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25425 septembre 2016 – On rappelle ici ce texte du 27 août sur ce site, dit « Faiblesse de Poutine ? », où nous commencions par mentionner la communication d’un lecteur (MG), et nous promettant, dans le cours du texte, de revenir sur ce problème. Notre lecteur MG nous parlait du texte de Paul Craig Robert qu’on trouve intégralement dans cet Ouverture Libre, et il nous disait à propos de ce texte sur Information Clearing House :
« ... [J]e ne doute pas que vous suivez les sites américains intéressants. ICH en fait partie. Cet article fait réfléchir au delà de vos propres analyses. Il ne manque pas de souligner ce qui à mon avis aussi, constitue la “Putin weakness” »
Le propos a ensuite été clarifié mais ce qui nous importe ici est d’offrir une entrée en matière rappelant le texte précédent qui s’attachait à cette question spécifique d’une “faiblesse de Poutine”. Dans ces Notes d’analyse, nous allons tenter d’aller plus loin que la question de la “faiblesse de Poutine” et dans un cadre beaucoup plus large puisque nous embrassons également l’événement actuel du sommet du G20 en Chine, aussi bien, avec une allusion ou l'autre, le Very--Great American Circus en cours outre-Atlantique.
Pour notre cas, nous croirions volontiers que Poutine n’est pas placé devant la question de sa propre faiblesse ou non, ou bien que sa politique n’est pas marquée par cette “faiblesse”, mais bien par un phénomène qui le dépasse, qui nous dépasse tous d’ailleurs, et qu’il exposait indirectement et peut-être sans en avoir une conscience claire, et dans tous les cas de ce qu’il perçoit de son opérationnalité (car ce phénomène a une dimension fondamentale qui, selon nous, dépasse décisivement les conceptions et domaines du sapiens, c'està-dire la seule opérationnalité), – cela, comme PhG l’avait exposé dans son Journal-dde.crisis du 23 juin dernier : « Ce qu’il y a d’impressionnant dans cette vidéo que nous signalait monsieur Frédéric Lagoanere dans son message du 22 mai dans le Forum du texte du 21 mai, c’est sans aucun doute la conviction de l’homme ; sa fièvre insistante qui baigne le calme habituel, presque monocorde, de sa voix, avec en toile de fond de cette intervention, ceci comme une supplique s’adressant aux journalistes qui l’entourent : “Mais ne comprenez-vous donc pas ce qui se passe ? Si cela continue, ne comprenez-vous donc pas nous allons être obligés de ‘riposter’, de frapper contre cette épée de Damoclès qu’ils sont en train d’installer au-dessus de nos moyens stratégiques fondamentaux ?” Une supplique, sans nul doute... »
... Et cette “supplique”, sans aucun doute, s’adresse aussi à ceux qui font ce qu’ils font (dans ce cas, les postes de missiles BMDE, mais aisément transformables en offensif tactique nucléaire ou pas, installés par les USA/l’OTAN quasiment sur la frontière russe, en Roumanie et bientôt en Pologne). La “faiblesse” de Poutine, – si l’on veut une appréciation, – c’est bien autre chose qu’un trait de caractère, qu’une réaction à une influence extérieure ; c’est la perception absolument justifiée que ce personnage a de l’existence entêtée d’un jugement faussé et même extravagant sur les rapports de force chez l’adversaire, ou “partenaire“ pour reprendre son langage ; c’est une incompréhension totale de cet adversaire-“partenaire” dans des manifestations qu’il (Poutine) juge marqué par une attitude irrationnelle à la fois mystérieuse et effrayante (mystérieuse parce que d’origine d’hors de la raison, effrayante parce qu’évidemment en-dehors du contrôle de la raison).
Et comment faire pour malgré tout “vivre ensemble“ dans de telles conditions sinon en faisant preuve d’une prudence de Sioux, raisonne implicitement Poutine ; parce qu’il faut bien vivre ensemble, avec cette incompréhension devant leurs comportements, leurs jugements, leurs enfermements, leurs obsessions, ses propres enfermements. On voit bien qu’avec une telle appréciation de la “faiblesse” (de Poutine), et devant une vérité-de-situation que nous jugeons incontestable et donc cette pseudo-“faiblesse” complètement justifiée, cette “faiblesse” n’apparaisse nullement celle d’un “faible” (ni d’un “fort”, d’ailleurs) mais bien comme l’inévitable interrogation, donc avec une prudence ou une hésitation absolument compréhensible ici ou là, à propos de l’énigme politique la plus extraordinaire de ce temps qui est le comportement du bloc-BAO, USA en tête évidemment.
Voilà qui, pour nous, trancherait le débat sur la “faiblesse” de Poutine, qui s’avérerait n’en être pas vraiment une mais plutôt une sorte d’angoisse devant l’inconnu, l’incompréhensible, l’insaisissable... Nous n’avons pas toujours raisonné de la sorte depuis que la guerre est ouverte entre le bloc-BAO et la Russie poutinienne-2.0, celle qu’il faut effacer de la surface de la terre. Par exemple, mais exemple chronologique extrême à notre sens, le 1er septembre 2014 :
« ...Mais venons-en à notre sujet, puisqu’il s’agit de Poutine, dans le cadre de la perception qu’en a le bloc BAO... D’abord, un retour dans le temps, autour du début mars 2014. Nous avions songé à faire un texte sur ce sujet, – projet vite abandonné, les événements très rapides nous sollicitant pour d’autres cas... L’idée était une sorte de “conseil à Poutine” d’appliquer la théorie du fou, ou ‘Madman Theory’, imaginée par Nixon face aux Nord-Vietnamiens, et peut-être utilisée par allusion par Kissinger dans les négociations de Paris de 1968, – on ne sait pas vraiment avec quel succès. Nixon lui-même avait expliqué l’idée à son conseiller Haldeman : [...] “Je l'appelle la théorie du fou, Bob. Je veux que les Vietnamiens du Nord croient que j’ai atteint le point où je pourrais faire n'importe quoi pour arrêter la guerre. Nous leur suggérerions l’idée, vous voyez, du genre ‘Dieu nous protège si nous ne prenons pas garde, vous savez que Nixon est obsédé par le communisme. Nous ne pouvons pas l’arrêter quand il est furieux, – et vous savez qu’il a le doigt sur le bouton nucléaire...’, et alors Ho Chi Minh serait à Paris dans les deux jours, priant à genoux pour que nous lui accordions la paix”.
