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278904 octobre 2017 – La dernière émission (en date) de CrossTalk, de Peter Lavelle sur RT, le 2 octobre 2017, était consacrée au sort de RT aux USA, et plus généralement à la crise du point de vue de l’information professionnelle et de la communication entre la Russie et les USA. Cette crise touche RT en priorité, mais aussi d’autres organes de presse russe (comme Spoutnik) et indirectement divers sites en langue anglaise lancés par des journalistes et hommes d’influence anglophones ou plus largement occidentaux (de pays du bloc-BAO), – des sites tels que Russia Insider ou TheDuran.com.
(A moins d’être spécifique, lorsque nous parlons de RT c’est de l’ensemble de ces réseaux que nous parlons.)
Lavelle avait avec lui des invités directement concernés par cette crise, les deux Russes Dimitri Babich de Spoutnik, et Mark Sleboda, analyste politique à Moscou, et le journaliste britannique Adam Currie de TheDuran.com. D’une façon générale, les débatteurs discutent de ce problème gravissime en pouffant puis éclatant de rire, incapables de se retenir, parce que le dossier qu’ils examinent, celui des accusations US contre la Russie, est irrésistible de drôlerie à force de contradictions, d’affirmations grotesques, d’arguments furieux et décisifs sans la moindre preuve, de phrases tordues comme l’on essore un torchon pour leur faire dire ce qu’elles ne disent pas, et ainsi de suite. Tout cela est marqué par un esprit d'une extraordinaire puérilité devant laquelle s’inclinent, au garde-à-vous, tous les puissants et tous les esprits conformes de “D.C.-la-folle”. Les mesures extrêmes vers lesquelles on se dirige sont d’une importance considérable mais les causes sont d’une telle bouffonnerie, si visiblement inventées et sorties de l’équivalent d’un esprit d’adolescent attardés devant une avalanche de jeux vidéos, que l’on ne peut s’empêcher d’en rire jusqu’à ne plus pouvoir reprendre son souffle. Nous sommes en plein cœur de la tragédie-bouffe.
Pourtant, il s’agit d’une chose d’une importance et d'une gravité considérables puisque le gouvernement russe aurait pris une grande et grave décision malgré toute la patience et toute la prudence de Poutine. Babich résume la chose : « C’est un moment important. C’est la première fois que le gouvernement russe a décidé de riposter... » Ainsi les grands journalistes des plus grands et plus talentueux médias du monde pourraient se trouver interdits de Russie. Ce serait une expérience intéressante pour la Grande République qui affecte de se ficher complètement du reste du monde mais qui ne supporte pas la moindre entrave à ses activités dans le reste du monde, surtout dans ce domaine sacré de la communication, surtout pour aller constater combien le Diable-Poutine reste vivace, dangereux, visqueux, vicieux, immonde...
C’est le 10 septembre 2017 que l’entreprise US fournissant les services de RT-America, dont sa production télévisuelle, reçoit un courrier du ministère de la Justice US (DoJ, ou Department of Justice) exigeant que “le prestataire de la branche américaine de RT soit enregistré en tant qu’“agent étranger”. RT explique, le 11 septembre 2017 :
« Washington invoque le Foreign Agents Registration Act (FARA), une législation adoptée en 1938 pour contrer les manifestations pro-nazis en territoire américain. Selon le site du département de la Justice, le FARA aurait été conçu afin que “le peuple des Etats-Unis soit informé de la source d'information [la propagande] et de l'identité des personnes tentant d'influencer l'opinion, la politique et les lois américaines”.
» Actuellement, 401 entités sont enregistrées comme “agents étrangers” selon le FARA, mais il s'agit d'instances de lobbying et d'organisations touristiques, pas de médias, ces derniers en ayant jusque-là toujours été exemptés. »
Un peu plus loin, le même article fait un très rapide résumé des démarches officielles déjà en cours, dont il est apparu depuis qu’elles sont en mode d’accélération, et dont il nous paraît qu’elles le seront de plus en plus selon un “effet diluvien” d’entraînement bien connu dans les sociétés robotisées, lobotomisées et zombifiées, où la pensée est réduite à un pli à l’unisson, comme c’est le cas à “D.C.-la-folle”. Il va de soi que le Congrès entend bien mettre sa griffe officielle dans cette affaire : on ne peut rater l’occasion d’être encore plus sot que sot...
