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209709 février 2017 – A peine imagine-t-on de faire un commentaire politique sur la campagne présidentielle française qu’un événement vient vous en dissuader, parce que cet événement bouleverse l’orientation de tout commentaire politique à ce point que l’on finit par conclure que l’on croit au retour de la politique dans la campagne lorsque la politique, ou disons ce qui en tient lieu, l’a déserté ; et l’on est évidemment aussi vite démenti car ce “retour de la politique” n’est qu’un simulacre, un false flag comme disent les comploteurs.
A d’autres moments, on l’oublie, cette campagne, je veux dire dans les moments d’accalmie de la campagne lorsqu’ils font leur vraie campagne et parlant des vrais sujets de la campagne, etc., tout ça si important et si pressant vous assurent-ils parce qu’il s’agit du retour de la politique et de la politique de la campagne, et c’est à ce moment-là que la campagne somnole et disparaît... Dans ces moments-là où, paraît-il, la politique est revenue dans la campagne selon eux, moi aussi je somnole doucement et n’ai plus rien à en dire, et je sais bien que chaque mot que je lui consacrerais me ferait disparaître de moi-même, me ferait me fondre dans la médiocrité qu’impose l’événement, le non-être que m’aurait ainsi communiqué l’événement de la campagne...
Ainsi ai-je trouvé un thème central qui transcende la campagne tout en en parlant tout de même, en plus en la liant à la campagne présidentielle des USA, d’un tout autre style mais d’une tendance similaire : cette campagne ne prépare à rien dans l’événement qui la couronne, strictement à rien sinon au désert des médiocres dans le chef de l’élection car le véritable événement n’est pas l’élection mais bien ce qui va suivre l’élection, et cela quel que soit l’élu. Aux USA, et toujours dans ce tout autre style, c’est une tendance similaire car l’on sait bien, – je veux dire qu’on devrait en être convaincu par intuition impérative, – que l’autre résultat, l’élection de Clinton, aurait provoqué des remous considérables, aussi bien dans la rue qu’à Washington D.C., comme elle en produit avec l’élection de Trump où l’on voit bien que ce qui suit l’élection de la bestiole s’impose comme bien plus important que la séquence qui a précédé. C’est-à-dire que, dans les deux cas, le français après celui des USA, la décision qui est censée imposer une phase politique de plus enchaînant sur le précédent, impose au contraire une phase de type nouveau, quelque chose de tout à fait différent après une rupture sans aucune considération pour la personnalité de l’élu(e), et alors l’élection n’est qu’une phase de rupture ou dite-rupturielle. Ainsi “le désert des médiocres” à quoi aboutissent les campagnes politiques aujourd’hui dans ces systèmes politiques en pleine dissolution d’eux-mêmes et par eux-mêmes, aussi vide que peut l’être ce vide dont la nature a horreur, “le désert des médiocres” se transforme en un bouillonnement extraordinaire qui n’indique rien d’autre que la révolte furieuse de la nature du monde.
La situation française actuelle est sans équivalent, on le dit suffisamment, l’odyssée Fillon ayant achevé d’installer le désordre, l’incontrôlabilité et l’incertitude. Si l’on prend le sondage du jour où Le Pen est en tête avec 26% et Macron second avec 23,5%, au premier tour, on a un deuxième tour avec deux candidats dont aucun ne dispose stricto sensu d’une base parlementaire nationale légitime (sans compter évidemment les ralliés de l’entre-deux), avec comme président au second tour un type pratiquement inconnu sinon des marionnettes du Système qui l’agitent lui-même (Macron) comme leur marionnette. On me dira : “Les sondages ne sont que l’instantané d’un instant et ne nous disent rien de l’issue” ; ce à quoi je renchérirais, ajoutant le simulacre de l’instantané à l’instantané, et le simulacre du sondage sur le simulacre de Macron au simulacre de l’élection : “Et en plus, les sondages se trompent et ils trompent les faiseurs autant que les exploiteurs du sondage“. Alors, peut-être que Macron disparaîtra-t-il dans une trappe dans deux semaines dans le cours de ce simulacre de campagne, inconnu des banques retournant à l’inconnu bancaire ; ou bien, l’élection acquise, en montant les marches de l’Élysée et en glissant dans cette trappe-là ouverte exactement à cet endroit-là par le destin.
