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235815 mai 2016 – Fox.News a fait un long reportage sur l’état des capacités opérationnelles dans plusieurs unités de combat de première ligne de l’USAF. Le résultat est du type annus horribilis, mais comme si les années se décomptaient en décennies et sembleraient ne jamais devoir finir sinon dans le “trou noir” de l’anéantissement... L’exemple central du reportage est une unité de bombardiers B-1 (B-1B) Lancer, ces bombardiers stratégiques déployés ici à Ellsworth Air Force Base : sur les 20 avions “opérationnels” que compte cette unité, 9 sont en état de vol et d’accomplir leurs missions. (En tout, l’USAF dispose de 86 unités du B-1, qui date des années 1981-1985 dans sa version B-1B. Il s'agit d'un développement modifié du B-1A, dont le président Carter annula le programme en 1977 sans que l’avion ne soit entré en production. Les B-1B restent en principe des avions de première ligne de l'USAF.) Un exemple complémentaire (autre partie du reportage) montre que les B-1 de Ellsworth ne sont en rien une exception, mais un exemple d’une situation générale : Fox.News a été à Shaw Air Force Base, où se trouve le 20th Fighter Wing avec un effectif opérationnel complet (théorique) de 79 F-16. Selon son chef, le colonel Jost, on peut compter actuellement une capacité de déploiement opérationnel d’à peu près 35 de ces 79 avions de combat (autour de 42%). Le reste n’est pas opérationnel. Ces différents exemples permettent de faire l’hypothèse qu’à peu près la moitié de la flotte dite “opérationnelle” de l’USAF ne l’est en aucune façon ; quant aux “opérationnels” qui volent, ils doivent observer des limitations dans leurs enveloppes de vol pour ne pas fatiguer leurs machines ou aggraver certains points de grande usure, cequi réduit d'autant dans leurs capacités.
Cette situation catastrophique a des causes multiple : vieillissement des avions, manque de pièces de rechange, risques trop élevés inhérents à des déficiences structurelles graves. A cet état des forces disponibles s’ajoute le constat de la réduction exponentielle de ces “forces disponibles” ; depuis la guerre du Golfe de 1991, on est passé de 134 escadrons d’avions de combat à 55, ce qui donne un volume réel d’avions de combat disponible en raison du caractère aléatoire de cette disponibilité qu’on doit situer autour de 30-35 escadrons d’avions de combat. L’âge moyens des avions de l’USAF est de 27 ans et l’impossibilité d’acquérir toutes les pièces de rechange nécessaires conduit au choix de “cannibaliser” un certain nombre d’avions pour fournir des pièces manquantes à ceux qu’on a choisis pour rester opérationnel. L’unité de B-1 visitée a même récupéré un exemplaire de cet avion qui avait été donné à un musée pour récupérer sur lui des pièces de rechange ; dans d’autres cas, des équipes des unités impliquées font des visites sur les immenses “cimetières” d’avions déclassés depuis la Deuxième Guerre mondiale pour trouver des pièces... D’une façon générale et malgré cet effondrement des effectifs en nombre de systèmes, il manque aujourd’hui 700 pilotes à l’USAF, ce qui fait peser sur ceux qui servent une charge physique et psychologique épouvantable, tandis que l’entraînement de base (en vol courant) est réduit dans certains cas jusqu’à 80%/90% du temps prévu, pour raisons d’économie autant que pour “ménager” ces vieux avions usés jusqu’à la corde.( Ci-dessous, quelques extraits du texte de Fox.News du 14 mai rendant compte du reportage de la chaîne, dont le DVD est accessible dans ce texte.)
« It was just a few years ago, in March 2011, when a pair of U.S. Air Force B-1 bombers – during a harsh winter storm – took off from their base in South Dakota to fly across the world to launch the air campaign in Libya, only 16 hours after given the order. Today, many in the Air Force are questioning whether a similar mission could still be accomplished, after years of budget cuts that have taken an undeniable toll. The U.S. Air Force is now short 4,000 airmen to maintain its fleet, short 700 pilots to fly them and short vital spare parts necessary to keep their jets in the air. The shortage is so dire that some have even been forced to scrounge for parts in a remote desert scrapheap known as “The Boneyard.” [...]
» Many of the Airmen reported feeing “burnt out” and “exhausted” due to the current pace of operations, and limited resources to support them. During the visit to Ellsworth earlier this week, Fox News was told only about half of the 28th Bomb Wing’s fleet of bombers can fly. “We have only 20 aircraft assigned on station currently. Out of those 20 only nine are flyable,” [Master Sgt. Bruce] Pfrommer said. “The [B-1] I worked on 20 years ago had 1,000 flight hours on it. Now we're looking at some of the airplanes out here that are pushing over 10,000 flight hours,” he said.
