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3096La politique russe vis-à-vis des USA est aujourd’hui fondée sur une communication publique, qu’exprime notamment Poutine sans la moindre retenue, qui est faite à la fois de mépris, de dérision et de désintérêt affiché pour la moindre démarche commune considérée pour l’instant comme complètement improductive à cause de l’impuissance, de l’inculture et de l’incivilité des dirigeants US. Poutine parle des dirigeants américanistes comme s’il parlait de barbares plus irresponsables que réellement dangereux, sinon par la maladresse de l’inintelligence et selon une pathologie psychologique absolument exacerbée mais nullement dépourvue de couardise. Cette posture de communication désormais affichée de Poutine, très visible lors des conférences de presse qui ont suivi le sommet des BRICS en Chine, confirme la remarque que nous faisions le 27 août 2017, notamment à la lumière d’un rapport de Reuters :
« Les Russes ont finalement compris et, désormais, le visage de Poutine qu’on voit en photos est marquée d’une ironie lointaine et presque amusée devant le spectacle de son ‘partenaire’ US. Lavrov se fiche bien de rencontre Tillerson, ce dernier trop occupé par ailleurs à réorganiser le département d’État et qu’on dit au reste découragé et proche d’être sur le départ d’ici la fin de l’année. On nous a avertis depuis trois semaines que les Russes, quand ils y jettent un coup d’œil, observent le soap opera de ‘D.C.-la-folle’ avec un haussement d’épaules. “‘Personne n’y prête plus d’attention, ni n’attend la moindre amélioration’, déclare une source proche du gouvernement russe, selon Reuters le 8 août 2017... Employant un vieux dicton pour décrire comment les officiels à Moscou voient les turbulences à la Maison-Blanche, le source dit sentencieusement : ‘les chiens aboient, la caravane passe’”... »
A l’issue du sommet des BRICS, le 4 septembre en Chine, Poutine a eu des mots extrêmement sévères, sinon crus, non seulement pour la politique US et la situation politique à Washington D.C., mais aussi et surtout pour la qualité du personnel politique, diplomatique, etc., du gouvernement des États-Unis. D’un point de vue dialectique, on ne peut envisager d’attaques plus méprisantes et humiliantes parce qu’elles mettent en cause la qualité culturelle et le niveau intellectuel de l’élite politique ; on ne peut envisager meilleure preuve de cette nouvelle attitude russe qui implique non seulement une attitude politique de glaciation, ou de rupture par immobilisme, mais une rupture quasiment psychologique et intellectuelle caractérisée par un mépris exprimé hautement. Poutine dit simplement des dirigeants politiques US : “On ne peut pas parler avec des sauvages stupides et des barbares incultes”. Face à cela, les dirigeants et élites US, qui ont le cuir épais des barbares stupides, n’ont certainement ni entendu, ni encore moins compris quelle sorte de message s’adressait à eux.
