Mélenchon, Poutine, Le Monde et Palmyre

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 1982

Mélenchon, Poutine, Le Monde et Palmyre

Nous avons été injuste en observant que toutes les institutions, du bloc-BAO restaient silencieuses devant la reprise de Palmyre où les Russes jouèrent un rôle important, sinon essentiel. Nous avons donc raté, – ou plutôt nous n’avons pas anticipé qu’une de nos plus brillantes institutions, Le Monde, reconnaissait, dans son éditorial, le rôle éminent de la Russie dans une œuvre civilisatrice consistant à ôter des mains des barbares ce joyau des restes sublimes des civilisations anciennes.

(...Question du flâneur, tout à fait en passant : que sont devenus nos superbes Rafale de l’Armée de l’Air française dans toutes ces pérégrinations, eux qui étaient prêts à sauter à la gorge d’Assad à la fin août 2013 pour le punir de l’attaque chimique montée à grand frais par Prince Sultan déguisé en Assad, qui furent à grand’peine retenu par un Obama-Hamlet revenu au dernier moment sur sa décision d’attaquer ? Le silence pudique est de rigueur, la gloire de la France étant aujourd’hui dépendantes des bons points de l’UE et de sa loyale imitation de la sagesse américaniste. Il n’y avait donc pas de Rafale au-dessus de Palmyre.)

... Tout cela (y compris les Rafale absents de Palmyre) illustre la confusion ambiante, mais on observera aussitôt qu'il y a au moins un personnage qui exulte avec sa verve coutumière à la lecture du Monde célébrant Poutine en sauveteur des restes sublimes des civilisations anciennes, et que celui-là c’est Mélenchon. Cloué au pilorie, lynchée médiatiquement et régulièrement depuis des mois pour son soutien à l’intervention des Russes contre Daesh & Cie, il savoure une revanche bien gagnée dans une longue diatribe, sur son blog nommé “L’ère du peuple”. C’est le texte que vous trouvez ci-dessous, dans sa version intégrale.

Sputnik-français a sauté sur l’occasion, – celle qui lui était offerte par cette conjonction inattendue et bien improbable Le Monde-Mélenchon. Dans un article du 30 mars, le média russe se demande si « les médias occidentaux [se sont mis] à aimer Poutine ». Il interroge l’écrivain et essayiste Jean-Cyril Vadi (Boulevard-Voltaire), qui reste, à notre avis avec juste raison, extrêmement circonspect ...

« “Je ne pense pas qu'il y ait des changements dans les médias mainstream, je pense qu'ils ne peuvent que reconnaitre que la libération de Palmyre est symbolique. C'est un coup qui n'a pas été anticipé. Poutine est un spécialiste de l'effet de surprise. En libérant Palmyre il a montré qu'il s'alignait sur les mêmes symboles que les occidentaux.” M.Vadi doute néanmoins que les médias puissent changer désormais de ton et d'attitude face à la Russie... [...] “Les médias ont une vision binaire du système. Ils sont souvent alignés sur Bruxelles, ils ne peuvent pas admettre que le monde est plus complexe que leur vision des choses“, pense-t-il. “Il leur sera impossible de faire marche arrière. Ils en sont incapables, c'est comme un saut dans le vide”, poursuit-il.

» Pour M.Vadi, la prise de Palmyre est un symbole fort qu'il est impossible de nier. De manière plus globale, elle marque la réussite de l'opération russe sur le théâtre syrien. “L'image de Poutine n'est plus la même depuis qu'il est intervenu en Syrie”, constate-il. Dans le même temps, l'écrivain est persuadé que les médias s'autocensurent, ne s'autorisant pas à aller trop loin dans leur bienveillance vis-à-vis de Poutine et de la Russie, car, comme ils le disent eux-mêmes, ils auraient l'impression de jouer le jeu de certains partis nationalistes français qui se reconnaissent dans les valeurs de Poutine. “A mon avis, ils s'en tiendront à des éloges prudents”, conclut-il. »

Ce ton extrêmement contraint, supposé ou ressenti, des médias de la presse-Système qui naviguent entre l’autocensure, les éloges prudents et les condamnations automatiques lorsqu’il s’agit des Russes constitue une marque indéniable de la crise du Système et des exigences de plus en plus impératives, de plus en plus pesantes et de plus en plus contradictoires du déterminisme-narrativiste. Un personnage comme Mélenchon, qui est à cet égard complètement libre, peut tranquillement asséner des coups particulièrement dévastateurs contre le monde général des censeurs du système médiatico-communicationnel qu’on trouve dans ce type d’émissions talk-show où le “divertissement” est nécessairement le véhicule d’une constante leçon de morale aux accents terroristes en faveur de la “ligne du Système”. Pour ce cas bien précis, nous parlons essentiellement, sinon exclusivement des affaires extérieures, c’est-à-dire de tout ce tissu crisique en effervescence qui a remplacé les relations internationales et les idéologies conventionnelles, dans ce cadre effectivement Mélenchon est un de ces solitaires dont l’orientation idéologique, comme d’autres aux orientations différentes, le cède à la fonction d’antiSystème, contre la masse-Système qui tient la communication. Mais ces attaques de solitaire, ou plutôt ces contre-attaques quand les évènements confirment les prises de position, ont infiniment plus de poids et de force parce qu’elles s’appuient sur les vérités-de-situation, et elles affaiblissent considérablement la masse des censeurs-autocenseurs.