Il n’y a rien pour étonner dans tout cela, après tout ; désigner une “situation française sans équivalent” comme j’écris plus haut ne signifie en aucun cas, naturellement, que je suggère de séparer la situation française du reste du monde mais que je suggère exactement le contraire, que la situations française en est exactement le similaire. Comme toutes les situations politiques dans le monde, aujourd’hui où se forment des nébuleuses, des intrigues et des perspectives également sans équivalent, la situation politique français est donc sans équivalent avec ce qui a précédé partout, et notamment en France même. Il ne faut s’étonner en rien ni trop se désabuser par la moquerie de ce qui, d’habitude, provoque étonnement et moqueries désabusés.
Je me fais à la perspective, d’une part que l’on ne saura rien de sûr jusqu’au lendemain de la veille de l’élection, au premier, deuxième, troisième tours et ainsi de suite. De ce point de vue, il y a quelque chose de burlesque, une façon de voir (d’attendre) qui, si elle est bien maniée, disons dans le bon sens comme l’on dirait dans le sens des aiguilles d’une montre, peut vous procurer une certaine jubilation presque juvénile ; il s’agit de ce spectacle, à voir tous ces garnements, je veux parler des candidats, s’agiter comme autant de pauvres grillons affolés, descendus le long du tuyau de votre cheminée et se retrouvant à grillonner follement et en tous sens pour sortir de la pièce, en se cognant contre les vitres, produisant ces stridulations si particulières et par ailleurs si chaleureuses et pleines d’empathie....
(Je le sais bien, cela nous arrive souvent. Je me suis fait une spécialité écologique et d’infiniment-ami des animaux, de saisir ces gaillards à pleines mains mais avec une infinie douceur, et en les portant prestement pour leur ouvrir une fenêtre vers la liberté. Ils en grillonnent de plaisir et d’une éperdue reconnaissance, roucoulant des stridulations presque amoureuses, car ils savent, eux, exactement ce qu’est la liberté, et pourquoi j’ai fait ce que j’ai fait à leur égard.)
Le problème, dans le cas de nos candidats, c’est justement qu’ils sont bien comme des grillons voulant sortir de la pièce et se heurtant contre des vitres, – sauf qu’il n’y a pas de vitres... Ils veulent sortir de la pièce où ils sont enfermés, encombrés et empêchés d’objets divers et contraignants, le Système, le politiquement correct, la transparence, l’éthique, la société multiculturelle, la République et la laïcité, les droits de l’homme, et ceux de la femme, et ceux des autres, tout cela aussi ferme et saisissant qu’un amas de bouillie collante et gluante, et plus impénétrable qu’une vitre à double vitrage ; et l’on n’en sort pas, et même s’ils parvenaient à franchir tous ces obstacles ils se heurteraient, vitres ultimes et ultimement infranchissables, aux songes auxquels ils se forcent à croire et auxquels ils ne croient plus simplement parce qu’il n’y a plus rien à croire...
Donc, ils sont tous comme des grillons, ils grillonnent mais sans comprendre pourquoi, ils cherchent la liberté mais, à parler vrai, ils ne savent plus ce que c’est, la liberté. Leur morne hypertranse électorale, qui déplace tant d'air inutile, est donc marquée de ce vide fabuleux, qui est pourtant organisé en maelstrom où personne ne sait plus où il se trouve ni qui il est, pendant que le gras et moelleux président-poire va consoler les victimes des violences policières et qu'il accomplit ce “devoir d’État” avec une pompe et une solennité qui dépassent celles d’un Churchill appelant l’Angleterre à résister aux hordes germaniques, qui vous laissent bouche bée lorsque vous pesez la similitude des circonstances...
