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317924 août 2016 – Si vous n’avez pas entendu parler du Général Ion Mihai Pacepa, faites un tour vers le Wikipédia adéquat : malgré la tournure-Pravda et censoriale-Système de plus en plus accentuée de la bonne-à-tout-dire de l’internet, l’article est dans ce cas acceptable. Pacepa est le transfuge le plus fameux et le plus haut gradé de la Guerre froide (il était chef de la Securitate de Ceausescu lorsqu’il passa à l’Ouest, en 1978). Il fut d’un grand secours pour l’équipe Reagan puis, depuis la chute du Mur, il a prospéré dans les milieux de la droite anticommuniste extrême reconvertie plutôt dans l’anti-islamisme tout en entretenant le mythe du communisme-prêt-à-renaître, aux côté des neocons fameux de cet exercice, ainsi que des groupes de chrétiens évangélistes activistes, notamment autour du site NewWorldDaily.
Pacepa pousse un cri d’alarme en même temps qu’il sort un livre, Looming Disaster, sur l’élection de novembre 2016 (ceci explique cela, ou bien vice-versa) : l’élection USA-2016 est une élection qui ne peut être comparée en importance dramatique, pour l’histoire et le sort des USA, qu’à celle de 1860, qui ouvrit la Guerre de Sécession.
Si nous débutons sur ce point, c’est parce que l’événement marque deux choses : d’une part, l’exacerbation extrême des psychologies, entraînant le paroxysme des esprits et de leurs jugements ; d’autre part, et le cas Pacepa nous éclairera là-dessus en partie, parce que cette élection se dessine de plus en plus sur un enjeu apparent évidemment plus ou moins extraordinairement-faussé selon le côté considéré, dont tout l’argument est emprunté à la Guerre froide et à l’affrontement avec l’URSS.
D’un côté (chez les démocrates, ou plutôt chez les clintoniens), l’argument “Trump pion de Poutine”, ou Siberian Candidate, qui est de plus en plus utilisé parce qu’il permet de ne pas trop parler d’Hillary, implique évidemment une résurrection de l’ennemi soviétique et de ses manigances derrière le candidat Trump, et au-delà la résurgence de l’argument toujours d’actualité dans ce pays extrêmement long à se défaire de ses démons du “danger communiste”. De l’autre côté (chez les républicains, ou plutôt chez les trumpistes), la critique extrêmement virulente contre Hillary se concentre, lorsqu’on en vient au fond, de plus en plus sur son aspect “socialiste” ou plus précisément “marxiste culturel”, notamment au travers de ses penchants sociétaux (minorités ethniques, LGBTH). Ainsi aurions-nous, aux USA, deux candidats s’accusant mutuellement d’être, objectivement, des agents ou des représentants des avatars nombreux de la nébuleuse marxiste-communiste-soviétique du XXème siècle...
Cela est-il bien sérieux ? Absolument, et c’est même ce qu’il pourrait y avoir a de plus sérieux dans l’élection... Absolument parce que, au-delà de l’aspect anecdotique sinon caricatural, cette tournure de l’affrontement nous conduit à un enjeu fondamental qui, lui, est effectivement très sérieux et révèle une vérité-de-situation également. Nous passons en vérité du politique au culturel-sociétal et nous nous rapprochons ainsi, par l’évolution des outils de la bataille, au cœur de l’opérationnalisation de l’affrontement Système-antiSystème.
Du côté démocrate et clintonien, la consigne est simple : pas un mot sur la candidate elle-même, dont on sait qu’elle est pourrie jusqu’à l’os, aussi bien à cause de ses casseroles d’incompétence et de corruption que de son caractère de serial-lier (son extraordinaire incapacité à ne pas mentir), jusqu’à son état de santé. Tout cela est expédié dans la rubrique “complots-à-répétition” du camp Trump, lequel est conduit par ce personnage éructant, vulgaire, fasciste-xénophobe et narcisso-fasciste qui est en réalité un “pion-de-Poutine”, ou Siberian Candidate selon l’analyse fameuse du Prix Nobel de l’Économie Krugman, – et l’on découvre ainsi l’axe démocrate de la campagne. Nul n’ignore que Poutine est un agent du KGB-prolongé, ce qui nous conduit à la résurrection du “danger communiste” qui hanta les USA tout au long du XXème siècle, et qui continue à hanter les susdits USA, toujours à l’avant-garde de la postmodernité. Les vaticinations à propos du Siberian Candidate, avatar du Manchurian Candidate, nous ramènent à rien de moins dépassé qu’à l’ambiance des années 1950 (guerre de Corée + McCarthysme).