» Cette idée (“conseil à Poutine”) nous était aussitôt venue lorsque le New York Times, le journal de référence mondial qui est exceptionnel pour transmuter les bobards chics en références extrêmement pompeuses, glissa dans un texte sur une conversation téléphonique Merkel-Obama l’idée que Poutine était complètement dans un autre monde, – qu’il était fou, pour faire bref. (Le New York Times, le 2 mars 2014 )... »
Dans le reste du texte, nous constations que cette idée du “conseil à Poutine” qui revient en fait, – dans le débat où l’on se trouve, – à lui conseiller tactiquement d’avoir une posture qui est le complet contraire de la faiblesse que certains lui reprochent, que cette idée n’était pas des meilleures. La raison principale que nous en donnions était que le bloc-BAO se chargeait lui-même de faire de Poutine, du point de vue de la communication qui règle tout, une sorte de chef de guerre ne cédant sur rien, agressant à toutes les occasions possibles, etc., et d’ailleurs certainement jusqu’à la folie comme le détaillait le vertueux NYT selon des propos de Merkel qui furent ensuite complètement mis en évidence comme faussaires, – mais qu’importe certes dans une époque où la réalité est pulvérisée...
Nous en étions au point, en septembre 2014, où les modifications de la psychologie collective du bloc-BAO avec la désintégration totale de la réalité, l’utilisation forcenée de toutes les narrative possibles, l’apparition du déterminisme-narrativiste rendaient désormais impossible d’envisager les relations, même d’antagonisme, d’un point de vue sinon rationnel, dans tous les cas simplement réaliste (selon la réalité). Dès lors, pour nous le problème de ce qui est aujourd’hui identifié par certains comme la “faiblesse” de Poutine ne se posait plus en ces termes. Nous avons pu considérer qu’en telle ou telle occasion, ils aurait pu ou du être plus ferme sur tel ou tel point, mais par rapport à la vastitude de l’énigme posé par le comportement dément du bloc-BAO, il ne s’agit que d’un avatar tactique par rapport à ce qui est une énigme de civilisation.
Ainsi n’est-ce pas dans les termes mêmes de la détermination d’une éventuelle “faiblesse” de Poutine que nous poserions la question qui justifie au départ ces Notes d’analyse, mais dans les termes de la recherche de la cause qui conduit à cette analyse qui n’est pas loin d’être une mise en cause de Poutine, – qui est le fait, et c’est certes le point remarquable, central, quasi-exclusivement cause de notre intérêt pour l’événement, – le fait des antiSystème (d’une partie d’entre eux). Le cas essentiel pour ce phénomène est celui de la Turquie, et particulièrement de l’offensive récente de la Turquie en Syrie, avec la question ouverte : Erdogan a-t-il fait-il cela en accord (plus ou moins) avec Poutine, ou bien a-t-il trahi ses engagements de Saint-Petersbourg et agi pour le compte des USA, contre les intérêts russes ?
On a déjà eu une idée du débat avec le texte de Paul Craig Roberts (PCG) déjà référencé ; il faut d’ailleurs noter que, depuis, dans un texte (en français) présenté dans Katehon.com le 1er septembre, PCG a déjà adopté une approche très différente, affirmant que les USA sont derrière le putsch et que la Turquie se tourne désormais vers la Russie (« Si la Turquie sortait de l’OTAN, d’importants bouleversements auraient lieu à travers le monde. La Turquie était sous contrôle de Washington depuis de nombreuses années. Mais l’implication flagrante des États-Unis dans la tentative de coup d'État en juillet dernier a mis un coup d’arrêt à la collaboration turco-américaine. Erdogan a désormais la volonté de restaurer les relations avec la Russie, et ce malgré les événements tragiques de 2015. Le gouvernement russe a tout intérêt à œuvrer pour ce changement de cap de la Turquie. Plus la Turquie et la Russie seront proches, plus faible sera l’OTAN qui encercle le territoire russe. Certes, Washington tentera un nouveau rapprochement avec les Turcs, mais le divorce est irréversible. »)
Pendant un peu plus d’une semaine à partir du 22 août, de très nombreux commentateurs prirent position dans le sens de la pseudo-“faiblesse” de Poutine, qui serait tombé dans le piège des promesses d’Erdogan à Saint-Petersbourg, qui se serait fait “manœuvrer” par Erdogan, qui avait trop cru à cette sorte de nouvelles, etc. Le président russe se serait montré naïf, crédule et peu habile, soit par simple faiblesse de caractère, soit du fait de l’influence des “Américanistes Intégrationnistes”. (Dans le même texte référencé, on trouve des informations à ce propos.) Certains commentateurs russes réagirent avec violence contre cette tendance, notamment Andrei Koribko, sur Katheon.com, dans ces termes le 24 août :
« It’s very fashionable nowadays for people to criticize the Kremlin for incompetency, and its recent history of controversial decisions coupled with the suspected liberal fifth-and-six-column infiltration of key national institutions gives plenty of ground for this, but sometimes people jump the gun, such as when accusing Russia of being ‘duped’ by Turkey. It’s interesting that no such criticisms are publicly leveled against Iran despite Tehran bending over backwards to Ankara during and after the failed pro-US coup attempt against Erdogan, but double standards are the norm when people engage in diatribes, and it’s always been the case that Russia has caught much more flak than anyone else whenever multipolar commentators critique their own camp.
