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886329 mars 2019 – Il est absolument étonnant et révélateur si l’on prend la perspective stratégique longue de lire cette affirmation sous la plume d’un collaborateur central (“TTG”) du colonel Pat Lang, ancien analyste de la DIA qui contrôle aujourd’hui, en toute “indépendance informée”, le site Sic Transit Tyrannis (STT) : « Moscou a décidé que le sort du Venezuela et du gouvernement de Maduro est d’une grande importance stratégique pour la Russie et agit en conséquence. [...] [Les Russes] ne vont pas laisser les choses s’envenimer comme ils l'ont fait en Ukraine et en Syrie. »
On sait l’attention de nous portons à STT, à Lang et à ses collaborateurs, parce que Lang est un ancien militaire US de haut niveau, dans un domaine très sensible et plus large que la seule chose militaire, et qui a une attitude proche de la dissidence par sa vue très critique de Washington D.C.-“D.C.-la-folle” (qu’il surnomme “les Borgia” ou “Versailles”) tout en restant d’un esprit patriote, donc restant en contact direct avec des sources elle-même directement greffées sur l’action de sécurité nationale des USA. Par conséquent, les jugements de Lang et de ses plus proches collaborateurs qui suivent les mêmes filières reflètent des tendances, des courants, des dynamiques parcourant l’appareil de sécurité nationale US hors de la langue de bois du simulacre.
TTG ne donne pas cher de l’aventure croquignolesque et abracadabrantesque des pieds-nickelés Bolton-Pompeo-Abrams contre le Venezuela (« Cette histoire de Guaido va être étouffée dans l'œuf »), mais surtout comme on l’a lu il juge importante la position russe dans la crise, et surtout il la juge justifiée par défaut puisque n’émettant aucune objection à cet égard. Lang intervient lui-même en commentaire sur le Forum de l’article, pour en approuver complètement le contenu : « Oui. Selon mon opinion, madame Guaido pourrait bien perdre son mari. Pas de chance. »
Effectivement, depuis une semaine, avec l’arrivée d’un contingent militaire russe dont on débat pour savoir ce qu’il représente précisément, la crise vénézuélienne au point mort au niveau de la communication depuis l’échec fin février de l’affaire du grotesque “convoi humanitaire” à la frontière entre Colombie et Venezuela, a pris une nouvelle dimension. A nouveau, on retrouve USA et Russie face à face, et cette fois du fait de la Russie, sur un territoire que les USA ont toujours considéré comme faisant partie de leur “arrière-cour”.
C’est justement cette question de l’“arrière-cour”, plus noblement désignée depuis presque deux siècles comme la “doctrine Monroe” (du président Monroe, l’énonçant en décembre 1823), que nous entretient d’abord l’article dont les citations sont extraites. En fait, le titre (« La doctrine Monroe revisitée ») est clairement ironique, parce qu’il implique tout simplement que cette doctrine n’a plus guère de réalité, que les Russes ne s’en embarrassent certainement plus du tout. Les paragraphes ci-dessous constituent le plus important de l’article, c’est-à-dire un commentaire sur la nouvelle de l’arrivée de la délégation militaire russe à Caracas.
« L’Antonov-124 et l'Ilyushin-62 ont atterri à Caracas avec 100 soldats et spécialistes techniques russes et 35 tonnes de matériel. Le groupe était dirigé par le général Vasily Tonkochkourov, chef d'état-major des forces terrestres russes. J'imagine que les troupes russes comprennent un contingent de ces “petits hommes verts polis” [qu’on a vus, – ou pas vus justement, – agir en Crimée]pour conseiller les forces de sécurité de Maduro et peut-être aider à mener des opérations antiterroristes, au besoin, contre tout mercenaire dans le pays associé a Guaido et à la tentative de coup d'État soutenue par les Etats-Unis. Les Russes peuvent également inclure des spécialistes pour former et assister les récents déploiements vénézuéliens de S-300 sur une base aérienne juste au sud de Caracas.
» Naturellement, Pompeo et Bolton-le-dingue promettent de pulvériser la présence russe et profèrent toutes sortes de menaces effrayantes. Il ne semble pas qu'ils le fassent de leur propre chef. “Il n'y a pas de port sûr, pas de sortie facile et pas d'issue. Vous allez tout perdre”, a déclaré M. Trump en s'adressant aux Russes, dans un discours prononcé à l'Université internationale de Floride à Miami le 18 février. “Nous cherchons une transition pacifique du pouvoir, mais toutes les options sont ouvertes”. Le même jour, il a tweeté “Je demande à tous les membres du régime Maduro : Mettez fin à ce cauchemar de pauvreté, de faim et de mort. LAISSEZ PARTIR VOTRE PEUPLE. Libérez votre pays ! Le moment est venu pour tous les patriotes vénézuéliens d'agir ensemble, en tant que peuple uni. Rien ne pourrait être mieux pour l'avenir du Venezuela !” Lors d'une séance de photos de la Maison-Blanche avec la femme de Guaido aujourd'hui, Trump a dit : “La Russie doit s'en aller.” “Si la Russie ne quitte pas le Venezuela, nous verrons bien. Nous verrons bien. Toutes les options sont ouvertes... toutes les options sont ouvertes.” Trump semble être tout à fait dans le coup.