» “In 10 years, we cut our flying program in half,” said Capt. Elizabeth Jarding, a B-1 pilot at Ellsworth who returned home in January following a six-month deployment to the Middle East for the anti-ISIS campaign. On an overcast day in the middle of May with temperatures hovering in the low 50’s, two B-1 bombers were supposed launch at 9:00 a.m. local time to fly nearly 1,000 miles south to White Sands Missile Range in New Mexico for a live-fire exercise. On this day, though, only one of the two B-1s that taxied to the runway was able to take off and make the training mission on time. The other sat near the runway for two hours. It eventually took off but was unable to participate in the live-fire exercise and diverted to a different mission, its crew missing out on valuable training at White Sands. A spare aircraft also was unable to get airborne. [...]
» After 25 years of non-stop deployments to the Middle East, airmen are tired. “Our retention rates are pretty low. Airmen are tired and burnt out,” said Staff Sgt. Tyler Miller, with the 28th Aircraft Maintenance Squadron based at Ellsworth. “When I first came in seven years ago, we had six people per aircraft and the lowest man had six or seven years of experience,” he continued. “Today, you have three-man teams and each averages only three years of experience.” Across-the-board budget cuts known as sequestration that began three years ago forced the Air Force to fire people, meaning those who stayed had to work extra shifts. And instead of flying, pilots are having to do more administrative jobs once taken care of by civilians, who were let go.
» “Honestly, from the perspective of an air crew member, the squadron is wiped out,” said Jarding. [...]
» Pentagon Press Secretary Peter Cook was asked last week if Defense Secretary Ash Carter thought the problems were more widespread.“No, I do not think so,” Cook replied. “I think this is a particular issue that's been discussed at length and this is an issue we're working to address.”
» But the airmen’s concerns suggest the problem is broader than the Pentagon would like to admit. Similar issues can be witnessed for the 20th Fighter Wing at Shaw Air Force base in South Carolina, home to three squadrons of F-16 fighter jets. Out of 79 F-16’s based at Shaw, only 42 percent can actually deploy right now, according to the commander of the wing, Col. Stephen F. Jost.
» That's because they, too, are missing parts. One F-16 squadron that recently returned last month from a deployment to the Middle East had a host of maintenance issues. “Our first aircraft downrange this deployment, we were short 41 parts,” Chief Master Sgt. Jamie Jordan said. To get the parts, the airmen had to take parts from another jet that deployed, leaving one less F-16 to fight ISIS. At one point, Jordan said they were taking parts from three separate aircraft. When asked about the efficiency of taking parts from expensive fighter jets, Jordan said the costs were not just in dollars: “From a man-hour perspective, it's very labor intensive and it really takes a toll.” The airmen’s concerns boil down to more than just the hassle on the airstrip: It’s whether the U.S., which for decades has dominated the skies, would be ready for a conventional war with another major world power. Jost warned if one broke out soon, the U.S. would “take losses.” »
L’impression étrange qui ressort de tout cela est une incursion dans une force aérienne d’un pays du Tiers-Monde (certes, de belles dimensions) coupé de tout accès à une modernisation, et que le pouvoir politique semble avoir abandonné à son triste sort. Quoi qu’il en soit de l’importance du constat, cette situation ne peut étonner personne, du moins parmi ceux qui suivent l’évolution des forces armées US du point de vue de la vérité-de-situation plutôt que de la narrative de relations publiques (pour cela, voir le secrétaire à la défense Carter). On comprend que, dans de telles conditions, les chefs militaires US soient effrayés des capacités russes, qui ne cessent de recevoir chaque année un contingent de plusieurs dizaines d’avions de combat flambant neufs.
On a déjà vu à de nombreuses reprises, depuis une dizaine d’année, l’évolution crisique régulière de l’US Air Force (voir, parmi les premiers articles développés à cet égard, par exemple les 29 décembre 2007 et 12 décembre 2008). L’exemple de l’USAF n’est pas unique, les autres armes souffrent d’une situation assez analogue, et tout cela malgré un budget pharaonique qui se situe officiellement autour de $600 milliards par an mais qui doit être décompté au moins au double ($1.200) si l’on tient compte de budgets pour les militaires dans d’autres ministères et agences, des allocations conjoncturelles votées régulièrement par le Congrès pour traiter à part le coût de certaines interventions extérieures, de certains “arrangements” comptables qui, dans un pays normalement corrompu, pourraient difficilement échapper à la sanction de l’escroquerie par faux en écriture, de la “disparition” souvent constatée sans capacité d’enquêter sérieusement par un audit qui semble impossible à réaliser de dizaines de $milliards, des liens incestueux entre le Pentagone et les fournisseurs civils qui permet des facturations exorbitantes, etc.