» This is the precisely the case with the news that Turkish forces have crossed into Syria, with the most common knee-jerk reaction being that President Putin was manipulated by Erdogan as part of some large-scale Machiavellian plot, though of course, without making any mention that this charge could more rightly be directed against the Ayatollah. Anyhow, the prevailing narrative among multipolar supporters appears to be one of grief and despair, with Facebookers pulling their hair out over how stupid Russia apparently was to trust Turkey and work on helping it pivot towards Eurasia. As popular and trendy as it may be for people to jump on the bandwagon and start railing against Russia, and for as ‘healthy’ as it is for people to let off some steam and vocally vent their frustrations every once in a while, there’s actually countervailing evidence that Turkey’s operation isn’t a unipolar conspiracy but evidence of high-level multipolar coordination. »
Le 28 août, l’avertissement de Koribko, à propos d’un autre de ses textes, fut repris et interprété par Off-Guardian.org, également dans des termes sans ambiguïté montrant l’exaspération de ces commentateurs russes : « With much speculation – not to say hysteria – currently in the alt media that Russia has mishandled the situation in Syria, that the US is pushing to shoot down a Russian jet because they “know” Russia will not respond, or that Turkey is playing both sides to its own advantage, Korybko offers, in this brief piece, a different perspective that may not be receiving enough attention right now. Time will tell which perspective has the most validity of course, but many of the pundits who excoriated Russia’s refusal to engage militarily in Ukraine as an abject weakness and failure are now describing the situation in Syria in similar language. They were proved entirely wrong in the first instance, so they may well proved wrong again here. »
L’événement est assez significatif pour justifier de s’y arrêter. Il s’agit d’ailleurs du véritable sujet de ces Notes d’analyse, beaucoup plus que de la question du sort de l’expédition turque, dont il s’avère bien qu’elle est plutôt à l’avantage des Russes (une “coordination multipolaire”, comme la nomme Koribko, plutôt qu’une “conspiration unipolaire” Turquie-USA) ; donc, ce qui nous intéresse c’est vraiment ce mouvement assez généralisé, presque spontané, en défaveur des capacités et des moyens de Poutine accompagnés d’un soupçon personnel à l’encontre de sa “faiblesse”, “au profit” d’un Erdogan machiavélique et bien entendu de la “toute-puissance” même quasiment pulvérisée des USA qui le manipulent (Erdogan) par derrière. Ce dernier point précis, – “la ‘toute-puissance’ même quasiment pulvérisée des USA qui le manipulent (Erdogan) par derrière”, – est sans aucun doute celui qui nous arrête et qui nous importe dans notre raisonnement. On trouve là une faille fondamentale, implicite ou explicite, dans l’attitude que Koribko dénonce chez tant d’antiSystème.
Dans un de ses articles, Alexander Mercouris, excellent commentateur antiSystème mais plutôt dans la manière que n’affectionne guère Koribko, en arrivait à dire d’Erdogan, – dont on peut faire l’hypothèse qu’en tant que Grec, Mercouris n’a guère d’affection pour lui, – ne peut être compté comme un partenaire fiable parce qu’il reste absolument un allié servile indécrottable des USA, et évidemment dans toutes ses activités dans la zone d’intérêt et d’influence de la Turquie … Par ailleurs et comme s’il n’y avait pas de lien possible entre les deux constats, le même Mercouris observait le caractère totalement incompréhensible, pulvérisé, inexistant de la “politique” US dans cette même zone, avec différentes factions soutenus par les USA qui s’affrontent... Ainsi, reprenant le problème, nous concluions le 29 août :
« Le problème est bien que “la direction politique US“, entre un président qui joue très bien au golf et un vice-président qui cultive le “pathétique” dans les missions suicidaires qui lui sont confiées, ne parvient absolument pas à reprendre le contrôle d’une situation que d’ailleurs personne, à Washington, n’est capable de définir précisément. (Qu’est-ce que l’on veut à part “Assad Must Go” et “Yes, We Can” ? Quel est l’allié n°1 ? Que veut-on installer ? Où est la Syrie sur la carte ? Etc.) Le Pentagone s’indigne contre l’embouteillage de la bataille mais personne ne l’écoute ; tandis que les Kurdes font des propositions à l’Iran, il n’est pas assuré qu’on puisse compter Erdogan comme un “allié des USA et de l’OTAN” du type inoxydable qu’on implique par une telle remarque. Il est extrêmement difficile d’être un tel allié, c’est-à-dire une marionnette respectueuse, du susdit “‘parrain’ en complète déliquescence” jusqu’à une quasi-néantisation, – encore plus quand il s’agit d’un Erdogan. Si Mercouris n’a pas tort de douter qu’Erdogan soit un véritable allié fiable des Russes, et cela notamment à cause de sa personnalité et de son habitude des foucades, il n’y a pas plus de raison, et même beaucoup moins encore si l'on considère l’état du “parrain”, de le voir en “allié inoxydable” des USA et de l’OTAN. Plus la situation évoluera comme elle évolue, avec comme seul facteur absolument stable dans son orientation la déliquescence accélérée de la présence et de l’influence US, on serait tenté d’observer qu’on peut faire une hypothèse sur le côté vers lequel, finalement, Erdogan se tournera. »
Cette querelle autour de Poutine, au cœur de certaines forces de communication antiSystème est caractérisée symboliquement par une remarquable occurrence de contre-emploi. Elle concerne le cas de la fraction dite “Atlanticiste-Intégrationniste” (ou “Occidentaliste”) au cœur du pouvoir russe. Il est manifeste que cette fraction, qui tient notamment nombre de leviers de la machinerie financière et économique de l’État, a une représentation complètement disproportionnée par rapport à son soutien et sa popularité dans la population russe. Elle constitue un reste important de l’implantation réalisée par le bloc-BAO, les USA en particulier certes, dans les structures alors aussi étanches qu’un gruyère sans fromage de l’État russe, ou ce qu’il en restait, dans les années 1990.