« Plus tôt cette année, un sénateur démocrate et deux membres du congrès américain, l’un républicain et l’autre démocrate, ont introduit un projet de loi destiné à élargir la notion d’“agents étrangers” dans le cadre du FARA. Les élus avaient directement désigné RT comme une cible de ce projet de loi, qui n'a pas encore été voté. S’exprimant à ce sujet, [la rédactrice-en-chef de RT] Margarita Simonian a déclaré : “Je me demande comment les organes de presse américains, qui ne rencontrent aucun problème pour travailler à Moscou et ne sont aucunement obligés de s'y enregistrer en tant qu'agents étrangers, vont réagir à cette initiative dans leurs colonnes.” »
En fait et pour poursuivre l’idée de la rédactrice en chef de RT, il nous semble que les médias US, essentiellement la presseSystème mais pas tellement moins la presse alternative dite-antiSystème, n’ont pas eu de nuits trop agitées ni de plumes excessivement exacerbées depuis cette nouvelle. Pour l’essentiel, ils s’en fichent ou se réjouissent de la chose, ou bien ils mesurent avec une très-grande crainte le risque d’un tel engagement dans cette atmosphère de chasse aux sorcière, – et mieux dit encore, de “zombies-chasseurs de sorcières”...
Le 1er octobre 2017, la rédactrice en chef de RT Margarita Simonian répondait à une interview du réseau télévisée russe NTV où elle constatait que RT devrait cesser toutes ses opérations aux USA si le “pire scénario”, ou “le pire du pire“ se réalisait. En effet, les employés et collaborateurs de RT, ainsi que ses fournisseurs, seraient placés dans la situation impossible de devoir accepter la régulation FARA qui revient à une sorte de “résidence surveillée” pour des journalistes ou des opérateurs US, ou bien d’être arrêtés, jugés et emprisonnés.
Il s’agit certes d’un renouveau du MacCarthysme, mais en plus corsé. Du temps du MacCarthysme il y avait une certaine mobilisation dans certains milieux, le couple Bacall-Bocart et quelques autres défilant en proclamant le Deuxième Amendement (liberté de parole), pour défendre ceux qui subissaient le lynch légal venu des origines de America the Beautiful, alias The Land of the Free...
La tragédie-bouffe actuellement en cours aux USA dépasse tout ce que les plus grands écrivains satiristes, un Swift ou un Twain, auraient pu imaginer, – et la couardise qui s’ensuit est, elle, d’un niveau indescriptible, avec toute une élite “impériale” réduite au niveau du zombie...
« Saying that RT’s partners in the US have endured “pressure and intimidation,” Simonyan also pointed out that Congress recently “interrogated” Twitter representatives and forced them to reveal details of contracts between the social network and RT.
» The channel has faced pressure from American media before, such as the “endless fake reports” on RT. Journalists have been scared off working with RT, the editor-in-chief said, adding that officials have also been warned not to cooperate with nor give interviews to the channel. “Various scandals have been orchestrated, with people planted in the channel who then quit and tell everyone that we drink the blood of Christian infants.
» “However, our audience has only been growing. What [the US authorities] fail to understand is just how much the people of the US distrust their own media. Trump's win is a case in point, as he has been elected despite almost all the American media launching campaigns against him.” The situation with RT in particular only shows a “deep political crisis” within the US, Simonyan said, suggesting that internal conflicts in Washington have made a “mess” of the country's foreign policy. “There is no longer a single Washington; there are several discrete little Washingtons working against one another,” she said. »
Cette dernière phrase de l’intervention de Simonian est intéressante : « Il n’y a plus désormais un seul Washington D.C., il y a de nombreux petits Washington D.C. travaillant les uns contre les autres. » La remarque nous permet d’approfondir le caractère extraordinaire du désordre complet qui a enflammé la psychologie américaniste et précipité la politique américaniste dans l’absurdisme, l’hystérisme et le nihilisme. Cette situation intervient dans l’affaire RT, notamment en mettant en lumière la fragmentation-de-désordre qui touche tous les constituants des USA, c’est-à-dire les « nombreux petits Washington D.C. ». Même si elle n’a pas nécessairement voulu dire cela, nous nous saisissons de l’expression de Simonian pour désigner l’attitude également de nombre d’antiSystème US dans l’affaire RT. Pourtant, observerait-on, le cas concerne une attaque d’une force de communication (RT) qui a montré à bien plus d’une reprise sa capacité à participer à l’effort général de la communication antiSystème.
Un exemple remarquable à cet égard est celui de Justin Raimondo, d’autant plus remarquable que nous citons Raimondi depuis l’origine de l’internet (Antiwar.com étant pour nous, dès 1999 et la guerre du Kosovo, l’une des toutes premières sources antiSystème). Voici que Raimondo intervient (le 28 septembre 2017) après sa mise en cause totalement imbécile comme agent russe, de la part d’un journaliste-zombie de la presseSystème espagnole. Raimondo s’en défend avec facilité et nombre d’arguments et de démonstrations, d’une façon qui est à notre sens faire bien de l’honneur à ses diffamateurs.
