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800315 octobre 2018 – L’homme qui fut ambassadeur des USA en Arabie Saoudite en octobre 2001 observe que les relations entre les USA et l’Arabie sont brusquement (?) entrées, avec la disparition/l’assassinat le 2 octobre du journaliste Jamal Khashoggi entré ce jour-là dans le consulat de l’Arabie à Istanboul, dans « leur pire période depuis l’attaque du 11 septembre 2001 ». Robert Jordan a été interviewé sur MSNBC le 12 octobre :
« Je suis arrivé en Arabie Saoudite en tant qu'ambassadeur un mois après le 11 septembre, et la question qui se posait alors était de savoir si l’Arabie était un ami ou un ennemi. Je pense que nous avons des questions similaires à nous poser en ce moment. Est-ce un régime qui glisse sur une pente glissante vers l'autoritarisme, la brutalité et peut-être un comportement voyou ? Et je pense que nous devons sérieusement nous poser cette question. Je pense que le moment est venu pour nous de nous dresser et de faire preuve de leadership dans ce dossier. »
En mettant à part tout ce qui s’est passé depuis, – les nombreux soupçons et jusqu’à des procès intentés contre l’Arabie par des familles de victimes de l’attaque 9/11, – il est vrai qu’il y eut un flottement public notable sur l’attitude que les USA devaient prendre vis-à-vis de l’Arabie après l’attaque 9/11. Ce “flottement”, né effectivement aussitôt après 9/11, dura quasiment une année, jusqu’à ce que les modalités de l’attaque contre l’Irak aient été fixées. Il faut se rappeler (voir le 8 août 2002) qu’il y eut, en juillet-août 2002, et en connexion avec les milieux neocon, une polémique autour d’une conférence donnée à un organisme du Pentagone par le Français Laurent Murawiecz (neocon d’adoption ?), où l’orateur désignait l’Arabie comme ennemi stratégique principal des USA après 9/11 et l’organisateur de la mouvance terroriste.
Avec l’attaque contre l’Irak, l’orientation changea complètement, correspondant à un changement de l’équilibre des forces internes à Washington, et l’identité de l’“ennemi stratégique principal” changea du tout au tout : ce n’était plus l’Arabie, mais l’ennemi juré de l’Arabie, à savoir l’Iran soi-même. Ce rapide rappel permet de mesurer combien cette alliance fondamentale entre les USA et l’Arabie recèle de fragilités cachées tout aussi fondamentales, notamment à cause de l’incroyable nœud gordien des intérêts en présence, des orientations des activités secrètes, et surtout les liens phénoménaux de corruption existant entre l’Arabie et les USA.
...A cet égard (la corruption), le témoignage du colonel Pat Lang (le 12 octobre 2018), éditeur du site Sic Semper Tyrannis et qui fut attaché militaire à l’ambassade des USA à Ryad, est singulièrement éclairant pour fixer le phénomène de la corruption entre les deux pays, – essentiellement de l’Arabie vers les USA, – et par conséquent pour comprendre les soubresauts et les changements brutaux dans leurs relations, depuis la fin de la Guerre froide et encore plus avec et après 9/11
« Quand je suis arrivé en Arabie Saoudite il y a de nombreuses années pour y occuper le poste d'attaché militaire à l'ambassade des États-Unis, j'ai découvert que mes cinq prédécesseurs immédiats étaient tous retraités de l'armée américaine et travaillaient en gagnant “beaucoup d'argent” en Arabie saoudite. Comment était-il possible d’expliquer que les principaux officiers des services de renseignement de l’ambassade américaine qui avaient été conseillers d’ambassade puissent faire cela ? Simple, ils avaient tous été achetés et payés.
» Je n'ai pas suivi ce chemin. Tout au long de ma période de service, j’ai raconté sans relâche l’histoire rapportée par mon bureau au sujet de l’inefficacité militaire des Saoudiens et des pratiques de corruption courantes dans l’attribution de tous les contrats de vente de matériel militaire au Royaume. Le but de ces achats de très hauts prix aux États-Unis, aux Britanniques, aux Français, etc. était toujours le même. C'était l'enrichissement par le biais de “commissions” de tous les agents saoudiens et étrangers dans les transactions. Dans le cas des étrangers, le “remboursement” était souvent effectué après le départ à la retraite du service public.
