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4131Nous avons déjà largement abordé la substance de notre numéro du 10 janvier 2012 de dde.crisis, dont le thème est l’interprétation de la crise du monde selon la pathologie de la psychologie que nous estimons fondamentale, dépassant largement le cadre chimique et physiologique, dito la maniaco-dépression. (Voir notre F&C du 30 décembre 2011).
Nous revenons sur ce numéro d’une façon plus générale, comme l’est le thème lui-même, pour tenter de montrer de quelle façon cette approche est utile pour notre compréhension de la période métahistorique que nous vivons.
Dans notre éditorial du même numéro, nous exposons le principe de la méthodologie de cette façon de procéder, qui est de traiter des aspects essentiels de notre situation selon des références qui nous sont directement compréhensibles jusqu’à l’expérience personnelle (par soi-même ou par des proches) dont nous pourrions avoir été l’objet ; ainsi, passant de l’individuel au collectif, de la question triviale de la “santé mentale” d’un individu à la question métaphysique de la crise du monde ; car il s’agit de montrer que cette crise immense qui est celle du monde et de notre civilisation, est aussi celle de chaque individu, – et qu’il s’agit sans aucun doute de la même. Cette idée n’est pas sans référence, comme lorsque Baudelaire écrit que «chaque homme est la représentation de l’histoire».
Nous exposions, dans cet éditorial, le principe de notre démarche, à partir du fait qui nous paraît absolument évident et hors de toute contestation possible pour nous, que nous nous trouvons effectivement dans la crise de la fin de notre civilisation devenue contre-civilisation. «…Dans cette occurrence, notre travail est d’examiner l’évolution de cette situation de crise de fin de civilisation, sinon de fin de cycle, avec les instruments les plus puissants possibles, voire les plus audacieux. Cette résolution correspond à l’exceptionnalité de notre situation.
»C’est notamment ce qui nous pousse à développer, dans cette livraison de dde.crisis, l’hypothèse de la représentation de notre crise sous la forme d’une immense pathologie collective de la psychologie, que l’on connaît bien sous sa forme individuelle de maniaco-dépression. Cette hypothèse s’accorde évidemment avec l’importance fondamentale que nous accordons à la psychologie, d’une façon générale dans la crise qui caractérise la modernité (la crise qu’est la modernité en elle-même), très spécifiquement et encore plus fortement dans notre époque, à cause de l’influence énorme qu’exerce sur la psychologie le système de la communication. (Influence dont on sait qu’elle est négative ou positive, selon les circonstances et les acteurs impliqués.)»
Nos avons choisi comme interprétation psychologique de notre crise une pathologie qui est justement universelle, qui n’est pas liée à la modernité elle-même (alors qu’il existe des pathologies psychologiques qui sont directement liées à la modernité, comme la névrose, ou “mal américain”, identifiée en 1879 par le docteur Beard). Ce que nous voulons, en effet, c’est intégrer la modernité dans le cycle complet que nous vivons, dont notre civilisation, particulièrement dans cette phase de la modernité où elle devient “contre-civilisation”, est le dernier épisode. Ainsi, la maniaco-dépression est le lien psychologique qui tient tout notre cycle dans une cohérence psychologique, et intègre effectivement la modernité à sa place, et pour ce qu’elle est effectivement, comme la fin de ce temps général, comme la Chute elle-même terminant le cycle.
«[C]e qui nous intéresse comme identification du “mal de la modernité”, c’est justement ce qui n’est pas lié à la modernité, pour mettre en évidence combien la modernité est pour nous une crise bien différente de la crise d’une époque, d’un temps, d’une technique, d’une circonstance ; combien la modernité est, pour nous, le terme irrémédiable de la crise fondamentale de notre civilisation devenue contre-civilisation... Dans ce cadre, la maniaco-dépression, selon son appellation classique, nous paraît être un “modèle” adéquat pour conduire notre enquête sur ce qui nous apparaît sans aucun doute comme une pathologie, non pas d’une civilisation, mais de “la” civilisation en général, là où nous l’avons conduite, comme terme qui se voudrait ultime pour ce qui est du sens du développement de notre espèce, – bref, ce qui serait la pathologie finale résultant de notre chute, – si l’on accepte, comme nous y sommes inclinés, la théorie cyclique de la Tradition. Nous parlons bien de la maniaco-dépression et nullement de ce qu’elle est devenue, au travers de son nouveau nom d’“affection bipolaire”, selon une expression plus “scientifique” que nous n’affectionnons guère dans son énoncé, dans le sens où elle tend à neutraliser les caractères essentiels, et qui nous importent essentiellement, de la maniaco-dépression.»
