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181321 juin 2017 – La tension en Syrie a de nouveau dépassé ce qu’il est coutume de nommer “a all-time high” avec la destruction dimanche d’un Su-22 syrien par un chasseur F/A-18 Super Hornet de l’US Navy. La destruction du Su-22 a été suivie par une décision de la Russie, lundi, d’à nouveau couper toutes les communications de “dé-conflictuation” avec les USA en Syrie, assortie de l’avertissement que tout objet volant, avion ou drone, volant dans les secteurs russes et syriens ou approchant serait aussitôt considéré comme objectif “susceptible d’être détruit” et pris en charge dans ce sens par le réseau de détection et d’interception de défense aérienne déployé en Russie, avec notamment les missiles sol-air S-300 Antei-2500 et S-400.
Ce dernier point (l’“avertissement” russe) constitue un facteur fondamental en ceci qu’il s’agit d’une sorte de “première”. On comprend bien, derrière la rhétorique prudente de rigueur, qu’il s’agit d’une menace directe de la Russie adressée aux USA, qu’il pourrait y avoir dans certaines circonstances la destruction de matériels, de forces US par la Russie. La “menace” répond, semble-t-il, à ce que certains jugent comme l’énormité de l’événement de la destruction du Su-22 en combat aérien par le F/A-18F.
(“Combat aérien”, c’est-à-dire probablement en engagement visuel, après identification de l’adversaire, – éventuellement pour vérifier qu’il ne s’agit pas d’un avion russe, certes, – donc démarche préméditée et sans doute approuvée au moins par le commandement US local, sinon par Central Command. Selon WSWS.org, et selon le constat qu’il n’y a pas eu de combat aérien durant la guerre contre l’Irak de 2003, « la destruction du chasseur syrien [en combat aérien] marque le premier cas dans ce siècle où un avion de guerre US a abattu un avion de combat d’un autre pays. Le dernier cas d’un combat aérien avec une telle issue remonte [au printemps] 1999, durant la guerre USA-OTAN contre la Serbie [guerre du Kosovo], lorsqu’un avion de combat US abattit un MiG serbe. »)
Cette séquence a été doublée, à Washington D.C. aussi bien qu’au quartier-général de Central Command, par diverses prises de position US et autres qui peuvent se définir grosso-modo en quatre points.
• La justification de la décision d’intervention a été largement détaillée, justifiée et confirmée, d’abord par les autorités US sur place. La position est de dire que, d’une part l’avion syrien entrait dans une zone implicitement réservée à la “coalition” selon les accords de dé-conflictuation passé par les Russes ; que d’autre part, il attaquait des forces au sol liées aux USA ou à la “coalition”. (Ce dernier point a été démenti, notamment par l’Observatoire des Droits de l’Homme en Syrie situé à Londres et dès l’origine complètement anti-Assad, et même suspecté d’être soutenu par le MI6 britannique.)
Quoi qu’il en soit, notre appréciation est qu’on se trouverait dans le cas d’une décision prise par le commandement local et approuvée par le “complexe militaro-bureaucratique” lié à Central Command, qui est devenu au fil des années une entité propre à travers ses liens divers et très nombreux avec les innombrables acteurs du chaos moyen-oriental. De ce point de vue, on ne parlera pas de Central Command selon les personnalités qui dirigent ce commandement, mais selon l’idée d’une entité quasiment autonome, qui conduit sa propre politique, qui est sensible aux influences qui s’exercent directement vers elle (notamment celle de l’Arabie et de certains groupes islamistes).
• Confusion à Washington, notamment entre le Pentagone et la Maison-Blanche ; le Pentagone alternant des prises de position de force et d’autres de conciliation (vis-à-vis de la Russie), tandis que la Maison-Blanche restait plutôt dans le vague et dans une certaine confusion, renvoyant les questions au Pentagone. Notre hypothèse, qui complète ce qui précède, est que l’action n’a nullement été préméditée à Washington D.C., et même pas au Pentagone (dans tous les cas au niveau de la direction civile, – bien qu’il s’agisse d’un général, – du secrétaire à la défense Mattis). Les uns et les autres -, selon cette hypothèse, ont été placés devant le fait accompli. Dans la logique de cette hypothèse, il s’agit du triomphe du désordre, et la démonstration que même un général à la tête du Pentagone ne maîtrise pas ses généraux, ni les spasmes du complexe militaro-bureaucratique, et notamment et particulièrement de ce monstre qu’est devenu Central Command.