» J'ai clairement expliqué cela dans les rapports de mon bureau, et la DIA de l'époque a été courageusement derrière moi alors même qu'elle était menacée par les “amis” de l'Arabie saoudite au Bureau du secrétaire à la Défense. Personnellement, j’ai été menacé d’avoir ma carrière brisée par le Major Général de l'US Air Force qui dirigeait la US Military Training Mission (USMTM) établie dans le pays si je ne renonçais pas à exposer la situation. Je n'ai pas abandonné.
» Il est indiscutable que de nombreux officiers supérieurs et diplomates à la retraite se sont vendus soit directement aux entreprises saoudiennes de ce pays, soit à des entreprises étrangères qui représentent la Maison des Saoud. Leur contribution à la propagation du fanatisme wahhabite dans le monde entier est incommensurable. »
Cet extraordinaire climat de corruption, vénale dans ce cas et à la base de tout puisque les deux partenaires ont cette valeur commune de l’argent comme référence, a nécessairement engendré des effets monstrueux sur les psychologies et sur les politiques prises dans un inextricable amas d’intrigues et de manœuvres souterraines. Ainsi, les relations USA-Arabie, marquées et proclamées du sceau de l’inaltérabilité et de l’indestructibilité par tous les dirigeants successifs, sont en réalité le théâtre d’extraordinaires combinaisons et combines tout court, où les deux compères et leurs divers sous-compères s’entendent comme larrons en foire et, en même temps, ne cessent de se trahir et de se tirer dans le dos.
L’un des points les plus brillants et les plus sonores de cette relation continuellement dans le simulacre et dans l’inversion est l’attaque du 11 septembre 2001. Il est dit et expliqué, notamment par Finian Cunningham, que Khashoggi avait nombre de possibilités d’en connaître beaucoup à cet égard, et peut-être quelques-uns des plus sales coups de cette affaire où l’Arabie s’est montrée constamment présente... Peut-être même, suppose Cunningham, envisageait-il de publier certains détails et document, – qui sait ?
Cunningham nous explique donc comment, selon lui, l’affaire implique directement non seulement l’Arabie de MbS mais également, et tout aussi directement, la CIA. Nous savons grâce à l’interception d’une communication (selon le Washington Post, dans tous les cas et malgré ses liens avec la Company) que la CIA savait quel sort attendait Khashoggi au consulat d’Arabie à Istanboul le 2 octobre. Quel a été le rôle de l’Agence dans cette affaire ?
Cunningham : « Le Washington Post rapporte que les services de renseignements américains savaient, grâce à des communications téléphoniques, que les Saoudiens envisageaient d'enlever Khashoggi. Cela implique la maison de Saoud dans un acte de meurtre ignoblement prémédité. Cela concerne aussi les services de renseignement américains. Si ces derniers étaient au courant d’une intention malveillante envers Khashoggi, pourquoi les agents américains ne l’ont-ils pas averti ce qui l’attendait au consulat d’Arabie saoudite à Istanbul ? Par ailleurs, il aurait pu obtenir les mêmes documents personnels auprès de l'ambassade d'Arabie saoudite à Washington DC, pays où il résidait et était plus sûr.
» Jamal Khashoggi a peut-être connu trop de sombres secrets sur la collusion entre les États-Unis et l'Arabie saoudite, principalement liés aux attentats terroristes du 11 septembre. Et avec sa volubilité croissante en tant que journaliste critique dans un important journal américain, il était peut-être temps de le faire taire. Les Saoudiens comme exécuteurs, la CIA américaine comme soutien. »
Dans The Duran, Alexander Mercouris, constatant que la mort, – l’exécution sur ordre de MbS, – de Khashoggi apparaît de plus en plus possible jusqu’au probable, estime que la réaction de Trump pourrait être extrêmement violente parce que, dans ce cas, le président US se jugerait personnellement trahi et offensé dans les relations amicales qu’il a établies avec le même MbS. « Trump est un émotif ... Il se fiche des droits de l’homme dans le principe, mais il attache une très grande importance aux engagements personnels. »
Et Mercouris d’observer que toutes les références morales, la presseSystème (de référence), les autorités « du monde occidental, parlant anglais, anglo-saxon, sophistiqué », ont laissé faire l’horreur du Yemen sans y consacrer la moindre attention, mais voilà qu’on tue un homme si c’est le cas, qui était un des leurs, complètement occidentalisé et faisant partie de leurs élites, et « c’est un déchaînement qui peut provoquer de très graves bouleversements ».