L’importance que nous accordons à la maniaco-dépression tient évidemment au fait qu’elle touche la psychologie humaine. On sait l’importance que nous accordons à la psychologie, parce qu’il s’agit du moyen privilégié et unique de la perception de la situation du monde, et d’autant plus privilégié que la raison, aujourd’hui subvertie par sa proximité de la Matière et son asservissement au Système, est devenue faussaire et subversive elle-même si on ne lui applique pas un traitement sévère pour la débarrasser de ce mal. La psychologie, pour l’esprit qui sait s’en servir en étant averti des faiblesses de sa raison, devient un moyen privilégié de retrouver sa capacité de vision du monde et, par là, sa capacité de perception métaphysique de la crise du monde grâce à l’accès retrouvée à l’intuition haute. De ce fait, d'ailleurs, il traite sa raison comme l'on fait d'une pathologie et la débarrasse de la subversion qui l'affecte.
Le paradoxe de cette situation est en ceci qu’à des ambitions aussi hautes que retrouver une perception métaphysique du monde se mêlent les aspects “techniques” les plus bas, comme l’est le moyen du système de la communication en “mode-Janus”, pure production du Système qui, dans ce cas, dans un mouvement d’inversion vertueuse, se retourne en partie contre son créateur…
«L’émergence de la psychologie comme canal essentiel et surtout comme canal autonome (sans intervention de la raison humaine) de notre perception du monde est une conséquence, non d’un choix intérieur, non d’une nécessité organique ou spirituelle, mais bien d’une occurrence technique. C’est le développement de “notre” Système qui conduit à cette mise en évidence de la psychologie. Mystificateur par nature, “persifleur”, intoxicateur, désinformateur et virtualiste, le Système a choisi de parfaire son empire sur la raison humaine par la communication. Ce développement a conduit au système de la communication, dont on connaît les spécificités étranges, presque d’autonomie. Le système de la communication agit essentiellement par le canal de la psychologie. C’est lui qui a suscité cette importance fondamentale de la psychologie, en transformant sa fonction de réceptacle passif de la perception du monde, en une fonction plus active, plus complexe, et qui s’est révélée être, par rapport au Système, à double tranchant. […]
» De ce fait, l’accès n’est pas complètement fermé à ce qui représente la sauvegarde de l’esprit, ce qui peut le sauver de l’anéantissement en tant qu’esprit dans la Chute. Puisqu’elle ne distingue pas entre la tromperie et la vérité, la psychologie peut aussi bien permettre l’accès à notre esprit de ce que nous nommons l’“intuition haute” ; si ce n’était le cas, si la raison avait charge exclusive de la chose, la subversion qui la caractérise et sa soumission au Système interdisant l’accès à l’esprit de toute “intuition haute” en tant que telle, elle condamnerait le phénomène de l’intuition comme une aberration, ou le subvertirait à sa façon en en faisant un “accident” utile parfois mais toujours folklorique d’un domaine sous l’empire d’elle-même (la raison subvertie, donc le Système). Effectivement, la raison, à cause de sa subversion même, a cette attitude réductionniste devant l’“intuition haute” mais elle ne contrôle pas l’entièreté du phénomène ; le rôle de la psychologie tel qu’on l’a vu fait que l’esprit peut parfois s’ouvrir à l’intuition haute et l’imposer en tant que telle à sa raison, – régénérer sa propre raison, ce qu’on pourrait désigner, en se référant à la vraie raison, celle d’avant la subversion de la modernité, comme “faire entendre raison à la raison”...»
Dans la maniaco-dépression, l’épisode maniaque est un épisode qui rapproche, parfois décisivement, l’individu du Mal en le transportant dans un monde faussaire et de tromperie complète ; la dépression est l’épisode d’un mal individuel d’une sorte de paralysie de la psychologie, qui peut tuer. Dans ce sens, la maniaco-dépression, considérée individuellement, fait de la dépression la conséquence, le “prix à payer”, qui peut effectivement se solder par la mort, de l’épisode maniaque ; comme si l’épisode maniaque était un épisode de drogue à l’aide d’un poison, dont on subissait ensuite les conséquences dans la nécessité d’éliminer ce poison, y parvenant ou non (la mort).