Le Pentagone, et le complexe militaro-industriel en général, sont un “trou noir” comptable, un nœud gordien bureaucratique que personne n’oserait tenter de trancher parce que plus personne ne semble en avoir la capacité. (Rumsfeld a parfaitement défini et mis en accusation ce monstre dans un discours, le 10 septembre 2001.) Cette réalité est connue depuis plusieurs décennies (le premier grand réformateur d’un Pentagone devenu ingérable, avec échec à la clef, est le secrétaire à la défense Robert McNamara qui officia de 1961 à 1968, soit il y a un demi-siècle) ; mais aujourd’hui ses effets sur les capacités militaires US sont absolument terrifiants : l’outil stratégique de la puissance militaire de l’américanisme est en train de se dissoudre sous nos yeux.
Il n’empêche, dans ce sombre tableau, l’USAF occupe une place particulière, encore plus sombre que le plus sombre, parce qu’elle se trouve dans l’état où on la voie alors qu’elle est absolument et volontairement enchaînée à la perpétuation de cet état, et même plutôt à son aggravation jusqu’à l’anéantissement. On parle bien entendu de l’inévitable JSF. Ce méga-programme est archi-connu pour ses extraordinaires extravagances, et surtout pour le cul de sac technologique, financier et opérationnel qu’il propose. C’est l’USAF, qui a basé tout le rééquipement de sa flotte de combat sur le JSF, qui est l’arme la plus complètement embourbée dans ce programme. (“Tout sur le JSF”, sauf le haut de gamme du bombardement stratégique, mais qui est loin, oh très loin d’être accompli.) A cause de lui, le JSF, l’USAF n’a plus acheté un seul nouvel avion de combat de hautes performances depuis le F-22 (dernier exemplaire livré, en décembre 2011), qui d’ailleurs préfigure le JSF sous la forme de l’emprisonnement de l’aviation de combat par le technologisme ; on peut aller jusqu’à dire que l’USAF est figée dans son rééquipement depuis les derniers F-15E livrés au début du siècle (2001-2002), vivant depuis au travers de mises à jour, modernisation, etc., des équipements disponibles, jusqu’à la fameuse cannibalisation.
En effet, le JSF est un facteur fondamental qui affecte toute l’USAF selon plusieurs impératifs qui se renforcent les uns les autres et constituent autant de verrou pour empêcher que l’USAF se développe autrement que par l’équipement du JSF ; l’on sait en même temps que l’équipement par le JSF implique un avion dont nul ne sait s’il fonctionnera jamais comme il doit fonctionner et dont beaucoup sont persuadés du “jamais”, et qui est d’ores et déjà très largement en-deça de ses nécessités opérationnelles, jusqu’à s’avérer inférieur dans nombre de domaines du combat aérien à ses prédécesseurs (F-15 et F-16) :
• Le JSF draine l’essentiel des crédits de l’USAF pour son rééquipement et sa modernisation.
• Le JSF est déjà en production, ce qui implique qu’il paralyse les structures de l’USAF à son avantage, alors qu’il est en état d’incapacité opérationnelle absolu, notamment et particulièrement parce qu'il dépend d’un système central de contrôle dont nul ne sait, tout simplement, si on pourra parvenir à lui imposer un fonctionnement satisfaisant et supportable pour l’emploi et l’autonomie nécessaire des composants d’une flotte aérienne. (Il s’agit du logiciel ALIS [Automatic Logistics Information System] impliquant au décompte actuel 30 millions de lignes de code.)
• Tout achat structurant de matériel, non seulement de remplacement mais de simple soudure en attendant le JSF, est quasiment impensable pour des raisons budgétaires (comme vu précédemment), mais surtout pour des raisons politiques. Tout nouvel achat de F-15 ou de F-16 de cette sorte (structuration) serait vu comme le signal que l’USAF abandonne le JSF au profit d’un renouvellement de sa flotte avec l’ancienne génération (à la rigueur des versions améliorées de l’ancienne génération).
