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229718 novembre 2016 – Une dynamique du système de la communication aux USA est en train de créer une nouvelle vérité-de-situation : une menace de “révolution de couleur” qui ferait référence à la couleur pourpre (“révolution pourpre”, et l’on voit plus loin l’importance de cette couleur). Nous parlons de la “création d’une vérité-de-situation” dans la mesure où le système de la communication diffuse divers éléments, à la fois des événements, des manifestations de symboles utilisés comme tels dans un but de communication révolutionnaire, enfin des supputations précises qui, rassemblés très rapidement et transmutés par leur intégration instantanée grâce à la rapidité du processus, tendent effectivement à créer une situation nouvelle. La puissance du processus de la communication impressionne radicalement la psychologie jusqu’à transformer la perception et ainsi faire affirmer par celle-ci l’existence du facteur révolutionnaire, – ou bien réaliser cette existence jusqu’alors dissimulée, – et nous conduit à parler d’une vérité-de-situation.
Nous parlons aussi bien de la perception créée par la campagne présidentielle et le choc formidable de l’élection de Trump, par l’attitude de la campagne Clinton et par les divers incidents anti-Trump relevés depuis le 8 novembre dans le sens d’une contestation non-constitutionnelle à tendance inconstitutionnelle (voir le 15 novembre : désordre dans les rues, pétition pour les Grands Électeurs, courant sécessionniste). Cette interprétation révolutionnaire est dans nombre d’esprits, sous diverses formes et exprimée publiquement, par les voies diverses de la communication. On en relèvera ou on en rappellera quelques signes...
• On relèvera cette réponse à une interview de Figaro-Vox du 11 novembre, du professeur Michael C. Behrent, Docteur de la New York University, professeur d'Histoire à l’Appalachian State University de Boone en Caroline du Nord. La réponse est extrêmement engagée sur les causes du climat qu’elle décrit, au point qu'on peut plaider l'inversion dans le chef de tous les éléments mentionnés, indiquant la tendance de l’opinion de Behrent, très courante dans le monde universitaire. Cela montre que l’hypothèse révolutionnaire est présente également, et d’une façon ouverte, dans les esprits progressistes-Système qui entendent présenter l’apparence d’un jugement objectif ; pour le cas, effectivement, le jugement pourrait se révéler objectif malgré toutes les torsions qu'il fait subir aux événements.
« ....Je crois que c'est fort probable. Le fait que Trump a remporté les voix électorales et Clinton les voix populaires veut dire que chaque côté va se considérer comme le “vrai” gagnant. Sans doute plus qu'à aucun moment de l'histoire américain depuis la Guerre de Sécession, chaque parti estime que l'autre représente non seulement une politique néfaste, mais une menace existentielle pour le pays. Le fait que Trump a semblé encourager un soulèvement populaire au moment où l'on croyait encore à une victoire de Clinton va sans doute désinhiber les anti-Trump, surtout les jeunes et les minorités raciales. Les tensions raciales qui se sont manifestées depuis les événements de Ferguson en août 2014 et qui ont motivé des mouvements comme Black Lives Matter vont s'approfondir. Trump n'est pas particulièrement connu pour ses talents de conciliateur, alors que les démocrates et l'establishment républicain sont acéphales. Le pays se trouve dans un climat très délicat, potentiellement dangereux. »
• Il y a l’avis extrêmement alarmiste de Martin Armstrong, ce fameux économiste atypique qui travaille depuis des décennies sur des modèles prévisionnistes à partir de son travail informatique. Son message a un titre tonitruant qui illustre bien une autre obsession (chacun la sienne) propre à une droite US qu’on qualifierait de manière ambiguë d’à la fois américaine et américaniste, concernant le spectre de la Red Scare vieille de quasiment un siècle : « La nouvelle Révolution Américaine Communiste ? ». Le texte est très court, où Armstrong donne sa réponse à un lecteur (LB) lui demandant la prévision de sa prospective informatique, qui avait déjà annoncé la victoire de Trump : le président-élu va-t-il être destitué ou sera-t-il forcé à démissionne ? « Qu’est-ce que prévoit votre ordinateur et quelle est votre opinion ? »
« No. Trump cannot be impeached. There is an attempt to create a socialist revolution in this country led by the youth and Obama and Hillary seem happy with that. This is a very dangerous situation and the computer does show rising civil unrest. The Democrats seems to be intent on burning down democracy if they do not win. I have never seen this get so out of hand in my lifetime.
