Opération réussie : l’énergie-schiste US en crise grave

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Opération réussie : l’énergie-schiste US en crise grave

Depuis un an, le prix du pétrole est une des plus importantes variables de la situation économique, avec un effondrement considérable, et des effets multiples dont l’effet général est bien entendu un accroissement de l’instabilité du Système aux niveaux financier, commercial et économique, et stratégique en général. On sait que ce processus pour l’actuelle séquence a commencé en décembre 2014, selon une décision politique prise en coordination et en très grand secret immédiatement éventé par les autorités américanistes et saoudiennes. Le but était l’effondrement de la Russie. Un texte de Sputnik-français, reprenant des informations d’abord venues de la Federal Reserve de l’État du Texas, puis de commentaires divers, nous annonce que la première victime (dans l’ordre chronologique) est la grande campagne d’exploitation de gaz et de pétrole de schiste aux USA, qui impliquait une ambition économique et stratégique considérable (certains ont salué ou feint de craindre une résurgence de la toute-puissance de l’“hyperpuissance”-que-vous-savez  à cette occasion). Cet effondrement industriel aux USA n’est pas une surprise puisque une très grande majorité de commentateurs avait souligné ce risque dès l’offensive de décembre 2014, mais sa concrétisation est désormais assez impressionnante pour constituer un fait stratégique majeur qui doit pourtant être dfini en d'autres termes que stratégiques.

On reprend ici le texte de Sputnik-français sur ce cas, du 25 décembre. (On peut aussi consulter le texte de ZeroHedge.com du 25 décembre également, beaucoup plus détaillé et techniquement très développé.)

« Les faillites parmi les sociétés pétrolières et gazières américaines ont atteint un niveau record depuis la grande dépression des années 30, rapporte la Réserve fédérale de Dallas. Au moins neuf sociétés américaines du secteur pétrolier et gazier, dont la dette commune dépasse deux milliards de dollars, ont engagé la procédure de faillite au quatrième trimestre de l'année en cours, rapporte la banque.

» Les mouvements les plus spectaculaires se produisent actuellement sur les cours du pétrole. Les prix du baril en Europe et aux Etats-Unis chutent à une vitesse vertigineuse pour flirter avec leur plus bas niveau depuis 2008 et 2004 respectivement. Les cours du gaz naturel américains sont déjà au plancher depuis treize ans, signalent les analystes qui parlent de plus en plus souvent d'un retour des années 30.

» Une baisse prolongée du prix du baril de pétrole pourrait compromettre les financements de recherche de pétrole de schiste aux Etats-Unis dès 2016. En effet, cette baisse des cours du brut met à rude épreuve les entreprises du secteur, qui ne sont plus rentables avec de tels prix. Le taux de défaut dans le secteur pourrait dépasser les 10 % l'an prochain outre-Atlantique selon Fitch, un record historique. Si on a un prix à 50 dollars, il y aura toute une partie des pétroles de schiste qui ne sera plus rentable, et on sait qu'avec moins de bénéfices, on a moins d’investissements.

» Les experts se demandent en effet s'il ne s'agit pas de la fin du fameux boom des hydrocarbures de schiste. C'est en tout cas ce que prédit l'un des maîtres de l'énergie de Wall Street, Andrew John Hall qui a notamment prédit une fin rapide du boom des hydrocarbures de schiste et donc un retour du pétrole conventionnel. Selon ce dernier, les spécialistes auraient fait des erreurs sur les spécificités des hydrocarbures de schiste, notamment sur leur durée de vie et le fonctionnement des marchés du gaz et du pétrole. Il explique notamment qu'il y a, d’un côté, les Etats-Unis qui produisent à pleine capacité des hydrocarbures de schiste ayant une durée de vie de cinq ans et de l’autre, les pays de l'Organisation des pays exportateurs de pétrole (OPEP) qui détiennent la majorité des gisements qualifiés de super-géants (réserves supérieures à 700 milliards de tonnes) et qui produisent par quotas et donc épuisent moins vite leurs réserves. Dans ces conditions, suppose Andrew John Hall, on ne peut qu’avoir un retour du pétrole conventionnel dans les prochaines années. »

Cette situation US était donc prévisible et prévue, mais elle n’a pas particulièrement inquiété la direction washingtonienne ni les milieux financiers, habitués à fonctionner selon une perspective des trois mois suivants et désormais enfermés dans diverses “bulles” de communication complètement hermétiques (“infranchissables”). Diverses nouvelles ont été diffusées depuis un an sur la situation en aggravation du domaine pétrole/gaz de schiste, concernant diverses zones et divers projets (voir par exemple le cas polonais dès février 2014).

