Il n'y a pas de commentaires associés a cet article. Vous pouvez réagir.
787921 décembre 2018 – L’annonce par Trump du retrait des troupes US de Syrie a eu un effet extraordinaire dans tous les domaines et secteurs des directions-Système. Le “sérieux” de la décision, – toujours objet de vérification avec Trump, – a été officialisé par l’annonce sensationnelle de la démission du secrétaire à la défense Mattis, implicitement pour protester contre cette “décision” du président, explicitement pour des différences conceptuelles fondamentales avec le président ; le côté Trump de la décision, ou “côté-bouffe” si l’on veut, a été renforcé par l’annonce par le président qu’il faudrait songer également (ou bien disons “en même temps”, pour rester dans l’air du temps) à se retirer d’Afghanistan...
« Le président américain Donald Trump aurait “perdu toute patience” et aurait ordonné au Pentagone d'examiner différentes options pour réduire le contingent américain de 14 000 personnes en Afghanistan, défiant les conseils de ses généraux, selon plusieurs médias.
» Trump s’affirme de plus en plus frustré par l'impasse afghane, réclamant la fin de la campagne américaine de 17 ans dans le pays au cours des dernières semaines, a rapporté ABC News citant un responsable américain. “Que faisons-nous là-bas ? Nous sommes là depuis toutes ces années”, aurait déclaré Trump à un allié lors d'une réunion mercredi, a rapporté Reuters. Le même jour, Trump aurait discuté du retrait potentiel ou d'une réduction considérable de la force américaine avec son secrétaire à la Défense, Jim Mattis, son secrétaire d'État, Mike Pompeo, et son conseiller en matière de sécurité nationale, le super-faucon John Bolton.
» Le commandant en chef n’a toutefois pas trouvé de soutien pour son plan de retrait, selon ABC. Quelques heures avant que les médias américains aient rendu compte des délibérations, Mattis avait remis sa lettre de démission, citant des divergences de vues avec le président. »
Cette citation est de RT-USA, meilleure source cataloguée “FakeNewsiste” de la presse classique pour nous donner des éléments de synthèse nous permettant de tenter de suivre la dynamique d’une situation extraordinaire, plus extraordinaire de jour en jour et toujours plus rapide d’heure en heure
Cette dynamique génère naturellement une sorte de chaos en boule de neige, impliquant la mise en chaos d’une situation déjà chaotique, – une sorte d’hyper-chaos, si l’on veut, – parsemé d’innombrables possibilités de complots au cœur même du pouvoir. On pourrait dire, si l’on voulait rendre compte du sur-surréalisme de la situation, tentant d’à nouveau peser bien nos mots, que “D.C.-la-folle” est devenue folle, que sa folie est elle-même touchée par une sorte d’hyper-folie...
(Encore prenons-nous “D.C.-la-folle” comme facteur le plus important, mais aussi comme symbole de cette dynamique de situation, car les mêmes signes d’“hyper-chaos” et d’“hyper-folie” se répercutent partout dans les pays et forces intéressés. Les réactions à ce point précis de la décision de Trump sur la Syrie sont extrêmes ou complètement inattendues, ou bien encore extrêmement retenues [voir Poutine lors de sa conférence de presse], comme signes évidents de l’impossibilité de réagir de façon mesurée et éventuellement rationnelle.)
