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601011 mars 2019 – Je trouve que cette chronique de l’inimitable Orlov tombe à pic : « Pourquoi les capitalistes détestent-ils les socialistes ? » On parle ici des vrais socialistes, n’est-ce pas. Il n’est pas question d’évoquer les “socialistes”, sociaux-démocrates européens, les plus zélés porteurs d’eau-friquée des capitalistes qu’on puisse rêver. (Par exemple, présenter Attali comme “socialiste-historique-mais-réaliste”, et mourir de rire...)
Orlov parle simple, plein de bon sens commun, avec des questions directes, et des réponses qui le sont tout autant, tranchantes et sans répliques à force de simplicité. Les employés-Système défenseurs du capitalisme qui vous décrivent avec horreur ce qui pourrait arriver si l’on songeait au socialisme, ont le cul posé sur un amoncèlement formidable de catastrophes, d’incendies, d’entropisation épouvantables, de “là où il passe l’herbe ne repousse pas” qui représentent ce qui arrive effectivement, non pas lorsqu’on songe au capitalisme mais lorsqu’on applique notamment et particulièrement depuis bientôt quatre décennies, le capitalisme neocon intégral, sans frein ni limites, sans restriction ni mesure.
Le socialisme pourrait être une formule économique contestable sinon détestable, le capitalisme est la seule formule économique qui vous garantit sans devis nécessaire la destruction du monde par entropisation. C’est vrai que le socialisme enfourché par des exaltés-froids-et-extrêmes comme un Lénine vous emporte dans des déviations catastrophiques dont on a tant de mal à se relever ; sans nécessité de personnages historiques de cet acabit (ni Thatcher-la-ménagère ni Reagan-l’acteur-de-série-B n’arrivent à la cheville de Lénine du point de vue de la dimension historique), par simple formatage de la pensée comme l’on voit dans une religion de zombieSystème à la spiritualité-lobotomisée, le capitalisme vous plonge sans que vous ne vous aperceviez de rien dans le terrible trou noir de l’entropisation du monde dont nul jamais ne revint...
Cela, cette introduction est pour dire que je me suis surpris à découvrir chez moi des réflexes qui me font bien réfléchir. Face à l’attaque contre le socialisme qui a lieu aujourd’hui, notamment chez ceux aux côtés desquels je me suis souvent retrouvé dans la bagarre antiSystème, bagarre essentiellement aux USA à cause de la montée du courant socialiste chez les démocrates et à cause de la mise en cause féroce, à la façon des tueurs du crime organisé, contre le régime vénézuélien du “chavisme”, je me suis retrouvé en mode défensif ; appuyé, bien-heureusement d’ailleurs, sur l’argument que tout ce qui est antiSystème est bon, sans plus chercher à discuter sur le terrain de la valeur du socialisme. Il se trouve qu’Orlov, avec sa simplicité et son ironie, me conduit à réfléchir à ce propos.
Et ma réflexion donne ceci : à côté de l’argument “tout ce qui est antiSystème est bon”, il y a l’argument que développe Orlov, selon lequel tout simplement, le capitalisme étant le pire de ce que le Diable peut concevoir puisqu’il recherche la destruction du monde par entropisation, le socialisme est par définition “moins pire” que lui ne serait-ce que parce qu’il s’oppose à lui. Cela signifie que non seulement “tout ce qui est antiSystème est bon”, mais que ce “tout” peut avoir des vertus par lui-même, et que c’est pour cette raison, dans cette circonstance-là, qu’il est antiSystème.
Le socialisme tel que le définit simplement Orlov est-il tellement différent du souverainisme et du populisme, dès lors qu’on oublie sa dimension “supranationaliste” qui a été enterrée avec l’URSS et le communisme ? « ...[U]ne fiscalité progressive, l’insistance mise sur la propriété publique des grandes institutions et la part importante de l’État mise dans les entreprises publiques stratégiquement importantes », cela n’est-il pas un programme qui sied aux souverainistes et aux populistes ? Et d’ailleurs, ne sied-il pas aux gaullistes de la même façon ? Et aux Gilets-Jaunes, idem ? Ce que je constate pour mon compte, ce que je confesse pour dire plus juste et plus loyal, c’est d’avoir été mis sur la défensive par la doxa capitaliste sur le cas du socialisme, alors que, tout en étant toujours et plus que jamais dans le mode “tout ce qui est antiSystème est bon”, je devrais être au contraire dans une posture complètement offensive. La leçon doit être retenue : on est et on reste toujours plus vulnérable qu’on croit à l’extraordinaire pilonnage de déterminisme-narrativiste constamment alimentée par l’artillerie nucléaire du Système, et il faut toujours s’en défier ; et au-delà, il faut toujours être prompt à exploiter tout ce qui peut jouer un rôle antiSystème, quelles que soient l'étiquette et les origines...