» There is a lot of evidence surfacing showing that these protesters are being paid by organizations alleged to be funded by George Soros, which is why Hillary remains silent. Adds recruiting these people are appearing on Craig’s List around the country. Clearly, this is an anti-democratic movement to reject the election and take government in a unilateral move producing anarchy. We are spiraling toward civil war if this is not stopped. Between now and January, this may get serious. »
• L’événement annoncé par Politico.com du 14 novembre, pour « un grand conseil de guerre des grands milliardaires et donateurs progressistes de Democracy Alliance [DA], Soros en tête, ce prochain week-end, pour mettre au point une stratégie de subversion totale », est de plus en plus appréciée dans ce sens : une puissante organisation subversive, élaborant à ciel ouvert des plans de subversion pouvant, sinon devant être interprétés comme ceux d’une révolution. (Qu’elle soit “colorée” ou non n’importe plus guère dans ce cas tant est forte la perception d’une préparation à ciel ouvert qui conduit à effacer de plus en plus l’apparence de spontanéité caractérisant cette tactique subversive, l’apparence “douce” de la simple protestation populaire pseudo-démocratique, d’ailleurs largement écornée par les conditions de la pseudo-“révolution de couleur” du Maidan, en Ukraine, devenue un “coup d’État” classique dans sa violence en février 2014.) Infowars.com du 16 novembre, comme divers autres médias-antiSystème, présente cette réunion de DA comme la préparation et la planification d’une “guerre contre Trump”, avec mobilisation des organisations adéquates pour le début de 2017. D’ores et déjà, et sans présumer de ce qui se passera d’ici le 20 janvier 2017, ce jour de la prestation de serment du président Trump se présente comme un point symbolique de la possibilité du basculement de la situation US dans une véritable guerre civile.
• Enfin, nous mentionnons comme un point caractéristique cette question symbolique du choix de la couleur pourpre qui semble dans nombre d’esprit pour qualifier cette “possibilité de révolution”, en restant dans le registre de la “révolution de couleur” mais exprimant directement la forme symbolique d’une situation politique radicale. La pourpre est effectivement bien plus qu’une couleur, comme nous l’explique de façon satisfaisante le Wikipédia approprié :
« La pourpre est une teinture rouge violacé profond d'origine animale, découverte par les Phéniciens ou les Égéens. C'est un des éléments culturels majeurs de l'Antiquité méditerranéenne, poursuivi jusqu'à nos jours dans le vêtement des cardinaux des églises catholiques romaine et anglicane. [...] La pourpre désigne, par métonymie, un vêtement associé à une fonction. “La guerre est une pourpre où le meurtre se drape”, écrit Victor Hugo. La pourpre romaine n'est pas une couleur, mais un vêtement et une dignité, celle de cardinal dans l'Église catholique romaine. La pourpre signifie la puissance et la richesse, ou leur apparence, comme dans l'expression “les ors et les pourpres”. [...] À Rome, c'est le symbole du pouvoir : la largeur de la bande pourpre (ostrum), portée sur la toge (clavus), et la couleur plus ou moins vive des vêtements rouges indiquent le statut social du porteur du vêtement (voir laticlave, angusticlave). Seuls les imperatores portaient des vêtements entièrement teints de pourpre... »
