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1754La guerre est-elle déclarée entre le “centre” fédéral de Washington D.C. avec l’administration Trump et l’État de la Californie, connue également comme l’on sait comme la “république de Californie” ? Le 7 mars, l’Attorney General fédéral (AG, ministre de la Justice), Jeff Session, déclarait la politique dite “du-sanctuaire” du Gouverneur de la Californie Jerry Brown, « irrationnelle, déloyale et inconstitutionnelle », en même temps qu’il lançait ou envisageait de lancer certaines procédures judiciaires contre l’État de Californie et certaines villes de cet État, notamment Oakland, San Francisco, etc., pour non-respect des lois fédérales sur l’immigration. En réponse, le gouverneur Brown a estimé que l’AG Sessions « lançait une politique pour faire régner la terreur [dont la mise en place constituera] l’équivalent d’une guerre lancée [par l’administration Trump] contre l’État de la Californie »
C’est dire si un ministre de l’administration Trump, sans parler de Trump lui-même, n’a pas intérêt aujourd’hui à mettre le pied en Californie, sinon masqué et portant perruque (éventuellement une coupe à la Kim pour Trump ?). Il y serait quasiment lapidé, sinon reconduit à la frontière par la Garde Nationale prestement mobilisé par Brown malgré les remarques courroucées du Pentagone. Par contre, il faut bien le dire, si vous êtes candidat à la présidence du Mexique (élections le 1er juillet) et que vous visitez très-officiellement la Californie où se trouvent des millions d’électeurs d'origine mexicaine disposant de la double nationalité, vous êtes reçu presque comme un président et l’on se retient simplement d’en faire une visite officielle et tonitruante pour ne pas paraître prendre position dans une compétition électorale qui semblerait aussi bien californienne que mexicaine...
(La Californie est évidemment l’État des USA qui a la plus forte population latinos, avec sans doute plus de 15 millions de personne [un peu plus de 14 millions au recensement de 2014]. Depuis 2014, ils forment le premier groupe ethnique en Californie, ayant dépassé dans ce recensement les WASP et autres Américains-Caucasiens comme l’on dit pour “blancs”. Les Latinos forment 37,6% de la population californienne. [Ils sont dépassés en pourcentage par le seul Nouveau-Mexique, avec 46,3%, mais pas en nombre bien entendu, puisque les 46,3% de cet État presque en position de semi-annexion par le Mexique sont formés de 953 303 personnes d’origine latinos]. Ils disposent, comme tout citoyen américain d’origine mexicaine, y compris depuis 1988 ceux qui sont nés sur le territoire US, de la double nationalité et donc, en plus des USA, du droit de vote au Mexique qu’ils peuvent désormais [depuis 1988] exercer sur le territoire US, au consulat le plus proche.)
Justement donc, Ricardo Anaya Cortes, candidat conservateur aux élections présidentielles mexicaines, très branché-“sociétal” pour plaire à la gauche multiculturelle, se trouvait à la fin de la semaine dernière en Californie. Il a rencontré des personnalités, comme Janet Napolitano, ancienne ministre d’Obama, membre d’une minorité évidemment et joliment sinon grassement reconvertie à un poste californien prestigieux :
« Parmi les personnalités qu’il a rencontrées, dit FoxNews, il y avait Janet Napolitano, secrétaire du Department of Homeland Security de l’administration Obama et désormais présidente de l’Université de Californie. Dans un tweet accompagné d’une photo le montrant avec Napolitano, Anaya a dit qu’ils “avaient parlé de l’importance de soutenir les ‘Dreamers’ [les immigrants illégaux aux USA demandant la légalisation] et se sont entendus sur le fait qu’il est important d’accorder le plus grand respect aux migrants mexicains. »
Nous n’en sommes pas ici à nous immiscer dans la campagne présidentielle mexicaine, ou à en faire rapport, etc., – malheureux, nous ne sommes pas des Russes ni des Putin’s troll ! (Quoique, dirait Dupont à Dupond...) Nous sommes là où nous sommes, dans ces pages, pour constater, sans véritable surprise à vrai dire, qu’un candidat-président mexicain considère la Californie comme un territoire de campagne électorale pour la présidence du Mexique (tandis qu’un président des États-Unis d’Amérique évite comme la peste d’y envoyer ne serait-ce une mèche de cheveux, pourtant habituellement gage d’amour). A notre sens, il y en aura d’autres à venir en Californie, des candidats-président du Mexique, notamment Andres Manuel Lopez Obrador, l’inusable candidat (depuis 2006) d’une gauche populiste qui aimerait tant être révolutionnaire et réformer, – c’est-à-dire, faire exploser ? – le Mexique ; ce pays, archétype de l’anarchie et de la barbarie postmoderne caractérisée par le banditisme universellement organisé sur la corruption, pourtant assis sur ces facteurs incroyables d’une proximité dévorante des USA (mais qui dévore l’autre ? USA ou Mexique ?) et d’une ardente foi catholique (mais avec un pape comme François, que faire de cette foi ?).
