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1951Palmyre est un miroir déformant de notre contre-civilisation, un miroir par inversion. S’y mêlent des considérations tactiques, stratégiques, des considérations de manœuvres par rapport aux divers accidents de la crise syrienne, des considérations de communication (ah, le grand mot que voilà !), – et puis, également, des considérations qui devraient être de la plus haute méditation, où, contrairement au titre choisi pour ce texte, l’Occident est sous le regard désolé des civilisations qui l’ont précédé. Il est difficile de croire encore que l’Occident, et la contre-civilisation dont elle a accouché, mérite d’avoir une telle généalogie, et quelque rapport de transmission que ce soit avec ces civilisations qui bâtirent ces cités antiques. Bien entendu, nul n’aura de peine à deviner à quel propos nous écrivons ces mots, puisqu’ils sont écrits dans ce but...
Palmyre pris par Daesh, qui est un monstre enfanté par nous-mêmes (le “nous” étant bien celui de cette collectivité dont nous faisons partie désormais complètement à notre corps défendant et dont nous nous défendons en la soumettant à une critique constante, furieuse et sans appel) ; Palmyre martyrisé par Daesh selon les normes barbares que nos activités postmodernes ont ressuscitées sous une forme terrifiante qui est celle de la narrative pulvérisant la réalité, et la réalité ainsi réduite par la “guillotine permanente” du déterminisme-narrativiste ; Palmyre, enfin, repris par les Syriens d’Assad, avec l’aide des Iraniens et du Hezbollah, et des Russes dans les airs et parfois aussi à terre, jusqu’à l’héroïsme.
Là-dessus, on doit dire, sans la moindre surprise et avec éventuellement un peu de cette indignation tant utilisée qui nous reste, qu’une fois la reconquête de Palmyre achevée, le monde officiel de l’Occident, nos grands meneurs anglo-saxons se taisent. « Pourquoi l’Occident passe sous silence la reconquête de Palmyre ? », titre RT-français le 28 mars. Nous donnons ci-dessous une partie de ce texte pour résumer le propos actuel sur l’attitude de l’Occident face à la reconquête de ces ruines témoignant d’autres civilisations... (On trouvera dans RT-anglais un compte-rendu beaucoup plus détaillé.)
« A part l’ONU et l’UNESCO, il n’y a eu que très peu de réactions internationales à la reprise de Palmyre par l’armée gouvernementale syrienne. Quand la ville antique est tombée aux mains de Daesh en mai 2015, il y avait eu de très nombreux débats sur la perte culturelle que cela constituait pour l’humanité toute entière. Mais quand on a demandé, il y a quelques jours, au porte-parole du département d’Etat américain, Mark Toner, comment il se sentirait si la ville de Palmyre était reprise, il n’a pas fait preuve de beaucoup d’enthousiasme. “La priorité est de vaincre et de détruire Daesh, cela reste notre priorité. Nous reconnaissons aussi que le remplacement du régime barbare de Daesh par la tyrannie d’Assad n’est pas une bonne solution”, avait-t-il déclaré 24 heures seulement avant la victoire de l’armée syrienne.
» Palmyre a été reprise le 27 mars et l’Occident garde encore le silence. Le président américain Barack Obama n’a rien déclaré à ce sujet. Selon le Los Angeles Times, c’est parce que les Etats-Unis ont présenté la lutte contre Daesh comme une tâche revenant à Washington et à ses alliés, accusant la Russie d’attaquer les rebelles modérés à la place des extrémistes. Le Premier ministre britannique David Cameron est, lui aussi, resté muet. [...] Le journaliste de The Independent Robert Fisk a écrit : “L’armée syrienne soutenue, bien sûr par les Ruskovs de Vladimir Poutine, ont expulsé les clowns de Daesh de la ville et nous n’osons pas prononcer un seul mot pour dire : Bien joué”.
» L’OTAN n’a pas non plus commenté la libération de Palmyre. “Nous estimons qu’il vaut mieux vous adresser aux Etats-membres de l’OTAN qui participent à la coalition internationale contre Daesh”, a répondu un responsable de l’Alliance à une question de l’agence de presse russe ITAR-TASS sur la reprise de Palmyre. Il est à noter que tous les pays-membres de l’OTAN prennent part à cette coalition et son secrétaire général, Jens Stoltenberg, a accusé Moscou à plusieurs reprises de ne pas bombarder Daesh.
