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53034 décembre 2014 – A côté de l’AC (Art Contemporain) dont nos belles âmes de Saint-Germain-des-Près et de l’Élysée-poire réunis font des gorges chaudes pour célébrer leur œuvre très “tendance” d’entropisation du monde, il va falloir inscrire l’“Art antiSystème” (disons AaS, pour enrichir notre code). Ils ont été plusieurs à comparer le volte-quart (de l’Ouest vers le Sud) de Poutine à un coup de judo... Il s’agit, plus généralement, d’un hommage à l’art martial qui est un des actes fondamentaux de la vieille civilisation de l’au-delà de l’Orient, où se trouvent quelques-unes des plus belles racines de ce qu’aurait dû être notre civilisation si le déchaînement de la Matière ne nous avait imposés cette contre-civilisation sous le joug de laquelle le monde hurle sa souffrance et sa fureur plus tout à fait impuissante.
Ainsi en est-il du basculement de SouthStream vers TurkStream (expressions utilisées par Pépé Escobar), c’est-à-dire effectivement une volte sur un quart de l’échiquier des points cardinaux arrangés comme le support des échecs, de l’Ouest du bloc BAO vers le Sud de la Turquie du toujours-surprenant Erdogan. Ce faisant, Poutine introduit à la fois la surprise, la rage et éventuellement la discorde au sein du bloc BAO.
Dans son superbe texte à propos de la psychologie de Poutine, Hedi Doukhar nous avait présenté dans cette façon de l’art martial la politique de Poutine («Laisser faire l’adversaire, le laisser venir, telle semble être la politique de Poutine, qui, quand l’opportunité se présente, “faire Aïkido” !»). Depuis un certain temps déjà, nous tenons ce maître-coup qui retourne contre l’adversaire (contre le Système) sa propre force (sa surpuissance) comme le fondement même de la résistance antiSystème et la mise en échec de l’“idéal de puissance”. Le 2 juillet 2012, nous avions présenté cette facture, ce tracé, ce style et cette pâte de ce que nous désignerions aujourd’hui comme l’AaS, sous ce titre réunissant les deux règles de la morale qu’il importe impérativement que l’honnête homme suive dans notre temps, – résistance au Système, autodestruction du Système («Résistance & autodestruction») :
«L’opérationnalité de la résistance antiSystème se concentre naturellement dans l’application du principe fameux, et lui-même naturel, de l’art martial japonais aïkido : “retourner la force de l'ennemi contre lui...”, – et même, plus encore pour notre cas, “aider la force de cet ennemi à se retourner naturellement contre lui-même”, parce qu’il est entendu, selon le principe d’autodestruction, qu’il s’agit d’un mouvement “naturel”.»
En effet, peu nous importe à vrai dire le bouleversement géopolitique qu’implique l’abandon par la Russie de SouthStream et le rapprochement peut-être décisif avec la Turquie du russe Poutine. Cela ne signifie pas une seconde que nous dénions l’importance de l’acte, dans l’absolu du seul contexte géopolitique et de son Gand Jeu, ni que nous le méprisions en aucune façon. Mais il doit être entendu qu’au-dessus de tout, le Très-Grand-Jeu dont l’enjeu n’est rien de moins que le sort du Système et de notre civilisation ne peut se réduire à ce contexte.
Pour cette raison, nous plaçons cet acte du basculement de l’Ouest au Sud dans le cadre des dimensions cosmiques du monde. C’est là qu’on trouve, débarrassé de tous les scories des interprétations et des manœuvres, autant que de la vanité sémantique, un seul et unique but, nous dirions presque un but sacré : Delenda est Systemo, comme aurait dit le vieux Caton. Nous employons effectivement l’adjectif “sacré” car tout ce qui contribue à la destruction du Système est de l’ordre du sacré. Qu’importent ce qu’ont machiné Poutine et Erdogan, les calculs qu’ils ont fait, etc., seul importe le fait que leur acte commun doit être perçu dans cet ordre-là ... Cette époque est majestueuse par le rangement des choses auquel elle oblige.