Voilà donc l’axe d’attaque fantasmagorique contre Trump. Il est renforcé par l’aspect fondamental déjà signalé de la campagne démocrate-clintonienne, qui est l’aspect sociétal-culturel (soutien aux minorités ethniques et culturelles, sinon de mœurs type-LGBTH). C’est là que s’effectue un intéressant tête-à-queue chronologique puisque, d’un axe antédiluvien renvoyant aux années 1950, nous passons à un axe hyper-postmoderne absolument d’hyper-actualité, et pouvant même être qualifié de “Future Now”. De ce point de vue, le parti démocrate a complètement viré à l’ultragauche-bobo, distançant même les milieux français du genre (si l’ose dire) et anticipant avec une vista de type-prophétique un complet bouleversement ethnique aux USA où la majorité blanche deviendrait minorité, et bientôt marginalisée et promise à la liquidation dans des réserves comme les USA ont l’habitude de constituer pour leurs restes gênants. C’est là l’un des apports théoriques importants du président-golfeur Obama, suggéré simplement par son attitude (arrogance, inefficacité, sens de la corruption psychologique, “cooltitude”), et qui dans la pratique précipite, bien au contraire de la théorie bien entendu, la catastrophe économico-sociale US, notamment pour les siens. (... Voir notamment pour les Africains-Américains qui n’ont jamais connu un tel chômage depuis la Dépression, avec sans doute comme modèle de réussite urbaine le destin du bastion politique du président, devenu Chicago-2016 mangée par une criminalité sociologique, sinon sociétale [puisque essentiellement dans les quartiers de minorités de couleur] : « Chicago Records Deadliest Day In 13 Years As City Spirals Out Of Control ».)
De l’autre côté et en face, – laissons de côté les électeurs, ceux qui soutiennent Trump par un réflexe populiste qui, dans ces temps étranges et sans précédent, produit de l’antiSystème pur. Ce qui est intéressant, c’est d’identifier et de comptabiliser les soutiens de Trump dans les familles politiques, qui sont beaucoup plus diversifiés que dans le cas Clinton, parce que Trump est beaucoup moins républicain que Clinton n’est démocrate.
Certes, Trump a le soutien des républicains, mais vraiment du bout des lèvres, avec des listes importantes de personnalités républicaines refusant de le soutenir directement, voire ayant rallié le camp-Clinton. Il n’est dans ce cas question que du Système : ces prises de position répondent à ce qui est perçu, avec plus ou moins de pertinence, comme le côté antiSystème de Trump. Beaucoup plus intéressant est le ralliement de certaines familles idéologiques qu’on ne s’attendrait guère à voir réunies.
Celles-là s’appuient sur trois thèmes dont on croit, – qui peut le dire vraiment ? – qu’ils sont au cœur des conceptions trumpistes : son opposition à la politique belliciste, y compris avec de meilleures relations avec la Russie, qui rassemblent les paléoconservateurs (cela va des conservateurs isolationnistes comme Buchanan à des libertariens comme Raimondo et Lew Rockwell, dont certains avec des adhésions réticentes) et quelques milieux progressistes peut-être moins rarissimes qu’on ne croirait qui placent l’antiguerre au-dessus de toutes leurs options. Il y a les islamophobes viscéraux, qui se recrutent aussi bien chez les chrétiens blancs évangélistes et activistes que chez certains neocons ; ils sont au moins aussi effarés des connexions islamistes proches de Clinton (Huma Abedin), qu’enthousiasmés par les positions théoriques de Trump à l’encontre des musulmans. Enfin, il y a les adversaires sociétaux-culturels, sinon philosophiques, de Clinton comme William S. Lind, qui dénoncent le “marxisme culturel” et rassemblent paradoxalement sur leurs marges d’autres anticommunistes qui vivent, eux aussi, au XXème siècle et entendent défendre le système de l’américanisme contre le communisme rené de ses cendres sous l’incarnation diabolique de Hillary Clinton (on retrouve Pacepa par le petit bout de la lorgnette).