• En un sens, il est impensable que le JSF fonctionne un jour comme l’avion de combat nécessaire à l’USAF de façon à ce que cette dernière puisse continuer à prétendre être la première force aérienne du monde) ; en un autre sens il est impensable que le JSF puisse être abandonné au profit de solutions alternatives qui relanceraient la puissance de l'USAF, en raison des investissements quasi-fondamentaux mis en lui, notamment investissement de communication pour préserver autant la perception du statut de superpuissance des USA que les clients “captifs” des USA qui continuent à croire à la narrative.
C’est sur le fond de cette situation créée par le programme JSF qu’il faut considérer la situation de l’USAF à la lumière des nouvelles apportées par Fox.News, malgré le faible crédit de connaissances techniques de la chaîne ; ou plutôt, dirions-nous, à cause de ce faible crédit, qui permet, hors de tout argutie technique secondaire servant à obscurcir la réalité, de présenter l’USAF pour ce qu’elle est en train de devenir, comme on l’a dit plus haut, – “une force aérienne d’un pays du Tiers-Monde coupé de tout accès à une modernisation, et que le pouvoir politique semble avoir abandonné à son triste sort”...
En effet, ce que nous disent les reportages de Fox.News, c’est que l’USAF est entrée désormais dans un cycle d’autodestruction, à la fois pour des raisons budgétaires et opérationnelles. Il s’agit d’un cycle de cannibalisme de soi-même, par le biais des procédures non réglementaires et destructrices de cannibalisation des systèmes, de récupération de vieux matériels mis au rebut (ou de donation faites à des musées !), de fragilisation constante des structures d’avions devenus extrêmement vieux, de défection accélérée du personnel voilant soumis lui-même à des conditions draconiennes.
Cette situation ressemble à celle des forces aériennes US (USAAF, US Navy et Marine Corps) dans le Pacifique, dans les premiers mois suivant l’attaque de Pearl Harbor où les Japonais portaient des coups terribles aux forces US sur tout le théâtre et les enfermaient dans les derniers points d’appui qu’il fallait tenir à tout prix pour éviter un effondrement structurel des positions stratégiques US. Face à des destructions massives et en attendant l’arrivée des premières productions massives de l’industrie US passée en mode de production de guerre, il s’agissait de tenir avec des procédés effectivement complètement artisanaux, totalement hors des normes militaires standards, dont la cannibalisation (sacrifier un ou plusieurs avions pour utiliser leurs pièces et permettre aux avions de continuer à voler et à combattre). La différence est bien entendu que, dans le cas actuel, Pearl-Harbor se nomme JSF... L’industrie (Lockheed Martin en l’occurrence) tourne déjà à fond depuis quelques années pour produire des JSF qui s’alignent en rangs bien serrés et sont inutilisables ne serait-ce (au mieux de l’optimisme) que parce qu’il vont devoir subir des modifications rendues nécessaires par les résultats des tests, au pire et de façon plus réaliste parce qu’ils resteront toujours inutilisables opérationnellement.
Nous avons déjà souvent observé que le JSF constituait l’exemple le plus massif et le plus paralysant du cul de sac dans lequel s’était engagé le système du technologisme, dans ce domaine des systèmes d’armes et de combat qui ont pour habitude de mettre à l’épreuve des réalités physiques du monde les composants les plus avancés du système du technologisme... On citera ici La Grâce de l’Histoire (p.470-471), pour résumer cette vérité-de-situation du JSF par rapport au système du technologisme :
« Les Américains, l’industrie aéronautique et le Pentagone avaient mis en chantier, en 1993-1994, le Joint Strike Fighter (JSF), qui semblait devoir s’imposer comme le plus haut Dieu de l’Olympe, Jupiter lui-même, – mais cet incomparable Jupiter, postmoderniste selon l’“idéal de puissance” et la transversale du technologisme, décisivement améliorée par la stealth technology (ou “technologie de la furtivité”, rassemblant des capacités techniques diverses devant donner comme effet de rendre le porteur de celles-ci quasiment invisible aux radars). Le programme coûterait peut-être bien mille milliards de dollars, fabriqué à, – combien, 5.000 ? 6.000 exemplaires ? Plus encore, certes, bien plus… Toutes les forces aériennes sérieuses en seraient équipées, pendant un demi-siècle, trois-quarts de siècle, c’est-à-dire que tout le XXIème siècle vivrait sous le diktat bienheureux et technologique du JSF, de l’américanisme, du technologisme, du Pentagone (“Les Lumières c’est le Pentagone”, dirait un postmoderne Gouhier). Le JSF devait figurer comme la pointe ultime mais massive de cette flèche triomphante de la transversale du technologisme qu’est l’industrie aéronautique.