Quoi qu’il en soit, la tension s’est brusquement aggravée depuis vendredi, avec des interventions de plus en plus furieuses et menaçantes de Donald Trump, mais n’allant tout de même pas jusqu’à la rupture et évoquant la possibilité de très graves sanctions sans pour cela que les marchés en cours (110 $milliards d'armements commandés par l’Arabie) soient compromis. Ainsi Trump se trouve-t-il pris dans une situation complexe : s’il est réellement furieux et envisage des sanctions, comme le pense Mercouris, il ne veut tout de même pas aller jusqu’à la rupture, ce qui implique une approche assez originale, bien dans la manière du président actuel : d’une part, une hostilité marquée par des mesures concrètes et brutales, d’autre part le business as usual entre amis, comme d’habitude. Sans doute Trump doit-il tenter d’expliquer cette combinaison à MbS à qui il téléphone ce lundi, mais il n’est pas assuré que le jeune MbS soit convaincu de jouer ce jeu.
... Le Congrès des États-Unis d’Amérique qui trône à “D.C.-la-folle”, lui non plus ne facilite pas les choses, mais dans le sens contraire car la situation n’est plus jamais simple à “D.C.-la-folle”. Le Congrès s’est enflammé contre l’Arabie, au point qu’un observateur proche du Congrès (d’où viennent les pressions anti-Arabie) estime que cette pression “n’est pas seulement préjudiciable à la réputation d’un allié-clef des États-Unis, elle menace l’autorité du président lui-même”. (Au fait, ceci explique peut-être cela, et inversement...)
Pour cette fois, on peut s’intéresser au commentaire de CNN, qui alimente la chronique anti-Trump, c’est-à-dire dans ce cas décrivant l’action des forces partisane d’une “punition” de l’Arabie qui est pourtant un verrou capital du Système dans la région... « Le possible assassinat du chroniqueur du Washington Post, Jamal Khashoggi, au consulat d'Arabie saoudite à Istanbul a déchaîné des forces à Washington qui placent le virage brutal de Trump mettant de côté les valeurs traditionnelles de la politique étrangère américaine devant son test politique le plus dur à ce jour. Il y a de plus en plus de signes indiquant que la Maison Blanche pourrait ne pas être en mesure de contrecarrer la pression grandissante du Congrès en faveur d'une action punissant l’Arabie saoudite et de mettre un frein à son impitoyable dirigeant de facto, Mohammed bin Salman, utilisé par la Maison-Blanche comme pivot de sa politique au Moyen-Orient.
» Le président, avec son instinct de négociateur, a inséré l'Arabie saoudite dans une politique étrangère visant à tirer parti du pouvoir américain pour obtenir un gain matériel plutôt que pour un leadership moral mondial – et ainsi soutient-il que la crise actuelle ne devrait pas faire dérailler une relation commerciale se comptant en dizaines de $milliards. Mais la colère du Congrès face au destin probable de Khashoggi, qui résidait et travaillait aux États-Unis, est telle que des pressions puissantes s’exercent actuellement pour imposer un changement de stratégie à Trump, à l’instar du cas où les législateurs avaient imposé des sanctions à la Russie contre sa volonté.
» “S'ils ont effectivement entraîné cet homme dans ce consulat, s’ils l’ont traité comme des barbares, s’ils l’ont tué et découpé en morceaux, après avoir envoyé une équipe exactement pour faire ça, ce serait un acte outrageant et impardonnable”, a déclaré le sénateur Républicain Marco Rubio lors de l’émission “State of the Union” de CNN [le 14 octobre]. “Le simple fait d'être allié dans une mission importante, qui restreint l'expansion iranienne dans la région, ne peut nous permettre de négliger ou de nous laver les mains de cela [de l’assassinat éventuel de Khashoggi]. Cela compromettrait notre capacité à défendre la moralité et les droits de l'homme dans le monde entier”. »
Ce déchaînement des forces d’influence et des forces politiques passives mais de plus en plus interventionnistes que sont les parlementaires du Congrès à “D.C.-la-folle” a de quoi inquiéter les tenants de l’alliance-Système actuelle au Moyen-Orient, entre Trump, l’Arabie et Israël. Ainsi trouve-t-on dans DEBKAFiles, qui reflète les positions fondamentales de sécurité nationale d’Israël, un développement marqué par une volonté manifeste, quasi-obsessionnelle, de lancer toutes les hypothèses possibles allant dans le sens contraire de la tension entre les USA et l’Arabie, laquelle pourrait avoir que des effets néfastes sur la position d’Israël.