• Il y a eu une demande de rétablissement des communications avec la Russie, avec décision de prendre à nouveau des mesures d’extrême prudence tant que ces communications ne sont pas rétablies. Il s’agit d’une réplique quasiment à l’identique de l’épisode observé en avril 2017, après le tir de missiles de croisière US contre une base aérienne syrienne plus ou moins désaffectée : d’abord, la décision russe de rupture des communication, ensuite une posture extrêmement prudente adoptée par les forces US réduisant d’une façon radicale leur nombre de sorties au-dessus de la Syrie pour éviter tout incident avec les forces armées russes.
Le quatrième point sera traité à part, du fait de son importance spécifique. Il s’agit de la dissolution continue de la soi-disant “coalition”, avec le départ des Australiens à la suite de l’avertissement russe ; on pourrait juger ce départ assez piteux à l’aune des situations anciennes mais il témoigne de façon très différente d’une situation tout à fait nouvelle. Déjà, lors du premier incident de cette sorte en avril dernier (rupture des communications de la Russie avec la coalition), les Belges avaient décidé de retirer leurs forces aériennes de la coalition. (Ils n’y sont pas revenus, préférant une bonne vieille crise politique interne.) Tout cela implique bien entendu la crainte d’être des “victimes collatérales” d’un désormais possible engagement entre les usa et la Russie.
On retiendra pour illustrer cette question spécifique du désengagement de l’Australie, qui est un événement très significatif, une courte interview par RT d’un universitaire de l’Université Libanaise de Beyrouth, le professeur d’histoire et de relations internationales Jamal Wakeem.
RT: « Do you think Washington's actions in Syria are putting its coalition partners at risk? »
Jamal Wakeem: « I believe so because the US is pushing hard not to lose ground in Syria especially when the Syrian forces are expanding their control over Syrian territory and they were also able to reach the border with Iraq, which obstructed the American plan to drive a wedge between Iraq and Syria. This explains why the Americans saw themselves as a force to get implicated directly in the conflict going on in Syria as their proxies couldn’t obstruct the advance of the Syrian Army. And this is what makes, for example, the Australians, and other coalition members feel afraid because I believe they might see themselves as targets for the Russian forces stationed in Syria and they might potentially fear that the Russian forces might down their jets. Especially since Russia has declared the suspension of its agreement of coordinating the movement of forces with the Americans over Syria. »
RT: « The US has launched several airstrikes in Syria recently, but this is the first time it has taken out a pro-government aircraft. Has Washington crossed a line here? »
Jamal Wakeem: « I believe the Americans have targeted directly the Syrians, which might engender a direct conflict between Syrian forces and American forces. In this case, the Russians would see themselves forced to get into the conflict, which might escalate into a regional and maybe international conflict. So, that is why the Russians were so firm in their message to the Americans, and the seriousness of the Russian message was felt by the Australians who feared that they could be collateral victims of a probable direct clash between the Russians and the Americans over Syria. »
RT: « Should we expect to see more coalition members suspending their airstrikes? »
Jamal Wakeem: « This might be a possibility, but I also fear an escalation by the US because the US is losing ground in Syria. And this is failing all its strategy in the region, which was trying to impose a new geopolitical map in this region that could secure the loyalty of the Middle East to the US. It could ensure that the influence of the US of this strategic region would be for the next century and as part of a grand American strategy to block Eurasia - mainly Russia, Iran, and China from having access to the Eastern Mediterranean. I believe the Americans might escalate this situation in Syria which might also drive other coalition members either to reconsider their position in this coalition or be drawn into the conflict by the US itself. We need to wait and see the development of the events. »
C’est un cas remarquable que cette décision de l’Australie, parce que l’Australie est, depuis l’origine de la séquence actuelle, depuis 9/11 dans tous les cas, l’un des pays les plus “durs” au côté des USA dans la production de la politiqueSystème. Au contraire des Belges, qu’on pourrait “soupçonner” depuis longtemps d’une certaine tendance à fuir ou à refuser, – le choix du terme vaut jugement de la chose, – leurs “responsabilités” militaristes conformément aux exigences-Système des USA (la Belgique fut, c’est peu reconnu, l’un des trois pays de l’OTAN avec la France et l’Allemagne à refuser son blanc-seing à l’attaque de l’Irak en mars 2003), les Australiens ont toujours soutenu les entreprises déstructurantes US, jusqu’aux plus folles et aux plus sottes. Désormais, ils se dérobent : un retour de sagesse comme on parle du “retour d’âge” pour une dame ?