» Presque vingt ans plus tard, le JSF est devenu le centre, le moteur et l’affirmation angoissante d’une crise de fonctionnement de tout un système, de tout le système du monde de l’“idéal de la puissance”. L’afflux de technologies, de moyens, de processus de gestion, tout ce tissu qui structure la transversale du technologisme, se conjugue et s’additionne pour produire un effet massif enfantant blocages, dysfonctionnements, dépassements de coûts et moqueries impudentes de tous les gestionnaires et bureaucrates qui font la gloire des avancements du technologisme conduisant la politique de l’“idéal de la puissance”. Le JSF n’est pas un accident, il est un exemple, il est un archétype, il est en passe de devenir la référence même dirait-on si l’on ne craignait que le lecteur ne distinguât dans ce mot une marque d’ironie. Il est le reflet, le miroir, pour les bureaux d’études, les couloirs de la bureaucratie et les hangars qui protègent la puissance sophistiquée de la civilisation occidentale, de la déroute que les puissantes phalanges militaires occidentales subissent des mains pouilleuses des combattants de la G4G, sans s’apercevoir qu’il est effectivement question d’une déroute. Tous les composants de notre système du technologisme semblent lancés dans une infernale sarabande, pour trouver de nouvelles places, de nouvelles connexions, de nouvelles proximités, dont l’ensemble tend à former un immense réceptacle où bouillonne un poison irrémédiable, un trou noir sans fond tant la chute est profonde, toutes ces choses où s’entassent nos espoirs perdus et nos ambitions ridiculisées, jusqu’à la paralysie achevée de cette hyperpuissance transformée presque mimétiquement en une hyperimpuissance. »
L’image est terrible et doit être retenu comme un symbole, car elle vaut plus que toutes les explications qu’on a déjà données, elle les transcende en leur donnant toute la puissance du sens qu’on distingue dans ce phénomène. Effectivement, le phénomène de la cannibalisation des forces découvre en l’opérationnalisant par le cannibalisme l’authenticité du phénomène de transformation de la dynamique de surpuissance (Dieu sait si elle triomphait en 1991 lors de la Guerre du Golfe-I) en dynamique d’autodestruction, – et y a-t-il une autodestruction plus achevée, plus symboliquement vraie que la dévoration de soi-même ? L’USAF, par le biais du JSF et avec l’aide empressée du système du technologisme en fin de course, rejoint ainsi la Révolution française et son “cannibalisme révolutionnaire” : elle (l'USAF) se dévore elle-même comme la France, par le biais de ses révolutionnaires, s’est dévorée elle-même. (Dans le livre qui porte le titre de Cannibalisme révolutionnaire, le docteur Minh Dung Louis Nghiem, on lit ceci : « ... [I]l faudrait mettre à part les cas de cannibalisme observés pendant la Révolution française qui ne relèvent ni de la famine, ni de la misère, ni de la nécrophilie... [...] On mange ces pièces crues ou grillées et jamais cuisinées de manière compliquée. Ce qui semble étonnant chez un peuple réputé pour ses goûts culinaires. On convient d’appeler ces pratiques “le cannibalisme révolutionnaire”, car il n’a jamais été observé que dans la Révolution française. ») Qui s’étonnera de ce rapprochement ? Nul n’ignore que, né du “déchaînement de la Matière”, le Système, avec ses créations de l’américanisme et du technologisme, est aussi une sorte de parrain et d’inspirateur de la Révolution française...
L’espèce de calme surprenant, presque gestionnaire, avec lequel les cadres des forces armées suivent et tentent de structurer à bouts de ficelle cet effondrement, montre combien l’inéluctabilité de l’effondrement a complètement anesthésié leurs psychologies, et par là même, leur esprit critique. Tous les témoignages recueillis par Fox.News nous laissent à entendre des officiers et des sous-officiers qui parlent comme l’on parlerait de très rudes conditions de combat (les USA dans le Pacifique au début de 1942) ; alors qu’ils parlent d’une machinerie d’une incroyable surpuissance, croulant sous les centaines de $milliards, affirmant, sinon hurlant à chaque occasion sa puissance invincible, tandis que le Congrès laisse partir des sommes inimaginables sans pouvoir en contrôler l’usage, et continue à entretenir l’impression qu’il est toujours aux commandes des cordons de la bourse de la plus grande puissance que le monde ait jamais connu.
Le cannibale ne s’aperçoit même pas qu’il se dévore lui-même.
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