Il est de notoriété publique, et depuis longtemps, – au moins, d’une façon spectaculaire et profondément philosophique et mystique, depuis le discours d’Harvard (1978) de Soljenitsyne, – que l’importante fraction russe nationaliste et nationaliste-mystique, ou encore souverainiste (souverainiste-mystique) est opposée de toutes ses fibres à la fraction des Occidentalistes. Elle a souvent critiqué et continue de critiquer cette présence dans la direction politique, et elle craint ouvertement que Poutine soit trop influencée par elle. Dans le cas qui nous occupe, c’est l’inverse qui se passe...
• Les soupçons de “faiblesse” de Poutine d’avoir trop vite ou trop naïvement cédé à Erdogan (qui, selon cette perception est un homme-lige de Washington/indirectement des Occidentalistes), sont directement ou indirectement étayés par ce qui serait l’influence des Occidentalistes. (PCG : « In my opinion this strategic failure [with Turkey] by Putin is the result of advice from the Russian “Atlanticist Integrationists”—the people who think that Russia does not count unless it is part of the West. In every sense, these pro-Western members of the Russian government are de facto members of the Treason Party. Yet they serve as a constraint on Russian decisiveness. The absence of Russian decisiveness provokes more pressure from Washington. It is a losing game for the Russian government to invite pressure from the West. »
• Au contraire, dans cette occurrence les nationalistes-souverainistes (le site Katheon.com est sous le patronage de l’intransigeant Douguine, leader incontesté de ce mouvement) défendent Poutine, et d’une façon extrêmement vigoureuse comme on a pu le lire. Cela implique que, pour eux, le président russe n’agit pas, toujours dans cette occurrence, sous l’influence des Occidentalistes, et d’ailleurs l’affaire turco-syrienne se déroule clairement selon eux selon un “axe multipolaire” comme dit Korybko, et non selon l’“axe unipolaire” sous la seule influence de Washington, impliquant l’absence d’influence des Occidentalistes.
... Mais on comprend vite que ce qui nous importe dans ce cas n’est pas tant la question Russie-Turquie dans le cas de l’offensive Euphrates Shield de la Turquie en Syrie ; nullement l’aspect tactique, stratégique, etc., et pas davantage la question des relations Russie-Turquie (Poutine-Erdogan), et qui a grugé ou n’a pas grugé l’autre, etc. Ce qui nous intéresse dans ce cas, c’est la fracture apparue dans les analyses des antiSystème, et une fracture qui ne suit pas les penchants habituels, notamment pseudo-idéologiques, puisqu’ils se trouvent à front-renversé sur la question de l’influence des Atlanticistes-Intégrationnistes, qu’un Douguine défend Poutine sur ce point alors qu’il est d’habitude le premier à soupçonner pseudo-idéologiquement Poutine de n’être pas un nationaliste russe chimiquement pur. L’expression employée semble moqueuse, mais nous l’employons à dessein pour faire enchaîner le reste, – notre idée étant qu’un nationalisme “chimiquement pur” dans l’esprit de Douguine est souverainiste, et surtout qu’il est spiritualiste et mystique dans la conception russe... Dans ce contexte, notre hypothèse est alors que la fracture est beaucoup plus sérieuse, beaucoup plus “intéressante” qu’une simple mésentente sur la perception des événements stratégiques.
Notre hypothèse générale sur l’évolution de la situation générale à la lumière du cas particulier que nous venons de détailler se décompose en plusieurs volets... D’abord, il y a le fait poursuivi en accélération constante d’une dissolution extraordinairement rapide de la capacité de puissance efficace, opérationnelle et effective du Système, résultat direct de l’équation de transmutation surpuissance-autodestruction (au plus s’exprime la surpuissance, au plus cette surpuissance produit de l’autodestruction). Le cas central de ce constat est l’évolution de la puissance US, parfait bras armée et désormais bras porteur de l’“impuissance de la [sur]puissance” du Système. La décomposition accélérée de la politique étrangère belliciste est en phase ultime. Évidente dès la crise ukrainienne, elle est plongée dans une accélération tourbillonnante sur le théâtre syrien, où les USA recueillent les fruits non seulement amers mais empoisonnés d’une stratégie fratricide d’elle-même, et ouvertement autodestructrice... On peut notamment lire une analyse du 3 septembre dans ce sens dans Sputnik.News, se référant à une analyse fortement influencée par le point de vue stratégique (très réaliste) israélien de Seth J. Frantzman dans The National Interest. Ainsi allons-nous des constats grotesques de l’action US datant de septembre 2015 à la débâcle US en cours avec l’opération turque en Syrie...
« The United States has pursued two strategies to resolve the Syrian crisis – one led by the CIA, the other devised by the Pentagon, but instead of reinforcing each other they are getting in each other's way, with Turkey's military operation in northern Syria serving as tangible evidence of this trend. [...]