Quoi qu’il en soit, voici donc l’essentiel : un candidat-président mexicain, et certainement éventuellement un président mexicain, est et serait comme chez lui au Mexique, reçu avec la déférence et la chaleur qui importent, tandis qu’un ministre de Trump ou Trump lui-même pourrait bien être reçu par la Garde Nationale en grand équipement guerrier. C’est-à-dire que nous arrivons à l’opérationnalisation de la crise prévisible dès l’élection de Trump, à la maturation de la terrible opposition entre Trump et Washington D.C. en tant que centre de l’administration, et la Californie. Il s’agit d’un cas dont nous parlons depuis si longtemps... (Voir notamment le 18 décembre 2016, le 30 janvier 2017, le 1er février 2017, le 17 juillet 2017, le 27 juillet 2017, le 23 septembre 2017, le 9 octobre 2017.)
On comprend également l’intérêt que nous portons à ce cas californien divisée en deux axes de déstabilisation, – d’une part la querelle entre la Californie et “le centre”, d’autre part les rapports de la Californie et du Mexique, “Calimex” ou “Mexical”. Nous tenons le cas californien comme la première brique, et de quelle taille, à se briser dans ce que nous jugeons être l’inéluctable désagrégation, déstructuration-dissolution, des États-Unis d’Amérique. Nous tenons depuis longtemps que là se trouve la voie royale et finale vers le processus d’effondrement, – certes, des USA, mais de façon beaucoup plus fondamentale, du Système lui-même (Grande Crise d’Effondrement du Système, GCES).
Pour agrémenter et renforcer l’argument, nous pensons qu’il n’est pas inutile de reprendre ci-dessous, dans notre adaptation française, le dernier texte de l’excellent James Howard Kunstler. Il nous trace un portrait prodigieusement catastrophique correspondant à son état avancé de postmodernité de l’état de la Californie, en même temps qu’il nous conte les péripéties de l’affrontement entre cet État de l’Union et le centre fédéral, à propos de la politique d’immigration. La Californie est un centre non pas d’opposition, mais un centre de haine anti-Trump pour les démocrates sociétaux dont fait partie le gouverneur Brown, ces démocrates de la “gauche libérale et progressiste” dont font partie aussi bien Hollywood et Silicon Valley, avec comme masse de manœuvre les millions de migrants et de Latinos (eux qui sont beaucoup plus traditionnalistes que ce qu’en font les progressistes-chics, – ambiguïté, ambiguïté...). C’est la terre de toutes les ambiguïtés et de toutes les démagogies, et Hillary y a remporté une victoire écrasante.
Le texte initial de Kunstler date du 9 mars 2018, sur son site, à l’intérieur duquel se trouve son blog d’humeur politique, Clusterfuck Nation...
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Cette sacrée vieille canaille, le gouverneur Jerry Brown de Californie, semble profiter de son voyage au coucher du soleil de notre Deuxième Guerre Civile ou peut-être est-ce que la destination ressemble-t-elle plus à celle de Blade Runner (puisque nous savons désormais que l'histoire est répétée en illusion mais ne se répète pas vraiment). De toutes les façons, le lieu n’est pas idéal. L'État autrefois “doré” commence à ressembler à ce qu'un très-très haut fonctionnaire fédéral a récemment appelé - oserais-je le dire? – un trou à merde (shithole).
“Un mélange d'aiguilles hypodermiques usagées, d'excréments humains et d'autres détritus dans les rues et les trottoirs d'une grande partie du centre-ville, voilà San Francisco aujourd’hui a rapporté un média local dimanche soir. C'est un problème qui a pris des proportions épiques au cours des dernières années et qui en inquiète beaucoup pour la santé et la sécurité des résidents les plus jeunes de la ville ...”
The Blaze
Oui, littéralement. Cet échec très symbolique de la gauche activiste s'est dessiné dans les années 1970 lorsque les États ont commencé à fermer de façon extensive leurs grands hôpitaux psychiatriques. Beaucoup de ces institutions dataient de la fin du XIXème siècle – de vieux entrepôts gothiques pour malades mentaux, théâtres d’abus et de négligences sans nombre, des scènes tirées de films de Vincent Price... Des éclairs à travers les fenêtres barrées... Un cri dans la nuit... Des rires hystériques résonnant dans les couloirs sombres et carrelés...