Ce n’est pas notre analyse. Nous croyons que les Australiens, d’une façon très différente, ont bien écouté, entendu et compris les incroyables émissaires du complot anti-Trump en cours, – le sénateur John McCain à la fin-mai et James Clapper, directeur des agences de renseignement US jusqu’au 20 janvier, le 7 juin 2017 à l’Australian Defense University, – venir leur dire que l’Australie ne devait plus s’aligner sur les USA tant que Trump serait président, qu’elle n’avait qu’à simplement songer à ses seuls intérêts. On a remarqué à cet égard (WSWS.org, décidément imparable, y a veillé) que le Premier ministre australien Turnbull avait ridiculisé Trump dans son discours du 14 juin au Canberra Press Gallery Mid-Winter Ball (manifestation régulière destinée à la presse spécialisé). Il n’a absolument rien démenti de ses propos lorsque ceux-ci ont aussitôt été “fuités” au contraire de l’habitude de discrétion de l’événement, comme si l’organisation de la chose s’était faite avec tout le soutien et le complet consentement des services publics...
« ...Mimicking and mocking Trump’s speaking style, Turnbull said: “The Donald and I, we are winning and winning in the polls. We are winning so much, we are winning, we are winning like we have never won before. We are winning in the polls. We are, we are. Not the fake polls. Not the fake polls. They’re the ones we’re not winning in...” Most controversially, Turnbull proceeded to identify himself with the claims in the US that Trump won the presidential election with Russian assistance. Polls, the Australia leader ostensibly joked, “are so easy to win. I know that. Did you know that? I kind of know that. They are so easy to win. I have this Russian guy.”
» Another tradition of the midwinter ball is that the media representatives in attendance do not report what is said. Turnbull’s ridiculing of Trump, however, was promptly “leaked” to Channel 9 political editor Laurie Oakes—who did not attend the event—and broadcast. Oakes suggested in his initial report that Turnbull may have believed Trump would not find out. This notion is simply not credible. US diplomats were sitting in the audience. Dozens of people were videoing and recording the speech with mobile phones, with at least one then uploading portions of it to Instagram.
» The only conclusion that can be drawn is that the Australian prime minister wanted his resentment of, and contempt for, the American president made public. And it now is. Virtually every major American television network and newspaper, along with media outlets around the world, to some extent reported it. The message sent by Turnbull was unmistakable. The sympathies and support of his government lie with the faction of the American ruling class—which includes the Democratic Party, powerful Republican figures such as Senator John McCain, the US intelligence agencies, and much of the American media—that is seeking to undermine and potentially remove Trump with unsubstantiated allegations he is a stooge of Russian President Vladimir Putin... »
Le cas australien est remarquable : l’un des plus “durs” proaméricanistes, un super-faucon recevant les super-faucons du Deep State (employons les clichés habituels) et entendant leurs conseils de tout faire pour couler Trump. Le résultat est que Trump, ou en vérité l’armée US et Central Command dont on a vu qu’ils font leur propre politique, sont lâchés par les Australiens dans l’une de leurs entreprises les plus déstructurantes, celle que justement réclament depuis si longtemps McCain et Clapper. Mais de cela, de la cohérence des événements et des décisions, des conséquences contradictoires, etc., tout le monde se fiche éperdument à Washington, exactement comme dans le cas des sanctions antirusses décidées unilatéralement par le Sénat et qui frappent les Européens, pourtant anti-Trump comme le fondement de cette initiative parlementaire.
Effectivement, les contradictions abondent et tourbillonnent, qui sont l’exact reflet de l’imbroglio établi dans les relations transatlantiques, avec le mélange de soumission, d’influence, d’engagements de sécurité. Tout cela a été rudement secoué et soumis à d’extrêmes tensions par la politiqueSystème suivie par les USA depuis 9/11, et l’on débouche aujourd’hui sur ce coup de théâtre de l’élection de Trump et de la levée de bouclier unanime des directions-Systèmes (fussent-elles le Deep State de Washington D.C., celles de l’UE, celles des pays du bloc-BAO en général). Le problème est que cette levée de boucliers confronte tout le monde, cette fois-ci complètement à découvert, avec les contradictions tourbillonnantes du “mélange de soumission, d’influence, d’engagements de sécurité” qui conduisent les alliés traditionnels des USA à conclure : “Eh bien tant pis, puisque la Maison-Blanche est aux mains de Trump et que personne ne peut le neutraliser, nous ne sommes plus comptables de notre fidélité de soumission aux USA”.