Maintenant, venons-en au cas du socialisme qui monte aux USA, comme le dit également Orlov et comme on ne manque pas de le souligner sur ce site, dès que l’occasion s’en présente. Je prends ici le cas de la jeune et pétulante AOC (Alexandria Ocasio-Cortez). Après tout, lorsqu’elle s’écrie hier, au Texas, devant une assemblée de spécialistes et d’experts des techniques capitalistes de marketing, de la technologie avancée, de l’“influence” des médias sociaux, etc. : « Le capitalisme est une idéologie du capital, – le plus important est la concentration du capital et la recherche de la maximisation des profits ... pour moi le capitalisme est irréformable ! », et cela sous les sarcasmes de ZeroHedge.com qui me fournit habituellement tant d’arguments antiSystème, – eh bien, je suis du côté de AOC, et je crois que nombre, très grand nombre de Gilets-Jaunes le seraient également.
Tout comme certaines de ses copines de la Chambre, tout comme le vieux Sanders, AOC s’est refusée à condamner sans condition ni appel Maduro c’est-à-dire à approuver l’aventure du moustachu Bolton, bouffonne et abracadabrantesque, illégale et monstrueuse, de l’attaque du Venezuela à l’aide de la marionnette de circonstance. Est-il utile de poser la question de savoir de quel côté je me situe par rapport à cette position ? AOC, tout comme Omar ou Tlaib, tout comme Gabbard d’une autre façon beaucoup plus clairement affirmée, – toutes des filles, vous l’avez noté, – sont sur la pente de l’opposition à ces entreprises extérieures. On l’a déjà signalé cela, elles tendent à être le contraire des Harpies de Hillary-Obama, même si elles sembleraient en découler complètement....
(On a déjà senti le vent de boulet lorsque Omar a mis les pieds dans le plat il y a trois jours en disant qu’Obama ne valait pas mieux que Trump, qu’il tuait des gens par drones interposés, qu’il traitait les migrants aussi mal que Trump, etc. Elle a rétropédalé le lendemain, sous des pressions diverses dont celles du caucus afro-américain qui l’avait soutenue à la Chambre contre Pelosi et contre les petites mains de l’antisémitisme, qui a défendu fermement son intouchable idole et a demandé un renvoi d’ascenseur illico.)
Il y avait ces observations dans le texte du 16 février 2019, qui était des Notes d’analyse sur “les filles du Congrès” : « Le titre est un peu leste sinon provocateur mais que les féministes-guillotineuses se rassurent et rengainent leurs lames tranchantes. Il s’agit tout de même de trois jeunes femmes [AOC, Omar, Gabbard] dont aucune n’atteint la quarantaine, toutes trois démocrates, toutes trois venues d’une “minorité” et parlant haut et fort, pas vraiment ou complètement féministes toutes les trois même si certaines le sont, mais qui, dans certains de leurs actes, après tout font beaucoup pour “la cause des femmes” ; trois jeunes femmes représentant par conséquent une nouvelle génération de la politique washingtonienne, et une politique “nouvelle” dans tous les sens du qualificatif. C’est-à-dire qu’à les considérer, au côté des mâles de toutes les couleurs et tremblant de trouille, et malgré la considération défavorable qu’on peut avoir pour cet production de la postmodernité, – surprise, surprise, – on se dit qu’il y a du bon dans ce qu’il y a de pire... Ces trois jeunes femmes ne sont pas moins que trois Congress(wo)men, c’est-à-dire membres de la Chambre des Représentants des États-Unis. »
Je voudrais compléter ce passage à la lumière d’une réflexion prolongée et à la lumière de diverses déclarations et prises de position depuis, des unes et des autres, mettant en évidence la montée explosive des contradictions internes du Système entre l’avancée des moyens sociétaux (féminisme, “diversités de couleur”, progressisme, etc.) mis en œuvre par le Système pour un but de déstructuration, et la politiqueSystème qui est poursuivie. Nous sommes entrés dans le domaine où les outils de déstructuration du Système agissent contre la structure subversive et invertie du Système, en attaquant aussi bien la politique belliciste que le capitalisme lui-même dans ses caractères de rapacité et de financiarisation inégalitaire, notamment au nom du “socialisme“,comme Orlov lui-même le décrit. Bien entendu, la droite classique se récrie, avec les conservateurs à l’intérieur du Système préférant “conserver” le Système dans sa logique déstructurante que profiter de cette opportunité d’autodestruction, au nom de l'hostilité au “gauchisme” ; et la “droite classique” se retrouvant complètement à front-renversé, objectivement en soutien du Système et de la modernité, objectivement contre la Tradition, encore plus attristant que “la droite la plus bête du monde”. (Voir ce que Valeurs Actuelles écrit de ces gauchistes démocrates).
