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78017 décembre 2018 – Certes, la France a retrouvé une certaine prétention à être un peu le centre du monde, avec sa révolte des Gilets-jaunes qui semblerait offrir ce qui pourrait être la recette de l’insurrection postmoderne, – avec tous les risques y afférant, – que la dynamique postmoderne recherche désespérément. Pour autant, les autres éléments constitutifs du tourbillon crisique où la France a pris sa place continuent à tourner de plus en plus vite et à affirmer leur existence. C’est le cas de l’affrontement, également de type postmoderne, entre la Russie et ses innombrables “accusateurs” du bloc-BAO et, sur le terrain de la possibilité d’extension du risque d’un conflit réel, entre la Russie et des USA qui balancent entre Washington D.C. et “D.C.-la-folle”.
Pour ce dernier cas, une série d’événements, symboliques et de communication autant qu’opérationnels, – des “signaux” si l’on veut, qui constituent un diagnostic d'accroissement de la tension. L’on observera par ailleurs, ou “en même temps” si l’on préfère, que cette escalade de la tension semble sans fin, – c’est-à-dire sans explosion, – car c’est bien depuis février 2014 et le “coup de Kiev” (certain nomment cela “révolution-Maidan”) que la possibilité d’un conflit réel entre Russie et USA s’est totalement concrétisée jusque dans la possibilité de l’option nucléaire. Dans une époque où la communication est reine, et le symbolique son prince consort, cette réserve n’est pas de circonstance : elle est fondamentale et interdit l’annonce assurée de l’éclatement d’un tel “conflit réel”.
D’abord, voyons le panorama européen et l’état d’esprit régnant du côté de ceux qui dénoncent des préparatifs de guerre de la partie OTAN/USA. Il s’agit d’un texte de SouthFront.org du 2 décembre 2018.
« L’OTAN rassemble des troupes dans les pays limitrophes de la Russie, a déclaré à la presse le colonel général Alexander Fomine, adjoint au ministre russe de la Défense, le 30 novembre.
» “Les pays membres de l'OTAN s'arment eux-mêmes, des troupes, des véhicules lourds et des blindés étant rassemblés dans les pays baltes, en Pologne et dans d'autres pays sous le prétexte d'exercices”, a déclaré Fomin. Il a noté que parmi les pays qui renforcent leur présence militaire figurent ceux qui doivent beaucoup à la Russie. “Nous avons perdu plus de 600 000 vies pour la Pologne. La Pologne est désormais le principal promoteur de ce plan et est prête à ouvrir une base et trois centres de commandement sur son sol”. Effectivement, les États-Unis et la Pologne envisagent ouvertement de créer une base militaire américaine permanente dans le pays.
» Début novembre, le ministre polonais de la Défense, Mariusz Blaszczak, a approuvé le calendrier de la formation de la quatrième division régulière de l'armée polonaise. La 18ème division mécanisée (18ème“Żelazna” – Dywizji Zmechanizowanej) doit être déployée dans l'est du pays, près des frontières avec la Biélorussie et l'Ukraine. En outre, le département d'État américain a approuvé la vente de 20 lanceurs HIMARS (High Mobility Artillery Rocket System) à la Pologne.
» Ces développements, ainsi que le nombre et l'intensité accrus des exercices de l'OTAN près des frontières russes et l'escalade récente provoquée par l'Ukraine dans la région de la mer Noire pourraient être considérés comme des préparatifs et des provocations avant la guerre aux frontières orientales de l'OTAN. Selon certains experts, l'intensité et l'ampleur de cette activité ne peuvent s'expliquer par les “efforts de sécurité” ordinaires du bloc militaire visant à décourager “l’agression russe”.
» Si l’on prend en compte ces facteurs, on peut en conclure que l'establishment de Washington et ses représentants au sein de la bureaucratie européenne et des élites politiques des États de l'Europe de l'Est poussent ouvertement vers une guerre d'agression ouverte contre la Russie. Cette guerre pourrait être déclenchée par une série de provocations dans la mer Noire, la mer d’Azov ou dans la région ukrainienne du Donbass. L’ex-vice-chancelier et ministre des Affaires étrangères allemand, Sigmar Gabriel, a déclaré dans un entretien télévisé le 2 décembre que “l’Ukraine” [en fait, le régime de Porochenko et ses dirigeants] avait tenté, à l’occasion de cet incident, d’entraîner l’Allemagne dans une guerre contre la Russie.