Nous en venons naturellement, ou revenons à notre image de l’art martial, avec son équivalence en “Art antiSystème”. L’évidence de la manœuvre, établie, suscitée, fabriquée même par les conditions extraordinaires de la crise ukrainienne et tout ce qui l’accompagne, a été immédiatement appréhendée. Dès le 2 décembre 2014 sur son site Indian PunchLine, MK Bhadrakumar était le premier parmi nos références habituelles à interpréter le volte-quart de Poutine comme un “faire aïkido” :
«Assuming your opponent has a strength of six and you have a strength of four, if both exert in pushing against each other, your four is sure to lose to his six. One of the basics of applying force in judo is that if you do not push but pull as he pushes, you add your four to his six so that with a strength of ten you can easily pull him down. ‘Judo Knight’ Russian President Vladimir Putin, president of Russia, would know that only too well and he ‘applied force’ on his US adversary President Barack Obama by his surprise decision to scrap the South Stream gas pipeline project.»
Pépé Escobar, dans Russia Today le 3 décembre 2014, reprend évidemment cette même image en y ajoutant les échecs, et résumant le tout par l’idée du “contre”, du verbe “contrer” qui suppose l’action en contre et en contre-attaque par surprise (“judo/chess/go counterpunch”), d’autant plus efficace et irrésistible qu’elle est imprévue et véloce. La manœuvre est effectivement définie dans toute sa plénitude tactique, en temps utile et dans le lieu qui importe, de façon à exploiter en une seule frappe toutes les faiblesses que l’adversaire (ou le “partenaire”, pour rester dans la modération à-la-russe) a laissé à découvert : «So what Putin’s judo/chess/go counterpunch accomplished with a single move is to have stupid EU sanctions once again hurt the EU. The German economy is already hurting badly because of lost Russia business.»
Certes, l’UE n’attendait rien de semblable, et, ainsi exposée, a pris cette manœuvre tactique de plein fouet. Et encore faut-il voir d’où l’on vient et tout ce qu’impliquait cette entreprises pleines de faux-semblants et de miroirs déformants du SouthStream.
Sur le site du Saker-USA, ce 3 décembre 2014, Alexander Mercouris expose en grands détails ce que furent les enjeux de SouthStream tel qu’il avait été voulu par l’UE ; ou selon la conception qu’en avait l’UE. Il s’agissait d’imposer à la Russie, par le biais de règles communautaires, une dérégulation et une privatisation du secteur gazier russe (Gazprom), c’est-à-dire un pas de géant de la colonisation de la Russie par le Système. L’attaque était grossière, frontale, du type principiel, sorte de complément déstructurant pour l’économie des tactiques du type-“révolution de couleur” quand elles deviennent coup d’État à Kiev pour la politique.
Justement, – la crise ukrainienne et le bouleversement de l’affrontement bloc BAO-Russie, ironiquement provoqués par l’UE qui ne pouvait ni attendre ni supporter que l’Ukraine fût autrement qu’accordée à ses canons comminatoire du marché et de sa “gouvernance mondiale”, ces coups de force improvisés et arrogants ont totalement brouillé le jeu. Tout cela a mis en échec le Grand Jeu de l’UE et imposé le Très-Grand-Jeu de la réaction antiSystème. Du grand Art, – AaS versus AC...
«This is the background to the conflict over South Stream. The EU authorities have insisted that South Stream must comply with the Third Energy Package even though the Third Energy Package came into existence only after the outline agreements for South Stream had been already reached. This is the background to the conflict over South Stream. The EU authorities have insisted that South Stream must comply with the Third Energy Package even though the Third Energy Package came into existence only after the outline agreements for South Stream had been already reached.
»Compliance with the Third Energy Package would have meant that though Gazprom supplied the gas it could not own or control the pipeline through which gas was supplied. Were Gazprom to agree to this, it would acknowledge the EU’s authority over its operations. It would in that case undoubtedly face down the line more demands for more changes to its operating methods. Ultimately this would lead to demands for changes in the structure of the energy industry in Russia itself. What has just happened is that the Russians have said no. Rather than proceed with the project by submitting to European demands, which is what the Europeans expected, the Russians have to everyone’s astonishment instead pulled out of the whole project.
»This decision was completely unexpected. As I write this, the air is of full of angry complaints from south-eastern Europe that they were not consulted or informed of this decision in advance. Several politicians in south-eastern Europe (Bulgaria especially) are desperately clinging to the idea that the Russian announcement is a bluff (it isn’t) and that the project can still be saved. Since the Europeans cling to the belief that the Russians have no alternative to them as a customer, they were unable to anticipate and cannot now explain this decision.»
