Philosophie de l’hyperdésordre global

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Philosophie de l’hyperdésordre global

Commençons par de l’inédit, bien dans la manière du président Trump. Depuis deux ou trois semaines flottait la prévision qu’Elliott Abrams allait occuper le poste-clef du département, derrière le Secrétaire d’État, d’adjoint au Secrétaire d’État ; il s’agit de la fonction qui permet d’opérationnaliser toutes les grandes tendances politiques du département, donc d’interférer directement entre le ministre lui-même et l’apport de sa bureaucratie... Poste-clef, poste stratégique, et Abrams, lui, accompagné d’une réputation épouvantable parmi les antiguerres. A quoi songeait Trump lorsqu’il a approuvé cette possibilité de nomination ? Voici ce que Justin Raimondo disait d’Abrams il y a trois jours :

« This possibility is less likely, however, if the more aggressive factions within the Trump administration have their way – and these elements will be strengthened and emboldened if Elliott Abrams is appointed Deputy Secretary of State, as rumored. Abrams is a hardcore neoconservative with a long record as a rabid warmonger – as well as a vicious anti-Trumper, who attacked candidate Trump as lacking character and disdained him for his “complete ignorance” of foreign policy. Although he is not the only prospective appointee – longtime State Department official Paula Dobriansky, who has served under five presidents, is also reportedly in the running – Abrams is being heavily promoted in the media, and is said to be favored by newly-confirmed Secretary of State Rex Tillerson.

» His appointment would turn the State Department into a neocon redoubt and signal that the Trump administration could very well be on its way to betraying candidate Trump’s pledge to seek out “new voices” in the foreign policy realm. Abrams, whose career started in the 1970s as an aide to Sen. Henry “Scoop” Jackson (D-Boeing), is the voice of the same neoconservative sect that drove the Bush administration to rampage across the Middle East and bring about the biggest military-diplomatic disaster in our recent history. »

Et puis hier, changement de programme, à la grande joie à peine déguisée du même Raimondo : Trump a écarté l’option-Abrams pour le département d’État. Les causes de ce revirement sont diversement présentées et appréciées, et même ramenées dans certains cas à la susceptibilité esthétique de Trump ; la première source à avoir donné l’information (CNN) fait d’Abrams un portrait bien plus nuancé que celui de Raimondo. Ainsi Abrams est-il remercié, ou “viré”, avant d’avoir commencé à exercer quoi que ce soit et l’on serait aussitôt tenté d’en tirer une leçon politique ; mais est-ce justifié, et cet épisode a-t-il quelque signification que ce soit dont l’on pourrait tirer quelque leçon que ce soit, ou bien ne s’agit-il que de désordre ?

Il est très difficile de s’y retrouver dans cet imbroglio qu’est devenu la politique extérieure des USA. L’activisme de Trump ainsi que son intérêt pour certaines matières et son désintérêt pour d’autres ne feraient-ils pas simplement que mettre en évidence le désordre latent existant sous l’administration Obama, et que seuls l’attentisme et la prudence extrême, ainsi que les thèses de ce président d’une sorte d’exceptionnalisme paresseux des USA, tenaient dans un certain immobilisme ? En un sens, ce serait disons le “désordre immobile” d’Obama qui devrait être reconnu, si l’Histoire est loyale, comme le legs le plus important que devrait nous laisser ce président.

Avec Trump, attentisme et prudence ne sont plus vraiment de mise. Ainsi découvrons-nous l’ampleur de l’hyperdésordre qui devient dans certains cas et selon une vision particulièrement disons volontariste une sorte de chaos-nouveau, qui caractérise désormais les relations internationales (et qui caractériserait également le gouvernement de Donald Trump). On identifie notamment cette situation à partir du constat de ce fait remarquable que l’on ne parvient plus à fixer un centre précis à cette “crise haute“ devenue “tourbillon crisique”, – comme auparavant, par exemple, la Syrie ou l’Ukraine... Tout est devenu désordre et substance crisique par conséquent, et cette substance crisique en quoi se sont transformùées les relations internationales se transcrit désormais en un désordre constant (hyperdésordre) où aucun des paradigmes ni aucune des références des anciennes époques, – y compris parmi les “anciennes”, celle qui va jusqu’à 2014 et la crise ukrainienne, – ne peuvent plus être être identifiés. Nous voguons sur une mer où les tempêtes se forment si brusquement et si fortement que la surface de l'eau n'est plus qu'écume mais que les vagues n'ont plus le temps de se former.