Dans tous les cas, nous sommes renforcés dans un aspect de notre analyse initiale de la décision de Trump selon laquelle il ne s’agit pas d’un tournant, mais de l’achèvement d’un « tournant vers une certaine contraction des folies extérieures des USA et du bloc-BAO », pour mieux permettre aux crises internes de se développer, éventuellement en les alimentant :
« Si l’on accepte cette perspective de “paix syrienne”, peut-on y voir une amorce d’un retour à un certain apaisement et vers la réduction du désordre mondial ? En aucun cas. L’horrible guerre syrienne est (était ?) une “diversion” bien dans les habitudes du Système et de l’hégémonisme de l’hybris US, permettant par ailleurs de dissimuler en partie les terribles soubresauts de la Grande Crise d’Effondrement du Système. Quoi qu’il en soit, ces soubresauts ont et d’ores et déjà pris le dessus, tant dans la communication que dans la vérité-de-situation du monde, avec les terribles déstabilisations qui frappent impitoyablement l’Europe et les USA... »
Nous en sommes encore à tenter de comprendre l’annonce du retrait des forces US de Syrie que, déjà, la crise que constitue cette décision se transporte à Washington D.C., qui explose en une crise nerveuse de la communication et se transforme en hyper-“D.C.-la-folle”. L’un des messages les plus évidents et les plus forts de la journée d’hier aurait pu être condensé dans le contraste suivant... D’abord ce tweet, d’un rarissime soutien au président du député démocrate de Californie Ted Lieu, parlementaire de base mais connu pour être engagé dans les questions d’immigration, donc critique virulent et adversaire constant de Trump :
« Je me fiche de savoir qui est le président : si le @POTUS veut nous sortir d’une de ces guerre sans fin, je le soutiendrai dans cette action. »
Mais le même Ted Lieu, 36 heures bien plus tard (ce 21 décembre à 00H01, heure washingtonienne), trouve un tout autre ton, c’est-à-dire une tonalité inverse pour acclamer la lettre de démission de Mattis, en citant, par ailleurs un autre tweet très-laudateur du secrétaire à la défense... (Donc, par logiques interposées, particulièrement critique de Trump jusqu’à le mettre en cause comme fait Mattis sur les sujets les plus graves.)
« Voici une lettre extraordinaire du ministre Mattis. Nous devrions tous être attristés par la démission de Mattis. Contrairement à nombre d’officiels du Cabinet de @realDonaldTrump, Mattis sait vraiment ce qu’il fait et c’est un homme intègre. »
... Tweet cité par Lieu : « WOW! Mattis interpelle Trump spécifiquement sur la Russie, et il l’accuse de nous aliéner nos alliés. Il dit que les conceptions de Trump ne coïncident absolument pas avec les siennes sur ces sujets. Il s’agit d’une formidable condamnation de la conception de Trump sur notre place dans le monde, par le ministre de la défense. »
La situation en Syrie, comme les intentions de Washington, sont très loin d’être claires... Nous disons “intentions”, mais ce n’est pas le mot juste : il y a les ordres/les exhortations du président, et la question de l’exécutions de ces ordres. Les deux choses sont différentes, très différentes, et l’on a là un signe de plus du désordre qui règne, – non pas en Syrie mais à Washington D.C.
L’annonce de Trump du départ des forces US de Syrie a eu d’abord un écho absolument formidable, instantanément. Ce constat est contraire à de précédentes annonces de cette sorte, par le même moyen du tweet, et c’est là un constat étrange ; certes, les précédentes annonces ne furent pas suivies d’effets, par changement d’humeur de Trump, pressions sur lui, etc., mais nul ne le savait lorsque les annonces avaient été faites. Cette fois, rien de cela, comme si avait existé dès le premier tweet une assurance qu’il s’agissait d’une “affaire sérieuse”, – sans qu’on se doutât pour autant qu’il ne s’agissait pas de la seule Syrie, mais d’abord de Washington D.C.(Des articles de la presseSystème vinrent aussitôt renforcer cette perception, mais les précédentes interventions de Trump avaient été également commentées.)
Quoi qu’il en soit, sur l’annonce du retrait elle-même, nombre de constats, d’inconnues et d’interrogations :
• Pour l’instant, on n’a pas observé de mouvements de troupes significatifs, des 2 000 ou 4 000 soldats US (chiffres selon les sources, – officielles ou Général Votel [Central Command] par inadvertance).
• Le retrait concerne-t-il les supplétifs, les contractants privés, etc. ?
• Le retrait concerne-t-il toutes les zones où il y a une présence US, notamment la zone Est avec une petite enclave, dont il n’a guère été question.