» Mais il y a toutefois des exceptions. Ainsi, le maire de Londres, Boris Johnson, s’est prononcé malgré le silence de son Premier ministre. Il a loué “la clarté impitoyable” de Vladimir Poutine qui a aidé à expulser de Palmyre les djihadistes “maniaques” de Daesh. Il a ajouté que Moscou a fait paraître l’Occident comme “inefficace”. Le porte-parole du département d'Etat américain, John Kirby, a jugé que c'était “une bonne chose” que le groupe Etat islamique ait été chassé de la cité syrienne de Palmyre. “Pour répondre rapidement, oui, nous pensons que c'est une bonne chose [...] que l'Etat islamique ne contrôle plus Palmyre», a-t-il déclaré. Il n’a toutefois pas mentionné ni l’armée syrienne, ni le soutien russe. L’ancien ambassadeur des Etats-Unis en Russie, Michael McFaul, a pour sa part tweeté “Spasiba” ce qui en russe signifie “merci”, répondant à un tweet de l’ambassade de Russie. »
On lira essentiellement le texte de Robert Fisk dans The Independent pour avoir un réquisitoire complet, bien écrit et parfaitement argumenté concernant l’attitude du bloc-BAO vis-à-vis de cet événement de la non-réaction à la reprise de Palmyre par des forces dont le programme général ne prévoit pas qu’elles jouent effectivement ce rôle vertueux. Il n’y a rien, ni de grandiose, ni d’extraordinaire, dans cette attitude de nos dirigeants-Système, effectivement complètement sous l’empire du Système. On voit ici le processus du déterminisme-narrativiste jouer à plein et dénier par le silence, ou éventuellement la phrase martyrisée (lorsqu’on est porte-parole) la vérité-de-situation que représente la reprise de Palmyre par l’“axe-du-Mal” des temps courants (les 4+1 : Iran-Irak-Russie-Syrie + Hezbollah).
Le caractère de ces évènements, ou de ces “non-évènements de communication”, peut paraître extraordinaire, – un peu à la manière dont on a, ici et là, nié le rôle de la Russie durant la Deuxième Guerre mondiale lors du 70ème anniversaire de la commémoration. Mais le processus est toujours, sinon de plus en plus d’une affligeante médiocrité et il ne cesse de confirmer l’emprisonnement de tous ces dirigeants dans une logique qui les dépasse. La principale tâche des services de la communication est alors de leur dissimuler (aux yeux et à l’esprit de ces dirigeants) la médiocrité (répétons le mot) de cette attitude, son absurdité qui pourrait éventuellement apparaître aux yeux du public et le ridicule qui exsude parfois de ces circonstances. A part ces considérations presque intimes, l’épisode passera inaperçu et ne laissera aucune trace ni dans un sens ni dans l’autre. Pour la séquence en cours, et les forces effectives sur le terrain étant ce qu’elles sont, les Russes continueront à agir comme bon leur semble et à annoncer des retraits de Syrie tout en y restant pour appuyer les Syriens ; les forces d’Assad avec leurs alliés divers continueront à avancer en reprenant du territoire et de villes à Daesh ; le bloc-BAO continuera, “en bloc” comme il se doit, à ignorer officiellement tout cela et continuant, en passant et au cas où quelqu’un y croirait, d’accuser Assad et Poutine d’aider Daesh et d’être les responsables de tout ce qui n’est pas convenable dans la narrative officielle.
Ce qui est marquant avec cet épisode de Palmyre, où le silence constitue une bonne mesure de l’événement, c’est de constater combien le mécanisme du déterminisme-narrativiste, c’est-à-dire l’obligation de suivre la logique impérative d’une narrative fixée au départ, continue à agir avec toujours autant de force, mais avec de moins en moins d’effets (sinon des effets contraires, sous la forme du décompte de ceux qui ne disent rien, alors qu’ils furent si furieusement prolixes lors de la prise de cette ville historique par Daesh). De ce point de vue, il y a une usure très rapide de la puissance et du crédit des positions et de la communication des diverses personnages impliqués dans les affaires du bloc-BAO, essentiellement depuis le premier enchaînement entre la Syrie (la crise que nous désignons Syrie-I) et l’Ukraine.
Les Cameron, Hollande, Merkel, Obama & Cie commencent à être absolument usés par les nécessités que leur impose le déterminisme-narrativiste. Leur silence dans de telles circonstances, ou leurs quelques mots choisis, leur pèsent comme une charge écrasante qui les écrase. (Bien entendu, Palmyre n’est qu’un exemple, une illustration symboliquement plus forte d’une attitude courate et systématique, répétée à toutes les occasions et dans toutes les circonstances, sans le moindre scrupule ni la moindre vergogne, et cette attitude étant celle dont la lourdeur de la charge produit l’usure dont nous parlons.) Face à eux, on admettra que Poutine est dans une forme sémillante, et que même Assad, le “boucher” qui “n’aurait pas du exister”, a des allures de jeune homme. Il est temps que les pays du bloc-BAO changent de GO (disons de “Gentils-Organisateurs”, pour montrer plus de respect du à leurs fonctions).
Mis en ligne le 29 mars 2016 à 16H58
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