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33936 septembre 2013 – Nous avons commencé le travail avec la description, ce même 6 septembre 2013, d’un Obama confronté à une crise montante à Washington, face au Congrès rebelle qui pourrait bien lui dire “non” pour la Syrie, face à une perspective de l’au-delà de cet épisode qui pourrait mettre en péril tout l’édifice institutionnel du pouvoir fédéral aux USA, du centre et du cœur battant du Système. C’est beaucoup, certes, mais ce n’est pas tout, pour décrire ce phénomène “‘chaos contrôlé’-devenu-incontrôlé” destiné initialement à la Syrie et aux environs, et qui touche prioritairement le bloc BAO et, par extension, le Système.
Citons encore quelques mots de Bruce Anderson, déjà cité par ailleurs à partir de son commentaire de The Independent du 5 septembre 2013, parce que ces mots ont la force et le ton définitif qui nous importe dans cette séquence folle ...
«We are in a mess. Though there have been graver crises, the world has never been more unstable and more dangerous. Diplomatically, militarily and morally, the West is adrift. [...] We think we are searching for a moral basis for action; much of the rest of the world thinks that we are hypocrites. Putin is enjoying our discomfiture, while our Arab allies are dismayed, and the Israelis see no reason to heed American strictures. It is a terrible mess and there is no obvious way out...»
Le titre du texte d’Anderson va aussi loin qu’il faut, en ce sens qu’il dépasse les contingences du jour pour fixer la ligne actuelle de l’affrontement métahistorique en cours : «History is already against us, even without Obama, Assad et al...»
Et d’abord, le principal accusé, expédié coupable par son propre aveu d’inconsistance et d’irresponsabilité...
BHO a raté son destin ... Il aurait pu être tout (“American Gorbatchev”), il n’est rien et en train de devenir la dissolution de lui-même, au-delà de la déconstruction. Obama se réduit à ce que Malraux nommait “l’homme, ce misérable petit tas de secrets”, réduit à un dérisoire tas de cendres qui n’attend plus que le vent mauvais pour être dispersé.
Pas tant “secret” que cela, d’ailleurs. L’infâme Rumsfeld, pas si bête à ses heures et même philosophe du paradoxe (voir ses “unkown unknowns”, rappelés le 11 avril 2011), Rumsfeld a résumé le travers essentiel de BHO : une telle inconsistance, un tel vide installés désormais dans sa rhétorique qu’il a choisie mensongère dès l’origine, qu’il semble effectivement en cours de réduction dans la dissolution. Rumsfeld n’a pas digéré la déclaration de BHO à Stockholm affirmant qu’il n’avait pas lui-même “tracé une ligne rouge” pour le chimique en Syrie, que c’était “le monde“ qui l’avait fait, – “le monde” réduit à Barack Hussein Obama plutôt que BHO étendu au monde lui-même ...
Rumsfeld, sur CNN, jugeant BHO non plus d’une façon partisane, sur sa politique, mais sur sa façon d’être, littéralement : «This president has tried to find a way to blame everybody or anybody for everything. Leadership requires that you stand up, take a position, provide clarity and take responsibility. I can’t image him saying he didn’t draw the red line. He did draw the red line.»
Il ne reste qu’“au petit tas de secrets” la pompe vide de toute substance, l’hybris réduite à l’arrogance et à la vanité, la maîtrise de soi réduite à la nonchalance irresponsable. Le résultat est que le “charme” initial d’Obama s’est peu à peu transmuté dans son double négatif et suscite un agacement de plus en plus général à Washington, et bientôt de l’exaspération. (Le 2 septembre 2013, nous en étions encore à l’agacement, mais les choses vont vite : «“Cette crise syrienne exaspère tout le monde” parce que BHO lui-même, avec ses manœuvres, ses nuances labyrinthiques, ses voltefaces accompagnées de promesses de lignes droites, ses sinuosités byzantines, sa nonchalance derrière la pompe du discours, finit par devenir un des facteurs de cet agacement général. Derrière la crise syrienne, Obama lui-même tend à “exaspérer tout le monde”, et l’on retrouve là encore un terrain connu où la logique antiSystème peut trouver des aliments.»)