Dans le cours de son texte, il est conduit à parler de RT et de la Russie, et ses interventions sont très caractéristiques. Ainsi le texte cité révèle-t-il, paradoxalement selon notre point de vue de premier abord, une réelle animosité entre le libertarien Raimondo et les Russes en général, notamment pour l’information dans son jugement explicite sur RT, et pour la perception générale qui associe implicitement la Russie de Poutine au marxisme-léninisme de l’URSS.
Voici les passages qui expriment ce sentiment avec une force réelle et une mésinformation, voire une tendance au simulacre qu’on rencontre d’habitude du côté des serviteurs du Système, – que Raimondo n’est absolument pas. (Nous nous permettons d’ajouter du gras sur la typographie, ici ou là où cela importe pour notre propos.)
« We are told that “it is no coincidence” that the Russian government web site, RT – which has a minuscule readership both in Spain and the US – “has published 42 articles on the crisis in Catalonia with inaccurate headlines such as ‘The European Union will respect the independence of Catalonia but it will have to pass through an adhesion process.’”
» While I am not a regular reader of RT, and would not vouch for its reporting in every instance, in this case they are merely echoing mainstream Western media outlets... [...]
» Yes, like myself, those Russians are notorious libertarians – why, I wouldn’t be surprised if, on the morrow, they erected a statue of Murray Rothbard next to Lenin’s tomb! As for being an “anti-globalization activist,” I’m pretty sure that requires dreadlocks, and more than a few tattoos, neither of which comports with my aesthetic model... »
Il nous paraît singulièrement injuste de trancher en disant que l’audience de RT aux USA est “minuscule”. En fait, il est difficile d’avoir une idée précise, parce que RT affirme par ailleurs que son audience aux USA est considérable et que les deux versions (Raimondo et RT) circulent sans qu’on puisse trancher. La vérité-de-situation viendra donc d’une estimation selon le raisonnement, l’expérience, etc., et même l’intuition s’il le faut.
Il nous paraît improbable que RT ait une audience “minuscule” alors qu’il déploie un appareil de communication considérable aux USA depuis presque une décennie, avec des présentateurs-vedettes (Lavelle, King, Keyser, etc.), des collaborateurs non-Russes et US prestigieux, une collaboration considérable de personnalités dissidentes et antiSystème US. Les Russes n’ont plus du tout les habitudes bureaucratiques de l’URSS qui dépensaient des fortunes pour une propagande grossière et inefficace ; ils sont près de leurs sous comme on voit dans la façon dont ils mesurent en rapport coût-efficacité leur intervention en Syrie ; ils sont habiles et souples, et si RT-USA s’était avéré être un gaspillage ils auraient laissé tomber. Mais Raimondo, en bon libertarien, ne peut concevoir qu’un appareil d’État ou apparenté puisse bien fonctionner et surtout être de son côté (antiSystème), comme il ne peut admettre que la Russie n’est pas l’URSS du tout mais, en fait de structures et de principes, exactement le contraire de l’URSS, de même qu’historiquement la Russie est la victime de l’URSS et nullement son extension monstrueuse.
(D’ailleurs, même Poutine devrait l’admettre de son côté : l’URSS était l’archétype de l’organisation ennemie de la souveraineté, puisqu’un Parti dominait l’État, tandis que la Russie est toute entière [re]construite sur le principe de la souveraineté. La Russie s’affirme comme la seule entité conduite à choisir le principe de la souveraineté pour son existence, sa compréhension d’elle-même, sa politique. Qu’on le veuille ou non, y compris dans le chef de certains de ses dirigeants, elle est donc la seule entité à être ontologiquement antiSystème.)
Quant à la valeur des informations (crédit, utilité, éventuellement FakeNews, etc.) dont parle Raimondo avec un scepticisme négatif tout en admettant ne les consulter que très rarement sinon jamais, – attitude typique d’un esprit-Système, – on se permettra simplement d’apprécier qu’il y a fort peu d’appareils institutionnels et d’autorité dans le domaine de la communication aujourd’hui qui soient aussi honorables selon la signification que nous donnons au mot (voir plus loin) que RT (et le reste des Russes), voire aussi indépendants dans leurs démarches... Lorsque nous disons “indépendants’, ce n’est qu’accessoirement par rapport au pouvoir politique dont on dépend, – pour RT cela se discute mais cela nous paraît absolument secondaire lorsqu’on voit ce qu’il reste en général de la notion et de la fonction d’État dans un monde déstructuré et en état de dissolution…
Mais sans aucun doute, et c’est ce qui importe pour notre compte, nous les qualifions d’“indépendants” par rapport au Système. RT et le reste, d’origine russe, fournissent sans aucun doute une formidable plate-forme antiSystème, qu’aucune autre institution d’État ou du Corporate Power/Grand Capital dans le monde n’est évidemment capable, et encore moins désireux de fournir.