On voit dans ces extraits de l’article du 13 octobre combien DEBKAFiles s’emploie effectivement à mettre en évidence diverses observations et confidences (de bonne source) qui pourraient écarter la perspective d’une rupture entre l’Arabie et les USA ; y compris en évoquant des articles où, “selon des sources du Golfe” (pourquoi ne pas les lire nous-mêmes ?) Khashoggi se montrait également élogieux pour le “réformisme” de MbS (et donc il n’y avait aucune raison pour que MbS le liquidât, au contraire...) ; y compris en dénonçant l’action de certains services de renseignement US et autres voulant faire chuter Trump en compromettant sa superbe alliance saoudienne ; et, notamment en voulant compromettre l’amitié entre Jared Kushner et son cher MbS, qui constitue un des outils essentiels de la grande alliance Trump-MbS, – détail révélateur quand il vient d’une source israélienne où l’on connaît bien le poids d’influence et le sens de cette influence du gendre de Trump.
« Des sources du Golfe affirment que Jamal Khashoggi n’a jamais été ce critique très virulent de la Maison des Saoud qu’on en a fait. Dans certains articles de publications occidentales, il a combiné une critique modérée à des éloges occasionnels sur les réformes économiques et sociales introduites par le jeune prince héritier. Par conséquent, les reportages sensationnels sur les assassins des services de renseignements saoudiens exécutant Khashoggi sur ordre de MbS doivent être traités avec prudence, si ce n’est un grain de sel. De tels rapports pourraient en fait précipiter son assassinat, s'il est toujours en vie. Il est peut-être même victime d’un complot des rivaux du prince héritier à l’intérieur de la maison royale pour faire du souverain un portrait très sombre et torpiller sa politique... [...]
» Il est également possible que certaines agences de renseignement américaines et occidentales qui cherchent à provoquer la chute du président Donald Trump, aient pris le train en marche lancé par les Turcs pour saper la position du prince héritier saoudien et affaiblir l’alliance de l'administration Trump avec la maison royale saoudienne, – et l’amitié de Jared Kushner avec MbS en particulier.
» De toute évidence, il est essentiel de déterminer si l’affaire, qui menace de causer de graves dommages aux relations américano-saoudiennes, a été délibérément conçue ou exploitée de manière opportuniste à cette fin. Le “plan de paix du siècle” de Trump visant à résoudre le différend israélo-palestinien et à normaliser les relations entre le monde arabe et l'État juif est également compromis, dans lequel les Saoudiens sont un acteur clé et avec lesquels le Premier ministre Benyamin Netanyahu a cultivé des liens amicaux. Toutes ces questions attendent des réponses dans le prochain chapitre du mystère de Khashoggi. »
Du côté officiel saoudien, il y a eu une riposte à mesure suivant les déclarations menaçantes de Trump, simplement sur le fait que l’Arabie riposterait à toute contrainte qu’elle refuse et réfute par avance. Surtout, il y a eu des confidences et jusqu’à des articles de journalistes et d’experts dont on connaît les connexions directes avec le pouvoir à Ryad, détaillant les hypothèses de riposte de l’Arabie face à une éventuelle politique de pression US. Ces hypothèses, qui n’engagent pas le gouvernement de Ryad comme il a été précisé officiellement, tourne autour de deux axes :
l’action au niveau du pétrole, bien entendu (avec des évocations apocalyptiques du prix du baril montant jusqu’à $200) ;
l’action au niveau géopolitique, avec l’Arabie effectuant un tournant radical et offrant l’alliance la plus complète, y compris dans la coopération militaire et l’achat d’armements, à la Russie et à la Chine, et même éventuellement à l’Iran.
ZeroHedge.com développe un commentaire de ces réactions “officieuses”, principalement au travers de citations nombreuses d’un article de Turki Al Dakhil, directeur de la chaîne d’État saoudienne Arabiya, qui est le plus précis et le plus référencé concernant ces conséquences catastrophiques auxquelles les USA (et les autres) se verraient méchamment confrontés s’ils poursuivent leur actuelle politique anti-MbS.