Que dire du G20 sinon qu’il entérina la cascade diluvienne des événements en cours, et d’abord l’entrée en force, hors-agenda mais qu’importe, de la Syrie. L’ouverture fut marquée par la poignée de main Poutine-BHO dans une chaleur figée qui permettait d’admirer la splendeur de la façade du palais Constantin, – Obama complimenta Poutine sur ce point (“vous avez là une belle résidence”) ; cela ayant été précédé d’une intervention sans rondeur, devant les journalistes, de l’affirmation par Poutine que le secrétaire d’Etatt Kerry est un menteur du type “pathétique” ou simplement “triste” ... «Just hours prior to President Obama’s arrival at the G20 Summit, Russian President Putin criticized US officials, including Secretary of State John Kerry in particular. After tuning in to the Congressional debates, Putin heard Kerry tell a congressman al-Qaeda forces no longer make up the majority of the opposition in Syria. Putin argues the main combat unit in Syria is al-Nusra, a main unit of al-Qaeda, and the US knows it. “It’s not pleasant for me to see this. While we communicate with them and assume they are decent people, he [Kerry] lies openly. And he knows he lies,” said Putin.» (De Julie Wilson, Infowars.com, le 6 septembre 2013, avec dans certaines versions l’ajout de l’appréciation «It is pathetic» ou «It is sad», au choix.)
Le reste se déroula suivant le plan imprévu, puisque toute l’attention fut happée par la chose qui n’était pas au programme, dans le sens attendu qui est l’isolement presque proche de la perfection d’Obama. (En prime, il y avait une réunion parallèle du BRICS qui, elle aussi, ne mâcha guère ses mots.) Russia Today donne quelques indications permettant d’avoir une vue d’ensemble, ce 6 septembre 2013...
«Amid speculations that President Obama has arrived in St. Petersburg to gain support on launching a “punitive” strike against Syrian President Bashar Assad, Italian Premier Enrico Letta stated that the G20 summit is the “last opportunity” for finding a political solution to the Syrian crisis, adding that concerns over the situation there has hit “maximum” levels. [...]
»Obama started off the event by meeting with French President Francois Hollande, the only remaining European supporter of a strike on Syria. Meanwhile, Putin met with Chinese President Xi Jinping, who has consistently called for a peaceful solution to the conflict. Chinese Foreign Ministry spokesperson Qin Gang told RT at the summit that it is “vitally important” that any move on Syria be based on the UN investigation, stressing that China is “against the use of chemical weapons by any countries or organizations.” “China and Russia are both appealing to the countries concerned to be serious about the possible consequences of the use of military means without the mandate of the UN Security Council,” Qin added.
»Leaders of the BRICS group, which includes the economies of Russia, China, India, Brazil, and South Africa, then jointly expressed their concerns that a military strike against Syria could have “an extremely negative effect” on the global economy. They also stressed that the only legitimate body that can approve any kind of action on Syria is the UN Security Council, and that facts should not be manipulated to justify an attack. [...]
»However, when it came to statements by America’s key EU and NATO allies, it became increasingly apparent that “the US might have to go it alone” with its forceful action against Assad, RT’s Anissa Naouai reported. “The European Union is certain that the efforts should be aimed at a political settlement,” the President of the European Commission, Jose Manuel Barroso, told reporters at the G20 briefing, appealing to the whole international community. German Chancellor Angela Merkel has defined her country’s position on Syria, saying that she does not believe military intervention is the answer, and that Germany will support a political solution. French President Hollande, whose country was divided over supporting a strike on Syria, said that he expects some “political progress,” calling for a unified EU position on the issue. It was not immediately clear if Hollande had a change of heart in his readiness to join the US in military intervention.»
... Sur le dernier point, – l’état d’esprit du président-poire, – il semble effectivement que la France commence à songer sérieusement à entamer une courbe rentrante, histoire de ne pas retrouver seule au large de la Syrie, pendant que le président Obama réfléchirait, tel Hamlet, sur la possibilité d’attaquer, au cas où le Congrès lui aurait signifié son désaccord. On croirait que le flot des télégrammes diplomatiques français commence à faire dans la nuance, à parler de négociations, tandis que Fabius rencontrait Lavrov en marge du susdit G20.