L’“avantage” (?) est que cet hyperdésordre ne peut plus être dissimulé en aucune façon parce que l’activisme de Trump ne le permet plus. Prendre les choses selon cette appréciation, c’est reconnaître d’une certaine façon que l’hyperdésordre était devenu sous Obama un fait objectif de la situation internationale, auquel la venue de Trump n’a pas changé grand’chose, – sinon de le mettre en évidence, simplement par l’effet de ses actions, par advertance en un sens. On comprend d’autant mieux cette possibilité hypothétique que la principale préoccupation de Trump, et finalement ce pourquoi il a été élu, c’est la situation intérieure des USA (America First) ; Trump ne s’intéresse aux situations crisiques internationales qu’en fonction de leurs effets sur la situation intérieure US (sur la crise intérieure US), et nullement en fonction de leur spécificité.

Ainsi est-il instructif de s’attacher à la vision que nous donne de cette situation générale un commentateur tel que Wayne Madsen, parce qu’il a en général l’habitude de nous exposer un problème en détails, souvent inédits ou de son cru, et de trancher net par un avis ferme et circonstancié, en désignant un coupable et en applaudissant la partie qu’il juge digne d’éloge (souvent la partie que nous pourrions qualifier d’antiSystème). Cette fois, dans ce texte du 10 février sur Strategic-Culture.org du 10 février, justement Madsen ne tranche pas. Il se contente d’exposer la situation des relations internationales, ou de ce qu’il en reste sous forme de l’hyperdésordre d’un colossal tourbillon crisique, et il ne cache nullement l’importance du rôle activiste et des contradictions sans nombre de l’administration Trump du côté de laquelle il s’est en général trouvé durant ces derniers mois. Madsen ne cherche même pas telle ou telle responsabilité plus ou moins cachée, notamment venue d’adversaires de Trump. Non, il s’en tient au constat, simplement à la mesure du désordre, dont il ne cherche même pas à déterminer qui en porte la responsabilité. Il décrit cela comme une sorte de phénomène de l’inéluctabilité des temps présents.

Ce qui lui importe, qui forme l’introduction et la conclusion, c’est d’observer que le Brexit et l’élection de Trump ont ouvert une période de complet désordre, de total chaos (« L’administration Trump et la rupture des liens entre le Royaume-Uni et l’Europe du fait du Brexit ont, en l’espace d’un peu plus d’une demie année, changé le monde de la période du “nouvel ordre mondial” post-guerre froide fondé sur la suprématie américaine, en un “désordre” global d’alliances meurtries réparties dans une partie d’échecs globale et multipolaire. »)... Et la seule perspective qui s’impose d’ores et déjà est l’impossibilité de revenir à la situation ancienne, qui vient de se dissiper sous la force de ces coups de boutoir (« Voilà donc le nouveau désordre mondial mais dans ce chaos, un retour à un monde multipolaire et la fin du statut de “la seule superpuissance US” constitueront une bénédiction sur le terme plus long. Pour le terme court, par contre, le chaos va plonger dans la confusion chaque ministre des affaires étrangères et chaque bureaucratie de chaque institution internationale sur tous les continents. »)