Là aussi et comme toujours, et encore et encore, la précipitation du Système a précipité son échec. La crise ukrainienne a précipité l’échec du Grand Jeu (SouthStream selon les règles de l’UE) au profit du Très-Grand-Jeu (l’Art antiSystème). La précipitation excessive du Système toujours en augmentation (surpuissance) conduit à sa perte (autodestruction). Le cas du volte-quart de Poutine dans SouthStream permis par la précipitation massive du Système entre dans le grand schéma général exposé par les observations si judicieuses de Dimitri Sokolov-Mitrich (le 22 novembre 2014), – concernant, lui, la Russie confrontée aux rets fascinatoire de l’American Dream, – mais il s’agit bien entendu de la même boutique, des mêmes marchands de soupe pressés de fourguer leur marchandise :
«Amérique, combien tu peux être stupide ! Si tu avais attendu vingt ans, nous serions devenus tiens pour toujours. Il aurait suffi de vingt années de plus à ce régime et nos politiciens t’auraient donné nos armes nucléaires comme un présent d’allégeance et t’auraient longuement serré la main en signe de gratitude pour l’avoir accepté. Quelle bénédiction ce fut que tu te sois révélée si stupide, Amérique !»
Maintenant, il s’agit d’examiner de plus près l’aspect créateur de ce volte-quart, c’est-à-dire l’arrangement soudain sorti du chapeau du couple Erdogan-Poutine... Sur ces deux-là, il y a beaucoup à dire, et l’on s’y attache un peu plus loin. Pour le cas général, qu’il suffise de dire que toute la presse antiSystème et indépendante se rejoint dans la même analyse de l’importance de la manœuvre. De ce point de vue, on ne peut dénier une seconde que la chose se définit d'abord selon des termes géopolitiques lorsqu’ils sont utilisées pour décrire la structure politique du monde...
On dira qu’Andrew Korybko, de Russia Insider, parle un peu pour tous dans le secret de chacun de la presse antiSystème et indépendante lorsqu’il écrit ceci, le 3 décembre 2014.. (Lui-même, Korybko, se plaçant du point de vue de la Turquie, et de la Turquie par rapport à ses liens anciens avec le bloc BAO, du temps où c’était encore “l’Ouest” et où l’influence américaniste se posait comme la référence universelle.) :
«In what may possibly be the biggest move towards multipolarity thus far, the ultimate Eurasian pivot, Turkey, has done away with its former Euro-Atlantic ambitions. [...] Turkey is still anticipated to have some privileged relations with the West, but the entire nature of the relationship has forever changed as the country officially engages in pragmatic multipolarity.
»Turkey’s leadership made a major move by sealing such a colossal deal with Russia in such a sensitive political environment, and the old friendship can never be restored (nor do the Turks want it to be). The reverberations are truly global.»
Les rapports Poutine-Erdogan occupent une place à part dans ce considérable événement. Rien de plus dissemblables que ces deux hommes-là, entre un Poutine calme, flegmatique, presque énigmatique, qui ne laisse jamais rien paraître de ces sentiments ni de ses émotions (sauf une larme furtive ici ou là, ou un souvenir de sa jeunesse à Saint-Petersbourg) ; et cet Erdogan volubile, emporté, furieux, tonitruant, imprévisible et même fantasque, menaçant et si souvent impératif ... Pourtant, Poutine semble être le seul homme au monde en présence duquel Erdogan, comme par magie, acquiert une sorte d’apaisement, arbore un sourire complice, découvre un calme si inattendu. Ainsi les deux hommes, dont l’entente est si inattendue et imprévue, et ainsi peut-être d’autant plus solide, ont-ils pu sceller cet accord alors que la crise syrienne aurait semblé en avoir fait les pires ennemis du monde. (Seuls les Israéliens, nous semble-t-il, ne se sont jamais trompés sur ce qui seraient les desseins secrets d’Erdogan, qu’ils poursuivent d’une haine tenace et coriace.)