(A-parte : Et l’affaire de devenir “affaire d’État” : on a les affaires qu’on peut quand on est président-poire sur le départ, quand on a l’État qu’on peut et pas plus ; là, on peut se moquer ouvertement, c’est pour ça que le président-poire est encore là où il est et je trouve que Trump devrait en faire un Secrétaire Général de l’OTAN, il y a tellement longtemps que les Français rêvent d’avoir ce sucre d’orge. C’est là un bruit qui ne court pas, une FakeNews si vous voulez, mais rendez-vous compte que l’on pourrait bien prendre cela au sérieux.)
Je pense qu’il faut s’habituer et je crois que je commence à m’habituer à une situation qui défile à une rapidité si grande, qui n’a apparemment plus aucun sens, qui n’a plus aucun sens pour notre faible raison, qui change de signification pour nos esprits épuisés à tous les instants, etc. Tout tourne, tout se chamboule, tout s’acharne à ne pas être comme on pourrait imaginer, même selon les plus audacieuses imaginations.
Le destin ne cesse de nous jouer, il nous joue en démentant tout ce qu’on peut attendre de lui, même au plus court. Le destin a pris complètement les choses en main, laissant les grillons sur le carreau, eux continuant à grillonner inutilement. Le destin est moins bonne âme que moi, il ne condescend même pas à les prendre dans ses mains pour les conduire vers la liberté ; il marmonne, le destin, et il n’y a rien à redire : “Quelle utilité puisqu’ils ignorent ce que c’est que la liberté et qu’ils ne sauront même pas qu’ils sont libres quand ils le seront ?” Il me confirme que l’élection ne compte pas, que l’élu(e) n’importe pas, que tout cela est une cérémonie de pure forme et sans conséquence opérationnelle aucune, que sa seule utilité est bien de marquer la rupture qui se sert d’elle pour se manifester, car nous entrons dans un ton et un temps nouveaux.
Assez curieusement, ou bien logiquement je ne sais, j’écris tout cela sans vindicte ni désabusement, et je vais même jusqu’à préciser, l’âme absolument bienveillante, que si je parle du “désert des médiocres”, cela n’est certainement pas que je les tienne tous pour des “médiocres” dans toutes les circonstances possibles, comme une cobdmnation sans rémission. Je n’ai rien contre eux, à vrai dire, et je crois qu’ils sont tous, comme moi-même et comme nous tous, les victimes d’une usurpation affreuse de notre destin par le Système, – simplement, la différence est entre ceux qui le savent et ceux qui ne le savent pas. Je crois encore ceci, qu’entretemps le destin, agacé au-delà de tout, a décidé, lui, de reprendre les choses en main et d’imposer à nouveau sa loi... C’est pourquoi, une fois les frasques des sapiens achevées dans l’apothéose de leur simulacre grotesque de la politique et de la démocratie, s’ouvrira une époque complètement nouvelle où nous verrons le destin dans ses œuvres. Alors, dit le Prophète (ah ah !), il se passera ce qui doit se passer, ce qui est parler d’or, et cela dont je ne sais absolument rien.
Pour votre édification, regardez ce qui est déjà en cours aux USA, où est en train de se passer ce qui doit se passer comme dit le Prophète, qui est quelque chose dont on ne sait absolument rien sauf sa nécessité. Pour cette fois, moi qui ne vote plus depuis le premier et seul vote de ma vie, aux présidentielles de mai 1969, je suis bien aise d’être dans cette résolution de ne pas voter, dans le sens où je me trouve confirmé dans ce choix qui était au départ complètement inconscient, paresse, laisser-aller, inattention, indifférence, et sans doute au fond de moi dégoût et complète incroyance dans les entraînements civiques dont j’avais vu la démonstration pour l’Algérie entre 1958 et 1962, où mon propre sort fut réglé par leurs votes... J’aurais ainsi vraiment l’impression d’assister à la vanité de la pompe démocratique, à son échec, enfin et pour terminer sur la note de l’espérance à un spectacle où je ne dois pas intervenir, pour ne rien gâcher de la mise en place de la nouvelle et gigantesque ordonnance des choses selon des lois mystérieuses qui nous dépassent à mesure, gigantesques elles aussi, et mon rôle étant nécessairement et fondamentalement celui de la perception objective et du rapport que j’en puis faire...