Pris dans un sens collectif, l’épisode maniaque devient encore plus dévastateur car il est idéalement taillée pour créer une subversion collective, un faux univers, un monde fabriqué de toutes pièces,– ce que nous avons nommé “virtualisme”. (Et l’on comprend bien qu’il ne s’agit aucunement de propagande ou de manipulation artificielle, mais bien d’abord d’une subversion de sa propre psychologie amenant à construire un faux univers et à y croire absolument, – et, au-delà, cherchant absolument à y faire croire les autres, par tous les moyens.)
«L’effet de l’attaque [9/11] , qui démontrait la vulnérabilité des USA, le désordre de ses structures, fut en effet de provoquer une production extraordinaire d’hubris comme l’on dirait de la production organique d’une masse imposante d’adrénaline... Cette réaction provoqua des distorsions psychologiques graves, entraînant la création d’un univers fictif relevant effectivement de la mégalomanie, allant jusqu’aux épisodes bien connus de déclarations sur le fait que les USA désormais créait l’histoire à leur guise («We’re an empire now, and when we act, we create our own reality»)…»
La dépression envisagé collectivement est au contraire un retour au réel, avec ce “quitte ou double” qui caractérise effectivement la “vraie” vie lorsqu’on se trouve dans une passe dangereuse : on parvient à s’en sortir ou l’on succombe. Dans le premier cas, l’épisode dépressif devient une base de riposte, et il manifeste évidemment et effectivement des caractères dépressifs, y compris dans sa riposte, mais alors utilisés avec une intelligence tactique remarquable. Pour nous et pour notre période présente, cette riposte tactique utilisant la dépression a commencé à s’élaborer collectivement à partir de 2008-2009.
«Les divers mouvements de contestation qu’on a connus depuis 2009, et particulièrement en 2011, constituent un excellent exemple d’une réaction dépressive transcendée. Il s’agit des mouvements type Tea Party, “indignés”, “printemps arabe”, Occupy... Tous ces mouvements ont des caractères assez similaires qui ont souvent surpris : des structures souvent informes ou pas de structures du tout, l’absence de hiérarchie, l’absence de revendications, des affirmations souvent passives (occupations de lieux publics, principalement). Nous avons déjà beaucoup insisté sur ces caractères (voir ‘dde.crisis’ du 10 mars 2011 pour le “printemps arabe” ou du 10 novembre 2011 pour le mouvement Occupy). Peu nous importe ici les comportements individuels, ceux de certains groupes, certains affrontements inévitables, il reste que la ligne de conduite de ces grands mouvements collectifs restent du type passif correspondant à l’épisode dépressif, justifié amplement par ailleurs par les diverses situations qui les ont engendrés. Simplement, il y a transmutation de cette passivité impuissante du type dépressif classique en une passivité créatrice, paradoxalement “activiste”, qui donne des effets importants en suscitant des réactions désordonnées des éléments-Système en phase constamment maniaque.»
Cette interprétation par l’explication de la maniaco-dépression de l’Histoire, dans sa phase fondamentale menant à la crise terminale du Système que nous connaissons, s’adapte particulièrement, également, aux périodes fondamentales de profonds changements. Dans notre analyse, nous utilisons cette interprétation pour cette période fondamentale qui voit le “déchaînement de la Matière”. Nous utilisons parallèlement l’épisode maniaque et l’épisode dépressif, en faisant jouer simultanément au second le rôle de riposte et de restructuration que nous avons signalé plus haut, contre l’épisode maniaque représenté par la Révolution française poursuivie par l’aventure napoléonienne.