La pourpre (“purple” en anglais, comme la chose est effectivement désignée, mais pour être précis puisque cela se passe aux USA, “deep purple” qui en est l’équivalent en anglo-américain), était présente chez les Clinton (tailleur d’Hillary noir avec des revers pourpre, cravate de Bill) lors du discours d’“adieu de campagne” d’Hillary à son équipe. Si l’on comprend bien la signification du symbole et si on en accepte l’expression politique, cela signifierait bien “nous avons perdu une bataille, pas la guerre”, et “continuons le combat”... Cette interprétation n’aurait rien pour surprendre ou choquer si l’on a à l’esprit les tendances ésotériques désormais largement connues d’Hillary Clinton, ce qui irait parfaitement avec le mélange de couleur de la pourpre et du noir du très-élégant (sans ironie aucune) tailleur qu’elle portait dans la matinée de ce 9 novembre ; symbolisation par ces couleurs, aussi bien du rappel du vêtement de la hiérarchie chrétienne que de la réunion d’une couleur impériale et d’une couleur symboliquement satanique ; on a de l’espace pour nourrir l’interprétation... On notera donc sans surprise que l’interprétation est complètement acceptée par Armstrong sur le blog de son site, le même 16 novembre, et aussitôt transformée en prospective politique (bien sûr, justifié en cela par tant d’autres signes, constats, faits politiques en ce sens) :
« USA Today showed this photo by Olivier Douliery, it portrayed the color purple as the very words handed to them by Clinton, Inc.: “Purple is the blend of red and blue. It’s one of three colors of the suffrage movement. And it has deep ties to Christianity.” Purple was the color of royalty. Nobody but the Roman emperor was allowed to wear clothing of purple. In the Catholic Church, during Lent, the priests wear purple to symbolize Christ is King. So why did the Clintons suddenly wear purple? Were they bowing to democracy yielding to Trump? Her words did not reflect that in the least.
» Nonetheless, while there is great speculation that this is the end of Clinton, Inc. and there goes the speaking fees and the billions of dollars donated to the Clinton Foundation by foreign governments, it would be wrong to count Hillary out right now. The word from behind the curtain is that Hillary is far too vindictive to go quietly into the light. She will rage against the loss of her influence that she has capitalized on for so long. »
Armstrong termine cet texte commencé dans le symbolisme par les constats de prospective informatique à partir des modèles fameux qu’il a créés et qui se sont avérés souvent très utiles, jusqu’à intéresser les autorités de la communauté du renseignement US. Bien évidemment, les constats qu’il fait ici s’accordent avec ses prévisions plus précises selon lesquelles 2017 sera l’année de “l’entrée dans le chaos” avec quatre élections successives (Brexit, USA-2016, France, Allemagne) portant un coup fatal à la légitimité de l’État... Voici donc Armstrong avec sa petite pendule informatique, cherchant et trouvant l’avenir du foyer révolutionnaire que sont en train de devenir les USA. L’avenir ? En fait, comme disent les publicitaires heureux de ce temps postmoderniste qui est en train de s’effondrer dans ses cahots d’autodestruction, “l’avenir c’est aujourd’hui”...
« There is something that has disturbed me very deeply. The Clintons took the White House on January 20th, 1993. The benchmark frequency derived by the computer on their cyclical ups and down was 23 units. It was precisely on time for 2016 to lose for that was 23 years from 1993. However, we will now have a 3 year reaction with the Clintons and that means Hillary will be extremely vindictive and do everything in her power to overturn Trump for the next election even if she does not run, which cannot be ruled out. The Democrats are proposing Michele Obama for President in 2020 and there has been talk of putting Chelsea Clinton forward to keep the Clinton Inc donations rolling in.