» “The origins of the conflict lie in the fact that the United States has two policies in Syria. Initially the US policy was designed to support the opposition to the Assad regime,” Jerusalem-based journalist Seth J. Frantzman wrote for the National Interest. As part of these efforts, the US was vetting rebel armed groups that could prop up the so-called moderate opposition. Both the CIA and the Pentagon were involved in this process. The Pentagon's $500 program was meant to produce approximately 5,000 fighters. The initiative ended in a major embarrassment for the US Department of Defense (DoD) when General Lloyd Austin, commander of US Central Command, told the Senate Armed Services Committee that only “four or five” US-trained rebels were fighting against Daesh.
» According to Frantzman, the rise of Daesh prompted Washington to shift its focus from trying to depose Assad to counterterrorism. By late 2015, “Defense Department, CIA and State Department policies began to diverge, and the Defense Department began to see the Kurdish YPG and its effective fight against [Daesh] as the best partner for the anti-[Daesh] coalition forces,” he said. »
Cette décomposition de la politique belliciste extérieure des USA au nom du Système se double d’une décomposition accélérée de la direction du système de l’américanisme aux USA même, à l’occasion des élections USA-2016. On connaît bien ce volet dont les conséquences post-8 novembre sont imprévisibles quel que soit l’élu, où toutes les hypothèses s’orientent vers une période de désordre. Même l’élection d’une Clinton, perçue comme une fauteuse de guerre hystérique, se heurte à cette évidence : d’une part, sa position qui sera aussitôt soumise à une attaque institutionnelle (jusqu’à des hypothèses d’une procédure de destitution immédiatement lancée contre elle) sinon populaire, portant le risque d’une paralysie instantanée du nouveau pouvoir, littéralement mort-né ; d’autre part, si même cet obstacle colossal était écarté, il resterait une présidente Clinton partant en guerre avec une sorte de néant opérationnel où se trouve réduite la surpuissance US et sa stratégie en phase de décomposition active (autodestruction).
Un très grand nombre de commentateurs antiSystème ont totalement occulté ce fait de l’effondrement de la surpuissance US devenue impuissance, montrant par là, plus qu’une erreur de jugement, une fatale faiblesse de caractère (celle que nombre d’entre eux reprochent à Poutine ?). Cette faiblesse s’explique selon nous par le fait paradoxal de leur fascination pour le mythe de la puissance US, qui vaut celle des partisans des USA/du Système ; si elle s’exprime dans le registre de l’hostilité totale et non dans le registre du soutien absolu, cette fascination n’en obscurcit pas moins le jugement opérationnel.
Les commentateurs russes qui s’opposent à ces analyses les critiquent à juste raison comme fondamentalement biaisés. Ces commentateurs russes ne jugent pas les politiques selon le prisme de l’“idéal de puissance” qui favorise éminemment le Système/les USA en tant qu’expression conceptualisée au niveau de la méta-stratégie du “déchaînement de la Matière”. Ils renvoient à l’“idéal de perfection” qui implique une dimension objectivement spirituelle voire mystique qui se concrétise opérationnellement par la recherche de la défense des principes fondamentaux, dans le jugement des faits et des événements et dans l’élaboration de la politique ; cette dimension est totalement étrangère à l’“idéal de puissance”, elle est haïe par l’“idéal de puissance” parce qu’elle fait de la puissance un fait relatif et même destructeur, par opposition aux principes structurants. De ce point de vue, les commentateurs russes que nous citons jugent la politique russe décisivement supérieure en même temps qu’antagoniste à la politique-Système (expression de l’“idéal de puissance”), du point de vue de la conception de l’esprit parce que basée sur la recherche de l’application de principes structurants fondamentaux (refus de la conquête, souveraineté, légitimité), – même s’ils critiquent parfois Poutine sans le mettre fondamentalement en cause.
Eux ont identifié clairement ce que nous nommons l’“ennemi principal” : non seulement les USA, qui ne sont qu’un instrument, mais le Système en tant qu’acteur fondamental de l’“idéal de puissance”, c’est-à-dire élaborant une politique basée sur la seule puissance, et non sur la justesse principielle qui opérationnalise la spiritualité nécessaire à la hauteur des conceptions humaines ; et dans le cas qui nous occupe, la puissance conduisant à l’équation surpuissance-autodestruction, avec le désordre qui va avec, tandis que la politique russe, qui est principielle, est perçue comme une tentative de contenir le désordre, de rétablir l’ordre là où cela peut être fait... Cette conception de la nécessité d’identifier l’“ennemi principal” est devenue une démarche absolument centrale dans le cadre de la situation que nous décrivons.
Une autre tangente, plus importante encore, apparaît alors, qui est particulièrement d’actualité aujourd’hui, perceptible au sein des conceptions antiSystème et contribuant à préciser encore plus le problème que l’on perçoit d’une possible fracture à l’intérieur du cadre général de l’antiSystème. Il s’agit de la question de la Chine, de la perception qu’on en a, du rôle qu’on lui verrait jouer. Cette question est donc d’actualité à l’heure où le G20 se réunit en Chine, et où la Chine montre ouvertement, notamment au travers d’attitudes symboliques dont certaines sont des camouflets extrêmement significatifs, qu’elle entend absolument rabaisser ce qu’il reste de prétentions hégémoniques dans le chef des USA. L’accueil sans précédent d’humiliation faite à la délégation US et à son président, nous convainc absolument de l’évolution à cet égard.
