la question des migrants, participants à ce sommet se sont montrés profondément divisés sur la question du BREXIT, qui constituait l'autre sujet important. Cette division, dont Emmanuel Macron, est largement responsable, tourne autour de la question de faire « payer » à la Grande-Bretagne son vote de 2016. Cette volonté de « punir » un pays parce qu'il entend, démocratiquement, quitter l'UE est particulièrement révélatrice de l'état de décomposition de cette dernière, et de sa transformation en une institution de répression des volontés démocratiquement exprimées par les peuples dans chacune des nations la composant.

Migrants: échec à l'UE

Le sommet de Salzbourg devait traiter de deux sujets dont l'importance n'échappera à personne: la politique migratoire et la question de la sortie de la Grande-Bretagne de l'UE. Sur le premier sujet, les conflits ont été immédiatement évidents. Non seulement était en cause la politique migratoire de l'Union européenne, mais aussi le projet de cette dernière de renforcer FRONTEX, la police dépendant de Bruxelles. Sur ce sujet aussi, l'échec a été complet. On sait que la Commission européenne avait le projet de renforcer l'agence de garde-frontières européens FRONTEX, et d'en porter ses effectifs à 10 000 agents en 2020. Le chancelier autrichien, M. Sébastian Kurz, avait commencé la réunion en évoquant les réserves de la Hongrie, de la Grèce, de l'Italie ou de l'Espagne à l'égard de ce projet. Il est intéressant de constater que, parmi les opposants, on trouve deux gouvernement dits « de gauche » (Espagne et Grèce), un gouvernement conservateur (Hongrie) et un gouvernement issu d'une alliance de forces que l'on aime à qualifier de « populistes ».

De fait, les lignes de clivage sont multiples au sein de l'UE. Elles ne concernent pas seulement ceux que l'on voudrait présenter comme des pays « généreux » pour les migrants (essentiellement l'Allemagne et la France) et des pays que l'on aime à présenter comme « frileux ». C'est toute la politique migratoire qui divise l'Union, non seulement quant à ses orientations que quant à son financement. L'échec à donc été total sur ce point. Cela veut dire que les pays en cause, et qui sont aujourd'hui en première ligne face au flot migratoire (Espagne, Grèce, Italie), n'auront pas d'autre solution que leurs propres politiques nationales. Sur la question migratoire, il est désormais clair que l'UE ne sert plus à rien.

La question du BREXIT

Mais, il y avait un autre sujet d'importance à ce sommet: la question du BREXIT. Là aussi, on a pu voir l'UE se diviser en profondeur. Pourtant, Londres et Bruxelles ont en réalité trouvé des compromis sur la plupart des contentieux qui sont nés de la rupture programmée et, notamment sur la facture à la facture à régler. Un accord aurait donc dû être trouvé.

Il n'en a rien été parce que certains pays ont voulu faire preuve de « dureté » face au choix de la Grande-Bretagne, provoquer dans ce pays un second référendum sous la pression de l'UE. Et, on a honte ici de l'écrire, parmi ces pays il y eut la France, ou tout du moins le Président de la République française, M. Emmanuel Macron.

L'opposition de la France aux propositions apportées par Mme Theresa May a provoqué l'échec. Cet échec a été humiliant pour la Première-ministre britannique, qui avait pourtant fait de notables concessions. Le Président français, sans doute ulcéré de n'avoir pu arracher un accord sur la question des migrants face à l'opposition résolue des pays mentionnés a-t-il passé ses nerfs sur la Grande-Bretagne ou, tout à sa volonté de « défendre » l'UE, a-t-il voulu montrer que toute sortie de l'UE serait extrêmement difficile? Quoi qu'il en soit, il a pris un risque énorme. Car, si la Grande-Bretagne a un commerce important avec les pays de l'UE, ces derniers ont naturellement un commerce non moins important avec la Grande-Bretagne. La pression montera rapidement sur Mme Merkel, très attentive aux vœux des patrons allemands, car ces derniers font une part non négligeable de leur chiffre d'affaires en Grande-Bretagne. Emmanuel Macron pourrait bien se voir désavoué lors du sommet exceptionnel de novembre sur cette question du BREXIT.

A quoi sert l'UE?