» Je doute que les menaces de Washington puissent influencer Poutine. Moscou a décidé que le sort du Venezuela et du gouvernement de Maduro est d’une grande importance stratégique pour la Russie et agit en conséquence. M. Lavrov a prévu des réunions de coordination avec le Venezuela à Moscou le 3 avril pour signer une vingtaine d'accords dans les domaines de la défense, de l’énergie, de l’économie, du commerce et de l'éducation. Ils ne vont pas laisser les choses s’envenimer comme ils l’ont fait en Ukraine et en Syrie. Cette histoire de Guaido va être étouffée dans l'œuf. »
Le fait est que le gouvernement russe n’a pas attendu longtemps avant de répondre à la remarque de Trump, quelques heures à peine. Cela s’est fait sous la forme d’une intervention de la porte-parole du ministère des affaires étrangères, la talentueuse Maria Zakharova, mais dans le cadre informel d’une interview à grande audience, et avec quelques remarques colorées concernant les habitudes de comportement et de communication de l’actuel président des États-Unis. Cette façon informelle de répondre à l’exhortation menaçante de Trump, Bolton & Cie, assez inhabituelle par rapport au formalisme des Russes, mesure un certain dédain sinon un mépris certain de la part des Russes, pour la forme de l’excentricité vulgaire et de l’extravagance purement et seulement communicationnelle, notamment au niveau des menaces, montrées par le comportement américaniste dans le chef de l’administration Trump, – tout cela sans surprise excessive...
« Commentant mercredi soir en direct sur la chaîne de télévision Pervyi Kanal une récente déclaration de Donald Trump, selon laquelle la Russie devait se retirer du Venezuela, la porte-parole du ministère russe des Affaires étrangères, Maria Zakharova, a proposé à Washington de “réaliser son propre concept de retrait, notamment de Syrie“, “avant de donner des conseils à quiconque de se retirer de quelque part”. Mme Zakharova a signalé que l'évacuation des troupes américaines de Syrie aurait pu être effectuée assez rapidement, mais que les États-Unis ne l'avaient pas fait jusqu'à présent.
» “C'est pourquoi, avant de s'ingérer dans les intérêts souverains d'autres pays, je conseillerais à l'administration des États-Unis de réaliser avec la même aisance ses propres promesses données à la communauté internationale”, a-t-elle détaillé. La diplomate a comparé les actions des USA sur la scène internationale au comportement d'un cowboy au Louvres lequel, au lieu d'admirer des œuvres d'art, “réagit à ses propres phobies”. »
Entretemps s’est glissé un nouvel élément, venu du Congrès, sous la forme d’un projet de loi élaboré par la députée démocrate Debbie Wasserman-Schultz sous la désignation de Russian-Venezuela Threat Mitigation Act (voir au début de cette vidéo[00’ 50”] extraite d’un article de TheDuran.com, entre Alex Christoforou et Alexander Mercouris). Il s’agit d’une demande adressée au département d’État d’évaluer la “menace” que fait peser l’ensemble russo-vénézuélien (sur les USA, suppose-t-on). La projet de loi ayant été voté à l’unanimité lundi, il doit aller maintenant devant le Sénat ; s’il est adopté, il devient une loi qui oblige le département d’État à fournir au Congrès cette estimation, ce qui devrait prendre un bon gros mois bureaucratique.
L’initiative est assez intéressante, suggérant plutôt du désordre supplémentaire à “D.C.-la-folle” qu’une “union sacrée” de Washington D.C.
• Debbie Wasserman-Schultz (DWS) est une créature d’Hillary Clinton, absolument corrompue, qui démissionna de la présidence du parti démocrate (DNC) en juillet 2016, à la veille de la désignation de la candidate démocrate (Hillary), démission à la suite des fuites-Wikileaks de masse de courriels montrant les irrégularités de fonctionnement et la corruption du DNC sous sa gouverne. C’est à partir de cet incident que le Russiagate prit son envol jusqu’à sa conclusion, – qui n’est en fait qu’une étape, – d’il y a une semaine.
• DWS avait depuis disparu des radars, mais elle est restée dans les rails de la corruption démocrate et a conservé son siège de députée pour la Floride à la Chambre des Représentants. Avec ce projet de loi, elle effectue un retour parlementaire sur une “grande affaire”....