• Quel est le principal bénéficiaire du retrait ? Sur le terrain, on dirait la Turquie. Dans la situation de l’équilibre général des forces et des influences, ce serait la Russie. Ces deux pays restent très prudents.
• L’alliance de la Syrie, de la Russie (et de l’Iran) avec la Turquie (processus d’Astana) va-t-elle tenir ? Elle était essentiellement fondée sur une commune hostilité à la présence des forces US.
• Une seule certitude : comme d’habitude, les grands perdants sont les Kurdes, incapables de comprendre la constante fourberie des USA, quel que soit le président.
Un texte de E.J. Magnier sur la situation est comme d’habitude très intéressant. Il permet de nous rafraîchir la mémoire sur le rôle incroyablement destructeur et déstructurant, semeur de désordre et créateur de terrorisme, avec double sinon triple jeu des USA dans cette zone ; avec comme seule préoccupation de détruire autant que faire se peut, – que ce soit sous Obama ou sous Trump qu’importe, la Bête avance et produit toute seule sa surpuissance de destruction. Conclusion de Magnier sur la situation présente selon le retrait ou pas de retrait :
« Le geste des USA profitera d’abord et avant tout à la Syrie et aux Syriens. Il sera aussi avantageux pour la Russie et les perspectives de paix dans le monde, en réduisant considérablement le risque de conflit entre les deux superpuissances, dont les forces armées se trouvent très proches l’une de l’autre. Des affrontements aux conséquences mortelles entre les USA et la Russie au Levant ont déjà eu lieu, mais miraculeusement sans conséquence jusqu’à maintenant. L’Iran sera heureux de voir les USA quitter la Syrie. Le retrait des USA va apaiser les préoccupations de la Turquie au sujet des forces des YPG qui collaborent avec le PKK à sa frontière, tout en réduisant la probabilité du prolongement de l’occupation turque à Afrin et Idlib. L’Irak bénéficiera de ne pas avoir à déployer autant de forces pour surveiller les forces américaines et limiter leurs mouvements, avec le risque d’affrontement que cela entraîne. Le gouvernement belliciste d’Israël pourrait regretter la perte de son accès aux aéroports des USA dans cette partie occupée de la Syrie, mais il peut toujours compter sur le soutien des USA et de leurs alliés au Moyen-Orient comme plateforme pour parvenir à ses propres objectifs.
» Tout ce qui précède présuppose que les USA vont vraiment se retirer de la Syrie. Pareil retrait pourrait se faire en l’espace de 60 à 100 jours comme il a été annoncé, mais cela pourrait prendre plus de temps. Quoi qu’il en soit, l’intervalle donne à toutes les parties le temps de revoir leur stratégie. Les Kurdes seront encouragés à se tourner vers Damas et à reprendre les négociations sans condition préalable avec le gouvernement. La Turquie aura le temps de réfléchir à son prochain mouvement et la Syrie pourra planifier la reconquête du reste de son territoire occupé en 2019. Si Damas et Moscou croient qu’ils peuvent s’occuper d’Idlib et d’Hassaké sans l’aide de leurs alliés, l’Iran pourrait amorcer le retrait des milliers d’hommes qu’il compte sur le terrain, sans pour autant mettre fin à son alliance avec le gouvernement syrien. Si Trump ne retire pas ses troupes, il aura au moins réussi à détourner l’attention du meurtre de Khashoggi, tout en donnant amplement de matière à réflexion aux Kurdes à propos de ce à quoi ils peuvent s’attendre de la part des USA à l’avenir. »
Il semble qu’il faille dire un mot des “alliés” des USA qui sont cités avec tendresse par le vieux dur-à-cuire Mattis dans sa lettre de démission ; c’est-à-dire la quasi-trentaine du troupeau de moutons de l’OTAN et les 74 glorieux moutons de la coalition anti-Daesh montée par le Pentagone. Par une addition étonnante d’inversions et d’auto-intoxication de fausses analyses, les grands “alliés” notamment (France, UK, Allemagne) se trouvent au premier rang des protestataires dénonçant le retrait US. Leurs arguments d’une extraordinaire platitude après être passés aux filtres de nombre de narrative, ne méritent même pas d’être mentionnés, encore moins discutés et réfutés par conséquent, – ce serait leur faire bien trop d’honneur. On les laissera donc aux descriptions habituelles.