Voici le passage fameux à cet égard, repris abondamment et souvent avec des traductions aux nuances différentes (de russe en anglais, et pour notre part d’anglais en français à partir de plusieurs interprétations en anglais) :
« Il est difficile de développer un dialogue avec ces gens qui ne savent pas distinguer entre l’Autriche et l’Australie. On ne peut rien faire avec ça actuellement, parce que cela semble refléter le niveau de culture politique d’une certaine partie de l’establishment américain. Le peuple américain est réellement un grand peuple et l’Amérique une grande nation si l’on considère qu’ils peuvent continuer à être ce qu’ils sont avec un tel nombre de dirigeants ayant une culture politique d’un aussi bas niveau… »
Ces propos accompagnent une appréciation générale peu flatteuse de Poutine sur l’évolution de la situation diplomatique de la crise nord-coréenne où le président russe charge là aussi les USA de toutes les responsabilités... A l’origine, d’abord, et même s’il (Poutine) juge également déplorable sinon condamnable du point de vue de la stabilité internationale le développement d’armes nucléaires (et de vecteurs pour porter ces armes) par la Corée du Nord, il le juge inéluctable et le justifie par la politique subversive et déstructurante des USA depuis des décennies, assortie de la tactique désormais consacrée du regime change suivie du désordre barbare avec conséquences... « Pyong Yang n’abandonnera pas ses programmes militaires sous la pression de sanctions et de menaces militaires parce que les exemples de l’Irak et de la Libye [qui ont été pulvérisées par l’action des USA] les ont convaincus que la dissuasion nucléaire était la seule voie crédible pour leur assurer leur sécurité... »
Corollaire inévitable, le jugement habituel désormais sur l’absurdité de la politique de force, – sanctions, menaces militaires allant jusqu’à l’anéantissement, – des USA étalant ainsi toute leur barbarie et leur inculture politique, en plus de l’hystérie habituelle et à nouveau à son paroxysme devant les circonstances de la crise, le “danger nucléaire nord-coréen” et tous les stéréotypes habituels des psychologies dérangées (dénonciation par Poutine du risque d’« une hystérie militaire » autour de la question nord-coréenne, pouvant conduire à une « catastrophe planétaire coûteuse en vie humaines ») :
« Par ailleurs, Vladimir Poutine a estimé que d'éventuelles sanctions économiques contre Pyongyang, évoquées notamment par Donald Trump récemment, seraient inutiles. “Ils mangeront de l'herbe, mais ils ne changeront pas de politique tant qu'ils ne se sentiront pas en sécurité”, a déclaré le président russe. La Corée du Nord justifie en effet le développement de son programme nucléaire par la menace dont elle s’estime l'objet de la part des Etats-Unis. »
Un autre motif d’hostilité et de mépris des Russes vis-à-vis des USA, c’est le comportement US vis-à-vis de propriétés diplomatiques russes aux USA, actuellement en cours. Les autorités US ont investi certaines de ces propriétés et en ont interdit l’accès aux Russes, violant les accords fondamentaux de Vienne sur l’immunité diplomatique qui constituent le fondement même des relations diplomatiques civilisées basées sur cette immunité des biens et des personnes ayant ce statut dans le pays étranger où ils représentent leur propre pays. Lavrov a averti son collègue Tillerson que la Russie allait porter plainte devant les instances internationales appropriées ; Tillerson ne lui a pas répondu que les États-Unis s’en foutent parce qu’il ne semble pas être personnellement impoli mais on comprend bien que c’est le sentiment dominant là-bas, à Washington D.C., dans ce cas union faite entre l’administration Trump et tous ses nombreux adversaires... Il peut donc y avoir une entente bipartisane à “D.C.-la-folle”, du moment que c’est au niveau de la barbarie et de l’inculture car c’est bien les domaines où tout le monde finit par s’entendre.
Ce comportement est perçu par les Russes comme celui d’un État-voyou (“rogue State”), qui est en général le jugement que suscitent aujourd’hui les USA, leur pseudo-diplomatie, leurs menaces diverses, leurs actions complètement en marge de la légalité ou en-dehors de toute légalité. En marge du sommet des BRICS également, le vice-ministre russe des affaires étrangères Sergei Riabkov a estimé que l’action des USA à l’encontre de biens diplomatiques de la Russie aux USA ne pouvaient être qualifiés que de “houliganisme d’État”, ce qui donnerait aux USA l’appellation assez originale et qui pourrait devenir à la mode dans les milieux postmodernes de la communication, d’“État-houligan”, avec l’emploi du mot russe signifiant “voyou”.
Ainsi Poutine et les Russes ne font-ils à cet égard qu’exprimer un sentiment général qui fait effectivement des USA un État-voyou beaucoup plus qu’une superpuissance, ce qui a une profonde signification stratégique et même ontologique. Cette perception et cette appréciation devraient impliquer un changement complet de jugement sur le comportement des USA, sur la crainte qu’il faut avoir de ce pays, sur ce qu’on doit penser et craindre de ses menaces et de ses rodomontades. La nuisance d’un État-voyou implique en général la lâcheté et la pusillanimité, l’absence d’audace comme l’absence de buts ambitieux qui sont en général à la base des grandes stratégies (y compris les grandes stratégies impérialistes), parce que le but de l’État-voyou est la rapine, le pillage et la piraterie là où cela peut être réalisé sans le moindre risque...
