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21835 août 2016 – Dans cette analyse, nous allons mettre à part pour la validité de la démonstration nos considérations sur l’interprétation Système/antiSystème qui sont des considérations où les personnalités des sapiens considérés comptent assez peu par rapport au poids fondamental que nous accordons à ce rangement interprétatif (Système/antiSystème). Nous mettrons aussi à part des avis circonstanciés sur l’historique de ces personnages, ce qu’ils ont dit et fait dans le passé, notamment dans le passé lointain, considérant que la pression absolument énorme pour les psychologies de la Crise Générale et de la communication est telle que ces références passées sont insuffisantes pour modifier fondamentalement le jugement qu’appellent leurs comportement quotidiens dans la campagne. Nous parlons essentiellement de leur personnalité selon leurs psychologies et selon leurs caractères, et nullement selon leurs idées et leurs conceptions. Cela signifie que nous apprécions ces personnages pour ce qu’ils sont fondamentalement, “à nu” si l’on veut, et cela durant cet événement précis qu’est cette campagne présidentielle USA-2016, c’est-à-dire les deux candidats effectivement constitués et transformés par elle.
Il s’agit donc d’apprécier Hillary Clinton et Donald Trump pour ce qu’ils montrent qu’ils sont depuis qu’ils sont en campagne, – et désormais ce qu’ils montrent qu’ils sont vraiment et complètement à cet égard, débarrassés de certaines considérations tactiques (internes à leurs partis notamment pour gagner la nomination) puisque les voici seul à seul, l’un contre l’autre. On comprend donc qu’il n’est pas essentiellement ni même accessoirement question de leurs choix politiques annoncés, de leurs “programmes” si c’est le cas, de leur rangement pseudo-idéologique, de leurs perspectives politiques immédiates (qui l’emportera) ou à plus long terme (quel sera le programme de l’élu) mais bien des personnalités et des caractères même des deux candidats, tels qu’ils les montrent désormais à nu. Nous adoptons cette attitude pour permettre notre démonstration, certes, mais aussi parce que les événements en cours sont en train de créer une situation entièrement nouvelle où des paramètres classiques (qui l’emportera ? Quelle sera sa politique ?) ont une importance très annexe sinon nulle parce qu’ils sont en état constant de transformation, sinon de transmutation. La crise, qui a atteint son “œil du cyclone” se donne à voir sous nos yeux à chaque instant, et donc transforme à chaque instant sa propre situation et donc la situation du monde.
Le pauvre et piètre Hollande a eu ce mot, qu’il a sans doute bien appris sur les fiches de ses conseillers parce qu’il est un bon élève de “l’empire du vide” : « Si les Américains choisissent Trump, cela aura des conséquences parce que l'élection américaine est une élection mondiale... Ça peut conduire à une droitisation très forte ou, au contraire, à une correction ». A côté des autres banalités sans intérêt, cette affirmation que l’élection USA-2016 est “une élection mondiale” a un sens très fort qu’ignore évidemment notre bestiole. Ce n’est en effet certes pas celui que lui donnent Hollande & Cie, qui ne songent, en disant “mondial”, qu’à l’alignement volontaire sur les USA comme version postmoderne de “la servitude volontaire” ; la vérité-de-situation qu’il y a dans cette expression assez étrange se trouve selon nous dans le fait que cette élection est effectivement une phase essentielle de la Grande Crise d’effondrement du Système ; son intérêt, son importance, ses péripéties sont donc d’une “importance mondiale”.