» Un tel conflit causerait des dégâts dévastateurs dans toute la région et provoquerait des millions de morts, éliminant en fait les petits pays de cette région. En outre, cela affaiblira deux des principaux concurrents de l’establishment de Washington – “l’Europe unie” et la Fédération de Russie. Les élites supranationales euroatlantiques ont maintes fois montré qu’elles ne se souciaient pas du coût des actions contribuant à leurs intérêts. Elles peuvent donc considérer ce scénario comme “acceptable”. Ce scénario ne peut être évité que si les États européens les plus grands et les plus influents, tels que l’Allemagne, la France et l’Italie, le rejettent et emploient les moyens nécessaires pour l’éviter. »
Depuis la parution de ce texte, d’autres “signaux” sont apparus, et bien plus qu’anecdotiques. C’est essentiellement Mike Pompeo, exceptionnelle brute épaisse trempée dans l’élixir neocon dès l’origine et transportée de la CIA au département d’État, qui a tenu la vedette lors de la réunion des ministres des affaires étrangères de l’OTAN.
• D’abord, Pompeo lance un ultimatum aux Russes : “Vous avez 60 jours pour rectifier vos violations du traité FNI. Si ce n’est pas fait, nous sortons du traité”. Procédure nette et expéditive, qui a le mérite de la clarté puisque les “violations” du traité par les Russes ont jusqu’ici été démontrées par la seule affirmation de la partie américaniste ; bref, comme ils disent, business as usual à l’époque des narrative, du déterminisme-narrativiste et du FakeNewsisme. Réaction de Poutine, rappelant que les USA ont prévu depuis longtemps de quitter le traité puisque le Congrès a autorisé le développement de missiles qui sont prohibés par lui, et que des fonds sont déjà programmés pour cela dans le budget du Pentagone ; puis déclarant sur un ton sarcastique, mais d’un sarcasme fatigué... : « La déclaration de M. Pompeo arrive un peu tard. D’abord, la partie américaine a annoncé son intention de se retirer du traité INF, puis elle a commencé à chercher des justifications sur les raisons pour lesquelles elle devrait le faire. [...] Ensuite, ils ont commencé à chercher quelqu'un à blâmer. Le plus simple est de dire au public occidental que la Russie est coupable... »
• Du même Pompeo, l’annonce dans un autre discours à Bruxelles, au German Marshall Fund, de l’arrivée imminente, sinon déjà faite, d’un nouveau-nouveau-nouveau “nouvel ordre mondial” qui sera, ô surprise, dirigé par les USA et bien entendu absolument libéral. Le “New Liberal World Order” est l’affirmation que les USA dominent partout, tout le monde et le monde entier ; qu’il y a des méchants qu’il faut liquider, sorte d’“axe du mal” n°2.0 (ou 3.0, ou 4.0, qu’importe), qui comprend, ô autre surprise, la Russie, la Chine et l’Iran. Le discours bombastique de Pompeo est ahurissant d’hybris vulgaire, type-marchand de frites, déclarant le système actuel (multinational) caduque, à foutre à la poubelle, tandis que tout le monde doit se mettre en rang...
Jason Ditz, de Infowars.com résume la chose pour nous : « Le message ici est que l’alternative à l’échec [du système multinational] est l’hégémonie américaine et que tout ce qui n’est pas sous un contrôle US quasi absolu n’est qu’une relique. Pompeo est allé jusqu'à suggérer que si le système financier de l'après-guerre froide fonctionnait bien, la Chine n’aurait pas gagné autant d'argent dans le commerce international, et que ce système est impuissant pour arrêter la Chine. Pompeo a conclu que l'unilatéralisme américain allait réformer le monde sur la base d'une conception réalisée et dictée par les États-Unis, affirmant que l'Amérique dirigerait [le monde, et bien sûr le cosmos et les étoiles,of course] maintenant et pour toujours, et que les organismes internationaux devaient se réformer pour aider les objectifs américains à se réaliser ou “ils seront éliminés”.»
• Autre élément, plus opérationnel celui-là, pour nous montrer que monsieur Pompeo ne plaisante pas et ne parle pas en l’air : l’annonce que l’U.S. Navy a envoyé un navire (une frégate lance-missiles) croiser dans les eaux du Pacifique, dans la baie Pierre-le-Grand, à hauteur de Vladivostok où se trouve le quartier-général de la flotte russe du Pacifique, – ce qui est une première depuis la Guerre froide. L’affaire a tourné à l’incident, avec l’intervention de navires et d’avions russes pour détourner la course de la frégate. (Les Russes annoncent qu’ils ont “mis en fuite” la frégate, l’U.S. Navy dit que tout va bien et que tout est normal.) La même chose (une frégate en croisière hivernale) est prévue pour la Mer Noire, suite à l’incident de la mer d’Azov. L’US Navy assure, avec flegme et pince-sans-rire, que ces opérations ont pour but d’accroître la sécurité et la stabilité... La marine américaine range cette sorte de gâterie sous l’acronyme de FONOP pour Freedom of Navigation Operations.