Cette situation conduit à des modifications de position parmi les antiSystème. L’évolution est bien illustrée par l’article de Pépé Escobar du 31 août, sans qu’il faille nécessairement ranger l’auteur dans la catégorie que nous tentons de définir ; simplement, son analyse situe bien l’état de l’esprit de la chose. Le même article est repris notamment par deux sites proposant des titres différents qui résument bien le propos dans son évolution : « At the G20 Summit, China will take the lead in the fight against the West’s all-out war ambitions » (Sott.net) et « The Ultimate 21st Century Choice : OBOR [China] or War » (Sputnik.news)... (Par OBOR, Escobar désigne la fameuse “Route de la Soie” de notre époque postmoderniste, c’est-à-dire le symbole même, de type structurel et économique, de la Chine devenant hyperpuissance et prenant la direction des affaires du monde...)
« But most of all China will seek greater G20 backing for the New Silk Roads – or One Belt, One Road (OBOR), as they are officially known – as well as the new Asian Infrastructure Investment Bank (AIIB). So at the heart of the G20 we will have the two projects which are competing head on to geopolitically shape the young 21st century. China has proposed OBOR; a pan-Eurasian connectivity spectacular designed to configure a hypermarket at least 10 times the size of the US market within the next two decades.
» The US hyperpower – not the Atlanticist West, because Europe is mired in fear and stagnation – “proposes” the current neocon/neoliberalcon status quo; the usual Divide and Rule tactics; and the primacy of fear, enshrined in the Pentagon array of “threats” that must be fought, from Russia and China to Iran. The geopolitical rumble in the background high-tech jungle is all about the “containment” of top G20 members Russia and China. [...]
» At the same time, planning for a post-war Syria, Beijing is committed to boost trade and economic cooperation with Damascus, another future OBOR hub. It does not hurt this is also asymmetrical payback for Pentagon interference in the South China Sea and the deployment of THAAD in South Korea.
» Beijing has made it clear that the South China Sea won’t be discussed at the G20. Philippine President Rodrigo Duterte for his part has insisted, “We're not in a hurry to wage war, we're in a hurry to talk.” The heart of the matter in the OBOR-linked South China Sea is not sovereignty over “rocks” or even unexploited reserves of oil and gas; it hinges on the capacity of the Chinese Navy to regulate and eventually deny “access” to the Pentagon and the US Navy. What’s certain is that the US Navy will take no prisoners to prevent China from strategically dominating the Western Pacific, as much as Washington will go no holds barred to ram TPP to prevent China from economically reign over the Asia-Pacific.
» Deng Xiaoping's maxim – “never take the lead, never reveal your true potential, never overstretch your abilities" – now belongs to the past. At the G20 China once again is announcing it is taking the lead. And not only taking the lead – but also planning to overstretch its abilities to make the hyper-ambitious OBOR Eurasia integration masterplan work. Call it a monster PR exercise or a soft power win-win; the fact that humanitarian imperialism as embodied by the Pentagon considers China a major “threat” is all the Global South – and the G20 for that matter — needs to know. »
Cette appréciation entre dans une tendance de plus en plus affirmée dans une tranche importante des antiSystème qui tend à présenter la Chine comme la nouvelle “hyperpuissante” qui doit mener et affirmer une sorte d’“ordre nouveau” dont la tendance serait, plutôt qu’une multipolarité très marquée, une unipolarité renversée passant par l’élimination de la puissance US. Dans son interview récent au New York Times, Julian Assange, de WikiLeaks, fait une remarque dans ce sens (« But given WikiLeaks’ limited resources and the hurdles of translation, Mr. Assange said, why focus on Russia, which he described as a “bit player on the world stage,” compared with countries like China and the United States? » [“bit player” : “rôle accessoire”, “acteur secondaire”, etc., pour définir le rôle de la Russie]).
Qu’on ne s’y trompe pas : il ne s’agit pas d’apprécier des prises de position délibérée, ni de conjecturer sur une fracture en train de se faire ou déjà faite. Il s’agit d’acter une dérive en train de se faire, qu’on apprécie aussi bien à la facilité des critiques d’antiSystème parce que la Russie n’en fait pas assez (notamment contre les USA), qu’à l’ampleur des commentaires et analyses sur la puissance-devenant-“hyperpuissance” chinoise. Il s’agit alors d’apprécier de quoi il s’agit en termes d’appréciations structurelles et métahistoriques, par rapport à ce qui est pour nous essentiel, qui est le sort du Système, et plus précisément la destruction du Système (Delenda Est Systema).
La perspective chinoise que nous offrent ces antiSystème qui n’apprécient plus que moyennement la politique russe et la présence russe au centre de l’activité antiSystème (anti-US) telle qu’elle a été présentée ces dernières années, nous paraît assez singulière pour être détaillée. Il ne s’agit de rien d’autre que de poursuivre le modèle US en le multipliant par une échelle quantitative de valeur (« ...a pan-Eurasian connectivity spectacular designed to configure a hypermarket at least 10 times the size of the US market within the next two decades », écrit Escobar) ; c’est-à-dire reprendre la crise du Système là où les USA effondrés l’auraient laissée, pour prolonger le Système, avec tous ses effets déstructurants et dissolvants multipliés par les mêmes facteurs multipliés. C’est accepter complètement la logique de l’“idéal de puissance”, d’ailleurs dans des conditions évidemment approximatives et crisiques maximales... C’est une attitude déjà bien ancrée, qui ne vient pas de nulle part, montrant ainsi sa résilience ; en effet, nous ne voyons pas ce qu’il y a aujourd’hui de nouveau, à part comme l’écrit Escobar « a monster PR exercise or a soft power win-win » de la part des Chinois, par rapport à ce que l’on écrivait il y a à peu près un an (le 14 août 2015), alors que la Chine dévaluait en catastrophe, – mais tout de même, “hyperpuissance” déjà intronisée... Déjà, nous y décrivions l’appréciation critique fondamentale que nous développons ici :
« “En d’autres temps” (in illo tempore), dit la formule... En d’autres temps, nous aurions été conduits à saluer ce grand “événement géopolitique” perceptible au travers d’un “bruit de fond” massif de la communication. ”La Chine éternue, le monde s’enrhume”, cela signifie que la Chine est “la locomotive” et qu’elle s’est installée ainsi en position hégémonique, détrônant les USA dans le domaine que tant d’analystes et de commentateurs, qu’ils soient du Système ou qu’ils soient antiSystème qu’importe, jugent comme essentiel et à lui seul définissant notre monde (l’économie certes, la finance, etc.). Dans ces “autres temps” qui seraient considérés comme du “en temps normal”, que l’événement apparût à l’occasion d’une crise (“La Chine éternue”) n’aurait eu qu’une importance mineure tant le Système, le capitalisme, vit au rythme de ses propres crises, tant qu’il en a fait justement un système... Mais on le sent bien, on le devine, on le pèse et le soupèse, bref on le sait bien, – cette fois, c’est tellement différent parce que cette crise ne ressemble à aucune autre.