A notre sens en effet, le chaos actuel du monde est tel et d’une telle puissance dans la situation politique en général que les appareils politiques, les entourages de conseillers, les gardes du corps et les “gardiens de la pensée”, l’emprise de la communication partisane et omniprésente, ne sont plus assez puissants pour contrebalancer la puissance énorme de ce chaos ; en quelque sorte, la puissance du chaos tel qu’il s’est constitué, et jamais plus forte que dans ces périodes volatiles de bataille électorale, a surpassé la puissance des carapaces de contrôle que les systèmes courants ont érigé autour des candidats comme on fait autour de toute direction-Système. La conséquence paradoxale de cette situation est que les deux candidats sont beaucoup moins prisonniers de leur propre système électoral/politique renforcés dans ces périodes pour mieux “tenir” les candidats, beaucoup plus “libres” en un sens, et l’on parvient mieux à distinguer ce qu’ils sont vraiment, tous les deux, face à face. Ce fait commence à apparaître, justement parce que, après les conventions, ils sont seul-à-seul et face-à-face, et qu’ainsi ils sont mis à nu un peu comme “le roi est nu”, – ou bien, si l’on veut, “les prétendants sont nus”... Par conséquent, et dans ce cadre très strict ainsi défini, les deux personnages, leurs psychologies, leurs actions et leurs réactions, ont une importance considérable qui se mesure non pas en termes politique mais en termes métahistoriques, par rapport à la situation crisique générale. (C’est dire si les pérégrinations pseudo-intellectuelles sur le programme de l’un ou l’autre, sur le populisme, sur la “menace fasciste”, sur le libéralisme sociétal ou sur la dictature de la postmodernité, etc., n’ont pas leur place ici. C’est un autre sujet, pour nos érudits-Système et autres poussières.)
Chacun dans son genre est un cas, presque un archétype à force d’être à l’extrême de la marge de la norme, voire hors-norme, chacun hyper-quelque chose, dépassant largement les standards de la tendance et du camp qu’ils représentent parce que les événements les y ont mis, – et nous parlons de l’une comme candidate-Système, de l’autre comme candidat-antiSystème. Aucun des deux ne se représente vraiment cela en ce sens qu’aucun des deux n’en a vraiment conscience, – d’une manière structurée, responsable, même si c’est pour constater que l’appartenance à tel camp lui a été imposée plus qu’il ne l’a choisie. C’est-à-dire que même si l’un ou l’autre représente quelque apport de poids pour son camp (le Système ou l’antiSystème), il n’en a aucunement la réalisation. Là aussi, on peut dire qu’ils apparaissent nus comme “les prétendants sont nus”, même s’ils tiennent un rôle par ailleurs important (Système et antiSystème).
(On notera, encore une fois, et pour bien fixer l’approche que nous avons, que cette situation du manque de vertu de lucidité de celui qui représente un parti [Système ou antiSystème] n’importe pas pour ce parti, pour ce que ce qui a déjà été fait reste comme un acquis sur lequel on ne peut revenir ; par exemple, pour Trump comme antiSystème : « [L]a seule chose qui importe est le désordre et la réaction de fureur haineuse, signe de la faiblesse de celui qui réagit, qui a embrasé le Système contre lui [Trump en tant qu’antiSystème] et conduit ce Système à se découvrir dans sa dimension maléfique, éveillant toutes les oppositions contre lui-même (le Système) ; Trump n’est antiSystème que parce qu’il est désordre absolu par rapport au Système et se proclamant antiSystème, et que, au cœur du Système, le désordre qui se proclame antiSystème peut être mortel pour le Système... » De même dira-t-on d’Hillary que ce qu’elle a déjà dispensé comme exécrable réputation, comme actes condamnables et quasiment condamnés [emailgate, par exemple] demeure là aussi comme autant de coups portés au Système, quel que soit le destin de la candidate en novembre prochain.)
Ce qui nous intéresse ici est donc les deux sapiens concernés, et particulièrement leurs psychologies, dans un contexte où, comme nous l’avons dit, la puissance du chaos donne paradoxalement de l’espace à ces psychologies pour s’exprimer et pour compter dans la manufacture de certains effets. C’est armés de ces constats que l’on pourra mieux réaliser l’événement que constitue cette campagne USA-2016, et de quel poids considérable cet événement pèse dans l’évolution de la Grande Crise générale.