Tout cela était bien embarrassant, à coup sûr, et certainement un affront intolérable fait aux sensibilités libérales. Bien entendu, ils ont bidouillé n’importe quoi pour remédier à cela. Au lieu de remplacer les anciens asiles géants de l'État par des institutions plus petites et mieux gérées, ils ont simplement libéré les détenus sous prétexte qu'ils étaient un groupe minoritaire politiquement opprimé. De cette façon, le problème était résolu et on n’en parlait plus.
Et nous voici donc, un demi-siècle plus tard, avec une économie qui fabrique l'échec et le simulacre à un bien plus grand rythme et en plus grande quantité que ses autres produits finis, et qui met tant d’âmes perdues dans les rues de la ville. Aujourd’hui, nous avons une société bien plus idéologiquement fractionnée et excitée qu’en 1973, avec un état d’intersectionnalité des membres des minorités opprimées et des groupes victimisés devenus des armées-fantômes de la nuit – et les malades mentaux perdus dans cette foule barbare.
Il ne semble jamais être venu à l’esprit de quelqu’un qu'un hôpital psychiatrique puisse être géré humainement, à une échelle appropriée, et que ces créatures pauvres et tristes puissent au moins avoir une existence moins pénible avec un lit, une salle de bain et quelqu'un pour prendre soin d’eux, plutôt que les laisser se vautrer dans les caniveaux de San Francisco et d'autres villes. Il y a sûrement des modèles à imiter dans d'autres pays pour ce genre de gardiennage,– si nous pensions à envoyer quelques bureaucrates à l'étranger pour jeter un coup d'œil.
Mais ce n'est pas comme ça que nous raisonnons dans l’esprit de la plus grande de cette politique exceptionnellement grande. Après toutes ces années, il est difficile de ne pas conclure que les Américains préfèrent simplement le mélodrame à toute autre forme de comportement, y compris la résolution des problèmes. Le mélodrame est coloré, amusant et absorbant. C'est juste un autre genre de show-business pour un peuple conditionné à voir la vie quotidienne comme une série télévisée dans laquelle il tient un rôle. Allez, détendez-vous et profitez du spectacle des sans-abris, parce que c'est plus divertissant que de faire ce qui devrait être fait.
De même, le spectacle de la ville sanctuaire, un exercice honteusement sentimental dans l’exercice de la vertu politique très voyante et à grande échelle, plein de petits trucs de malhonnêteté, comme l'étiquette de “sans papiers” pour les gens qui se trouvent sur place illégalement, comme si leur statut était le résultat d'une erreur d'écriture. Le Gouverneur Brown a déclaré “plus ou moins” la guerre au gouvernement fédéral la semaine dernière après un esclandre du maire de Oakland Libby Schaaf, traversant la ville comme galopait Paul Revere en gémissant et en avertissant que les équipes de l’ICE venaient pour faire des arrestations. Cela a suffisamment troublé l’Attorney General Jeff Sessions pour qu’il commence à intenter des poursuites contre cette absurdité.
Mais le département de la Justice fait face à un gros problème. Comment vont-ils faire grand cas de l’application des lois fédérales américaines sur l'immigration alors qu’ils ne demandent pas l’application des lois fédérales américaines sur les drogues dans le cas de ces vingt-neuf États qui ont légalisé l'utilisation de la marijuana d'une manière ou d'une autre ? Dans un certain nombre de ces États, la production de marijuana est maintenant une industrie majeure, avec l’influence politique considérable qui va avec. L’AG Sessions a fait beaucoup de vent à propos de la répression du commerce de la marijuana mais il n'a rien fait de concret parce qu'il ne le peut pas. Les recettes fiscales des États sont à elles seules trop importantes pour être mises en cause, sans parler de l'opinion publique.
Si l'AG avait un cerveau dans la tête au lieu du récepteur de radio-CB qu’on lui a implanté, il se rendrait compte que la réponse est de s'appuyer sur le Congrès pour retirer la marijuana de l’Annexe 1 concernant les substances contrôlées. Ou bien il suffirait d'écrire une loi simple laissant la question aux États. Bien sûr, la chose intelligente serait de mettre un terme au mélodrame intitulé “La guerre contre les drogues”, tout comme l’autre chose intelligente serait de placer les sans-abris malades mentaux dans des sanctuaires de gardiennage, – donnez-leur le nom que vous voulez.
Je ne vois vraiment pas comment M. Sessions peut affirmer sa compétence en matière d'immigration illégale sans résoudre la question de la marijuana.