Là-dessus, on ajoutera une intervention qu’on qualifierait d’“étrange” au vu de ce qui précède, et de ce qui se sait et qui se dit habituellement à Washington. Lundi, Trump diffusait un tweet complètement inattendu où il nous confia qu’il jugeait les dépenses de défense du Pentagone complètement “folles”, et qu’il lui semblait urgent de négocier avec les Russes et les Chinois un arrangement pour ralentir cette course si coûteuse. Comme le remarque Jason Ditz nouveau, cette remarque contredit complètement sa position constante jusqu’ici, de pousser à encore plus d’armements, de dépenses de défense, de renforcement des forces armées US et ainsi de suite. Trump donne même des précisions, affirmant qu’il lui semble qu’il ne faudrait pas que le prochain budget de la défense US dépassât $700 milliards.
• Mais le lendemain, devant la Commission des forces armées du Sénat, le Lieutenant-Général Kenneth McKenzie, envoyé du comité des chefs d’état-major, estimait fermement qu’un budget en-dessous des $733 milliards demandés pour l’année fiscale 2019 constituerait un « risque certain » pour la sécurité nationale.
• Dans le même sens, affirmer (lundi) qu’il faut parler avec les Russes et les Chinois pour contrôler et freiner les dépenses d’armement et avoir un secrétaire d’État qui annonce, le lendemain, comme quasiment certain le retrait des USA du traité d’interdiction d’une classe d’armes signé par les seuls USA et la Russie, indique pour le moins un dysfonctionnement au sein du gouvernement US, sinon des contradictions et, ici et là, des actes s’accordant au refus d’obéissance ou de conformité à l’autorité supérieure à l’intérieur d’une hiérarchie.
On dira aussitôt que ce n’est pas la première fois que de tels “dysfonctionnement” surviennent avec Trump. Mais cette fois-ci, la matière est importante et sensible, en cours et complètement opérationnelle. Il apparaît très probable, quand on considère le contexte, les positions des uns et des autres, et surtout la personnalité de Trump, sa psychologie et son amateurisme en matière de sécurité nationale, que sa prise de position de lundi ne conduira nulle part, et que nous aurons les Bolton, Pompeo & Cie continuant à croiser à toute vapeur
Pour expliquer notre appréciation que Trump n’ira pas plus loin, et donc que Bolton-Pompeo ont la voie libre, nous nous appuyons sur deux avis successifs du colonel Lang (site Sic Semper Tyrannis) sur la position et le caractère de Trump.
• Dans un premier texte du 28 novembre 2018, Lang décrit la façon dont Trump travaille, la façon dont il pense et décide, la façon finalement dont il peut être très aisément manipulé par ses proches et ses collaborateurs. Un homme qui se fie à “ses tripes” et à des informations douteuses, qui n’a comme référence de jugement que le dollar, sensible à la flatterie, et pour tout cela évidemment aisément manipulable...
« Yes. Trump says that is how he “rolls.” The indicators that this is true are everywhere. He does not believe what the “swampies” tell him. He listens to the State Department, the CIA, DoD, etc. and then acts on ill informed instinct and information provided by lobbies, political donors, foreign embassies, and his personal impressions of people who have every reason to want to deceive him.
» As I wrote earlier he sees the world through an entrepreneurial hustler's lens. He crudely assigns absolute dollar values to policy outcomes and actions which rarely have much to do with the actual world even if they might have related to the arena of contract negotiations. He evidently learned about balance sheets at the Wharton School of Business at the University of Pennsylvania and wishes to apply the principle of the bottom line to everything.
» I will guess that he resisted taking elective courses in the Humanities as much as he could believing them to be useless. That is unfortunate since such courses tend to provide context for present day decisions. I have known several very rich businessmen of similar type who sent their children to business school with exactly that instruction with regard to literature, history, philosophy, etc.
» From an espionage case officer's perspective he is an easy mark. If you are in regular contact with him, all that is needed to recruit him is to convince him that you believe in the “genius” manifested in his mighty ego and swaggering bluster and then slowly feed him what you want him to “know.” That does not mean that he has been recruited by someone or something but the vulnerability is evident.