On connaît la mauvaise réputation d’Hillary Clinton et quels efforts titanesques il faut au Système pour parvenir à la mettre en avant et à annoncer sans nul doute sa victoire. De quelle sorte de candidate s’agit-il et de quelle sorte de présidente s’agirait-il ? Un seul mot résume sa psychologie : le mensonge.
Le vieux William Pruden, éditorialiste emeritus du Washington Times trace d’elle un portrait à la fois effaré et sarcastique d’où il ressort que le mensonge est chez elle une pathologie, ce pourquoi on la désigne comme une “menteuse congénitale”. (“Maladie congénitale” : « Une maladie congénitale, appelée aussi anomalie congénitale, est une malformation présente dès la naissance [littéralement : “est né avec”] ».)
« Hillary’s ideas of something funny are the whoppers she tells with gusto, whether it’s about foiling snipers in Kosovo, fabricating heroic tales of how close her daughter Chelsea was to the falling towers on Sept. 11 (she actually was nowhere near them and Hillary was in another state), and only this week, telling the latest installment of the big lie she first told about her emails.
» When Chris Wallace of Fox News asked her Sunday about the emails, she told the whopper that earned her four coveted Pinnochios from The Washington Post fact-checking shop. She said James Comey, the director of the FBI, had cleared her of all suspicion in his investigation of her private email server. “Director Comey said my answers were truthful,” she said, “and what I’ve said is consistent with what I have told the American people, that there were decisions discussed and made to classify retroactively certain of the emails.” The answer left incredulity awash on the face of her questioner, so great was the whopper, and Hillary’s nose began to grow, finally reaching the edge of 52-inch screens in sports bars across the land.
» This latest Hillary whopper was almost too much even for her acolytes in press and tube. One columnist, famous for carrying her purse for years as a correspondent for The Associated Press, called it “another excuse for people to distrust her, another thin reed upon [which] undecided voters could justify a belated allegiance to [Donald Trump].” [...]
» [...I]n a contest of liars, Hillary has unfair advantage. The late William Safire of The New York Times took her number years ago, calling her “a congenital liar,” a liar who doesn’t know when she’s lying and often lies when the truth would do her better. There’s nothing funny about that. »
Cette interview de dimanche dernier a effectivement marqué les esprits dans le sens où l’on peut s’interroger si cette pathologie du mensonge ne risque pas d’entraîner sa cause (celle du Système) dans des complications catastrophiques, – alors que, dans nombre d’occurrences, comme le disait Safire cité par Pruden, elle est “une menteuse qui ne sait pas quand elle est en train de mentir, et qui ment souvent alors que dire la vérité lui serait beaucoup plus favorable”. Ce commentaire de Kelly Riddell, également du Washington Times, est intéressant à citer, parce qu’elle précise encore plus cet avis (Safire/Pruden) en le connectant à la pratique aujourd’hui courante de la narrative, en montrant bien que le vrai problème de Clinton est bien cet aspect pathologique de croire à ses mensonges, c’est-à-dire à sa narrative, et ainsi de parler en toute bonne foi avec toute son autorité, ou plutôt son caractère autoritaire que les autres, l’establishment et la presse-Système, c’est-à-dire le Système lui-même, sont ainsi obligés de suivre en la circonstance puisqu’elle est candidate ; et eux (“les autres”), avec la tâche épuisante de colmater les voies d’eau des mensonges d’Hillary en suivant sa narrative, en en rajoutant, narrative sur narrative, pour rendre crédible le modèle original et originel...
«... But not according to Mrs. Clinton. When asked about her home-brewed server in an interview with Chris Wallace on Sunday, Mrs. Clinton maintained she did nothing wrong and her previous statements were consistent with what Mr. Comey said. “Chris, that’s not what I heard Director Comey say, and I thank you for giving me the opportunity, in my view, to clarify. Director Comey said my answers were truthful, and what I’ve said is consistent with what I have told the American people, that there were decisions discussed and made to classify retroactively certain of the e-mails. I was communicating with over 300 people in my e-mailing,” Mrs. Clinton said. “They certainly did not believe and had no reason to believe that what they were sending was classified. In retrospect, different agencies come in and say, well, it should have been, but that’s not what was happening in real time,” she said.