On dira “Que de contradiction ! Que d’étranges proximités et de strange bedfellows ! Que de bouillies Système-antiSystème pour les chats !”, et l’on n’aura pas tort ; et l’on n’en a pas fini... Tout cela renvoie largement aux narrative adverses qui gouvernent les jugements et pressent les psychologies au moins depuis 15 ans, qui ne cessent d’être mises à nu par le chaos-nouveau du monde, qui finissent par se télescoper et les croyants avec eux. Le cas le plus intéressant est certainement celui des neocons qui, en silence et sans commentaire excessif, sont en train de se fracturer et de s’émietter gravement dans des camps irréconciliables.
Du côté de Clinton, il y a les neocons transis de guerre, qui salivent rien qu’à la pensée d’un raid déversant des bombes, quelque part entre la Libye et l’Iran, ou bien éventuellement sur la frontière ukrainienne de la Russie. Cette cohorte, qui va de l’inoxydable William Kristoll et de la tribu des Kagan aux diverses “féministes guerrières” de type-R2P de Clinton (dont Nuland, alias madame Kagan), est également transie par une haine corse contre Donald Trump, haine à l’égal que celle qui est portée à Poutine lui-même. Tous ces braves gens se trouvent dans un environnement que l’aimable Soros saupoudre régulièrement de ces $millions, ce qui alimente la haine de l’autre partie des neocons en raison du soutien que Soros accorde aux islamistes et aux groupes anti-Netanyahou en Israël... (Selon Investors.com, « [t]he documents reveal that Soros has poured nearly $4 million into anti-Israel groups, with a goal of “challenging Israel's racist and anti-democratic policies.” »)
L’autre parti-neocon est pro-Trump parce qu’il est viscéralement anti-Clinton/anti-Soros. (La chose était apparue dès 2011 lorsque David Horowitz s’était violemment opposé au camp pro-guerre dans l’attaque contre la Libye, selon l’évidence qu’on allait remplacer un anti-islamiste [Kadhafi] par une prolifération d’islamistes dont Israël n’avait nul besoin. Même le maréchal BHL, promoteur et organisateur de la croisade dirigée par son chef d’état-major Sarko, avait senti le vent du boulet, lorsqu’il était allé rendre ses hommages à Netanyahou, en Israël, pour se voir accueillir le plus froidement du monde, avec poireautage humiliant dans l’antichambre du Premier ministre avant une rencontre fort peu productive.) Ainsi trouve-t-on du côté de Trump les Bolton, Leeden (cosignataire du livre du Général Flynn, ami-conseiller de Trump), Bernard Lewis, Frank Gaffney, David Horowitz, Daniel Pipes, etc. Tous ces gens étaient de la même planète Mars que les Kristoll, Kagan & Cie en 2002-2003, prêts à attaquer l’Irak, l’Iran, la Syrie, le Soudan, l’Arabie saoudite, etc... Times they are’a’changing.
Le cas-neocon est ici à titre d’exemple et il n’a pas en lui-même une importance essentielle : il est exemplaire de l’extraordinaire complexité de l’élection USA-2016 parce que cet événement est en train de redistribuer toutes les cartes, de modifier toutes les données pseudo-“idéologiques” (en fait idéologisées selon les narrative, donc faussement-idéologiques). Parallèlement, il est peut-être en train de faire surgir des orientations essentielles, qui nous sortent des narrative pour en venir à des vérités-de-situation qui seraient, vue l’importance qu’ont les USA dans la Crise Générale, complètement fondamentales.