Any way we slice this, it appears the Democrats want to forcibly foster a socialist revolution. If they cannot inject their policies to suppress those who produce, they will do so by whatever means are at their disposal. So just keep an eye out for this trend over the next three years. This is why both Obama and Hillary are silent with the violent protests. This is precisely what our War Model has been warning. Everyone thought it would be the right-wing if Trump lost. They overlooked the left-wing and their efforts to brainwash the youth to do a takeover of government. »
... On observera pourtant, en complément de ce qui précède et comme pour mettre un bémol à ces nouvelles tranchantes, qu’Hillary Clinton, montrant une apparence physique dévastée par la fatigue et la tension de la campagne, a fait une première apparition (depuis le 9 novembre) avant-hier au gala du Children’s Defense Fund, déclarant notamment : « Maintenant, je dois reconnaître que la décision de venir ce soir n’a pas été une chose très facile pour moi. J’ai connu plusieurs moments cette semaine où tout ce que je voulais faire était de rester enfermée chez moi avec un bon bouquin et nos chiens et ne jamais plus quitter ma maison... » Son attitude de lassitude, de retenue, de tristesse et de complète discrétion sur les questions de polémique politique rendait un son étrangement humain, – étrangement par rapport à ce qu’on vient d’en dire ci-dessus. Il nous importe de relever ce trait, un détail certes mais le diable, ou le bon Dieu selon les Français, se trouve dans les détails, surtout pour une personne qui tient un rôle si important dans ces événements aux USA.
Ce qui nous importe de noter est que tous ces personnages gardent une dimension humaine, par opposition avec des attitudes de rage et de fureur, qui forme un contraste singulier, qui s’exprime bien sûr dans des moments dépressifs. Nous sommes conduit à offrir une explication psychologique renvoyant à nos appréciations sur l’aspect maniaco-dépressif des directions-Système, l’épisode maniaque dominateur étant celui du déchaînement, l’épisode assez rare sinon très rare de la dépression étant le retour à une vérité-de-situation temporaire. La conclusion opérationnelle pour notre propos est que ces dirigeants-Système, dans ce cas les anti-Trump qui sont par définition à la fois serviteurs et otages du Système, sont poussés par des forces déstructurantes et dissolvantes qui les dépassent, les entraînent et les conduisent à surenchérir dans le sens déstructurant-dissolvant, avec des moments ou des instants assez rares de lucidité dépressive, d’épuisement, de lassitude, etc., qui marquent pour eux-mêmes l’inconsciente horreur d’être dans cette servitude. (Peut-être certaines de ces créatures échappent à cette faiblesse passagère ? Soros, s’il est vraiment le diable ? Mais non, ce n’est qu’une métaphore...) Plus que jamais, c’est bien au niveau des grandes forces métahistoriques que se joue la tragédie du monde.
Ainsi jugera-t-on logique qu’au-dessus de tout cela domine une impression indéfinissable mais très-puissante d’inéluctabilité de l’affrontement, en même temps que l’extraordinaire contradiction qu’on pourrait juger double qu’implique une attaque révolutionnaire contre les structures du Système par ceux qui représentent le Système et veulent le départ de Trump parce qu’il est antiSystème, et cela avec l’aide d’une minorité dissidente de gauche qui s’est toujours dite furieusement antiSystème et qui se trouve dans ce cas alliée à l’establishment et au Système. (Nous nous sommes tant aimés, unis comme nous étions du temps de GW Bush, contre le Système.) En effet et d’une façon inéluctable, quoiqu’en veuille cette élite-Système, dans le climat de pression, de tension, de démence dans la communication que l’on connaît, dans la situation de l’impossibilité de se débarrasser d’un homme (comme l’on fit de Nixon avec le Watergate), une attaque contre Trump est malgré tout une attaque contre les structures du Système, par le biais d’une mise en cause du processus central du “centre du centre” qu’est Washington, c’est-à-dire le processus d’accession au pouvoir suprême.