Vadi a raison : le système de la communication inféodé au Système en général ne peut “virer de bord” en aucun cas, mais il est obligé à des louvoiements qui rendent ses attaques, ses dénonciations, ses mises en accusation de moins en moins vigoureuses, de plus en pus fragiles et vulnérables. Cette évolution suit les évènements qui rendent le Système de plus en plus fragile malgré sa surpuissance, à cause de ses collisions de plus en plus sévères avec des vérités-de-situation qui ont la force de leur substance même. Dans les évènements actuels où la communication prime tout, le nombre a peu d’importance ; ce qui compte, ce sont la force de la psychologie et la fermeté du caractère que font naître la proximité vigouteuse de certains des vérités-de-situation.

Voici donc Mélenchon au mieux de sa forme dialectique, le 30 mars 2016...

 

dedefensa.org

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Le Monde félicite Poutine et soutient la Russie

Je déplore que la vie médiatique soit devenue cette caricature de course aux clics et au buzz. Petit à petit, tout l’espace est dévoré par cette seule dimension du sensationnel et de l’instant à n’importe quel prix. Mais comme je suis pour ma part équipé d’un cerveau doté de mémoire (aussi longtemps que l’addiction au smartphone ne sera pas parvenu à effacer l’un et l’autre), je suis donc en état de jouir finement de l’avantage de me souvenir de ce que les uns et les autres disent, gribouillent, éructent, profèrent, fulminent, et ainsi de suite.

Que ce jour est suave de ce point de vue. Oui, comment laisser passer cette douce revanche sur les détracteurs permanents de mes positions sur la Syrie, la Russie et ainsi de suite. Que le journal Le Monde me pardonne la légère exagération/contrefaçon dont je me rends coupable avec le titre de ce post. Mais comme la méthode m’a été appliquée au fer rouge par maints de ses collègues, et parfois même par lui-même, sans que nul ne s’en émeuve, je crois donc que le coup est permis pour l’occasion. Il faut bien que le buzz tue le buzz, un jour ou l’autre. Quoi qu’il en soit dans mon cas je ne pars pas de rien. Lisez ces lignes, elles ouvrent l’éditorial du « monde.fr ». Lisez-les attentivement. Savourez-les. Elles sont pour beaucoup d’entre nous une revanche intellectuelle face aux partis de la propagande aveugle : « Grâce à la Russie, l’antique cité de Palmyre a donc été libérée du joug des barbares de l’organisation dite “État islamique”. Un pas important dans la lutte générale contre l’EI a été accompli, à plus d’un titre. »

Comment n’acclamerais-je pas cette publication ? « Grace à la Russie » !!! Ces premières lignes de l’éditorial du Monde font justice du numéro pitoyable de dénigrement de la meute après mon passage à « On n’est pas couché ». J’avais dit (éructé) que j’étais satisfait du travail des Russes quand ils ont coupé les voies de sortie de Syrie du pétrole de Daech vers la Turquie.  J’avais glissé (asséné) que les Russes allaient régler le problème avec cette méthode. Aussitôt, la clameur médiatique horrifiée monta jusqu’au ciel tandis que le canon à boue fraîche se mit à tonner sans discontinuer de longues heures et même sur trois jours dans les divers bulletins confidentiel du PS et de quelques officines stipendiées. « Mélenchon félicite Poutine en Syrie » etc… Qui une fois recopié de journal en journal donnait « l’appui/ le soutien/ l’adhésion de Mélenchon à Poutine ».