Nous ne pensons pas que cette période a commencé avec les deux événements que décrit Madsen, mais plutôt avec la crise ukrainienne qui a plongé le système de la communication dans une crise d’une puissance phénoménale à cause de la nécesssité imposée par le Système de développer un simulacre d’hostilité extrême et fondée par la vertu de notre politique à l’encontre de la Russie, avec formation en réaction d’un contre-pouvoir (antiSystème) de la communication ; et nous pensons que cette occurrence a permis au reste du désordre de se révéler exactement, au Brexit de se faire et à Trump de se faire élire. Mise à part cette précision chronologique, qui a pourtant une importance considérable en désignant l’outil principal permettant la mise à nu de cet hyperdésordre, on estimera que l’analyse de Madsen rencontre notre point de vue qui est de ne plus chercher une culpabilité donnée au niveau des activités humaines pour la situation actuelle, mais de reconnaître cette situation pour ce qu’elle est, – et en concluant, “pour le reste, je ne sais pas, sinon qu’il est bon que l’ancienne situation disparaisse” – ce qui revient effectivement à désigner le Monstre du doigt, – le Système, autrement dit “toi, le venin”...

dedefensa.org

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From New World Order to Hazy Global Disorder

The Donald Trump administration and the Brexit severance of ties between the United Kingdom and the European Union have, in a matter of a little over a half year, changed the world from a post-Cold War “new world order” based on American supremacy to a global “disorder” of altered alliances on a multipolar geo-political chessboard. In many respects, the new global disorder has also placed in jeopardy various post-World War II contrivances, including NATO, the Organization of American States (OAS), and the Australia-New Zealand-United States (ANZUS) alliance.

Every international relations textbook and playbook can be thrown away with the advent of the new global disorder. Trump has kicked off his foreign policy by introducing an incoherent foreign policy. On one hand, Trump claims he wants to partner with Russia on the war against “radical Islamic terrorism”. Yet, Trump has also indicated, through his UN ambassador Nicky Haley and Defense Secretary James Mattis, that he is committed to NATO and wants Russia to withdraw from Crimea. It is well known that the annual National Football League’s Super Bowl coordinates its patriotic military-oriented events with the Pentagon. In recent past years, U.S. troops serving in places like Afghanistan and Iraq were featured during and after the game on the host stadium’s jumbotron television screens.

The 2017 Super Bowl in Houston was different. This year the live shot of U.S. troops with the 3rd Brigade Armored Brigade Combat Team, 4th Infantry Division, was from a military base in Zagan, Poland. The Pentagon’s psychological operations specialists wanted to convey the message that under Trump, the new U.S. front lines were no longer in Afghanistan and Iraq in a war against Muslim radical insurgents but in Poland with Russia as the new «enemy». The optics simply do not match Trump’s statements about seeking closer ties with Russia.

Trump has indicated he hopes to increase the U.S. “defense” budget to accommodate a 90,000 troop increase in Army ranks; a 350-ship Navy, including new aircraft carriers at $12 billion per vessel; an increase in Marine Corps battalions from 23 to 36; and 100 additional advanced fighter planes for the Air Force. That is equivalent to an increase in the military budget from $500 billion to $1 trillion over a ten-year period.

Essentially, Trump’s national security team desires a military that can fight both Russia and China and that can be able to match every Russian and Chinese warplane, tank, and naval vessel in a battle space.

Trump and his national security team of National Security Adviser Michael Flynn, Mattis, and other war hawks are also laying the ground for a military confrontation with Iran. Team Trump has helped ratchet up tensions with Iran by authorizing the sale to Saudi Arabia of $300 million worth of precision-guided missiles and billions of dollars of advanced F-16 fighters to Saudi Arabia’s vassal state of Bahrain. These packages were suspended by the Obama administration because of Saudi war crimes in Yemen and Bahrain’s bloody suppression of its Shi’a majority. Trump is greenlighting continued Saudi genocidal aggression in Yemen’s civil war. The Saudis and Bahrainis are now being positioned by Trump to gain a military advantage over Iran. Trump’s executive order banning Iraqis with valid U.S. visas, refugee documents, and, originally, permanent U.S. resident «green cards», irritated the Iraqi government, an ally of Iran, to the point that it vowed to limit Iraqi visas for U.S. contractors and journalists. That will only embolden Islamic State and Al Qaeda irregulars fighting U.S. military forces in the country. Anything that threatens the Baghdad government is welcome news to the Saudi regime.