Ici, il est temps d’en revenir au Général Pecepa dont nous avons parlé au débuts de ces Notes d’analyse. Il s’agit d’un extrait d’un article présentant son livre Looming Disaster (il ren est le coauteur avec le professeur de Droit Ronald Rychlak), article sur WorldNetDaily (WND) dont on dit un mot plus haut, en date du 21 août. (Le livre lui-même est publié par WND, et l’article est aussi un texte de lancement.) On voit que son livre est basé sur l’annonce de deux dangers épouvantables : le retour du marxisme-léninisme, via Clinton et la menace d’un terrorisme nucléaire (Daesh & Cie), ce qui permet effectivement de rassembler beaucoup de gens sous sa bannière, y compris les neocons anti-Clinton. On fera la part de nombre d’aspects sensationnalistes, sinon un peu grossiers ou extrêmement “complotistes”, pour ne garder que le raisonnement conduisant à cette étrange “retour du marxisme-léninisme” qui nous ramène au constat du thème étrange de cette élections USA-2016 ; tout cela, pour notre compte, pour aller plus loin, et découvrir combien l’argument, tout léger sinon grotesque qu’il puisse paraître à certains, débouche en vérité, et certainement involontairement et hors de la logique du Général Pacepa, sur une vérité-de-situation d’une extrême importance.
« Now, Pacepa has teamed up with his “Disinformation” co-author, law professor Ronald Rychlak, to produce an electrifying new e-book focused on the November 2016 U.S. presidential election and the very high stakes involved – most of which are totally obscured by the establishment media... [...]
» Gen. Pacepa, now in his late 80s, has, as he puts it, “lived two lives,” the first one spent in the epicenter of Soviet intelligence and disinformation. He understands as few living people do that Marxism, socialism and progressivism really are just different names for the same thing. And he is sharing that understanding here, focusing like a laser on the real issues Americans face – from Marxism and the imminent death of free-market capitalism, to the very real life-and-death threats of ISIS nuclear terrorism and a catastrophic EMP attack. All of this and more is woven into a tight narrative meant to awaken, inform and motivate American voters during the run-up to what Pacepa and Rychlak call an election “as significant as the 1860 elections, which led to the end of slavery.”
» David Kupelian, WND’s vice president and managing editor, who served as editor of both “Disinformation” and the new e-book “Looming Disaster,” says: “Mike Pacepa is a rare person with an unparalleled understanding of Marxist seduction and deception in all its forms. He has enhanced my understanding of how the world works, and he will yours too.” Regarding the e-book, Kupelian adds: “This is a real gift, grab it while you can. ‘Looming Disaster’ is both important and riveting, everyone needs to read it – before November.”
» Here’s how “Looming Disaster” begins:
» “Make no mistake about it, America is at a critical crossroads. The November 2016 elections are not just about Donald Trump or Hillary Clinton. They will decide whether the United States will remain a powerful, free-market capitalist country and leader of the world, or if it will be transformed into one more pathetic, conflicted, socialist welfare state incapable of defending itself against the growing specter of nuclear terrorism.
» ”After forty-five years of Cold War – which, unlike other wars, did not end with the enemy being forced to throw down his weapons – and a decade and a half of still unfinished wars in Afghanistan and Iraq, the U.S. is now facing the pandemic of Marxism disguised as socialism and ‘progressivism,’ as well as ever-metastasizing terrorism. That makes America’s 2016 elections as significant as the 1860 elections, which led to the end of slavery.”
» So, how does a world-class expert on Marxism and disinformation size up the two presidential candidates vying to become leader of the free world? “Listening to campaign speeches of Hillary Clinton,” write Pacepa and Rychlak, “we get the distinct feeling of listening to former Soviet Socialist bloc tyrants.” They explain: “Stealing from capitalism is moral, comrades,” Nikita Khrushchev used to preach. Then he would elaborate: “Don’t raise your eyebrows, comrades. I intentionally used the word steal. Stealing from our enemy is moral.” To remove any uncertainty, the authors declare plainly: “Marxim, socialism, and progressivism means stealing.”
» And what about the other candidate?