Car évidemment Poutine, en plus d’être Poutine, ce qui est déjà beaucoup, en plus d’être ceci et cela de très abominable, Poutine était pour la propagande d’alors l’homme qui ne s’occupait pas de Daech mais de massacrer les opposants à Assad. Que les opposants en question soient eux même de noirs fanatiques religieux au point d’avoir été ensuite exclus du cessez-le-feu était une revanche trop difficile à expliquer. Mais comme je me souviens bien de Yann Moix et Léa Salamé, désolés d’être obligés de démasquer (révéler, décrypter) ma turpitude. Oh, leurs regards navrés : « Vous savez bien (et toc Mélenchon menteur et hypocrite) monsieur Mélenchon que les Russes se contentent d’attaquer les rebelles opposés à Assad » ; « sur trois cent opérations, à peine dix contre Daesch ». « D’où tirez-vous cette information, avais-je demandé (grogné, sursauté) ? » « De la presse », avaient répondu les innocents, stupéfaits qu’on leur pose une question qu’ils auraient pourtant dû eux-mêmes se poser avant ! On connaît la suite. Quand bien  même avais-je répondu « non » à la question tout en nuance « alors, on laisse faire Poutine ? » de madame Salamé et ajouté qu’il fallait au contraire que ce soit l’ONU qui mène la sortie de crise avec une coalition universelle, rien n’y fit.

Peu importe. Je m’amuse de ces ridicules accumulés par mes détracteurs, sans du tout nier leur impact malveillant sur l’opinion des distraits. La même aventure m’est arrivée à l’émission « Le Supplément ». Je dis que la guerre là-bas se prolonge par des commandos ici, et que les attentats cesseront si la guerre s’arrête là-bas. La seule chose que trouve à dire Ali Baddou, trop cultivé et intelligent pour ne pas se rendre compte de ce qu’il fait,  est : « c’est aussi simple que cela ? ». Je n’ai pas perdu une seconde à commenter la désinvolture d’une telle phrase (ben voyons, Ali Baddou, arrêter une guerre, c’est très simple, tellement simple que vous n’avez même pas pensé à me demander comment).

Sur ce même plateau l’autre journaliste parle à propos des terroristes de « combattants ». Je relève pour contester l’usage du mot ? La sainte confrérie corporative s’émeut : « Mélenchon s’énerve contre un journaliste » ! Et le procès ne sera ni pour celui qui nomme « combattants » des assassins, ni pour Ali Badou qui laisse dire sans réagir. Il sera pour moi. La dépêche AFP, d’habitude plus sérieuse quand certains ne sont pas là au desk, m’attribue un propos inventé de toute pièce. J’aurais dit « si on arrête de bombarder, les attentats cesseront ». Et y ajoute de son chef « c’est aussi simple que ça », phrase pourtant d’Ali Badou. Une pure invention qui est le contraire de ce que je dis et que j’explique (m’emporte, m’énerve, tonne) depuis des mois. Voyez le décryptage qui en a été fait dans cette vidéo ci. Une fois saisie, l’AFP mets plus d’une heure à rectifier. Celui qui fait trainer la rectification doit bien savoir ce qu’il fait. Il n’en est pas à son premier coup avec moi. Car pendant ce temps la meute a eu le temps de se déchaîner sur l’os qui lui a été jeté. Seul Public Sénat aura l’honnêteté de retirer son article quand le rectificatif aura été publié. Tous les autres se foutent de la valeur de l’information qu’ils donnent comme d’une guigne. « Ce qui est dit est dit coco ! »

Pendant ce temps, la meute se déchaîne. Grace à son logiciel « marabout-de-ficelle-selle-de-bois » la meute me fait dire que les attentats sont la responsabilité de notre pays ! Ce qui n’est pas mon point de vue, ce que je n’ai jamais dit et ne pense pas. Pas plus que je ne crois à la baliverne selon laquelle notre société serait « responsable des terroristes » voir les aurait « engendrés » comme Ali Baddou faisait mine de le croire, reprenant le propos du brave bourgmestre PS de Bruxelles et de combien d’autres ici même. Évidemment, cette faute professionnelle multipliée par autant de fainéantise et de goût du scandale me nuit. Il faut ensuite passer des heures à écouter des gens commenter ce qu’ils croient que vous avez dit sans s’impatienter et y répondre. A grand échelle, c’est une image qui est fabriquée de toute pièce dont j’aurais à me défendre des mois durant (« bien joué coco ! »).

Comme je refuse de céder aux intimidations de bien des groupes de pressions communautaristes (notez le pluriel, s’il vous plaît) je dois donc être placé dans la case pro-islamiste, quand bien même l’instant d’avant on m’aura traité de « laïcard » et l’instant d’après « d’ami des bombardements russes ». C’est tout bénéfice pour le système. En effet, je suis par-dessus le marché un partageux rouge. Donc nécessairement un fou dangereux favorable aux assassins. Et cela quand bien même pas un journaliste n’aura eu un mot pour contester qu’un d’entre eux appelle « combattant » un lâche meurtrier « terroriste ». Sur le plan de la vie des médias, je crois que je suis tombé sur une adresse où je dois peut-être éviter d’aller pour m’épargner des traquenards de cette sorte.

 

Jean-Luc Mélenchon