» IMO [In My Opinion] the mistake he has made in surrounding himself with neocons and other special pleaders, people like Pompeo and Bolton is evidence that he is very controllable by the clever and subtle. »
• Le 30 novembre 2018, Lang renchérit en poursuivant sa description des activités de Trump, cette fois en parlant de son entourage. Trump n’en est pas le prisonnier, mais bien “un président sous influence” d’ailleurs quasi-consentant, et l’influence dont il s’agit est celle de la faction la plus activiste des bellicistes, « d’une catégorie jamais vue depuis les impérialistes de la guerre des Philippines du temps du président McKinley [dernières années du XIXème siècle] ». Chose remarquable, qui laisse à penser sur la situation du couple et la capacité de réalisation de sa propre situation de Donald Trump, Lang rappelle ce point qui nous était inconnu, l’affirmation de Melania Trump selon laquelle son mari est « entouré d’ennemis ».
(Nous avions signalé une intervention de Melania Trump contre une personnalité du Conseil National de Sécurité, dirigé par Bolton, mais sans y adjoindre son avis que signale Lang, évidemment parce que nous ne nous en étions pas informés : « Chose très inhabituelle, cette dernière [Ricardel, adjointe de John Bolton] a été écartée à la demande expresse et rendue publique par un communiqué de la Première Dame, Melania Trump, qui s’était plainte du comportement de Ricardel durant un voyage qu’elle [Melania] a effectué en Afrique en sa compagnie... ».)
Lang : « Melania was right when she told an interviewer in Africa that her husband is surrounded by enemies within his administration. These are people who either opposed him during the 2016 campaign season or who signed up early in the campaign with an expectation that they could get jobs in a Trump Administration and in both cases understood that a president not accustomed to thinking seriously about other than business hustle could be manipulated or deceived in pursuit of their own agenda rather than his or that of the “deplorables.”
» These people are the neocon incubi and succubi who seek an even more dominant hegemonic role in the world for the US. They are out and out imperialists of a kind not seen since the time of McKinley and the US-Filipino War. The Democratic campaign for president in 2016 was filled with such people from the start but then, Hillary herself is an arch-neocon and still pursues that agenda.
» Bolton, Pompeo, his new helpmate Mary Kissel, dozens and dozens of Obama globalist holdovers, and people who find Trump's boorish ways repulsive, they all are undermining the administration from within and Trump does nothing about it. He is in fact detestably boorish but is that a reason to betray the oath you took to serve in his government? I think not.
» Is Trump competent in such matters as tax policy, regulatory reform and trade negotiations ? I think he is, but he is allowing the neocons to destroy the possibility of rational political relations in Europe and the Middle East.
» To quote a great president, “I grieve for my country when I think that God is just.” TJ Jefferson. »
Il semble difficile, à moins d’un événement inattendu précipitant un changement en son sein, d’encore espérer et attendre quelque chose de décisivement constructif de Trump lui-même dans les matières de sécurité nationale, selon le portrait qu’en trace Lang, qui nous semble très approprié... Les Russes ont fait savoir que le Kremlin et le président Poutine sont fatigués d’attendre après le deuxième “lapin” posé par Trump au G-20 (rencontre annulée après celle de Paris, lors de la cérémonie du centenaire de l’armistice de 1918). Du coup semble ouverte la voie pour une très grave crise en Europe, avec le retrait quasiment acquis des USA du traité FNI, au printemps 2019. La crise retombera alors sur les pays de l’Union Européenne qui sont directement concernés par les armes nucléaires de portée intermédiaire, comme ils le furent lors de la “crise des euromissiles” de 1977-1987 qui se régla effectivement avec ce traité FNI de décembre 1987.
Les Européens pourront alors goûter les fruits amers de leur refus constant, évidemment imposé par Washington mais assumé avec empressement, d’un traité de sécurité paneuropéen incluant la Russie comme celui que l’équipe Medvedev-Poutine leur proposa à l’automne 2008 , – et qui sembla intéresser Sarkozy lors de la seule période de son mandat (les six mois de présidence française de l’UE) où il sembla assumer un jugement indépendant en matière de politique étrangère. Aujourd’hui, la situation est infiniment dangereuse, beaucoup plus que lors de la (première) crise des euromissiles et qu’en 2008, pour s’appuyer sur les deux périodes mentionnées. L’Europe connaît plusieurs faiblesses de formes différentes, qui s’additionnent en un désordre d’impuissance, – avec le paradoxe sur lequel on revient plus loin que cette impuissance touche d’abord des directions jusqu’ici complètement alignées sur la politique débilitante et entropique de l’UE :
• Le leadership des trois plus grandes nations (si l’on y ajoute le Royaume-Uni) est en crise profonde, – May et le Brexit chaotique, Merkel affaiblie dans ses dernières années sinon ses derniers mois, Macron et la crise des Gilets-jaunes qui, si elle ne se termine pas dans la catastrophe, a dans tous les cas détruit sa légitimité et son autorité.