» “We are not personally acquainted with Donald Trump, but we firmly believe that the whole of America” – and that, they explain, means Republicans, Democrats, independents, Libertarians, unhappy Bernie-supporters, Never-Trumpers and all others – “should unite behind him in order to defend capitalism and our great country during these existentially dangerous times. The alternative is unthinkable.” »
A la lumière de ces diverses remarques, aussi bien que du texte de Pacepa-Rychlag, on est conduit à deux constats. Le premier est que l’impopularité des deux candidats conduit les uns et les autres à s’attacher à eux selon, non pas les idées qu’ils portent mais les orientations, voire les “valeurs” ou les principes”, qu’on leur prête et qu’on estime qu’ils représentent ; cela se fait sur un arrière-plan faussaire (le communisme, l’URSS-devenue-Russie, la Guerre froide, etc.) qui encourage effectivement à débattre en termes de “valeurs” et de principes, contenus dans un ensemble qui se définit, selon le goût du jour, par l’orientation culturelle-sociétale. Les démocrates parlent le moins possible de Clinton, sauf pour proclamer qu’elle est une femme ; contre “le narcisso-totalitarisme” d’un Trump-marionnette-de-Poutine, donc à forts relents soviétiques, ils proclament la nécessité du triomphe des “valeurs” postmodernistes type-LGBTH.
C’est cela qui est dénoncé par un Lind comme du “marxisme culturel”, ou bien parlerait-on de “progressivisme”, selon un mot de Pacepa rarement employé mais qui est aussitôt mis en équivalence avec le marxisme et le socialisme (« Marxim, socialism, and progressivism means stealing. ») Pour eux aussi, Trump compte moyennement sinon accessoirement, même si pour d’autres raisons que Clinton (« We are not personally acquainted with Donald Trump »). Tout cela signifie que les enjeux théoriques et opérationnels sont bien plus importants que les personnes, et que ces enjeux, lorsqu’ils sont débarrassés de leurs diverses scories paranoïaques et imaginaires (URSS, “pion de Poutine”, etc.), conduisent aux fondements même de notre Grande Crise qui est opérationnalisée autour de la question de la postmodernité et de tout ce qu’elle comporte en fait de philosophie fondamentale mise comme fixatrice de la modernité en l’état avec un maximalisme sociétal, contestée désormais violement et directement par une Résistance en pleine expansion. C’est-à-dire que nous débouchons sur la Grande Crise de notre civilisation.
Le deuxième constat est d’abord une question décisive : tout cela ne va-t-il pas disparaître avec l’élection, de l’un ou de l’autre, et pouvant d’ailleurs exprimer aussitôt des préoccupations bien différentes de celles qui définissent un débat furieux sur la crise civilisationnelle, et donc noyant ce débat pour un certain temps ? C’est là que se situe l’énorme hypothèque de la légitimité de cette élection, dont on sait qu’elle est déjà, par avance, contestée au nom des fraudes extrêmement probables qui, estime-t-on dans le camp de Trump en acceptant implicitement l’hypothèse d’une défaite, la frappent de nullité par avance. (Le débat est d’autant plus vif que les sondages, après avoir montré un creux extrêmement significatif pour Trump, le voient remonter actuellement et, dans certains cas, le situent quasiment à égalité avec Clinton, – et cela, malgré le doute des pro-Trump sur la loyauté, ou disons la “légitimité” justement de ces sondages.)
Cette question est clairement à l’ordre du jour, comme le montre un texte de Nick Bernabe, de TheAntiMedia.org, repris le 23 août par ZeroHedge.com : « Media Worried Too Many Americans Will Question Legitimacy Of 2016 Election, Blame Trump. » (Selon une enquête de PEW Research de la semaine dernière, seulement 38% des électeurs de Trump et 49% de tous les électeurs inscrits estiment sans réserve que leurs votes seront décomptés sans “erreurs”.) Et elle s’exprime, cette question, sous une forme opérationnelle précise qu’on peut comprendre sous diverses formes : Et alors ? Quel événement concret pourrait susciter une contestation des résultats hors des éventuels recours légaux dont les effets auraient sans doute la même légitimité aux yeux des électeurs que l’élection elle-même ?