• ... La question étant : dans quel sens et pour quoi et qui roule-t-elle, DWS ? Femme de lige d’Hillary, il est difficile de penser qu’elle veuille apporter un appui à l’ennemi juré d’Hillary en appuyant sa politique intransigeante et pour l’instant de pure communication (avec les coups fourrés habituels type-Bolton). La question se pose de savoir si l’exigence d’une “évaluation de la menace”, qui peut éventuellement mettre dans l’embarras les circuits bureaucratiques, a pour but de dénoncer la faiblesse de l’administration Trump, – soit devant l’importance de la “menace” qui ne serait pas prise au sérieux, soit au contraire à cause de l’exagération par l’administration Trump de cette “menace”. (On ne s’attardera pas trop à l’hypothèse d’une dénonciation, par ce biais de l’illégalité totale de l’action contre le Venezuela, ce n’est pas le genre de la maison : DWS est habituée à vivre elle-même dans l’illégalité la plus complète, elle ne pourrait y voir un vice ni, – surtout pas, – une faiblesse.)
Quoi qu’il en soit, il nous étonnerait fort que l’initiative de DWS ait pour but de soutenir l’action de l’administration, parce que Trump reste, bien plus que Maduro, l’ennemi à abattre. Nous la verrions plutôt et sans hésitation comme un facteur de désordre de plus, dans quelque sens que ce soit, – belliciste ou pas, – dans le désordre mouliné régulièrement par l’inépuisable entité-“monstre incontrôlable” qu’est le Russiagate.
Dans l’exposé de ces diverses nuances du tableau actuel de la crise vénézuélienne, un enseignement fondamental émerge : l’engagement russe qui devient opérationnel par la force des choses ; lesquelles “choses” sont en fait résumées par les extraordinaires bouffonneries de la “politique” extérieure US menée à la façon d’un charlatan dans un spectacle de cirque, – excellent charlatan, bon spectacle de cirque au royaume de P.T. Barnum, – dont les Russes et un Poutine flegmatique profitent sans faire trop de bruit. Avant d’envisager les éléments de cet “engagement opérationnel”, on rappellera ici l’évolution conceptuelle vers cette situation telle que nous l’exposions dans nos Notes d’Analyse du 24 février 2019 :
« Certes, pour l’essentiel nous parlons de communication, dans un monde où les événements semblent figés ou paralysés lorsqu’ils sont sollicités par les dirigeants divers et néanmoins humains. Ils se déroulent pourtant avec une puissance dynamique considérable et bouleversent les situations, mais ils ne surgissent pas de stratégies humaines élaborées ; la puissance de la communication qui est la seule contribution humaine sérieuse à leur déroulement, agit souvent d’une façon inattendue, volatile, ne ménageant pas des effets complètement imprévisibles de son aspect-Janus.
» Même la Russie est soumise à ce traitement, dans un sens vertueux certes. Sa présence dans la crise vénézuélienne et dans la zone des Amériques relève de conséquences que les événements extérieurs à elle lui impose (fin du FNI & conséquences) autant que d’une politique (ventes d’armement au Venezuela, exploration de la possibilité d’utilisation de bases dans ce pays) qui précédait largement la séquence crisique actuelle. De ce fait, la puissance de la communication implique la Russie dans la crise vénézuélienne, d’autant que s’est créé, – toujours la communication, – un ensemble de pays qui soutient Maduro et (surtout) s’oppose à la poussée US. [...]
» Notre constat est donc de deux ordres.
» • Le premier, on l’a vu au début de l’analyse, concerne “l’hypothèse d’un basculement du Moyen-Orient vers l’Amérique centrale et latine en tant qu’“arrière-cour” des USA. On comprendra donc qu’il s’agit d’un basculement pseudo-géopolitique, et en réalité géo-communicationnel selon le pléonasme proposé initialement.” Nous croyons bien entendu que cette hypothèse est confirmée par les événements tels que nous les avons décrits, même et surtout parce que ces événements ne sont pas le produit d’une analyse et d’une action rationnelles, qu’ils sont, par rapport au sapiens d’époque, type Trump-Bolton, complètement inconscients.