Hier soir, commentant le G20, le correspondant du Fox.News Ed Henry ajoutait cette précision qui élargit notre champ d’observation : «They’re fighting not just about Syria, but the Edward Snowden controversy, and all of this is playing out as the President is on the world’s stage...» Traduction : la crise Snowden/NSA est un autre invité impromptu du G20, et constitue un autre angle d’attaque contre le pauvre Obama. Il eut donc, Obama, l’un ou l’autre tête-à-tête peu engageant ...
«Brazilian President Dilma Rousseff met with Barack Obama on Thursday to discuss revelations that the US had spied on her private communications, Reuters quoted a White House official as saying. Rousseff may cancel her visit to the White House in October unless the US extends a public apology for the alleged spying, according to senior Brazilian official. Brazil gave the US until Friday to issue a written explanation of the NSA spying reports.
»The US will try to resolve the situation through “diplomatic and intelligence channels,” deputy US national security adviser Ben Rhodes said. "We understand how important this is to the Brazilians. We understand their strength of feeling on the issue," he added. "What we're focused on is making sure the Brazilians understand exactly what the nature of our intelligence effort is.”
»Mexican President Enrique Pena Nieto told RT that America would have to cough up some extravagance to try and mend relations that have been damaged by the NSA spying revelations. “The Mexican government called on the US to conduct a thorough investigation into who is responsible for the spying if it really happened,” Nieto said. He asked Obama about “actions his administration would take in order to make this investigation happen and clarify the issues that have been surfaced recently…certain measures have to be taken, there must be consequences.”»
Ce retour impromptu sur la grande scène internationale de la crise Snowden/NSA est accompagné d’une offensive marquante de révélations, d’une façon coordonnée dans le chef du Guardian (le 6 septembre 2013), du New York Times et de ProPublica.org. Cette salve de révélation est particulièrement conséquente parce qu’elle met en lumière une fantastique attaque de la NSA contre le domaine privé dans l’internet, avec la collaboration active des grands groupes US de l’internet. Certains commentateurs jugent que ces révélations sont les plus effrayantes dans ce qu’elles disent de l’activité de la NSA, et les plus dommageables pour le crédit de la NSA et des USA.
L’affaire est si délicate qu’une vaste documentation a été également publiée sur les interventions des gouvernements US et britannique (les Anglais sont de la fête avec le GCHQ) pour convaincre les médias impliqués de ne pas publier, tant les conséquences en sont craintes. (Huffington.Post a des précisions là-dessus, le 5 septembre 2013.) Russia Today a présenté cette nouvelle livraison du fonds Snowden de cette façon (le 6 septembre 2013), sous le titre «Privacy pulverized» :
«The latest top-secret documents leaked to the media by former intelligence contractor Edward Snowden reveal that United States and British spy agencies have invested billions of dollars towards efforts to make online privacy obsolete. [...] According to the latest Snowden leak, the NSA and its British counterpart have circumvented the encryption methods used to secure emails, chats and essentially most Internet traffic that was previously thought to be protected from prying eyes... [...]
»So significant is the leak, the Times and ProPublica reported, that intelligence officials asked that the documents not be published in fear that the disclosures would prompt surveillance targets, such as terrorist organization, to alter the way they communicate online. In an editorial published alongside the scoop this week by ProPublica, reporters Stephen Engelberg and Richard Tofel said the outlet decided to go ahead with the story because “It shows that the expectations of millions of Internet users regarding the privacy of their electronic communications are mistaken.”»
On ajoutera à cela, pour mesurer l’ampleur des effets de la défection de Snowden, la multiplicité de ses conséquences, l’importance du retour sur le devant de la scène de la crise Snowden/NSA, ces précisions apportées par un ancien officier de la NSA (quarante années de carrière), William Binney, au site allemand DW.de, ce 5 septembre 2013. C’est une nouvelle avancée de la thèse “seulement la partie émergée de l’iceberg” et une indication que le destin de “whistleblower” n'effraie pas vraiment.
DW.de : «All of the revelations we have talked about basically stem from the Snowden documents. You left the NSA in 2001. Were you surprised by any of his revelations?»
William Binney : «No, not at all. My basic understanding was that all that was happening and much more. He hasn't really gotten into the extent of what's really going on. He has only covered part of it.»
DW.de : «Are you saying this is only the tip of the iceberg and there is a lot more to be revealed that we don't expect?»