Il nous paraît à ce point tout à fait bienvenu de proposer une rapide réflexion du Professeur de Sciences Politiques de l’université Columbia, le Pr. Timothy Frye, sur le site TheConversation.com, le 12 aout 2016. Même si le titre paraît limiter le sujet (« Is the US electoral system really ‘rigged’? »), Frye étudie le cas concret et envisage les événements possibles dans le cas d’une contestation, – laquelle apparaît assez sinon très probable si Trump ne l’emporte pas. (Nous avons signalé des phrases qui nous paraissent importantes en corps gras.)
« Last week Trump told Fox News: “I’m telling you – Nov. 8, we’d better be careful because that election is going to be rigged. And I hope the Republicans are watching closely or it is going to be taken away from us.” This is not just an isolated or off-the-cuff statement. Trump confidant Roger Stone recently noted: “I think that we have widespread voter fraud, but the first thing that Trump needs to do is begin talking about it constantly.” Trump’s campaign manager Paul Manafort noted: “Frankly we think that the situation in the country, just like with the DNC’s primaries, is a situation where if you rely on the Justice Department to ensure the security of elections, we have to be worried.” That President Obama has dismissed these claims as ridiculous will do little to reassure Trump supporters.
» These charges and countercharges are more than just campaign rhetoric. They raise a central issue for democracy: the willingness of losers to comply with a decision reached via free and fair elections. Political scientists have long identified this willingness as a critical component of American democracy. The most prominent example in recent memory is Al Gore’s refusal to contest the decision of the Supreme Court awarding Florida’s electoral votes to George W. Bush, effectively handing him victory in 2000. Gore could have easily provoked a constitutional crisis by challenging the results.
» Interestingly, the claims of Trump supporters echo my research on electoral subversion in nondemocracies. In Georgia in 2003, Ukraine in 2004 and Russia in 2011, the “losers” challenged the legitimacy of elections held under less than ideal conditions. The “victors” claimed that their rivals were merely sore losers. The losers then took to the streets and forced a showdown with the government. In Ukraine and Georgia the protests led to greater democracy, at least in the short run. In Russia, they resulted in a more autocratic government. These dynamics are not limited to former Soviet states. Look at the large-scale violence that erupted in Ethiopia in 2005, Kenya in 2007 and Zimbabwe in 2008.
» Of course, not all cases of electoral fraud lead to protest and a crisis of legitimacy, but research by Joshua Tucker of New York University and Andrew Little of Cornell University suggests that claims of voter fraud are a powerful tool for rallying protest. In addition, they find that calls to protest are especially likely in close elections where voters believe that fraud may have swayed the outcome. One could argue that Trump has a point. Elections in the U.S. are “rigged” in the sense that they require candidates to raise enormous sums of money and make candidates dependent on donors.
» But it is much harder to argue that American elections can be stolen at the ballot box. For all their great expense, elections in the U.S. are remarkably well-run. Voter identification fraud is extremely rare. One study found that individual reports of vote fraud were less likely than reports of alien abduction. Another found that in 2005 prosecutions for migratory bird violations were more frequent than cases of electoral fraud. As a candidate, I’d far prefer to take my chances against an incumbent in the U.S. than in many other countries where ballot box-stuffing, voter intimidation and the banning of political opponents are the rule.
» That said, there is much skepticism toward the conduct of elections in some pockets of the U.S. Researchers from Yale University found that 36 percent of respondents in a national sample in 2010 believed that their ballot was not secret. A 2012 survey from Wisconsin found that just under 40 percent of respondents believed that “a few thousand” fraudulent votes were cast in each election.
» Whether the “rigged election” narrative will have bite in November will depend on many factors, including the margin of victory, the reaction of establishment Republicans to charges of vote-rigging, the quality of evidence to support the claim and other contextual factors. For example, it is easy to imagine Wikileaks publishing selectively edited emails to discredit the election results. The extraordinary vitriol and whiffs of violence in the air in this election will only amplify this skepticism. Maybe Donald Trump will win, Hillary Clinton will concede and the rigged election narrative will be moot. Maybe this is all a bluff and Donald Trump will go quietly in the night, but that doesn’t seem likely.