Il est caractéristique, en se référant à un philosophe de l’Histoire (Guglielmo Ferrero) dont les travaux conviennent parfaitement à nos conceptions, de voir combien cette interprétation convient parfaitement aux évènements, et leur restitue leur grandeur tragique et leur héroïsme. Ce sont la grandeur tragique et l’héroïsme hors des champs de bataille et des conquêtes, mais plutôt au niveau métahistorique qui nous importe. Avec Ferrero, nous parons un Talleyrand de cette grandeur tragique et de cet héroïsme, avec un homme dont l’attitude philosophique, la lucidité pessimiste, le réalisme temporaire et la conscience puissante des valeurs structurantes telles que la souveraineté et la légitimité, parviennent à faire sortir d’un fond pessimiste du caractère et d’une situation de dépression, une influence décisive pour, comme dit Ferrero, “sauver le monde”…
«Ainsi, “la Grande Peur” selon Ferrero, suscitée par l’épisode maniaque, allait évoluer de son côté en une dépression profonde qui allait susciter, pour se sauver d’elle-même et ainsi vaincre l’épisode maniaque, une réaction que Ferrero attribue fondamentalement au Français Talleyrand, notamment avec la rencontre, que Ferrero érige en symbole de cette réaction sublime, entre Talleyrand et le tsar Alexandre Ier, le 30 mars 1814, à Paris… […]
»Ferrero décrit, parfaitement à notre sens, Talleyrand durant l’hiver 1813-1814, dans une sorte d’“assignation à résidence” plus ou moins dorée à Paris, déserté de tous, abandonné, laissé à la solitude de la disgrâce et à la menace de mesures plus coercitives contre lui, lui-même plongé dans une profonde dépression comme s’il vivait celle, collective, qu’on a décrite plus haut. “Mais en s’identifiant de plus en plus avec l’agonie de l’Europe dévastée par la peur et la force, il cherchait obstinément au fond de sa solitude les moyens de son salut personnel dans le salut commun. Pendant l’hiver 1813-1814, pendant ce sombre hiver où l’Empire, blessé à mort, terrifie et secoue le monde par ses derniers cris de fureur, il s’enfonce dans une longue, solitaire et profonde méditation, qui le conduit jusqu’aux racines de la grande peur. Cette méditation a sauvé le monde alors…”
»Il s’agit de la situation archétypique d’un personnage de haute intuition, rencontrant, dans son drame personnel, le drame collectif, et trouvant alors la force de résoudre le drame collectif en résolvant le sien propre. Il y a là un transfert fécond de l’épisode dépressif de l’Histoire elle-même à l’individu d’exception, et l’individu, par la puissance à lui donnée par l’intuition haute, trouvant l’énergie de transformer l’aspect de l’entropie menaçante de l’épisode en un aspect structurant et salvateur. Dans ce cas, la dépression est salvatrice, car on y trouve dans son immobilité figée le matériel pour (re)construire des structures actives et fécondes. Tout cela fut transféré en une politique d’où devait sortir l’ordre européen nouveau du Congrès de Vienne…»
Comme le comprendra évidemment le lecteur régulier du site dedefensa.org et de ses productions annexes régulières (la Lettre d’analyse et la rubrique dde.crisis, et la rubrique La grâce de l’Histoire), nous avons déjà développé une théorie générale de révision de la période historique couvrant la modernité, et notamment depuis la fin du XVIIIème siècle (1776-1825 et “les trois révolutions” du “déchaînement de la Matière”) jusqu’à la grande crise eschatologique et métahistorique présente. Cette utilisation de l’hypothèse de la maniaco-dépression permet de renforcer cette interprétation.
On l’a vu plus haut avec la période de la Révolution française ; on l’a vu par ailleurs pour la période d’avant et d’après 9/11 (notre F&C du 30 décembre 2011). On peut également le voir, par exemple, pour la Grande Dépression aux USA, dont nous donnons une analyse très spécifique à la lumière de l’hypothèse de la maniaco-dépression. «Ainsi, la Grande Dépression, considérée comme une calamité pour l’Amérique et pour l’histoire du XXème siècle en général, apparaît en vérité, selon notre approche qui est le point de vue métahistorique, un évènement de sauvegarde en portant un premier coup terrible au capitalisme américaniste et, surtout, à la psychologie américaniste triomphante, dans une phase maniaque exacerbée dans les années 1920 ; seul le caractère dépressif de l’époque [de la Grande Dépression] permet cela, parce qu’il introduit un malaise psychologique à mesure de la catastrophe que décrit cette mise à nu d’une partie du Système qui active l’“opérationnalité” de la modernité.»
De même qu’au niveau historique selon la révision signalée ci-dessus, au niveau métahistorique (métaphysique) l’hypothèse de la maniaco-dépression vérifie notre approche générale. Elle doit être vécue comme un enjeu, – entre Bien et Mal, – qui est évidemment l’enjeu central de notre contre-civilisation et de la crise terminale qui la frappe. De ce point de vue interprétatif, il est manifeste que l’épisode maniaque est celui qui ouvre la porte à la proximité inconsciente du Mal, qui représente par conséquent la situation de la pire des proximités concevables.