Que cela ait été voulu ou planifié ainsi, – ce qui est assez douteux, – ne présente pour nous qu’un intérêt anecdotique dès lors que la machinerie fonctionne dans ce sens avec une certaine conscience du sens de cette bataille. Il est déplorable que certaines plumes sans aucun doute antiSystème soient incapables de distinguer cela et de prendre à cet égard l’attitude qui convient.
Nous mettons dans l’expression “appareils institutionnels et d’autorité dans le domaine de la communication” employée plus haut à propos de Raimondo, tout aussi évidemment les États et les grands trusts du Corporate Power possédant les chaînes de journaux/de sites en général de la presseSystème. Il faut alors impérativement conduire la pensée au-delà du slogan qui fait correspondre l’idée de média d’État avec l’idée de propagande, et l’idée de média privé avec l’idée de “liberté de la presse”, selon la doxa américaniste et la narrative hollywoodienne qui va avec.
Avoir au-dessus de soi l’autorité d’un État qui remplit peu ou prou sa fonction régalienne est de toutes les façons, évidemment plus honorable que d’avoir au-dessus de soi l’autorité d’une banque de Wall Street, d’un grand groupe de communication, d’un gangster-milliardaire roulant pour la CIA (Bezos), d’un fond de pension, etc., tout cela totalement acquis aux manigances du Système et habité par une véritable croyance dans le Système. Pompidou, lorsqu’il était Premier ministre, disait assez justement et logiquement que « L’ORTF c’est la voix de la France » ; quoi qu’il en coûte aux vertus de circonstance, c’est préférable à la situation d’être “la voix de Bouygues” ou “la voix de Bezos” et continuer à avoir l’incroyable prétention d’être un journaliste indépendant...
Par définition, un journaliste institutionnel ne peut être complètement indépendant, puisqu’il dépend d’un cadre institutionnel. Dans les circonstances de la modernité qui sont ce qu’elles sont avec leur extrême limitation, nous jugeons le cadre de l’État ou de ce qu’il en reste moins déstructurant que celui du Corporate Power, c’est-à-dire laissant plus de place à la possibilité de s’affirmer antiSystème.
Raimondo est un cas qui nous a arrêté pour sa valeur symbolique, notamment fondée sur l’expérience, et aussi parce qu’il est d’une faction (il est libertarien) qui devrait normalement prétendre à être une des plus tolérantes de l’échiquier politique US en général engoncé dans l’implacabilité d’un américanisme religieux. Mais le cas Raimondo n’est pas exceptionnel pour autant, pour illustrer une tendance qui traverse aujourd’hui les milieux dissidents, ou antiSystème, qui est la perte du sens de la bataille en cours.
Il y a également l’exemple tout récent de Philip Geraldi, qui a vu sa collaboration à The American Conservative (TAC) suspendue à la suite d’articles publiés par lui dans UNZ.com, critiquant fortement l’influence des milieux juifs et israéliens sur la politique US. (Voir l’explication de l’affaire par Geraldi, – « Comment j’ai été viré », – dans UNZ.com le 2 octobre 2017.) Il faut laisser de côté les habituelles rengaines sur les influences diverses, juives notamment, pour s’arrêter au fait que TAC, magazine fondé par Patrick J. Buchanan qui n’a jamais lésiné sur la critique virulente de l’influence israélienne sur la politique US, est de tendance paléo-conservative et donc antiSystème puisqu’engagé dans la lutte contre la politiqueSystème suivie ouvertement par Washington depuis 9/11. Ainsi s’agit-il d’une censure-Système s’exerçant dans le chef d’un organisme antiSystème, ce qui renforce singulièrement le jugement de confusion que nous portons sur l’ensemble.
De ces divers exemples auxquels on pourrait ajouter l’hostilité désormais exprimée de ces milieux antiSystème contre divers pays ou ensemble (le Venezuela et la politique chaviste, par exemple), notamment par idéologie antistatiste, nous tirons le constat de l’effet du monstrueux désordre qui s’est emparé des USA depuis 2015 (Trump, Russiagate, etc.). Ce désordre fait perdre les nécessités des diverses priorités et nous ramène directement au cas de RT et de cet antirussisme que finissent par épouser indirectement des milieux antiSystème au nom d’une idéologisation que l’on pouvait croire écartée lorsque l’affrontement contre le Système était plus net.