« The lies are confounding — she actually still believes she holds the correct narrative. And I say narrative because her statement has no factual basis in truth, it’s make-believe. Much like Mrs. Clinton and Mr. Clinton’s fairy-tale romance that was depicted during her convention (without any reference to his 1998 impeachment scandal); the rosy economic situation our country is in (we’re in the slowest economic recovery since 1949); and pretending the threat of ISIS doesn’t exist (the Islamic State terror organization scarcely mentioned last week — not one of the first 61 speakers gave any reference to it).
» Mrs. Clinton’s honest and trustworthy numbers are already abysmal — 68 percent of those surveyed in a recent CNN poll don’t find her trustworthy, the highest number since the news organization began its poll. Her interview with Mr. Wallace on Sunday only confirmed those opinions. »
(Encore mettra-t-on à part, comme hors des termes de notre analyse qui porte seulement disons sur “la psychologie” de l’élection présidentielle, le problème de l’état de santé d’Hillary Clinton qui est, lui, très concret. On notera pourtant que ce problème semble d’une réelle et très grande importance, d’autant plus qu’il affecte le cerveau et la psychologie cette fois d’une façon directement pathologique, et par conséquent qu’il contribue certainement à exacerber cette attitude principale de la candidate qui est le mensonge congénital.)
La personnalité (psychologie et caractère) de Trump sont beaucoup plus difficiles à juger quant à leur efficacité et à leur effet si l’on est engagé du côté de tout ce qui est antiSystème, comme nous le sommes ; cela alors que, toujours selon nous, il n’existe plus dans le chaos qu’alimente puissamment le système de la communication de réalité objective qui s’impose d’elle-même mais plutôt des vérités-de-situation à découvrir comme un enquêteur fait son travail. Effectivement dirons-nous, – pour ne pas dire “en effet”, – la référence antiSystème conduit à juger de “l’effet de l’effet-Trump” non pas en termes de succès du candidat, voire de son élection, mais selon l’effet, justement, que son comportement produit sur le Système.
Il est évident par ailleurs que, dans cette élection sans le moindre doute, la personnalité de Trump dénote une puissante tendance à l’égocentrisme et à l’impulsion irrésistible, conduisant ce personnage à écarter le filtre de la raison (ou du conformisme, diront d’autres) et à dire, et à éructer même, à côté d'observations sensées et de bon sens, certains jugements violents, injustes, insultants, stupides et déplacés, mais jamais mensongers du point de vue de l’émetteur. Trump n’est pas un menteur, c’est une sorte de “franc-parleur” si l’on peut dire, et c’est bien ce qui fait son succès inattendu dans la mesure où ce comportement tranche complètement sur les pratiques de plus en plus insupportables des dirigeants-Système, robotisés par les consignes du Système. En tant que “franc-parleur”, Trump considère, – nous dirions plutôt d’une façon inconsciente, presque comme une pathologie là aussi, – sa franchise dans tous les sens du mot, c’est-à-dire également comme une immunité et une dispense à la fois vis-à-vis des us et coutumes, ce qui conduit vite à l’irresponsabilité. (Celui qui est franc sans aucun contrôle de lui-même n’est pas nécessairement vertueux ni qualifié : sa franchise peut aussi servir à révéler ses limites, ses inconséquences, sa confusion, etc.)
Bien entendu, cette attitude conduit à un rejet des règles d’une conduite publique dans le cadre du Système, et ce constat conduit à son tour à poser la question centrale de déterminer si cette conduite a d’abord un effet antiSystème structurant pour lui (Trump) ou d’abord un effet autodestructeur sur lui-même par rapport à la structure de la communication telle qu’elle existe aux USA. C’est-à-dire qu’on en vient à la question de savoir si une tactique (ou faisant fonction de) qui pourrait sembler à première vue désastreuse, et qui l’est effectivement si l’on s’en tient à l’observation tactique temporaire, est destructrice de la stratégie qu’elle sert ou au contraire, comme les événements militaires nous le montrent parfois, si elle permet d’accoucher une stratégie gagnante. (Tout cela toujours considéré comme étant soit involontaire, soit inconscient.)