Ces péripéties ne doivent pas masquer un fait important: à quoi sert donc aujourd'hui l'UE?

Bruxelles entend s'opposer au BREXIT, choix pourtant légitime, exprimés de manière démocratique, par les électeurs britanniques. Et Emmanuel Macron a pris le parti de la technocratie de l'UE contre la volonté des peuples. Il faudra s'en souvenir.

L'UE stigmatise aussi des pays comme la Pologne ou la Hongrie qui, quels que soient les jugements que l'on peut porter sur leurs politiques, entendent faire respecter des règles et des choix nationaux. Très clairement, l'UE ici usurpe la souveraineté nationale et populaire qui, seule, est de nature à fonder des choix démocratiques. L'UE s'avère incapable de soutenir des pays qui, comme l'Italie ou comme la Grèce, subissent de plein fouet le choc migratoire. Pire, elle encourage ces flux, dont les conséquences sur le niveau des salaires en Allemagne est déjà évident. Elle encourage aussi le système des « travailleurs détachés » qui permet à des entreprises peu scrupuleuses d'employer des travailleurs des pays « pauvres » de l'UE dans les pays « riches » sans leurs payer le salaire qu'ils devraient ni abonder aux cotisations sociales.

Dans le domaine économique, l'UE promeut un système de libre-échange avec les traités qu'elle signe et fait appliquer avant toute ratification dans les pays membres, qu'il s'agisse du traité avec la Canada ou avec le Japon (CETA et JETA). Elle cède constamment, par ailleurs, à la pression qu'exercent la Chine et les pays qui pratiquent le dumping social et écologique et engendrent les délocalisations. De plus, nous avons au sein de l'Union Européenne le problème posé par la stratégie adoptée par les pays « nouveaux entrants », qui reproduit, à l'échelle européenne, les effets de la stratégie économique chinoise.

L'obsession pour le libre échange conduit l'Union européenne à négliger, voire à prendre parti contre les intérêts vitaux des peuples de l'UE, que ce soit sur les glyphosates ou sur les clauses tant écologiques que juridiques des traités qu'elle signe et prétende imposer. De ce point de vue, l'UE est une menace directe pour la santé des français.

La zone Euro est un échec dangereux

Le problème principal est aussi la stratégie allemande qui s'impose au travers des institutions européennes. Celle-ci mine l'Union Européenne et la zone Euro. Ce pays utilise aujourd'hui l'Union européenne pour réaliser un excédent commercial monstrueux (plus de 8% du PIB) car sa balance commerciale avec les pays émergents, comme la Chine, devient déficitaire. Cet excédent commercial est largement lié à l'Euro, et donc à l'Union Économique et Monétaire inscrite au cœur de l'UE par le traité de Maastricht, car l'Euro engendre une forte sous-évaluation de la monnaie allemande alors que la monnaiedes autres pays, et en particulier de la France, de l'Italie, de l'Espagne est fortement surévaluée. Non seulement l'Allemagne obtient ainsi un avantage commercial indu au sein de l'UE mais elle profite de cet avantage au détriment des pays indiqués dans le commerce hors de l'UE évinçant les exportations françaises ou italiennes des marchés non-UE.

L'Euro, a été construit pour que l'Allemagne puisse obtenir l'ouverture des marchés des pays membres aux exportations allemandes sans risque d'une soudaine dévaluation. Telle est bien la raison d'être profonde de l'Euro, et non la théorie des zones monétaires (1).

Un prélude aux élections européennes de mai 2019?

La structure des institutions européenne interdit aujourd'hui de croire qu'un quelconque changement pourra être initié du sein des institutions de l'UE. Tout discours appelant à « changer l'Europe » est vain et illusoire. C'est en réalité la dernière défense d'un statuquo insupportable. Ce qu'il faut, c'est changer d'Europe, et — pour cela — provoquer une crise suffisamment grave de l'UE pour permettre une recomposition des rapports de forces et des institutions conduisant à autre chose. La dissolution de l'UE est donc désormais l'horizon historique. Ce sera l'enjeu réel des élections européennes de mai 2019.

Jacques Sapir

Note

(1) J. Sapir, « La Crise de l'Euro: erreurs et impasses de l'Européisme » in Perspectives Républicaines, n°2, juin 2006, pp. 69-84.