La vérité-de-situation, je la verrais dans ceci que cette “nouvelle génération” née du féminisme et de la diversité, spécifiquement aux USA, est en complète rupture avec la génération pseudo-“féministe” qui l’a précédée, à savoir les Harpies de Hillary-Obama qui applaudissaient à la liquidation ignoble de Kadhafi dans les conditions qu’on sait (« We came, we saw, he died »), aussi bien qu’au coup d’État de Kiev de février 2014. LesHarpies de Hillary-Obama n’étaient que des bonnes femmes qui se prenaient pour des mecs ; la “nouvelle génération” concerne des jeunes femmes qui se retournent contre les mecs, et il se trouve qu’en l’occurrence “les mecs” c’est le Système. Voilà où l’occurrence est bonne et inutile d’argumenter au-delà à propos du féminisme.
En effet, je suis hors de la bataille du féminisme par refus catégorique d’engagement, dans une bataille qui mêle les hystéries paroxystiques, les hallucinations, les souffrances, les manipulations, le besoin de justice et le goût de la terrorisation des autres (*) ; par refus catégorique d’engagement, enfin, parce que je ne m’engage en rien dans aucun de ces combats de la postmodernité, dont je sais qu’ils ne débouchent en eux-mêmes sur rien et ne produisent que des cocus à la chaîne si l’on ne va pas à la source, – c'est-à-dire la postmodernité elle-même, la modernité, le Système, le “déchaînement de la Matière”. En attendant, laissez-moi identifier et goûter les fruits délicieux de la surpuissance accouchant son autodestruction, de la surpuissance accélérant son autodestruction, car là c’est bien “aller à la source”. Les dieux appuient là où ça fait mal, car les dieux sont en charge des événements du monde. Le binôme “féminisme-diversité” se retourne contre le Système qui l’a enfantée, exigeant de pousser la logique à son terme, hostile plus ou moins ouvertement à l’influence de l’AIPAC et à l’attaque contre Maduro, criant sa haine du capitalisme, faisant valser les étiquettes...
Valsez les étiquettes ! Droite, gauche-gauchisme, démocrates et républicains, Soros à toutes les sauces, tout cela ne vaut plus rien de ce qu’on croit y lire... Qu’importe, l’essentiel est que le désordre poursuit sa marche destructrice à l’intérieur du Système et les apôtres du “nouveau-monde”, qui barbotent dans l’ancien, qui ne s’aperçoivent de rien.
(*) On notera pour l’esprit de la chose ces mots de la fantastique joueuse de tennis, la tchécoslovaque Martina Navratilova (fin des années 1970), lesbienne affichée de l’origine mais qui n’entend pas suivre les folies des extrémistes du domaine, qui l’a dit à plus d’une reprise, qui en a essuyé insultes et condamnations malgré son statut, et qui observait hier que ses accusateurs lui rappelaient ces « communistes qui essayaient de me faire taire il y a 45 ans », en Tchécoslovaquie. Ainsi est bouclée la boucle de la terreur, et l'on se retrouve en terrain de connaissance.
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