William Binney : «Yes. And in fact members of Congress have said similar things after they have gotten briefed recently. Now I think our Congress is getting to understand the extent of what has been going on a little bit better. They had no idea before, many of them. And Snowden, at least so far and as far as I have seen, has only had in my view a certain limited view into what's been happening.»
DW.de : «Do you expect Congress to come up with any real changes to the way the NSA operates ?»
William Binney : «Yes. In fact Representative (Justin) Amash had assembled a bipartisan group of members of the House of Representatives that were just about to pass a law that would cut the funding for the NSA's activities in this area and it only failed by 12 votes. Now that's the closest anything like this has ever come. And now they think they have enough members of Congress to pass this now because of the latest revelations of all the problems like the violations of the constitution that the FISA court had reprimanded the NSA about and also the up to 50,000 violations a year in various kinds of collections on US citizens. So they are starting to wake up to the dangers here and I think they are assembling enough support to pass that kind of bill now and limit the capacity and capability of the NSA.»
On notera que ces observations sur l’importance du fonds Snowden sont elles-mêmes ignorantes des dimensions de cette importance. Cette ignorance est d’ailleurs partagée par la NSA elle-même, selon des sources européennes qui précisent que des contacts directs ont eu lieu entre les milieux européens correspondants et la NSA, et que cette précision émane directement de la NSA. C’est une confirmation à toutes les spéculations développées sur ce thème, mais qui n’est pas sans intérêt. Tout cela, ainsi que les affirmations de Binney, ne sont certes pas rapportés ici pour tenter d’avancer dans l’appréciation de la valeur intrinsèque du fonds Snowden mais, de façon différente, pour apprécier la potentialité éruptive restante de la crise Snowden/ NSA.
L’événement le plus important dans l’orientation qui nous intéresse est l’interconnexion des crises et leur intégration sans qu'aucune ne perde sa spécificité éruptive. On peut constater avec l’entrecroisement de ces divers événements, combien la séquence des événements n’est plus “une crise chasse l’autre” mais bien “une crise s’ajoute à l’autre”. Plus encore, sur le plan de l’opérationnalité de cette dynamique crisique, la description du processus est qu'“une crise s’ajoute à l’autre” sans la gêner en aucune façon, et que “chaque crise reste activée et alimente l’autre, et vice-versa”. Le sommet du G20 au cœur de la phase paroxystique de la crise syrienne, et la parfaite coordination du groupe Snowden/Greenwald, avec leurs relais-médias, ont mis en évidence ce nouveau phénomène qui redouble exponentiellement la charge pesant sur le gouvernement US, et, plus généralement, sur le Système lui-même. (On observera d’ailleurs, en consultant régulièrement le tweet de Glenn Greenwald [258.597 abonnés], l’intérêt que Greenwald lui-même porte à la crise syrienne, débattue en complète connexion avec la crise Snowden/NSA.)
Un autre mot, en effet, sur l’opinion publique. C’est elle qui se trouve, passive et sans acte apparent mais pesant de tout son poids, derrière les remous singulièrement puissants soulevés par ces révélations du fonds Snowden. On observera que la tactique de l’utilisation de ces fonds, notamment par Greenwald, est non seulement parfaite dans sa chronologie qui s’accorde à l’événement (simultanéité avec le sommet du G20 et le scandale des présidents brésilien et mexicain), mais excellente dans l’implication croissante du domaine de la vie privée, et donc du public, provoquant des effets grandissants alors que la campagne dure depuis trois mois et devrait normalement être tombée dans l’anonymat de la répétition.
Cela doit nous conduire à observer également le poids de l’opinion publique dans cette phase paroxystique de la crise syrienne, avec son effet sur l’attitude du Congrès US. Nous faisons une petite incursion dans le domaine de la statistique, avec un sondage massif du German Marshall Funds, institution de la coopération transatlantique sous le contrôle attentif des USA, et par conséquent au-dessus de tout soupçon. Le GMF fait une enquête statistique annuelle dans quatorze pays de la communauté transatlantique (Turquie, Europe, USA), et celle de 2013 comporte, comme en 2012, une question sur une intervention en Syrie. En 2012, les opinions défavorables à une telle attaque allaient de 70% (Slovaquie) à 48% (Hollande et Suède) ; en 2013, elles vont de 85% (Slovaquie) à 61% (Suède) ... Les deux pays qui sont sur les rangs incertains pour intervenir ont évolué de la sorte : France, 50% opposés en 2012 et 65% en 2013, USA, 55% en 2012 et 62% en 2013. Le mouvement est puissant, massif, qu’on croirait coordonné dans son unité ; il pèse évidemment de tout son poids sur les directions politiques.