Cela impliquerait qu’il y a finalement beaucoup moins à craindre des USA qu’on ne pense et n’en craint en général, parce qu’il n’y a pas vraiment à craindre d’actions où l’État-voyou (les USA en l’occurrence) prendraient trop de risques pour lui-même. Le 26 août 2017, nous décrivions le comportement des militaires US, et notamment de leurs chefs, à partir des constats d’Alexander Mercouris, et cela donnait ceci : « Mercouris estime qu’il s’agit là exactement de ce qu’on peut attendre d’un soldat US aujourd’hui : l’agressivité extrême là où quasiment n’existe aucun risque, et prudence extrême là où un risque existe (toujours vis-à-vis des deux puissances : Russie et Chine). Cela conduit Mercouris à poser la question de la stratégie, ou bien encore, selon des termes plus simples et plus abrupts : à quoi tout cela sert-il ? »
Où est-il écrit que cela doive servir à quelque chose ?! La réponse à la dernière question est par conséquent qu’il n’est en rien nécessaire que cela serve à quelque chose... De même n’y a-t-il aucune stratégie dans un comportement de voyou, et surtout d’un État-voyou, nihiliste par essence, par ambition et par capacités intellectuelles réduites au minimum du gain immédiat, sinon par inculture ardemment cultivée, uniquement intéressé par la rapine d’occasion, ignorant toutes les lois par incultures autant que par incapacité, etc. Avec les USA, nous en sommes là, que l’on aille de Trump à McCain, des généraux "faucons” aux parlementaires progressistes-sociétaux.
La vertu de Poutine et des Russes dans cette occurrence est d’avoir parlé avec la clarté et l’aplomb qui sont les leurs désormais lorsqu’il s’agit des USA. Ce qu’a dit Poutine de l’inculture des dirigeants et des élites US nous en dit bien plus que des dizaines de volumes d’analyse stratégique sur le fondement du comportement des USA. L’élite US est une élite de barbares, d’incultes et, d’une façon générale, pour ce qui est de la vision du monde et de la compréhension intellectuelle de ce monde, d’idiots complets. Ces élites sont bien entendu corrompues et totalement hypocrites, d’une hypocrisie de robots dirait-on, mais cela ne leur apporte aucune qualité de manœuvre, d’ambition ni d’action. Leur barbarie est celle de type postmoderne, geignarde, ne frappant que les plus faibles et traîtreusement, mais aussitôt effrayée dès qu’une réelle puissance se présente ; c’est la “barbarie intérieure” dont parle Jean-François Mattei, où l’idiotie et l’absence de tout respect pour les règles civilisées s’accompagnent d’une couardise sans bornes.
De ce point de vue et compte tenu de ce que l’on a entendu dire en marge des BRICS, il semble de plus en plus probable que les Russes ne soient plus très loin d’intégrer ce jugement général dans leur politique, avec un traitement à mesure des USA. L’expérience Trump, – l’espoir de meilleures relations aussitôt perdu dans le désordre hystérique de “D.C.-la-folle”, avec un Trump qui aimerait bien que toute aille mieux avec la Russie mais n’en continue pas moins à couvrir les actes les plus détestables à cet égard, – cette expérience a constitué certainement une étape décisive. Il est désormais très possible, sinon probable, que la “diplomatie” de Poutine vis-à-vis des USA soit exempte de toute précaution inutile et un peu trop respectueuse et s’exprime vertement de la façon la plus abrupte possible. Il est désormais très possible que les Russes commencent à comprendre qu’il n’y a même plus à trop craindre de réactions dangereuses d’un tel État-voyou, superpuissance transformée en une masse incohérente et trop couarde sur le fond pour affronter un adversaire qui pourrait fort bien la battre et l’humilier en découvrant ce qu’elle est précisément.
Mis en ligne le 06 septembre 2017 à 11H01