Même la présence d’“adultes dans l’administration Trump“ ne rassure plus personne chez les alliés... “Les adultes dans la pièce”, c’est ainsi que partout dans les directions-Système, notamment à l’UE, on désigne les nominations qu’on juge imposées par le Deep State pour contrôler Trump, mais qui n’y arriveraient pas finalement. Ainsi Sylvie Kauffmann, ancienne directrice de la rédaction du Monde et fidèle messagère de la ménagerie du bloc-BAO, particulièrement l’UE, écrit-elle un article fastueux où, à la veille du deuxième tour des législatives, elle chante (un peu vite, à notre sens, mais on comprend son impatience) les louanges de la complétude de l’intronisation du nouveau souverain, le Jupitérien Macron, et le triomphe de l’Europe et de sa puissance que ce fait va engendrer ; et elle glisse cette phrase qui dit bien son fait aux amis de Washington D.C. qui n’arrivent pas à dompter Trump. (L’article est publié dans le New York Times, dont Kauffmann est une commentatrice régulière, le 18 juin 2017.) :
« Nombre de dirigeants européens commencent à admettre cette nouvelle réalité. Ils ne croient plus désormais à la fable des “adultes dans la pièce”, un moment évoquée pour renforcer l’influence d’hommes auxquels on ferait confiance, comme James Mattis et H.R. McMaster, pour parvenir à disposer de la capacité de tempérer les foucades d’un leader incontrôlable. De leur côté, ces Américains devront s’accoutumer aux nouvelles réalités européennes... » (« Most European leaders are waking up to this new reality. They don’t believe in the “adults in the room” tale anymore, once floated to enhance the influence of men they felt they could trust, like James Mattis and H. R. McMaster, to temper the instincts of an unreliable leader. In turn, those Americans will need to adjust to Europe’s own new reality. »)
Comment terminer cette évocation d’une si étonnante situation ? En lisant, une fois de plus certes, le New York Times (le NYT), et encore une fois certes avec l’aide de l’inépuisable WSWS.org. Ainsi aurons-nous la dernière touche à l’explication du mystère-qui-n’en-est-pas-un (la destruction du Su-22 qui conduit les USA au bord de l’affrontement possible avec les Russes) lorsqu’il est éclairé par l’hypothèse que les militaires US et Central Command (avec la CIA pour agiter la soupe, bien entendu) agissent effectivement pour leur propre compte et avec leur lumineuse et habituelle intelligence. L’éditorial du NYT du 18 juin qui veut une relance de l’agressivité antirusse (Trump est beaucoup trop mou), cela dans le cadre de l’énorme manip’ qu’on sait (Trump est un agent de Moscou), est présenté directement par WSWS.org comme une incitation faite aux militaires de ne plus prendre de gants et d’affronter les Russes puisqu’enfin il faut en finir. WSWS.org ne prend pas de gants non plus, en présentant le NYT purement et simplement comme « Le principal porte-parole intérieur de la CIA... »...
Décidément, ces trotskistes de la IVème Internationale sont pleins de feu, distrayant et notablement perspicaces, – et ils finiront bien un jour par aimer Trump qui met involontairement mais si efficacement le Système dans tous ses états. Voici donc quelques lignes de l’article signalé plus haut d’interprétation de l'éditorial du NYT. Elles concluront ce rapide tour d’horizon sur la fiesta tourbillonnaire du bloc-BAO qui ne cesse pas de se tirer dans les pieds, encore et encore, encore et encore ; nous y sommes dans ce flux de la surpuissance à l’autodestruction et il est révélé et confirmé que la Roche Tarpéienne est si proche du Capitole...
« The CIA’s principal house organ, the New York Times, published a lead editorial Sunday on the investigation into alleged Russian meddling in the 2016 US presidential election that is an incendiary and lying exercise in disinformation aimed at whipping up support for war with Russia. The editorial was well-timed, coming on the morning of the same day that the US military shot down a Syrian warplane, setting off a dramatic escalation in the US conflict with Russia. The editors of the Times have the closest ties with US military and intelligence officials and no doubt were aware that something was being planned, if they were not briefed about the details.
» Under the headline “Mr. Trump’s Dangerous Indifference to Russia,” the Times uses the language of war to assert: “A rival foreign power launched an aggressive cyberattack on the United States, interfering with the 2016 presidential election… The unprecedented nature of Russia’s attack is getting lost in the swirling chaos of recent weeks, but it shouldn’t be.” The Times presents zero evidence to back up a wild reference to “the sheer scope and audacity of the Russian efforts.” The editorial simply declares, “American intelligence agencies have concluded,” followed by a long list of allegations... »
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