«Europeans and Americans are not in favor of military intervention in Syria, according to prereleased data in the 12th annual Transatlantic Trends survey. Transatlantic Trends 2013 is an annual survey of U.S. and European public opinion... [...] Eleven European Union member states were surveyed: France, Germany, Italy, the Netherlands, Poland, Portugal, Romania, Slovakia, Spain, Sweden, and the United Kingdom, as well as the United States and Turkey. [...]
»In the survey, respondents were told that there had recently been discussion of the desirability of intervening in Syria, where the government has been using military force to suppress an opposition movement. They were then asked whether their government should stay out completely or intervene. A two-thirds majority in the United States (62%, up 7 percentage points from 2012) along with nearly three-fourths of respondents in Europe (72%, up 13 percentage points from 2012) preferred to stay out. Only one-in-three respondents in the United States (30%, down 5 percentage points from 2012) and even fewer in Europe (22%, down 10 percentage points from 2012) felt their countries ought to intervene in Syria.
»In Turkey, 72% of respondents said their country should stay out of Syria (up 15 percentage points), while only 21% (down 11 percentage points) favored intervention.»
Puisque nous sommes revenus à la Syrie après nous être évadés vers Snowden/NSA, nous revenons à nouveau à notre point de départ, qui est essentiellement la situation aux USA, à Washington, qui s’est développée dans le cadre de la crise syrienne. On a vu par ailleurs (ce 6 septembre 2013), toute l’importance que nous accordons nécessairement à la situation entre le Congrès et la Maison-Blanche à ce propos. Cette situation nécessairement conjoncturelle, reflète une évolution structurelle formidable, dont on a déjà revu récemment les signes avant-coureurs puis les premières manifestations ...
«... Mais ce phénomène [de l’organisation institutionnelle du Système] est vicié, “gauchi”, aujourd’hui, à l’image du destin du Système transformant sa dynamique de surpuissance en dynamique d’autodestruction. Il y a désormais des révoltes, des rebellions, des explosions imprévisibles, en un mot le virus d’irrésistibles poussées antiSystème qui troublent gravement, et à notre sens irrémédiablement, la bonne marche de la chose. C’est évidemment aux USA que se manifeste structurellement ce phénomène depuis sans aucun doute juillet-août 2011 et le débat sur la dette publique (voir le 3 août 2011) qui a complètement changé la marche du Système dans ce pays, précédé de quelques coups de semonce prémonitoires mais alors sans conséquence (le vote de la Chambre des Représentants du 29 septembre 2008 [voir le 30 septembre 2008], refusant le plan Paulson pour sauver les banques). On a encore vu une manifestation de cette perte de contrôle le 24 juillet (voir le 26 juillet 2013), sur la question de la NSA.» (Extrait de notre texte du 2 septembre 2013. Voir aussi notre texte du 26 juillet 2013.)
Ce qui se passe aujourd’hui à la Chambre des Représentants principalement se confirme être une nouvelle avancée du mouvement en formation, de cette restructuration en cours de la représentation des forces politiques US. C’est évidemment l’alliance des libertariens/Tea Party de l’aile droite du parti républicains et des populistes progressistes de l’aile gauche du parti démocrate qui suscite cette opposition au projet d’attaque. Ainsi se dessine une restructuration complètement fondamentale, avec laquelle le Système tel qu’il est, et les USA tels qu’ils sont, ne pourront pas cohabiter, qui installe en fait une combinaison politique pour une impossibilité structurelle de poursuivre la vie politique-Système des USA selon la course suivie jusqu’ici.