Même s’il ne s’agit que de communication, et puisqu’on connaît l’importance capitale de la communication, il importe désormais d’envisager cette dimension de la crise Khashoggi, échappant évidemment à son cadre initial. Cela rencontre et justifie la remarque de ce 14 octobre de Cyril Widdershoven, de OilPrice.com concernant un emballement de la crise en un tourbillon crisique aux dimensions internationales catastrophiques commençant évidemment par le statut du commerce du pétrole, – et cela, bien entendu, dans un environnement général déjà secoué par d’énormes crises en pleine évolution :
« Sans même connaître les faits réels derrière la disparition de Khashoggi, une chose est claire : la perception favorable dont bénéficiait le jeune Prince de Riyad est pulvérisée. Tant que le gouvernement saoudien ne présentera pas des faits tangibles prouvant qu’il n’est pas impliqué dans cette affaire et que le gouvernement turc affirmera disposer de faits tangibles prouvant l’enlèvement et l’assassinat de Khashoggi, la crise se poursuivra et ranimera de plus en plus de tensions et de conflits dans les prochains jours. La crise autour de Khashoggi pourrait même conduire à une situation beaucoup plus dangereuse que celle actuellement discutée dans les médias, par les politiciens occidentaux ou les forces anti-saoudiennes au Qatar, en Turquie et en Iran. »
On admirera combien ce qui menacerait de devenir un tourbillon crisique, finalement l’est déjà à la vision de l’enchevêtrement des proximités et des complicités qui se trouvent confrontées à leurs propres contradictions. Que tout cela soit né du sort d’un homme qu’on ignore encore précisément, sauf qu’il était un collaborateur du Washington Post, ce “quotidien de référence” racheté par Jeff Bezos avec des fonds de la CIA et qui dénonce aujourd’hui le complot contre son collaborateur, complot où il se pourrait bien que la CIA ait une grande place ; tout s’emboite comme des poupées russes qui ignoreraient leur nationalité, – cela permettant de remarquer que personne n’a encore accusé la Russie d’avoir provoqué ce désordre disgracieux et improductif... Que dire par exemple de la virulence extraordinaire du Congrès US où Israël fait prétendument la pluie et le beau temps, dans un sens qui compromet absolument toute la stratégie d’Israël basée sur le triangle Trump-MbS-Israël ? Que dire sinon rien, sinon épiloguer à cet égard en affirmant qu’il est inutile et absurde de croire qu’on peut tenir l’explication générale de l’affaire selon nos termes rationnels habituels ; bref, chercher à y comprendre quelque chose de sensé selon nos références habituelles n’a guère de sens ni d’intérêt intellectuel.
Il nous faut plutôt observer que c’est bien un signe de l’arrivée à maturité, type-chute-finale, de la Grande Crise d’Effondrement du Système, que l’axe Washington-Ryad, sur lequel repose un pan entier de la “stratégie” US depuis 1945, s’offre une crise de cette dimension, absolument sans précédent depuis 1945 également, à partir d’une affaire inextricable, à l’enjeu trouble et insaisissable, et dont on peine à mesurer l’importance par rapport à l’importance de ses effets. Peu importe ce qu’il en sortira, son existence même, sa transformation à une rapidité stupéfiante en un tourbillon crisique marque la formidable fragilité de l’ensemble. Les liens construits sur la corruption totale qui sont la marque de fabrique de la chevauchée Washington-Ryad présentent effectivement ce paradoxe bien de notre époque de surpuissance-autodestruction d’être à la fois d’une force inouïe et d’une fragilité à ne pas croire.
On conviendra, pour nous qui ne comprenons guère qui fait quoi et pourquoi dans cette affaire, qu’il est bien difficile d’identifier lequel des acteurs peut être apparenté à de l’activisme antiSystème, alors que tous les acteurs ont des liens indubitables et très serrés avec le Système. Pourtant, toute cette crise dans les perspectives de ses prémisses et dans la possibilité d’extension de son domaine recèle une production absolument et complètement antiSystème, quasiment dans l’essence même du processus activé par des forces qui savent ce que manœuvrer veut dire du point de vue de la métahistoire. C’est alors qu’on peut imaginer un esprit audacieux développant le jugement que nous arrivons à des occurrences où tout ce qui est Système (surpuissance) finit par travailler d’une façon ou l’autre en mode antiSystème (autodestruction).
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