» Whatever the result in November, it is not likely to be determined by vote-rigging. »
C’est dans cette perspective que l’affirmation de Pacepa revue à la lumière de l’enjeu de la postmodernité prend tout son poids : “l’élection USA-2016 est une élection qui ne peut être comparée en importance dramatique, pour l’histoire et le sort des USA, qu’à celle de 1860, qui ouvrit la Guerre de Sécession.” En effet, cet enjeu se trouve détaché de la seule élection et de son résultat pour embrasser tous les événements autour de la campagne USA-2016, de l’élection, et de ce qui va suivre cette élection ; qui plus est, cet enjeu déjà défini, en termes plus ou moins clairs selon les esprits, mais déjà bien présent à la fin-août, avec tant de semaines encore pour faire grandir la pression à ce propos, pour en faire un cas fondamental de la déstabilisation et peut-être de la déstructuration des USA, et alors il s’agit de l’entrée dans la phase finale de la Crise Générale d’effondrement du Système...
C’est bien dans ce cas qu’il faut comprendre l’importance de la transmutation des différentes vociférations politiques et pseudo-politiques, en un énorme questionnement s’exprimant par le biais du sociétal-culturel (qu’on cite le “marxisme-culturel” ou autre chose, et tout le reste dans le même sens) à propos de la signification de notre civilisation, de son ontologie (ou de son a-ontologie) de contre-civilisation, de la perception de plus en plus forte d’aborder le cœur grondant de la Grande Crise d’effondrement du Système. De ce point de vue, l’élection USA-2016 ne serait pas équivalente “en intensité dramatique” à celle de l'élection USA-1860, mais bien supérieure, et pour les USA peut-être, une réplique mimétique mais contradictoire à USA-1860, – de la construction à la destruction, de la structuration par force à la déstructuration par désordre...
Tout cela convient parfaitement aux vérités métahistoriques contre la narrative historiographique, tant l’on sait que 1860, ouvrant la Guerre de Sécession pour la fin de l’esclavage, fut en fait une guerre contre le droit à la sécession (lequel n’est ni autorisé ni interdit par la Constitution, mais bien une question d’état d’esprit et d’interprétation de l'(esprit de la chose, contrairement aux jugements tranchés des constitutionnalistes-Système) ; et plus encore, elle fut une guerre pour la liquidation d’une civilisation (celle du Sud) qui gardait, hors de la question de l’esclavage où le Nord était si loin d’être innocent, des attaches avec la tradition insupportables pour une “civilisation” (celle des yankees) qui était, elle, et qui le reste bien entendu, une production directe du “déchaînement de la Matière”, illustrant le mot de Gouhier, un libéral français qui avait horrifié Stendhal en proclamant en 1824 « Les Lumières, c’est désormais l’industrie ».
Cette hypothèse doit être considérée avec mesure et sans emportement mais avec sérieux. L’argument de l’improbabilité, sinon de l’impossibilité, n’a aucun cours ici et ne vaut que pour les adeptes fascinés de la narrative-USA (ses partisans comme nombre de ses adversaires d’ailleurs, qui le sont par fascination invertie et lui prêtent haineusement une sorte d'invincibilité) ; fascinés comme on l’est par “le serpent qui persiflait”. Cette hypothèse concerne des événements dont nous ne savons rien et que nous ne pouvons écarter selon un argument impératif de raison, alors que la raison-seule est pour l’instant cette pauvre chose subvertie par le Système. Ces dernières années, pour qui s’en souvient encore nous ont habitués au déroulement diluvien d’événements jugés comme absolument improbables sinon impossibles six mois, douze mois ou dix-huit mois avant. (Comme le cas des élection USA-2016 : qui aurait osé proposé sérieusement en juin et même en septembre 2015 qu’on serait en train d’en discuter de la façon que nous le faisons aujourd’hui, à la fin août 2016 ?)
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