• L’attaque du populisme-nationalisme coupe l’Europe en deux, avec les pays qui lui sont plus ou moins acquis (Pologne, Hongrie, Italie, Autriche notamment) et ceux qui sont pressés par lui (la France certainement, l’Allemagne peut-être), contre ceux qui restent acquis à l’orthodoxie.
• Le lien transatlantique sur lequel s’appuie en théorie la sécurité de l’Europe de l’UE est soumis à des pressions terribles de la part de l’administration Trump qui affirme une politique unilatéraliste et un néoprotectionnisme tout en pratiquant une politique anti-UE et de discrimination (soutien implicite des populistes).
• Les liens avec la Russie suscitent des divisions extrêmement fortes entre des pays complètement antirusses (Pologne, pays baltes, Royaume-Uni) et des pays plus ou moins ouverts à une restauration de la coopération avec la Russie (Hongrie, Italie, Allemagne, France).
• La question générale de la sécurité par rapport au lien transatlantique d’une part, et à la Russie d’autre part, interfère d’une façon ou l’autre avec les diverses postures vues précédemment : politique générale de sanctions antirusses de l’UE, liens obligés avec l’Ukraine qui constitue un bastion avancé de la politique US de provocation antirusse.
Dans ce désordre de contradictions et d’antagonismes, avec une politique US complètement aveuglée dans le sens de l’antagonisme belliciste par l’hybris et l’absence d’une direction ferme, seule la France est (re)devenue un facteur énigmatique à cause de la terrible crise qui la frappe. Paradoxalement mais logiquement, l’affaiblissement dramatique de l’autorité de sa direction européiste et pseudo-“progressiste” peut conduire du fait de l’épisode crisique actuel, même s’il termine son pic paroxystique sans trop de conséquences déstructurantes mais avec la certitude d’effets durables et profonds, à une réaction de renchérissement de sa position traditionnelle de souveraineté.
Macron peut se découvrir dans une position classique souvent mentionnée pour nombre de présidents US depuis Franklin Delano Roosevelt : pour faire oublier, ou du moins passer au second plan une terrible faiblesse intérieure, renchérir sur des positions classiques (dans le sens de la souveraineté) en matière de politique extérieure. La seule voie utilisable à cet égard est de se tourner vers la Russie, l’alliance US étant nécessairement destructrice de la souveraineté de l’allié. Ce faisant, Macron rencontrerait une orientation qui existe également dans les opinions souverainistes voire populistes, et exaspérées par les contraintes de l’UE. Paradoxalement, – le jeu de mots est trop tentant, – un Macron faible c’est peut-être le maillon devenue faible dans la chaîne euroatlantiste qui tient toute l’Europe dans une politique complètement contre-productrice et absolumlent entropique. Il peut être considéré comme possible que certains pays suivent cette orientation, l’Italie bien entendu, l’Allemagne peut-être avec Merkel affaiblie ou Merkel éliminée oubliant ses liens de vassalité aux USA. La situation en Europe aujourd’hui est tellement rocambolesque qu’il faut, dans nombre de cas, des leaders affaiblis jusqu’à l’anéantissement pour songer à un retour à une politique nationale, – la souveraineté par la chute, – c’est-à-dire la chute des illusions utopiques-inverties.
Il faut ajouter à tout cela que la désintégration du traité FNI donne une occasion légitime à la France d’assurer une position spécifique. Elle est la seule nation nucléaire indépendante (les Britanniques étant tenus en laisse très serrée par les USA dans ce domaine). Elle est donc partie prenante dans la situation nucléaire de l’Europe, et dans ce cas dans la disparition de l’équilibre nucléaire assuré en Europe par le traité FNI, et encore signé par deux puissances dont l’une n’est pas européenne. (La France s’était d’ailleurs gardée de ce traité lorsqu’il fut signé, de crainte de voir une mise en cause de sa force nucléaire si l’un ou l’autre des signataires l’avait assimilé à une “force de théâtre”.)
La disparition du traité FNI peut créer une situation nouvelle où la France pourrait trouver une opportunité d’affirmation, dans ce cas en mettant en cause un réarmement nucléaire US en Europe. La partie pourrait être assez intéressante, – mais pour cela il nous faut un Macron complètement passé au tamis des Gilets-jaunes, quasiment transformé sous les coups reçus et devenu Gilet-jaune lui-même.
Pendant ce temps, de façon très symbolique pour notre propos, l’ex-candidat Fillon, qui passait par là au Kremlin, a salué avant-hier son ami le toujours-président Poutine. On a causé chaleureusement, quasiment comme entre Gilets-jaunes.
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