On accordera tout de même une place à part, pour ne pas dire “d’honneur” à la France, dans cette course à l’absurde d’une politique réduite à la communication et à l’entropisation. On citera un avis détaillé sur la position française, d’une interview du politologue franco-syrien Bassam Tahhan, par un autre organe-FakeNewsiste, autrement dit Spoutnik-français :
« Je mets clairement en garde la France. Que peut-elle faire en Syrie avec ses quelques centaines de soldats? Il y a différents scénarios, mais je considérerais comme une bêtise le fait de rester, même si les Américains laissent leurs bases militaires et toute l'infrastructure qu'ils ont construite aux Anglais et aux Français. Tout d'abord, cela engendrerait des coûts supplémentaires pour le maintien des troupes. La France a déjà dépensé des millions d'euros depuis le début de son intervention en Syrie. En pleine crise des Gilets jaunes et alors que des voix s'élèvent pour demander des référendums populaires, notamment à propos des interventions militaires françaises à l'étranger, je ne suis pas sûr que cela plaise beaucoup à la population. Si une telle décision de maintenir les forces françaises en Syrie émane directement d'Emmanuel Macron alors qu'une grande partie de la population est contre, il continuera de sombrer dans l'estime des Français. Sur le terrain, la présence de quelques centaines de soldats français sur un théâtre incluant les armées turques, iraniennes, syriennes, le Hezbollah et Daesh représenterait un trop grand danger. Le Royaume-Uni est dans une situation semblable. Sans les États-Unis, c'est la fin de la coalition. Et je crains des morts si la France reste. Du temps de Nicolas Sarkozy, des soldats français ont été tués en Afghanistan. Ne refaisons pas la même erreur. Retirons-nous avec honneur et dignité avant que les cercueils militaires n'arrivent en France. »
Mais nous revenons à Washington D.C., où la situation déjà confuse et désordonnée (“D.C.-la-folle”) s’est encore compliquée et hystérisée avec la décision de Trump (d’où “hyper-‘D.C.-la-folle’”). La démission de Mattis dramatise la situation et électrise les extrêmes. Ainsi la crise, qu’on croyait située en Syrie, revient à son point d’orgue et à sa matrice, à Washington D.C. et alentours.
Le spectacle le plus extraordinaire est de voir les progressistes-sociétaux, amis des droits de l’homme, du respect des autres et des minorités, du féminisme et des doctrines de tous les genres et mélange des genres, amis des antiracismes etc., et sans aucun doute très-amis de la paix, – de les voir donc se joindre aux “faucons” et aux neocons blanchis sous le harnais de leurs mensonges, devenir hystériques pour réclamer le maintien des forces US en Syrie et désigner le Pentagone comme une référence incontournable (ainsi le pense l’actrice Mia Farrow)... The Times They Are a-Changing, chantaient-ils...Cette extraordinaire inversion est exposée et commentée notamment par Nell Clark :
« Nous savions que les néo-conservateurs seraient mécontents de la nouvelle. Ils veulent que les États-Unis soient en Syrie pour toujours. Nous savions que la Grande-Bretagne et la France, – qui ont tant investi pour renverser le gouvernement Assad, – ne seraient pas heureux non plus. Mais c’est la réaction des libéraux d’Hollywood qui est intéressante. Je suis assez vieux pour me souvenir du temps où les libéraux fredonnaient des chansons de Pete Seeger et défilaient contre les guerres et les occupations illégales des pays du Sud de la planète, quand ils dénonçaient l'impérialisme et les attitudes racistes qui le sous-tendaient.