... Ce qui fait que l’accord du volte-quart poutinien apparaît encore plus considérable, jusqu’à être apprécié comme une sorte de rupture avec le parrain occidentaliste-américaniste. Ainsi Bhadrakumar se juge-t-il fondé d’écrire :
«The surprising part is that Turkey is teaming up with Russia despite their differences over the Syrian conflict. Clearly, Turkey is asserting its independent foreign policies by refusing to adopt the Western sanctions against Russia. Moscow appreciates that under Prime Minister Recep Erdogan’s leadership, Turkey has opted for a nationalistic, autonomous foreign policy and emancipation from the US. Of course, the Turkish-Russian strategic understanding has wide-ranging implications for regional politics. Washington won’t like what is happening, as this sardonic commentary by RFE/RL testifies...» (Pour RFE/RL, voir le 1er décembre 2014.)
Ce rapprochement entre la Russie et la Turquie suscite évidemment des réflexions, des hypothèses, des élans de prospective. Le plus notable et le plus logique dans tout cela a un nom : l’Organisation de Coopération de Shanghai. «Plus encore et au-dessus de tout, écrit Pépé Escobar, la Turquie est désormais sur le point de devenir un membre à part entière de l’Organisation de Coopération de Shanghai. La Russie s’en fait l’ardente promotrice auprès des autres membres...»
Le fait est ... L’on doit reconnaître au fantasque et imprévisible Erdogan dont on ne sait quoi penser selon les périodes, du pire ou du meilleur, une continuité stratégique sinon obsessionnelle dont l’objet se nomme OCS. Cette obsession qui porte en elle la trahison de l’OTAN est pourtant bien présente ; il suffit de consulter, pour les références les plus récentes, les textes du 30 juillet 2012 ou du 29 novembre 2013. Une des interventions d’Erdogan (celle qu’on rapporte le 2 février 2013) semblait si étrange par rapport à l’antagonisme politique qui semblait alors exister nécessairement entre Turquie et Russie, au plus haut de la crise syrienne, que certains commentateurs virent une plaisanterie dans l’affirmation en faveur de l’OCS qu’Erdogan nous sortit au détour d’une réponse à un intervieweur de la télévision.
Avec la Turquie dans l’OCS, certes, l’OCS deviendrait bien une “OTAN anti-OTAN” et l’on commencerait alors à se demander : “mais qu’est-ce que la Turquie fait donc dans l’OTAN ?” En attendant, contentons-nous d’observer que la basculement figuré par un volte-quart porte en lui un autre volte-quart, du Sud vers l’Est cette fois, si la Turquie se tourne effectivement vers l’OCS.
Au reste, on observera qu’il y a un autre argument en faveur, à la fois de la logique et de solidité de ce basculement, du “coup” inattendu Poutine-Erdogan, de cette surprise géopolitique devenue antiSystème, – c’est qu’il n’a au fond rien d’inattendu ni de surprenant ; simplement parce qu’il a été précédé de semblables poussées, et l’une qui concernait effectivement SouthStream. Cela veut dire que cette affaire, avec ses détours qui paraissent si surprenants, répond à une logique profonde, ou une “logique haute” comme on dit “intuition haute” et “crise haute”.
Nous parlons d’une histoire très récente qui semble pourtant si lointaine, avec des acteurs disparus de la scène, une histoire venue à nous par des chemins extraordinairement tortueux, où le pire du Système régnant partout avec une impudence à ne pas croire laisse parfois échapper, son arrogance aidant, un instant du meilleur ... A ce moment-là, à l’automne 2009, il y avait le bouffon Berlusconi, avec ses irrésistibles penchants pour la Russie et son ami Poutine, faisant de la géopolitique comme il faisait ses fiestas intimes avec des mannequins de 18 ans ; et imaginant parfois, au milieu de sa bouffonnerie, sans s’en aviser d’ailleurs ni mesurer la chose, en éclatant de rire, ce qui aurait pu devenir un coup de maître... (De plus, à cette époque il y avait encore un Sarko capable de sortir un instant de son agitation convulsive et de sa médiocrité militante au profit d’une sorte de fascination qu’il entretenait pour Poutine... Au reste, tout cela n’est pas encore mort puisque le cadavre bouge encore : Sarko, sans doute pour “marquer sa différence” et obtenir des suffrages avec le reste, conserve ce même penchant ; dans son dernier discours avant son élection à l’UMP, il a dénoncé l’attitude de la France et de l’UE contre la Russie et la non-livraison du Mistral)
... Quoi qu’il en soi, on pouvait lire, le (voir le 22 novembre 2009) : «Car, aujourd’hui, à Saint-Petersbourg il y a aussi, et d’abord, une rencontre à trois: Poutine et Berlusconi certes, mais aussi le Turc Erdogan, comme l’indique Novosti ce 21 octobre 2009. En quelques mots simples: “Le gazoduc SouthStream sera jeudi au centre d'une rencontre entre les premiers ministres russe, italien et turc, Vladimir Poutine, Silvio Berlusconi et Recep Tayyip Erdogan, à Saint-Pétersbourg.” [...] Un axe Moscou-Ankara-Rome (+ Paris?) à propos de SouthStream? Qu’importe SouthStream en l’occurrence, sinon comme un outil pour animer une dynamique politique structurante d’une importance considérable...»