«…A partir des conditions générales existantes, on a pu déterminer, dans le cadre de la pathologie maniaco-dépressive qui décrit parfaitement l’époque tourmenté de la modernité et rompt avec une certaine stabilité psychologique collective qui a précédé, que l’épisode maniaque pourrait être perçu comme un épisode de “possession” correspondant à une sorte de “pacte faustien” où l’énergie décuplée et l’optimisme apparent de l’exubérance maniaque se paient de l’utilisation dans un sens déstructurant et dissolvant de ces capacités.»
Arrivés à ce point, l’on comprend que cet enjeu de départ “entre Bien et Mal” se réduit finalement à l’enjeu de la proximité du Mal et rien d’autre. La dégradation de notre situation est telle, avec la modernité, que la seule référence utile de la bataille qui est conduite est cette question de la proximité du Mal. Pour cette raison, l’hypothèse et le symbolisme de l’épisode maniaque, illustrés par de très nombreux épisodes politiques et guerriers, et d’une façon systématique depuis 9/11 par la politique nihiliste de destruction et d’entropisation du Système (du bloc BAO), constituent ce qui n’est pas loin de représenter par leur puissance, non seulement la plus grande proximité du Mal, mais en plus l’accès privilégié conduisant absolument au Mal.
«Par conséquent, il nous semble logique de considérer qu’une “pathologie”, qui est une manifestation d’une faiblesse du corps comme de l’esprit, soit effectivement une interprétation tout à fait convenable et juste pour décrire la proximité du Mal de l’homme ; plus précisément, une pathologie de la psychologie, affectant ainsi la spécificité humaine par où transitent les courants d’influence essentiels pour l’esprit, précisément aujourd’hui où la raison subvertie ne peut plus tenir son rôle central d’acceptation de ses courants ou de défense contre eux en raison de sa faiblesse ; plus précisément encore, la maniaco-dépression, dans la mesure où cette pathologie offre deux épisodes d’elle-même dont on a vu que l’un est l’archétype même de l’exacerbation de toutes les faiblesses de la tromperie et de l’illusion, ruses essentielles du Mal, et l’autre une réaction certes dépressive mais également de soudaine lucidité sur le mécanisme pervers de l’épisode maniaque, contre cet épisode maniaque. On voit combien cette pathologie est définie, dans notre interprétation, en termes métaphysiques et non plus en termes médicaux, et combien il est par conséquent justifié de lui accorder l’importance universelle que nous proposons.»
Il s’agit, dans notre époque si complètement marquée par la politique nihiliste et destructrice que l’on connaît, d’une situation d’une remarquable clarté, dissipant toutes les ambiguïtés possibles. En un sens, pour un esprit averti utilisant sa psychologie dans le sens qu’on a défini plus haut, l’analyse de la situation, tant sur le plan historique des évènements que sur le plan métahistorique du sens, est d’une extraordinaire facilité. Il s’agit ainsi d’écarter les batailles accessoires, les interprétations fractionnées, pour comprendre et saisir immédiatement le sens d’une situation, pour aller aussitôt à l’“ennemi principal” en écartant les considérations rationnelles d'une vision historique faussement “traditionnelle” et les références à des raisonnements ou à des situations toutes entachées de l’influence pernicieuse d’une raison subvertie.
Nous rappelons, pour justifier cette approche générale qui place l’individu face au Mal en tant que tel, notre référence déjà longuement explicitée (voir dde.crisis du 10 septembre 2010), et magnifiquement exposée par Plotin, selon laquelle le Mal ne se trouve pas dans l’homme, mais que le Mal touche l’homme selon la proximité que lui-même en a ; et ce Mal étant la matière elle-même, qu’on peut figurer notamment selon le concept physique d’entropie, qui est déstructuration et dissolution pures et absolues. Ainsi, au travers de l’hypothèse de la maniaco-dépression, dans cette situation si aisément compréhensible, le sapiens, comme acteur-figurant de cette crise, doit savoir, sans la moindre réserve ni hésitation, utiliser la situation et les accidents de sa psychologie pour tenir le rôle qu'il doit chercher à tenir, en conformité avec ses capacités.
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