Notre centenaire

Journal dde.crisis de Philippe Grasset

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Notre centenaire

31 octobre 2018 – J’ai rappelé hier notre (ici à dedefensa.org) et mon intérêt extrême porté à la Première Guerre mondiale, la Grande Guerre, cela dans la perspective du centième anniversaire de son terme, qu'il s'agisse de la paix ou de la victoire.  Le même propos peut évidemment introduire cette page d’aujourd’hui, d’ailleurs brièvement annoncée hier :

« J’imagine qu’on a déjà identifié chez l’auteur de ces lignes une plume particulièrement sensible à la Grande Guerre, dans toutes ses nombreuses et exceptionnelles dimensions. On sait que nous approchons à grand pas du centième anniversaire de l’armistice et que Notre-Président, historien fameux et moraliste sans égal, célébrera la paix et nullement “la victoire”. »

D’où cette décision de commémorer à notre manière ce centième anniversaire, par un procédé bien simple qui tient de la reprise et du rappel des choses. Il y a de très nombreux textes sur la Grande Guerre dans les archives de dedefensa.org. Il est assez simple d’y accéder mais, souvent, le lecteur peut passer outre, remettre à plus tard, oublier d’y revenir, etc., bref perdre de vue le texte qu’il aurait voulu consulter. Nous allons nous “rafraîchir” la mémoire par un procédé très simple et qui ne gênera personne sans trop interférer sur notre travail quotidien : une reprise quotidienne, dans ce Journal-dde.crisis, de dix textes déjà publiés, terminant par un onzième qui sera inédit, jusqu’au 11-novembre. (On en dira plus, le temps venu, sur ce texte inédit.)

Bien évidemment, il y sera autant question de Verdun que de la Grande Guerre, – on sait l’affection étroite qui me lie à Verdun, des Âmes de Verdun à La Grâce de l’Histoire. Il s’agit donc de Verdun dans sa dimension la plus large, à la fois comme modèle et “contre-modèle” de la Grande Guerre, puisque Verdun représente selon les mémoires et les plumes diverses aussi bien l’absurdité du conflit que l’exception qui confirme le reste en déployant une bataille qui fut, par son enjeu et sa tactique, le contraire des batailles de tranchées classiques de la Grande Guerre ; c’est-à-dire, Verdun comme marque de la dimension absurde de la Grande Guerre dans l’ordre de l’histoire-courante et comme symbole de sa dimension spirituelle dans l’ordre de la métahistoire. 

Pour moi, Verdun et la Grande Guerre sont inséparables jusqu'à l'identité, – lorsque je dis “Verdun”, je dis “Grande Guerre”, et vice-versa ; et pour moi encore, la Grande Guerre est et ne cesse de se conforter dans mon esprit comme une étape fondamentale de la Grande Crise dont nous vivons aujourd’hui l’ultime paroxysme qui est celui de l’Effondrement du Système.

On trouve dans cet épisode de cataclysme dont la véritable signification défie toujours la compréhension verrouillée et assurée  des historiens basiques des établissements-Système et universitaires, tout ce qui constitue notre Grande Crise dont la matrice directe,à partir de ses causes fondamentales mises en évidence par la Renaissance, se trouve à la charnière des XVIIIème et XIXème siècles (le “déchaînement de la Matière”). On y trouve la marque terrifiante de la puissance du technologisme, véritable responsable de la tuerie ; la marque de la crise catastrophique qu’est la modernité arrivant à sa maturité, qui a préparé et alimenté la Grande Guerre ; la marque de l’affrontement de cette modernité et de la Tradition, dans les divers symboles déployés (et notamment, sans le moindre doute, à Verdun) ; la marque enfin de la Grande Crise de la “civilisation” elle-même puisque, comme je la conçois, la Grande Guerre est bien plus le signe annonciateur du suicide (l’équation surpuissance-autodestruction) de cette civilisation devenue avec le “déchaînement de la Matière” contre-civilisation du feu que l’habituel “suicide européen” dont on parle.

Les articles seront publiés sans modifications, avec comme simple indication la date de publication sur le site ; éventuellement une note ou l’autre rajoutée pour mieux situer ou présenter le texte, selon l’inspiration du moment et la nécessité de la réflexion. Le lecteur, s’il a l’entrain et l’endurance de lire tous les textes, y verra sans doute une évolution, des nuances de jugement, des redites, souvent les mêmes citations (quand on en tient une d’essentielle, pourquoi en chercher une autre ?), etc. ; il découvrira ou re-découvrira également les points de vue différents adoptés pour l'évolution de l’appréciations la chose, faisant ainsi varier la façon d’aborder le sujet. Je crois qu’il y trouvera aussi une ligne de pensée constante qui tente et qui tend à élever le sujet au-delà des clichés que nous égrène ad nauseam l’histoire-courante, constamment récrite pour répondre aux exigences de nos temps si complètement idéologisés.

D’une façon assez curieuse et absolument symbolique, je trouve qu’il serait bon d’envisager la venue de ce centenaire, pour ceux qui y sont sensibles, à la façon dont Bainville parla de l’immédiat avant-guerre dans ses Mémoires-1914, lorsqu’il évoque Péguy qui vient d’être tué, et à condition de comprendre les composants de cette remarque également dans l’ordre symbolique... Je dis cela, écrivant ces mots, au fil de la pensée, parce que je crois finalement que nous sommes entrés dans une époque qui est, sans la comparaison de la brutalité bien entendu, une étape, peut-être finale, d’un caractère similaire à celle de la Grande Guerre, et d’une importance au moins égale sinon bien plus : « [...C]e mouvement profond, ce mouvement de l’instinct qui, dans les mois qui ont précédé la guerre, a replié les Français sur eux-mêmes, a conduit l’élite intellectuelle et morale de la nation à des méditations, souvent d’un caractère religieux, sur les origines et l’histoire de la nation... »