Le désordre ne cesse de gagner aux USA et l’attaque contre RT ressort de cette situation, parce que le désordre brouille les priorités et permet à l’idéologisation de resurgir, et aux vieilles tendances (l’antisoviétisme de la Guerre froide) de s’exprimer d’une autre manière. Cet effet n’a pourtant nullement comme conséquence de former de nouveaux rangements, mais au contraire de s’exposer encore plus à l’écrasante influence des désordres intérieurs. Les USA en sont fondamentalement secoués, mais l’Europe du bloc-BAO ne l’est pas moins : tout en s’affirmant absurdement plus antirussiste que jamais selon une ligne qui n’apporte aucune unité ni aucun ordre, l’Europe est de plus en plus plongée dans son désordre intérieur (migrants et crise identitaire, nouvelle crise avec la Catalogne, etc.).
Dans ce contexte, l’attaque contre RT “et le reste” n’implique nullement la fin d’un épisode et le bouclage antirussiste du bloc-BAO, mais au contraire elle préfigure un accroissement de la guerre de la communication, avec cette probabilité d’une riposte russe évoquée par Babich (« C’est un moment important. C’est la première fois que le gouvernement russe a décidé de riposter... »). Cette riposte ne restera certainement pas cantonnée à un échange d’interdiction d’opérer faite à des journalistes de l’autre parti qui est l’aspect officiel de la chose, toujours en train d’être débattue ; quoi qu’il en soit, notamment du sort de RT et de la riposte russe sur ce terrain, il s’agit d’abord d’une intensification de la guerre de la communication dans une situation d’extrême fragilité (on dit aussi “porosité“) des barrières qu’on voudrait opposer au flot de l’information. Il est à prévoir dans ce cas que la Russie et ses systèmes de communication ne cesseront de durcir leur action contre le bloc-BAO, et par conséquent contre le Système, et par conséquent plus que jamais antiSystème.
Cela signifie que les antiSystème dans le bloc-BAO, ou dans tous les cas ceux qui entendent l’être d’une façon consciente et affirmée, vont être de plus en plus placés devant la nécessité d’un choix par rapport à leurs tendances à l’idéologisation pour ceux qui en ont. Il s’agit notamment mais essentiellement du dilemme intellectuel : est-ce l’idéologie choisie qui dirige les attitudes, ou bien l’engagement antiSystème qui nécessite souplesse et adaptabilité tactique ? Est-ce l’antirussisme hérité aveuglément de l’antisoviétisme de la Guerre froide qui importe, ou bien l’engagement antiSystème qui implique une entente au moins de circonstance avec la machine de communication de la Russie ?
Ces constats sembleraient une régression par rapport aux époques précédentes où l’on avait un front antiSystème uni, malgré les différences idéologiques. Ce n’est pas le cas parce que l’important à prendre en considération est que la situation du Système a changé radicalement. C’étaient la puissance et l’efficacité du Système qui conduisaient à cette formation, à cette unité antiSystème que l’on eut et que l’on pourrait regretter. Aujourd’hui, le Système s’enfonce dans un désordre extraordinaire et cette situation a l’effet qu’on voit chez les antiSystème, qui ne sont plus unis par l’adversité, qui retrouvent pour nombre d’entre eux les réflexes de l’idéologisation.
Tout est désordre aujourd’hui, et le désordre ne cesse de s’amplifier d’abord à l’intérieur du Système comme l’on peut le voir avec l’évolution typique de “D.C.-la-folle”. C’est à partir de ce constat qu’il faut juger l’attaque contre RT “et le reste”, et bien entendu l’attaque continuelle contre la Russie. Au bout du compte, il ne faut certainement pas s’en plaindre mais au contraire se réjouir du fait qu’avec cette attitude, le système oblige la Russie, malgré la prudence de sa direction, à se durcir dans le sens d’une ligne antiSystème. De même que le désordre maximaliste des USA au niveau opérationnel en Syrie a poussé, sinon obligé la Russie à intervenir et à s’imposer, de même la guerre de communication et l’antirussisme obligent la Russie à intervenir de plus en plus fermement, dans un sens nécessairement antiSystème.
Pour les antiSystème, une fois de plus, de plus en plus et plus que jamais, il importe de comprendre que le choix doit être fait entre l ‘idéologie et l’antiSystème. Les deux ne vont pas ensemble, ils sont même affreusement antagonistes.