Il y a une excellente description du comportement de Trump par Charles Krauthammer, qui est passée avec les ans des vitupérations neocons aux analyses plus profondes et plus enrichissantes. Lors d’un débat sur Fox.News le 1er août, notamment avec la journaliste Mercédès Schlapp (du Washington Times) à propos de plusieurs interventions et décisions vitupérantes de Trump ces derniers jours, qui ont provoqué un très grand tohu-bohu et une sorte de panique chez les républicains, Krauthammer explique qu’avec Trump le “treshold of fitness” (le “point d’aptitude”, ou le fait d’être perçu comme “présidentiable” dans le sens d’être “capable de gouverner”), n’est pas son “aptitude” à se présenter comme “présidentiable” selon le Système mais son “aptitude” à paraître “présidentiable” en restant ce qu’il est, sinon à cause de ce qu’il est. Krauthammer reste ambigu mais l’on comprend qu’il réalise lui-même que la seule bataille pour les démocrates c’est d’empêcher Trump de franchir ce “seuil” en restant ce qu’il est, et s’il le franchit eh bien il a gagné et il sera élu.
Mercedes Schlapp: « I finally have decided there’s two camps, Never Trump camp and then the exhausted Trump camp. Those Trump individuals who have supported Trump, willing to be on the front lines for Trump but at the same time Trump has made these significant mistakes that he needs to clean up.
» Republicans are very worried that he’s not staying on message, which the message is very clear. Focus on the Obama record. Focus on the Hillary record and you really have a chance to win. Otherwise if it's all about Donald Trump there's no way he can. »
Charles Krauthammer: « Look, I’m not sure you can call these mistakes. I think they're a reflection of who he is. Everybody expected the pivot to being presidential, to being conciliatory, to bringing the party together and it never comes. People say mistake after mistake. At some point you have to ask yourself, is he capable of conducting himself in any other way?
I think that you’re right, Mercedes [Schlapp], the basic structure of this campaign is simple. With any other candidate on the Republican side, this thing would be over, given the eight years of record, failures abroad, the things that Pence raised about what’s happening in the Middle East. The news we got on the economy last week, the weakest recovery since 1949. The list is very long. And the question that Democrats have to ask, the only way that they can win is to argue for the unfitness of the opponent for the office. Because if he crosses the threshold of fitness, he wins. And that's what the election is all about. »
S’il s’agit encore d’une question concernant l’efficacité ou non (dans le sens antiSystème) de Trump pour sa situation politique, la gravité et la profondeur du propos de Krauthammer doivent également nous faire ressentir une fois de plus combien cette campagne, combien cet affrontement est en tous points exceptionnel (pour nous, en bref, qu’il s’agit bien du cas Système-versus-antiSystème dans toute sa puissance, son ampleur, parce que Trump n’a rien cédé jusqu’ici de son rôle).
L’événement-Trump a donc toujours son effet dévastateur et déstabilisateur qui ne cesse de renaître, de se régénérer. On l’a donc vu durant ces quelques derniers jours, avec des affirmations étonnantes, une véritable panique dans l’establishment républicain, jusqu’à certains journalistes prédisant que la direction républicaine allait “remplacer” le candidat-Trump (bonne chance les gars), d’autres que le candidat-Trump “implosait” (il manque encore le bruit).