Dans les conditions qu’on voit se développer de ces contestations à la fois sans fin et sans but, rétribuées par des espèces sonnantes et trébuchantes ou suscitées par des encouragements simplistes donnés à des esprits infantilisés par le Système, de ces contestations qui se nourrissent d’elles-mêmes, qui s’attaquent à toutes les formes structurées d'autorité, de légitimité et d’ordre du pouvoir politique, ce n’est pas la forme de l’émeute, ce n’est pas celle du “Coup”, etc., qu’il faut envisager mais bien celle de la “révolution”, c’est-à-dire la tabula rasa. On ne peut pas se débarrasser d’un homme (Trump) sans se débarrasser du reste. La “révolution”, c’est 1789 ou 1917, et chaque fois c’est l’effondrement d’un système entier, du régime, de ses mécanismes, de ses bureaucraties, etc. Il ne suffit pas de guillotiner Louis XVI ou de liquider Kerenski, il faut détruire un monde, – c’est-à-dire, pour notre époque, “il faut détruire un système”, – c’est-à-dire, pour notre propre compte, “il faut détruire le Système“ (Delenda Est Systema). (Le paradoxe se poursuit...) L’on arriverait alors, tant le temps accélère et se raccourcit à la fois, mélangeant son présent et son futur sans doute pour se libérer et retrouver l’avenir vrai, l’on arriverait à ce que la terrible maxime de “la Révolution dévore ses enfants” qui suppose que le festin se fasse une fois la Révolution installée, se contracte jusqu’à dire que ses enfants sont dévorés en même temps qu’ils ont installé la Révolution supposée les enfanter, et même qu’ils sont dévorés par la Révolution en même temps qu’ils font la Révolution et parce qu’ils font la Révolution.
Cela est dit au conditionnel, – et il faut insister sur cette forme conditionnelle du discours, – pour les anti-Trump, les Soros, les époux de la “Pourpre-Clinton” et tout le reste qui vocifère dans les rues, qui “shit-in” dans les campus (adaptation du style années-soixante à la postmodernité, sans doute style AC [Art Contemporain]), qui pétitionne et ainsi de suite, et minant ainsi le Système alors que le but de la manœuvre générale est de débarrasser ce Système d’un antiSystème imposteur. En face, l’on s’occupe de former un gouvernement dans une Trump Tower qui est comme une forteresse assiégée, dans un environnement sécurisé extraordinaire jusqu’au point où la 5ème Avenue, la plus prestigieuse voie impériale et les Champs-Elysées de New York, est barrée à une occasion ou l’autre pour la protection de la Trump Tower.
Nous dirions à ce propos que nous croyons fort peu, dans les conditions qu’on décrit, à l’idée même d’une “présidence normale” de Trump, y compris une présidence à tendance autoritariste du type-État-policier, – lequel n’a pas attendu Trump pour se constituer, depuis le Patriot Act accouché par GW et le Congrès unanime à une voix près, démocrates enthousiastes compris, et choyé depuis ô combien par Obama... (Ces dernières précisions, comme avis pour la gauche dissidente et antiSystème ralliée par enchaînement diabolique au Système par crainte de la “dictature”.) Nous croirions plutôt volontiers que Trump, qui a fait l’essentiel de son travail avec la rupture qu’il a imposée au Système, dériverait plutôt dans l’enlisement et surtout, ou plutôt selon les conditions qu’on décrit, dans le désordre qui est d’ailleurs une forme d’enlisement mais pour les processus humains tandis que les événements progressent. (L’option “Gorbatchev américain” est toujours dans nos cartons, mais l’espoir que nous y mettons est bien maigre, si maigre, et ce que nous écrivions le 10 novembre est de plus en plus à l’ordre du jour : « C’est un programme colossal, d’une audace extrême, au point qu’on peut se demander si l’on ne décrit pas un idéal d’action politique pour temps de la Grande Crise impossible à réaliser... »)
Ajoutons bien entendu qu’il y a l’extérieur, le Rest-Of-the-World, essentiellement sinon exclusivement le bloc-BAO, qui s’est réveillé de sa stupeur horrifiée pour agir selon l’élan d’une panique incontrôlable. Dans ce cas, l’Europe déploie toute l’abyssale stupidité dont sa grande intelligence civilisationnelle mise en mode invertie est capable de susciter. Ce qu’il y a d’unique dans la situation présente, c’est que les USA, caractérisés jusqu’alors, et particulièrement depuis la chute du Mur et 9/11, par l’expansionnisme exacerbée de son impérialisme belliciste tournant dans tous les sens jusqu’à tourner sur lui-même, soudain se tournent vers l’abysse de leurs paniques intérieures. A ce point et dans ces conditions, la cohorte des vassaux et des serviteurs du Système (le bloc-BAO) ne sait plus à quelle chaîne se nouer devant le spectacle incroyable de voir les USA se révolter contre le Système ; ils sont donc capables de toutes les sottises, et notamment celles de souffler, par inadvertance, inconscience, aveuglement, impatience, exaspération, etc., sur l’incendie qui gronde au cœur du Système, aux USA et au “centre du centre”.