» • Le second doit explorer la question, – paradoxale en un sens après avoir constaté l’exercice de la toute-puissance de la communication, – de savoir si la toute-puissance de la communication n’a pas atteint son principe de Peter par le biais du développement de sa technologie d’accès et de transmission, par exemple comme le JSF pour les systèmes d’arme. Cela est envisagé du point de vue du Système qui nous importe particulièrement (Delenda Est Systemum) d’autant plus qu’existe son aspect-Janus lui permettant de soutenir l’antiSystème ; cela signifie que la situation serait à ce point où le Système ne pourrait plus utiliser le système de la communication à son avantage, que l’aspect-Janus l’aurait décisivement emporté, de manière directe comme c’était déjà le cas mais aussi de manière indirecte en trahissant le soutien que le Système attendait de lui. »
Ce qui se déroule en ce moment au milieu du brouhaha de la communication est bien que nous passons de ce stade conceptuel exposé ci-dessus à un stade opérationnel, en en revenant aux deux phrases de TTG citées au début de cette analyse, selon lesquelles la Russie estime que la situation vénézuélienne et le maintien du gouvernement Maduro sont des enjeux stratégiques essentiels pour elle, et que cette fois elle ne “laissera pas faire” comme elle a “laissé faire” en Syrie et en Ukraine. Si cette résolution est bien celle de Poutine, cela implique une situation extrêmement intéressante et nouvelle, dans le chef d’un engagement russe de cette importance opérationnelle dans l’“arrière-cour” des USA.
S’il est certes mesuré, l’engagement opérationnel russe est néanmoins effectif, et bien entendu la communication bombastique du côté de “D.C.-la-folle” ne fait que mettre en évidence ce fait. On peut même dire qu’il est assez surprenant que les Russes affichent ainsi leurs intentions, même derrière des explications de façade (consultations courantes entre militaires, prévues depuis longtemps, S-300 déjà commandés et fournis avant la crise, etc.) ; car la poursuite des relations militaires dans les circonstances présentes, avec le soutien militaire que cela implique, sonne bel et bien comme une affirmation de la volonté russe, cette fois et justement de ne pas “laisser faire”.
Poutine est bien trop habile pour laisser évoluer les choses comme on les voit, s’il n’y a pas effectivement, derrière cela, une résolution. Si ce n’était pas le cas, il aurait supprimé ces consultations courantes, le déploiement des S-300, etc., pour ne pas risquer de perdre la face s’il était confronté à une pression US proche de l’affrontement avec la nécessité pour lui de lâcher du lest, de reculer ; Poutine est un maître dans l’arrangement des positions tactiques pour ne pas compromettre l’enjeu stratégique. Puisqu’il ne l’a pas fait et qu’il maintient tous les contacts de renforcement du Venezuela de Maduro, c’est qu’il estime que Trump n’a pas l’intention d’impliquer directement les USA, – ou bien c’est qu’il n’estime rien du tout de la position de Trump, – c’est qu’il estime que, tant pis et à Dieu vat, cette fois la coupe est pleine et le comportement US ne peut plus être admis.
Ce qui est extrêmement intéressant, – on ne sait dans quel sens, d’ailleurs, car l’“intéressant” peut déboucher sur la tragédie pure, – c’est que cela ne se passe ni en Ukraine, ni en Syrie, qui sont très et relativement proches de la Russie et très éloignés des USA, mais que cela se passe très près des USA et très loin de la Russie. On le note avec les remarques de Trump à destination de la Russie : « Il n’y a pas de port sûr, pas de sortie facile et pas d’issue. Vous allez tout perdre. »
Il est vrai que si la guerre de communication débouche sur de l’opérationnel, le test pourrait être difficile pour la Russie ; même du temps du soutien à Cuba, les conditions stratégiques pour l’URSS d’alors étaient plus avantageuse : la situation géostratégique assez dégagée d’une île, une situation interne très stable à Cuba, avec un gouvernement fort et une population soudée.
Mais les USA ne sont finalement pas dans une situation plus aisée, malgré leurs avantages géostratégiques à eux (proximité, etc.). La cause de ce constat paradoxal tient évidemment à la situation interne de leur pouvoir, – de “D.C.-la-folle” au Russiagate, où la passion et la haine étouffent toute raison. Dans ce cadre, effectivement, on serait conduit à penser que l’initiative de DWS à la Chambre des Représentants est bien une incitation à l’escalade dont le but serait d’enfermer l’administration Trump dans une obligation de fermeté jusqu’aux risques suprêmes devant lesquels Trump a déjà montré qu’il ne tenait pas à trop s’y frotter. Les démocrates, qui se fichent comme d’une guigne de ces risques-là et sont totalement enfermés, verrouillés dans l’obsession de l’élimination de Trump, disposeraient d’un argument redoutable contre ce président qu’ils haïssent jusqu’à la folie.
On dira que tout cela, c’est jouer avec le feu ; certes, on n’aura pas tort ... Qui n’a jamais douté une seconde que, derrière le bouffe de cette tragédie-bouffe, il y avait le risque de la tragédie ? Nous vivons en permanence et en équilibre avec cela, – il est temps de s'en aviser, juste pour ne pas s'en cacher.
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