On a vu ces derniers jours que cet effet de déstabilisation continue à produire dans le Système des conséquences brutales, comme des “bouffées de panique” conduisant à des jugements sobrement énoncés et complètement inappropriés, notamment dans le chef de ceux qui les disent, en même temps que l’annonce mille fois répétée que cette fois Trump a été trop loin et qu’il va s’effondrer. (Cela se produira peut-être mais, jusqu’ici, ces prévisions ont été ridiculisées.) Cela conduit à des situations souvent paradoxales et grotesques. Affirmer que Trump est “unfit” pour gouverner est un jugement qui se défend sans aucun doute, et qui peut même être argumenté ; lorsqu’il est développé par un Obama ou un Hollande, avec la suffisance et la faconde qu’on imagine, il devient grotesque et dérisoire. (A moins, certes, que l’on observe qu’ils sont après tout les mieux placés, comme expérimentateurs de la chose, pour parler de l’“incapacité de gouverner” : c’est un argument à considérer, même s’il est de type paradoxal.) L’argument défendable se retourne complètement et devient un moyen de ridiculiser ceux qui l’émettent.
Mais laissons de côté les états d’âme et les brusques emportements de panique du personnel de service du Système, républicains et démocrates qu’importe, pour aller à l’essentiel. Il est paradoxal que ce soit le chef de la campagne de Clinton qui nous le rappelle, dans un mémo qu’il a adressé aux donateurs en puissance dont le Washington Examiner s’en est procuré une copie qu’il publie le 2 août. Robby Mook, en tendant sa sébile à $millions de dollars, avertit les donateurs que rien, absolument rien n’est fait, car l’opposition à Hillary repose moins sur l’efficacité de Trump que certains peuvent juger en perte de vitesse, que sur la constitution d’une partie importante du pays en un bloc contestataire et furieux, qui a fait de Trump son porte-voix dont la dimension antiSystème est indéniable. Ainsi, et assez involontairement et curieusement, Mook donne-t-il l’impression de donner raison à ceux qui estiment que les sondages qui donnent régulièrement Hillary largement gagnante sont un petit peu mâchouillés dans le sens qu’il faut... On donne ce qu’on peut, ici des $millions et là Hillary gagnante.
« ...Because here's the reality: Our country is deeply divided. This will be a very close race. It would be a close race no matter who the Republican nominee was — there are just too many partisans on both sides for anyone ever to win in a landslide. That's why it's been 32 years since a presidential election was decided by more than 10 points.
» That's also why we can't afford to take a single vote for granted. We send you all these emails and we ask for your contributions and we keep on pushing day after day — because we know that this team's work will make the difference between winning and losing this election. The difference between President Hillary Clinton protecting and building on the progress of the last eight years to make life better for American families… or President Donald Trump changing the course of our nation's history forever.
» Make no mistake: This team will decide the outcome of this race. If we keep stepping up like we did in July, registering new people to vote, and getting out into our communities to talk about why this race matters and why we support Hillary, we will win.
» If we underestimate our opponent or take this race for granted, we'll lose. »
D’une façon générale et pour embrasser toute cette réflexion, on observera combien les deux psychologies des deux concurrents sont puissantes, exacerbées, faites pour s’exciter l’une l’autre avec du champ pour s’exprimer. Les mensonges d’Hillary alimentent le verbe irresponsable de Trump qui, en retour, alimente les mensonges d’Hillary, – et ainsi de suite en un cercle parfait de complémentarité paroxystique qui ne cesse de souffler sur les flammes et d’alimenter l’incendie grondant. Qui plus est, ces deux psychologies extrêmes appartiennent à deux personnalités extrêmement autoritaires qui imposent silence à leur entourage et qui tiennent les partis affaiblis et paniqués qui les soutiennent bien plus que ces partis ne les tiennent : jamais deux personnages aussi autoritaires chacun à sa façon n’ont été mis ainsi face-à-face, chacun avec rien de sérieux pour les retenir dans leurs excès.