La chose se manifestera institutionnellement, si l’équation actuelle résiste jusque là, lors des élections mid-term de novembre 2014, – celles-là qui deviennent ainsi le point de référence d’une secousse antiSystème fondamentale. Les forces en présence sont décrites entre “autoritariens” et “libertariens” pour prendre les étiquettes non-partisanes choisies par certains politologues pour désigner une opposition entre le centre de plus en plus autoritaire et de plus en plus contesté, et l’opposition centrifuge grandissante, anti-fédérale et neo-isolationniste. Cette dernière force, qui a toute notre attention, doit évoluer par voie de la logique implacable du conflit désormais à ciel ouvert avec le centre, vers des positions potentiellement séparatiste sinon sécessionniste à terme (et l’on sait que “le terme”, par les temps qui courent, évolue si vite) ; cela serait le cas si une crise institutionnelle majeure, comme celle qu’on peut envisager désormais avec Obama (voir encore ce 6 septembre 2013), frappait le centre washingtonien, c’est-à-dire le centre du Système lui-même.
C’est Antiwar.com qui signale, le 6 septembre 2013, l’évolution de cette combinaison et le rôle fondamental du rassemblement de facto antiSystème ainsi formé : «Congressional war votes are usually secured by support from both parties’ leadership and their ability to coax the rank-and-file to go along with them. This time, that seems set to fail, as the leadership has jumped on the war bandwagon but failed to get much of anything in the way of support.
»It’s not coincidental that the failure of the war rhetoric is happening in both parties, but rather reflects a growing unity among Progressive Democrats and the Tea Party Republicans, each of which is more than willing to stand up to the party’s leadership, and stand with an American public that polls show is also opposed to war.
»On the Democrat side, Rep. Alan Grayson (D – FL) has led what he is calling an “ad hoc whip operation,” pushing the large undecided contingent in his party toward “no” votes. With Minority Leader Rep. Nancy Pelosi (D – CA) admitting that she might not be able to get her party’s support on the war, he’s looking pretty successful. The Tea Party has been at least as successful in the House, if not moreso, and is also fueling opposition to the war in the Senate, usually more sensitive to the demands of party leadership and less to the American voters.»
La séquence que nous venons de tenter de décrire dans sa multiplicité est extraordinaire à cause de cette multiplicité. Il n’y a plus aucune barrière infranchissable, plus aucun cloisonnement sérieux, entre la crise syrienne, la vacillation d’Obama, le G20 et la politique russe avec le BRICS, les relations entre l’Amérique latine et Washington à l’ombre de l’espionnage de la NSA, la crise Snowden/NSA et ses conséquences jusque dans le statut de l’internet, les formidables secousses tectoniques de l’opinion publique transnationale du bloc BAO, la restructuration du monde politique US qui pourrait conduire à une déstructuration des USA.
Il s’agit d’une offensive antiSystème majeure et générale, la première de la sorte, qui brouille les objectifs initiaux et parcellaires et se retrouve dans un assaut général contre le Système. Le phénomène n’est pas décrit de cette façon ni même ressenti comme tel par les acteurs-figurants, mais ce qui nous importe c’est évidemment le sens qu’imposent les événements à cet ensemble de dynamiques et de tensions. Il s’agit également de l’expression formidable de notre crise latente, qui est la crise d’effondrement du Système, – formidable effectivement, lorsque l’on considère l'un et l'autre points de départ conjoncturels de cet ensemble de soubresauts ... Entre une formule presque publicitaire (la “ligne rouge“ de BHO) qui emprisonne le président des USA, le POTUS ou “homme le plus puissant du monde”, à une consigne de communication absurde l’obligeant à des initiatives tactiquement catastrophiques (et même si certains lui trouveraient un sens stratégique au départ, son effet stratégique est également catastrophique) ; entre un “freluquet de 30 ans” rejoignant Hong Kong avec sa cargaison de mégabytes divers subtilisés à la NSA, – où trouve-t-on le signe concret, explicite, de l’énorme cataclysme qui secoue le Système aujourd’hui ? Nulle part, selon l’enquête habituelle de notre raison. Pourtant, cet énorme cataclysme est là, littéralement déchaîné en quelques jours.
Ainsi observons-nous un événement extraordinaire : la première occurrence où la “crise du monde”, ou crise d’effondrement du Système, se trouve rassemblée en un tourbillon d’une puissance inouïe rassemblant des événements que rien ne destinait à marier. C’est bien là, dans cette intégration soudaine, et si puissante, que se marque la grandeur métahistorique de l’événement. Bien entendu, tout cela n’est qu’un début, car l’entraînement de la chose est désormais irrésistible.
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