» Nous voulons dire que “la prise du pouvoir” symbolique par la Chine, le “passage du flambeau”, se font dans un contexte général catastrophique. Nous ne parlons pas d’évènements violents, de crises éclatant comme des bombes, etc., mais plutôt d’une atmosphère, d’une enveloppe spatiale, d’une dynamique de temporalité, bref d’un monde devenu un univers catastrophique d’une façon endémique, paroxystique sur la durée et sans apaisement, crisique fondamentalement et dans un mouvement tourbillonnaire inarrêtable, un monde politiquement incompréhensible, comme nous le confie le Général Flynn. Du coup l’affirmation a contrario de la Chine fait de la crise qui l’intronise, un degré de plus franchi dans l’engloutissement catastrophique... [...]
» Ainsi l’adoubement de la Chine comme puissance centrale se fait-il dans des conditions extrêmement ambigües, où la puissance du politique se découvre minée par l’absence de fondations solides. Comme la Russie, la Chine a passé un marché avec le Système, ce qui la met, également comme la Russie, “un pied en-dedans, un pied en-dehors”. (Ce pied “en-dehors” se nomme BRICS, Organisation de Coopération de Shanghai, quasi-alliance avec la Russie, etc.) Mais contrairement à la Russie, elle est pieds et poings liés par ce marché, bien plus qu’elle ne se trouve en partie libérée comme l’est la Russie pour suivre la politique qui lui importe à cause des conditions qu’on a décrites... »
L’évolution qu’on signale ici, qui est d’ailleurs de pure communication comme l’observe Escobar, n’est qu’une tentative de plus de remettre la situation inextricable du chaos du monde sous l’empire de la raison, fût-ce une raison tout aussi dévoyée que celle qui présida à la pseudo-hégémonie US. Comme d’habitude, cette tentative fait l’impasse sur la pression formidable, sur l’effondrement immédiatement en cours, pour passer à bien plus tard, comme si l’épisode actuel se résoudrait de lui-même, sans trop de difficultés, disons avec “un certain ordre dans le désordre”.... Comment peut-on présenter une prospective sur une hyperpuissance supposée écrasante et hyper-hégémonique (la Chine) dans dix ou vingt ans, avec multiplication assurée au moins par dix de la dynamique de la destruction physique du monde actuellement en cours alors qu’est annoncé notamment, – entre autres multiples échéances d'autres situations crisiques, – le terme explosif de l’énigme US en cours pour les même-pas-cent jours qui viennent (moins que l’aventure de l’île d’Elbe d’un Napoléon au rabais), alors que les USA tiennent encore la plupart des structures financières du Système, qu’ils paralysent toute évolution stratégique par leur propre paralysie répartie dans une myriade de bases, qu’ils continuent à dispenser une influence lénifiante et également paralysante dans nombre de zones, qu’ils sont dans une crise d’impuissance totale d’un pouvoir qui empêche par sa présence d’autres directions de prendre le relais dans nombre d’occurrences ? Et ainsi de suite, suite sans fin...
... Ce que nous voulons dire n’est pas, bien entendu, que les USA conservent quelque hégémonie, quelque maîtrise que ce soit, mais que leur effondrement impose la conduite très rapide, – question de mois, sinon de semaines, pas de décennies, – vers le paroxysme général de la Grande Crise d’effondrement du Système dont nous dépendons tous, nolens volens, et que les changements à venir très vite seront par conséquent considérables. Alors, évoquer une hyperpuissance qui mènera le monde d’ici dix-vingt ans à partir d’une perspective qu’on croirait stable !
Reste le véritable enjeu... De tout cela, nous tenons à sortir un enseignement et une conclusion fondamentale qui, en sens, acte effectivement une fracture au sein des antiSystème, de la communauté antiSystème. Pour ce faire, nous ajoutons un élément ultime, un complément qui va fermer le propos.
Nous observons un autre facteur, qui concerne l’évolution des commentaires d’un autre site qui nous est épisodiquement cher tant il représente si parfaitement la tendance qu’il prétend représenter : le site WSWS.org de la IVème Internationale trotskiste, qui pourrait être classé à plus d’une occasion, par nous selon notre méthodologie et notre point de vue d’une souplesse infinie à cet égard, comme épisodiquement antiSystème. Mais WSWS.org représente aussi le trotskisme, qui n’est pas étranger au “marxisme culturel” dont on parle de plus en plus souvent, et qui est de plus en plus adopté par le Système, notamment dans le chef de Clinton, dans sa bataille de survie ; ce qui fait effectivement du Système, par cet aspect, une clique d’ultragauche marié à l’idéologie de la corruption, avec sympathique voisinage-copinage des trotskiste, des “marxistes-culturels”, de Soros-Clinton, de Wall Street, du Complexe Militaro-Industriel... Cela n’étonnera pas tout le monde, puisque les uns et les autres recherchent la même déstructuration et la même dissolution...