La conséquence, comme on le constate chaque jour, se nomme “American chaos”. Peut-être s’agit-il de la vraie formule que nous cherchons en vain depuis bientôt dix ans, depuis qu’Obama avait fait naître l’espoir fugace (enterré avant même qu’il entre en fonction) qu’il pourrait être l’“American Gorbatchev” ; ainsi au lieu d’“American Gorbatchev”, il fallait donc lire “American chaos”. Quel résultat en attendre ? demandent les esprits rationnels ; pour faire croire que nous avons une boule de cristal, nous dirions que nous espérons avec ferveur une issue semblable à l’affaire Bush-Gore de 2000, lorsqu’une contestation et un recomptage dans un État (la Floride) empêcha aucun des deux candidats d’arriver au 270 “Grands Electeurs” et embraya sur une crise de plus d’un mois avec des recomptages suspects, des mises en cause multiples, pour arriver à une élection-bidon où le “vainqueur” l’emporta sur décision de la Cour Suprême, alors qu’il était battu aux votes populaires. Une telle occurrence aujourd’hui, avec un Trump qui proclame déjà qu’Hillary se prépare à fausser le mécanisme des élections, déboucherait sur une situation d’insurrection générale et de dissolution du pouvoir.
Certains en sont d’ailleurs presque là, sinon au-delà, comme Daily Bell qui, constant que nombre dans les élites-Système du parti républicain, annoncent qu’ils voteront démocrate, pour Hillary Clinton :
« The reality of the US political system is nothing like the rhetoric surrounding it. And now this is being actively and graphically illustrated. Under both Trump and Hillary, the system has imploded. Its rhetorical pretenses have been shattered.
» Conclusion: Whatever else takes place during this federal election, the disintegration of the credibility of the two-party system is perhaps the most important development of all. »
Dans cette époque sans égale, où un système (le Système) contrôle l’entièreté d’une civilisation globale évoluée en contre-civilisation, une puissance sans égale sous forme de technologisme s’est développée et interdit toute forme d’insurrection au sens classique du terme et dans tous les sens. Le Système et son bras armé du système du technologisme ont besoin, pour leur promotion permanente, d’un très puissant système de la communication, sans aucun doute à la puissance inégalée. Ce système de la communication s’est développé en mode-Janus, fournissant ainsi aux forces contraintes à l’impuissance insurrectionnelle une arme inattendue, une arme qui peut se retourner contre celui qui la manie, qui se retourne avec aisance sinon délice, permettant d’exercer une pression décuplée sur les choses qu’il (le système de la communication) est censé protéger et dont il est censé faire la promotion unilatérale. Ainsi cette puissance sans égale du Système/contre-civilisation se trouve-t-elle confrontée à la production d’une impuissance d’emploi à mesure. Dans cette situation de blocage qui ne fait que se resserrer depuis le début du siècle, un seul compartiment est touché, chaque jour de plus en plus fortement : la psychologie, individuelle, collective, systémique, etc., sur laquelle nous avons toujours porté notre attention.
Peut-être atteignons-nous les limites ontologiques de la résistance des situations existantes à cette pression sur la psychologie. Ainsi peut-on comprendre que partout, parmi les grands acteurs du Système et de la bataille Système-antiSystème, fleurissent les “cas pathologiques” de la psychologie. Dans ce “partout”, certes, les USA occupent une place à part, selon l’enseignement de l’exceptionnalisme de ce pays qui prétendrait être un empire sans avoir jamais su être une nation, et qui est d’abord une imposture aux dimensions effectivement exceptionnelles.
Ainsi la surprise extraordinaire de ces élections USA-2016, dans le fait qu’au cœur de cette mécanique si bien huilée du pouvoir-Système ait éclaté une crise de cette intensité, si complètement marquée par le chaos qu’on peut parler comme d’une sorte de super-création d’un “American chaos”, ainsi cette surprise n’est-elle après tout pas si surprenante que cela. Dans tous les cas, elle réhabilite le sapiens qui recommence à servir à quelque chose en assumant complètement son rôle d’“outil utile”. Autant Trump qu’Hillary, dans leurs psychologies exacerbées, dans leurs véritables pathologies, sont des acteurs puissants, des prime time de cette crise, des événements en eux-mêmes alimentant l’événement central qu’est la Grande Crise ; et ils ne s’arrêteront pas là car, si l’on connaît bien les Américains et leur American Dream, on connaît par conséquent l’exhortation fameuse : The Show Must Go On, les gars....
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