.. Effectivement, observerait nécessairement l’observateur, en professionnel avisé, – effectivement, que devient Washington dans cette folle randonnée ? Retour à nulle part, effectivement il est temps. Washington se félicite bruyamment car il conclut que Poutine “a reculé”. Washington est à un point incroyable hors de la vérité de ce monde qu’il prétend régir hégémoniquement et qu’il ne parvient même plus à détruire convenablement, sans cochonner l’ouvrage. Alors, il se félicite lui-même d’une victoire de plus sur “les autres”, comme si les autres n’avaient pas besoin d’exister pour cela. La pétillante Susan Rice, qui fait partie de la cavalerie des enragées neocon de BHO et dirige le Conseil National de Sécurité du président, se charge de la besogne, selon Sputnik.News du 3 décembre 2014.
«Russia’s announcement of not being able to move forward with its South Stream gas pipeline is a consequence of the country’s behavior, and such repercussions to the country’s economy “will mount,” US National Security Adviser Susan Rice said Tuesday. “The news that Russia has pulled back from its South Stream pipeline to southern Europe… is indicative of the mounting cost of that Russia is paying for its behavior,” Rice said. “As a result, a major project, which had been championed by Putin and the Russian government, is now not likely to materialize.”
»Rice said that the sanctions, imposed on Russia by the West, have made the country suffer significantly over the last year, and warned that if Moscow continued on with “illegal and destabilizing” actions, that consequences would intensify in the future. “When you look at where the Russian economy is, it has suffered over the last year substantially as a result of sanctions and also as a result of declining oil prices and the combination is pretty powerful,” Rice added.»
On connaît la musique derrière la partition officielle : en forçant l’UE à la confrontation avec la Russie, en obtenant cette “victoire” de l’abandon de SouthStream, les USA affaiblissent l’Europe et grandissent en stature au sein du bloc BAO, et se présentent en maîtres du jeu transatlantique, y compris économiquement ... Cela est bel et bon, sauf que l’UE n’a pas besoin d’être poussée à la confrontation, elle y va bien assez vite toute seule ; sauf que l’UE n’est pas l’ennemie (de Washington) dans cette partie, mais plutôt l’alliée qu’il est urgent de soutenir face à une Russie entreprenante qui pourrait bien renforcer décisivement sa position ; sauf que la “défaite” de la Russie est plutôt une “victoire” qui pourrait bien emporter la Turquie vers d’autres horizons. Etcetera…
Il reste les espoirs de Washington des soi-disant plantureux marchés gaziers européens qui s’ouvriraient après SouthStream, alors que l’exploitation du nouvel Eldorado énergétique US continue d’alimenter les rêveries néo-impériales de la capitale. Mercouris fait une rapide analyse de cette comptabilité improbable et un peu pitoyable, situant combien cet aspect des choses, qui est l’une des préoccupations majeures de Washington, est loin, très loin en-dessous de l’essence de l’événement, comme si l’on parlait de choses différentes...
«There has been some brave talk of supplies of US liquefied natural gas replacing gas supplied by pipeline from Russia. Not only is such US gas inherently more expensive than Russian pipeline gas, hitting European consumers hard and hurting European competitiveness. It is unlikely to be available in anything like the necessary quantity. Quite apart from the probable dampening effects of the recent oil price fall on the US shale industry, on past record the US as a voracious consumer of energy will consume most or all of the energy from shales it produces. It is unlikely to be in a position to export much to Europe. The facilities to do this anyway do not exist, and are unlikely to exist for some time if ever...»`
L’essentiel n’est plus dans Washington, l’essentiel est donc ailleurs ...