» Aujourd'hui, ils soutiennent l’impérialisme, la guerre et les occupations militaires. Ils sont passés de l’antiguerre à l’anti-antiguerre. La doctrine-bidon de “l’interventionnisme humanitaire” [R2P], préconisée par les fauteurs de guerre pour habiller de vertus les guerres de pillage à l’ancienne, et la russophobie qui charge le “diable Poutine” d’à peu près tous les péchés, ont détraqué pas mal de cerveaux. Mia Farrow s’inquiète du fait qu'un départ US de la Syrie “profite à la Russie, à l’État islamique toujours actif, à l'Iran et à Assad”, et elle s’inquiète également de ce que The-Donald n'ait pas “consulté le Pentagone”. »
Par ailleurs, il suffit de revenir au député de Californie déjà cité, – ce démocrate de la gauche du parti, – l’honorable Ted Lieu, dans un de ses autres tweets qui fixe l’affaire, selon le point de vue de l’État de Droit et de la démocratie américaine, version-Tocqueville :
« Note pour les libéraux [progressistes] qui soutiennent maintenant l’usage de la force militaire en Syrie à cause des Kurdes, de la Russie, de l’Iran ou de la Turquie, ou pour des raisons humanitaires : AUCUNE DE CES ACTIONS MILITAIRES N’A ETE AUTORISEE PAR LE CONGRES. Seul l’usage de la force militaire légalement autorisée peut être lancée contre les terroristes. @POTUS a raison de retirer nos troupes. »
Le centre de la crise est donc bien aux USA, et peut-être apparaîtra-t-il bientôt que la décision de Trump de retrait de Syrie n’est qu’un épiphénomène, qui a essentiellement servi à allumer une nouvelle mèche, c’est-à-dire à donner un élan supplémentaire à l’incendie de la Grande Crise générale, aux USA même. C’est bien entendu la démission de Mattis qui déclenche tout cela, – démission déjà flottant dans l’air depuis un certain temps, mais qui s’exprime sur ce cas d’une manière dramatique. En fait, Mattis est en désaccord avec Trump dès l’origine et la décision sur la Syrie n’a fait que cristalliser ce désaccord jusqu’à l’insupportable, dans tous les cas pour l’honorable Général du Corps des Marines. Son départ complète la disparition du triumvirat de généraux censés à l’origine surveiller, manipuler et diriger le président (McMaster a quitté la direction du NSC au printemps 2018, Kelly s’en va à la fin du mois, et maintenant c’est le tour de Mattis). Qui voudra, qui pourra remplacer “les généraux” ? Que vont faire Pompeo et Bolton [qui a remplacé McMaster], qui déjà devaient les remplacer mais pour faire une politique encore plus “ultra” et qui se trouvent devant une attaque violente de cette politique ? Vont-ils eux aussi démissionner, ou bien vont-ils molester le POTUS, provoquant l’extrême indignation du député démocrate de gauche et de base Ted Lieu ?
La démission de Mattis dramatise une autre situation, qui est celle des rapports de Trump avec le Pentagone. On sait que le Pentagone a l’habitude de mener sa politique, et jusqu’ici les présidents ne protestaient pas trop, la plupart étant d’accord ou bien fatalistes ; et si, parfois, un gêneur insistait, une fatale circonstance survenait et résolvait le problème. (Qui penserait à Dallas serait exclu du cercle de la raison qui préside à ce commentaire.) Mais Trump est un “gêneur” d’un genre inhabituel, et sa mèche n’a rien de commun avec celle de JFK : parfois il semble avoir bien compris, marcher droit et suivre les consignes, voire même les précéder ; parfois son humeur change et il interfère dans les affaires du Pentagone, brutalement, sans ménagement, et vous ordonne un retrait de Syrie. Lui-même a ressenti plus d’une fois ce désaccord lors d’initiatives douteuses du Pentagone (en Syrie, justement), et il en a sûrement été irrité.