Comme on l’a déjà mentionné, cette séquence est d’origine politique et du début décembre 2014, avec une connivence entre les USA et l’Arabie, dans le but, voulu par Washington, de mettre “la Russie en genoux”. L’Arabie, qui vit au rythme de conceptions totalement déstructurées et aventureuses par rapport à sa politique traditionnelle de prudence, a suivi, y voyant un moyen de priver Assad et la Syrie de son principal allié, – ce qui faisait prévoir à ce moment (décembre 2014), par les analystes-Système du domaine fonctionnant par commentaires “copié-collé” repris régulièrement de leurs textes depuis 2011, que Assad “n’en avait plus que pour quelques semaines”. En attendant, un an plus tard, la même grande manœuvre stratégique déchaînant l’effondrement du prix du pétrole, est en train de peaufiner la deuxième victime (toujours ordre chronologique) après le cas de l’énergie-schiste US, savoir l’Arabie elle-même. (Et toujours le même président en Syrie...) Un article très intéressant de Daniel Lazare sur ConsortiumNews du 22 décembre, nous décrit la chose.

« ...Topping the kingdom’s list of woes is the economy. With its stubbornly high unemployment rate and growing wealth gap between the rich and poor, Saudi Arabia has long been the sick man of the Persian Gulf. Even though planners have been talking about economic diversification since the 1970s, the kingdom was actually more dependent on oil as of 2013 than 40 years earlier. “Saudization” of the workforce is another mantra, yet the labor market remains polarized between a private sector dominated by foreign guest workers, mainly from South Asia, and a public sector filled with Saudi “sofa men” who spend their days lounging about in government offices. Riyadh wishes that young people would take jobs in hotels, oil refineries and the like, but most prefer to wait for a high-paid government sinecure to open up – which is one reason why the jobless rate among young people is as high as 29 percent.

» Given this combination of oil dependence and joblessness, a two-thirds drop in the price of crude since mid-2014 couldn’t be more painful. But what makes it even more frightening is the growing realization that, with softening demand due to the global slowdown and growing over-supply due to the fracking revolution, low prices will be a fact of life for years to come. This prospect does not bode well for a country dependent on oil for 91 percent of its foreign revenue, one that is currently burning through its foreign reserves at the rate of $10 billion a month... »

Bien entendu, la décision US-Arabie de décembre 2014 n’est pas la seule responsable de cette situation générale (effondrement du prix du pétrole), mais elle en est le détonateur, la clef stratégique, l’incitateur psychologique déclenchant la cascade diluvienne de l’effondrement. (Des opérations annexes vont dans le même sens de l’effondrement-désordre du marché de l'énergie, également favorisées selon son antipolitique répondant aux normes de la démence par le bloc-BAO, et toujours le couple US-Arabie, avec le pouvoir washingtonien épuisé d’impuissance et de paralysie, et complètement déstructuré jusqu’à la folie. On pense ici à l’activité d’exploitation du pétrole de Daesh, nébuleuse terroriste-affairiste parfaitement en ligne avec le capitalisme autodestructeur.) Quoi qu’il en soit, le résultat est là : la crise du prix du pétrole s’effectue avec toute la puissance possible, sans aucun frein ni aucune borne grâce à cette impulsion politique de départ.

Bien entendu (suite), la Russie est nécessairement également touchée, comme tous les producteurs d’énergie le sont. Ce cas met en évidence ce qui constitue l’une des faiblesses politiques, non pas du pays lui-même, mais de la position de Poutine qui reste dépendante des règles économiques et financières du Système avec lequel il n’a certainement pas complètement rompu. Cet aspect de la question mérite une étude à part dans la situation où elle se trouve, parce que d'importants facteurs spécifiques à la Russie interviennent. Mais on comprend bien entendu que cet affaiblissement russe n’a absolument rien à voir avec le résultat qu’attendaient les USA et l’Arabie à l’origine de leur grande manœuvre géo-énergétique puisqu’il ne s’agissait ni plus ni moins que la liquidation de la Russie en tant qu’État indépendant et souverain, et cela en l’espace de quelques semaines, et sans rire...

Le résultat de la manœuvre USA-Arabie n’est pas géopolitique, ou bien économico-financier, ou bien énergétique, même s’il y a de tout cela bien entendu dans les effets ; non plus qu’il ne donne le moindre avantage à quiconque sinon en provoquant une aggravation générale de la situation, inégalement répartie entre les trois acteurs. Le résultat est eschatologique en introduisant un facteur de désordre universel de plus, un composant de plus dans la course extraordinaire au déséquilibre déstructurant et dissolvant de la situation générale, et du Système lui-même par conséquent. Il est eschatologique dans le sens où il renforce le caractère absolument insaisissable et incontrôlable par les forces humaines de la situation, et en rendant la Crise Générale encore plus indépendante si c’est possible de l’action humaine.

 

Mis en ligne le 26 décembre 2015 à 11H42