L’essentiel est dans ce qui se passe avec cette affaire SouthStream, et qui se trouve dans ce que nous nommerions la tectonique des crises. Il s’agit d’un de ces nouveaux, – un de plus, dans une époque qui en fourmille, – grands mouvement sismiques, indécelable au premier brouhaha qu’il suscite, souterrain, indétectable, secret et fondamental ... C’est la Russie, si prudente pourtant, qui en est le très-prudent deus ex machina, – mais deus ex machina tout de même, parce qu’elle n’a pas le choix et qu’il lui faut répondre aux coups qui lui sont portés. Car c’est bien le cas, si l’on comprend la chose ; lorsque Moscou nous assurait que la Russie saurait se retreindre dans ses “ripostes” contre l’agression du bloc BAO (sanctions et le reste), on n’imagina pas que cette attitude restreinte prendrait la forme d’un tel coup que celui que le “Chevalier du Judo” a exécuté, en parfait aïkido, à Ankara, avec son complice Erdogan ; et, en plus, un coup de riposte aussi “assymétrique”, aussi hors des lourdes prévisions bureaucratique... “C'est pas d'jeu”, geint, hors-communiqué, la bestiole bruxelloise et monstrueuse.
Mais encore, justement, cette riposte inattendue et imprévue, oiuvre des horizons qui le sont tout autant. Et aussi bien, et ceci expliquant que le prudent Poutine ait procédé avec tant d'audace inattendue ce coup de maître, ce que nous voyons constitue également un effort de plus des forces diverses et souvent ignorées, et toujours hors du contrôle humain, pour sortir la Turquie de son orbite à la fois dans l’embourbement moyen-oriental et dans l'attraction atlantiste, pour la rapprocher de l’axe de la crise du monde, qui passe par l’Ukraine et éventuellement par l’OCS, qui la placera dans la position, bien curieuse pour un membre de l’OTAN, d’un possible antagonisme avec le bloc BAO. Cet effort se manifeste au moment où la crise syrienne en tant que telle s’éloigne de plus en plus de nos préoccupations, comme elle tend à se dissoudre dans l’infernal bouillon moyen-oriental concocté par Washington dans tous les sens dans sa marmite du diable, et auquel Washington ne comprend plus rien, agitant ses puissantes escadres bombardeuses désespérément et dans tous les sens. C’est bien connu et c’est clair comme l’eau du Golfe Persique par temps de marée noire, Washington est à la fois adversaire et alliié, – c’est selon et c’est simultané, –de l’incompréhensible ISIS/EI/Daesh, son dernier Frankenstein en date, son pur chef d’œuvre d’hyper-désordre. (Thierry Meyssan, le 1er décembre 2014 Sur le Réseau Voltaire : «Aujourd’hui, une partie de l’appareil d’État US se bat contre l’Émirat islamique, tandis qu’une autre partie du même appareil d’État le soutient et combat avec lui la République arabe syrienne.»)
Parallèlement et au contraire, la crise ukrainienne ne cesse d’étendre son ombre furieuse sur toutes les grandes affaires du monde, en s’insérant dans chacune d’elles pour leur donner un élan rupturiel, parce qu’elle est décisivement la crise de l’axe du monde. Ainsi l’affaire SouthStream attire-t-elle vers cet axe du monde la Turquie et tout ce qui l’accompagne, plutôt que d’étendre vers le Nord la crise moyenne-orientale qui se dissout dans une hyper-violence incompréhensible. Quoi qu’il en soit des conditions secrètes, des Grands Jeux divers, des charades d’une énergie dont plus personne ne comprend la comptabilité, le volte-quart du président Poutine sacré “Chevalier du Judo” n’aurait pas eu lieu comme il a eu lieu s’il n’y avait eu le “coup” en Ukraine et le cortège du délire-BAO qui a suivi. SouthStream a sa propre histoire, mais SouthStream-aïkido est l’enfant direct, illégitime et légitime à la fois, de la crise ukrainienne, et la crise ukrainienne devient ainsi encore plus l’irrésistible moteur de la crise d’effondrement du Système.
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