Trump, in a phone call with Turkish President Recep Tayyip Erdogan, emphasized close U.S.-Turkish relations. In July 2016, after an attempted coup against Erdogan, Trump, in an interview with The New York Times, praised Erdogan’s handling of the insurrection. Since the coup attempt, Erdogan has ordered the arrest and imprisonment of hundreds of journalists, military and police officers, professors, civil servants, politicians, and businessmen for allegedly supporting the so-called “Fethullah Terrorist Organization” (FETO), a pejorative term for those affiliated with Turkish exile leader and former Erdogan ally Fethullah Gulen. Gulen is currently exiled in Pennsylvania and has been under the protection of the Central Intelligence Agency. However, Flynn and others part of the Trump security apparatus favor extraditing Gulen, a political refugee, to Turkey to face trial and certain imprisonment, torture, and possibly, execution.

Trump’s dalliance with Erdogan will also jeopardize the safety of the Kurdish forces in Syria, which have been allied with the United States against the Islamic State, and the Kurdish Regional Government in Erbil in Iraq. Turkey considers the Syrian and Iraqi Kurds to be supporters of the Kurdistan Workers’ Party (PKK) and if Trump sides with Erdogan against Kurdistan it will represent another double-cross by Washington of that beleaguered unrecognized nation. U.S. Secretary of State Henry Kissinger abandoned the Kurds in the 1970s when he sacrificed their interests to the Iraqi military regime.

Trump’s chief strategist Stephen Bannon is believed to have gotten involved in an internal “civil war” within the Vatican and which saw a virtual takeover of the Sovereign Military Order of Malta (SMOM) in Rome by Pope Francis. Bannon opposes what he considers the Pope’s “socialist ways“. The Vatican may be a micro-state without a grand army, but a fracture in Vatican-Washington relations can only have a negative impact on the EU, NATO, and other traditional alliances.

Trump’s rejection of the Trans-Pacific Partnership (TPP) trade deal has thrown the Asia-Pacific region into “controlled chaos”. Mattis’s first foreign trip as Secretary of Defense was to reassure South Korea and Japan of America’s military commitment. But the abandonment of the TPP by its largest cheerleader, the United States, has provided impetus to China’s alternative trading bloc, the Regional Comprehensive Economic Partnership (RCEP). America’s longtime ally Australia, a supporter of the TPP, is now anxious to join the RCEP. Trump’s bellicose phone call with Australian Prime Minister Malcolm Turnbull over a refugee swap, has Australia incensed with Trump. While they are friendly adversaries with Australia over sports and national pride, New Zealand came to Australia’s defense in its spat with Trump. The bottom line is that the ANZUS alliance is now severely damaged but, in any event, it had long outlived its usefulness.

Other testy phone exchanges between Trump and German chancellor Angela Merkel and French president Francois Hollande also shook Euro-Atlantic bonds with Washington. Trump thundered to Hollande that the French and other NATO countries should pay the U.S. back for NATO expenditures. European Council president Donald Tusk called Trump a “threat” to the European Union.

After a meeting at the White House with Jordan’s King Abdullah, Trump shocked the Israeli government when he told Israel that it should stop announcing new settlements in the West Bank. While Trump’s rhetoric suggests that he is the most pro-Israeli president to ever occupy the White House, his mercurial attitude toward Israel has some Middle East observers wondering whether Trump’s promise to move the U.S. embassy from Tel Aviv to Jerusalem is merely window-dressing for a different U.S. policy in the region.

The venerable, but relatively staid and useless OAS, headquartered in Washington, is not likely to survive Trump’s promise to build a wall on the U.S.-Mexican border or his saber-rattling toward Cuba, which has returned to the OAS and the Inter-American political system. Latin America and the Caribbean has more worthwhile alternatives to the OAS, including the Bolivarian Alliance for the Peoples of Our America, Southern Common Market (MERCOSUR), and the Community of Latin American and Caribbean States (CELAC), all of which are free of U.S. membership and influence.

It is a new global disorder but in this chaos, a return to a multipolar world and the end of “sole U.S. superpower” status may be a blessing in the long run. In the short run, however, the chaos will confuse every foreign ministry and international organization bureaucracy on every continent.

Wayne Madsen