Ainsi sa décision sur la Syrie ressemblerait-elle après tout à une sorte de coup d’État intérieur contre la toute-puissance du Pentagone. C’est alors que le départ de Mattis, qui cadre bien avec cette image de la toute-puissance bafouée, pourrait prendre tout son sens... Or, cette démission ne prendra effet que le 28 février 2019 : encore deux gros mois, avec le désaccord exposé à ciel ouvert.
Mattis restant en place jusqu’au 28 février, que va faire le Pentagone d’ici là ? Il est difficile de penser qu’un secrétaire à la défense puisse rester 70 jours en fonction pour appliquer de toute urgence selon les vœux du président une politique militaire de guerre si active (retrait de Syrie), et qu’il condamne. Le Pentagone désobéira-t-il au président sous la houlette de son ministre ? Cela se discute ferme : ayant démissionné, Mattis, en bon Marine, est lié à son respect des formes et de l’autorité du président. Trump peut le tenir responsable de la mutinerie du Pentagone si celle-ci a lieu, ou le tenir en otage pour forcer le Pentagone à appliquer sa politique du retrait, etc. Pendant ce temps et par ailleurs, pour rendre les choses plus complexes, cette simple et affreuse question : qui voudra de ce poste de secrétaire à la défense ?
Certes, la complexité des choses est considérable...
Enfin, une réflexion ultime que cette complexité ne décourage pas... D’abord cette question : pourquoi Trump a-t-il lancé cet énorme pétard, pouvant prévoir sans guère de doute que Mattis, qui était déjà sur le départ, romprait brusquement et s’en irait ? Notre hypothèse est que ce président se sent très mal parti, avec des affaires d’argent et de corruption qui prennent de plus en plus d’étoffe, beaucoup plus que les tartarinades de Russiagate, avec une Chambre des Représentants majoritairement démocrate le 1erjanvier 2019. Alors, pourquoi ne pas prendre l’offensive et choisir, pour faire éclater la crise qui risque de l’amener à affronter une procédure une destitution, oui pourquoi ne pas déclencher cette inévitable crise intérieure sur un sujet un peu plus noble, et susceptible de re-mobiliser les troupes qui lui ont donné la présidence en 2016 ? En accomplissant l’une de ses promesses principales (désengagement extérieur), ce qui a fait la force conjoncturelle de sa campagne, tout en cantonnant les démocrates, et surtout les progressistes-sociétaux, sur un terrain belliciste complètement schizophrénique et très mouvant pour eux, comme on le voit avec la réaction d’un Ted Lieu qui est pourtant de leur côté ?
Hypothèses, hypothèses...
Tout se passe comme s’il y avait en fait plusieurs coups d’État et contre-coups d’État en route presque d'une façon routinière, et principalement : un coup d’État de Trump contre le CMI/DeepState, un coup d’État du Système, via le CMI/DeepState, contre Trump, un coup d’État des marxistes culturels qui perdent leurs principaux arguments, un coup d’État, espèrerait Trump, d’une sorte de mouvement de Gilets-Jaunes yankees qui en ont assez du DeepState et de ses guerres sans fin, etc...
Tout cela ne fait pourtant pas très sérieux ou pas très radical, parce que tous les cas évoqués s’appuient sur des causes et des arguments sans guère de substance. Les uns et les autres se battent pour des causes d’apparence, en guise de protection de leurs positions ou de leurs privilèges, ou bien pour sortir de situations difficiles, à l’intérieur du même Système en cours de désagrégation et d’effondrement. Inutile de dire qu’ils sont tous, chacun à leur façon, chacun dans un sens qui contredit l’autre, ils sont tous des termites zélées quoiqu’inconscientes de ce travail admirable, serviteurs du Système participant avec ardeur à la déstructuration et à la dissolution des fondements de ce Système.
On doute donc que l’affaire s’arrêtera à la Syrie, débarrassée ou pas de sa soldatesque-yankee...