Dans ses commentaires sur les présidentielles US, il nous apparaît assez clair que WSWS.org en arrive souvent à une position plus hostile à Trump qu’à Clinton, même s’il tente constamment de se défausser en les renvoyant dos-à-dos (il est vraiment très, très, très difficile, même pour WSWS.org de mettre Trump et Clinton dos-à-dos parce que Clinton ne peut être dos-à-dos avec personne, parce qu’unique en son genre). Ce texte du 23 août, (traduction d’un texte anglais du 22 août), où WSWS.org accuse les “médias” US, en quelque sorte, de “protéger” Trump en dissimulant son aspect fasciste constitue, en fonction de la vérité-de-situation que nous connaissons sans discussion possible et constatons chaque jour dans le chef de l'attaque continuelle contre Trump, un cas de schizophrénie qui “laisse bouche bée” (quasiment une des traduction de Khaos, après tout, puisque certains disent “rester bouche bée” pour ce concept... : WSWS.org est donc aussi bien défini par rapport à Khaos qu’un Soros...)
« Les médias contrôlés par le patronat et la campagne de Hillary Clinton ont choisi de minimiser l'importance politique de la nomination par Donald Trump, le candidat présidentiel républicain, d’un personnage ayant des liens étroits avec “le nationalisme blanc” et d'autres tendances d’extrême-droite, comme nouveau directeur de sa campagne. Ils cachent délibérément le fait que la campagne de Trump s’oriente vers la consolidation d'un mouvement de type fasciste aux Etats-Unis... »
Voilà donc deux entités qui sont, à une occasion ou une autre, – le concept antiSystème est tellement souple par définition, – effectivement des antiSystème : WSWS.org et Trump. Ici seul nous intéresse WSWS.org : sa façon, par enchaînement d’irresponsabilités et d’anathèmes successifs, bien dans la manière de cette ultragauche, de se retrouver du côté du Système, puisque si complètement contre Trump et malgré ses condamnations d’Hillary. Du coup, on relève un parallélisme étonnant, dans l’effet ultime et quelles que soient les intentions et les vertus, où des antiSystème qui n’ont rien de commun entre eux et qui œuvrent dans des domaines si différents en viennent à se rencontrer ultimement en se retrouvant au côté du Système : les pro-chinois aux dépens des Russes, avec ce qui dans l’expansion chinoise prétend prolonger le Système ; les anti-Trump de WSWS.org dans la mesure où leur concentration sur l’aspect “sociétal” (“racisme” & le reste) conduit nécessairement à un engagement évident pour ce qu’il est convenu de nommer notamment “marxisme culturel”, dont Hillary-Soros, avec Wall Street derrière, font grand cas et promotion bruyante. (Le terme, qui a cours surtout aux USA, est utilisé ici comme référence pratique. Il demanderait une définition beaucoup plus large que sa seule référence au marxisme qui est trop conjoncturelle, en y introduisant la dimension diabolique qui le caractérise. Cette dimension diabolique, dont la puissance est indescriptible, devrait finalement s’imposer comme seule convenant au phénomène.)
Le sac de nœuds est gigantesque, observerait-on ? Mais il est simple une fois les nœuds dénoués. Au-delà de tous les raisonnements complexes et complications multipliées, au-delà de toutes les antiquités surannées de la pensée d’il y a deux siècles dont nos talk-shows nous rabattent les oreilles (droite, gauche, progressisme, fascisme, démocratie, etc.), l’enjeu se résume effectivement à relever selon les exemples que nous avons envisagés : d’une part, que si la Russie continue à développer la politique la plus juste, la plus antiSystème, c’est parce que cette politique est principielle et ne sacrifie pas sa dimension spirituelle aux exigences de la puissance, fut-elle une puissance antiSystème (cette dernière expressions étant proche d'une contradiction insupportable au bout du compte) ; d’autre part, que la posture de WSWS.org prise comme exemple montre que lorsqu’on sacrifie la bataille réaliste de l’anti-impérialisme antiSystème à la promotion des valeurs sociétales, on se trouve du côté du “marxisme culturel” et que ce “marxisme culturel” est un instrument au profit des impérialistes (Clinton, Soros, Wall Street) comme outil de déstructuration favori du Système.
Il s’agit effectivement de l’essentiel : l’affrontement des courants venus des racines traditionnelles, y compris ceux qui firent un détour par la modernité (les ‘antimodernes’), comme seuls capables d’organiser une défense et de poursuivre le seul but de la destruction du Système comme seule voie de libération capable de s’ouvrir à une nouvelle époque ... Contre cela, la modernité, avec sa dimension absolument diabolique qu’elle affiche désormais comme telle, sans la moindre restriction et dans toutes ses dimensions et interprétations.
L’originalité du propos aujourd’hui, où le Système ne parvient plus à se contrôler lui-même ni contrôler ses serviteurs, c’est que les antiSystème eux-mêmes se trouvent devant des choix de cette sorte, qui dépendent d’abord de leur lucidité de jugement et de leur capacité d’identification, – plus que jamais de l’“ennemi principal” sinon l’“Ennemi exclusif”. Il leur reste à apprendre que cet “Ennemi exclusif” n’est rien d’autre que cette dimension diabolique, le Diable lui-même.
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