L’extérieur n’est plus l’arme-maîtresse des USA, il n’est même plus dans ses préoccupations. Le rôle qu’il joue, dans la mesure où nul ne songe à profiter des troubles américains pour se constituer en Ennemi triomphant et menaçant la superpuissance aux abois, ne s’approchera jamais d’un de ces périls extérieurs dont on pourrait espérer qu’il suscitât la réconciliation intérieure sous forme de mobilisation. Ainsi le désordre intérieur est-il aujourd’hui la maître de l’Amérique, dans une situation où la montée constante et constamment très rapide aux extrêmes interdit toute entreprise de réconciliation. Mais l’Amérique, Obama nous l’a dit tant de fois avec son “exceptionnalisme”, est un pays qui n’est semblable à aucun autre ; c’est pourquoi l’“idée de la révolution” qui est dans tous les esprits restera une “idée”, et que, selon l’image évoquée plus haut (“dévorés par la Révolution en même temps qu’ils font la Révolution et parce qu’ils font la Révolution”) deviendra finalement : “dévorés par l’idée de la Révolution en même temps qu’ils émettent l’idée de la Révolution et parce qu’ils émettent l’idée de la Révolution”. L’Amérique est en quelque sorte a-révolutionnaire, cela démontré par la première Révolution de 1776-1784 (nom officiel et déjà faussaire donnée à la Guerre d’Indépendance) que le fin et très-lettré Jacques Barzun, Français expatrié aux USA et devenu un des grands maîtres de la critique et de la philosophie de l’art, créateur d’une discipline académique aux USA (“Humanities”, ou “Literature Humanities”), définit ainsi dans son superbe et colossal From Dawn to Decadence — 500 Years of Western Cultural Life, de 1999 :
« S’il y en avait un, le but de la Guerre d’Indépendance américaine était réactionnaire: “Le retour au bon vieux temps!” Les contribuables, les élus, les marchands et négociants, les propriétaires voulaient un retour aux conditions existantes avant l’établissement de la nouvelle politique anglaise. Les références renvoyaient aux droits classiques et immémoriaux des Britanniques : autogouvernement par le biais de représentants et d’impôts garantis par les assemblées locales, et nullement désignées arbitrairement par le roi. Aucune nouvelle idée suggérant un déplacement des formes et des structures du pouvoir – la marque des révolutions – ne fut proclamée. Les 28 affronts reprochés au roi George avaient déjà été souvent cités en Angleterre. Le langage de la Déclaration d’Indépendance est celui de la protestation contre des abus de pouvoir, et nullement celui d’une proposition pour refonder le gouvernement sur de nouveaux principes. »
Ainsi en arrivons-nous à notre conclusion en forme d’hypothèse, dans le cas d’une réalisation effective du désordre qui menace et qui s’installe, – la seule hypothèse acceptable et respectable autant que logique : la dévolution brutale. Si le “centre” (et le “centre-du-centre”) est puissant, il est aussi extrêmement vulnérable et structurellement fragile. La victoire de Trump a montré sa vulnérabilité, et une extension du désordre montrerait très rapidement sa fragilité structurelle (son absence de structure pérenne, sa construction sur la corruption institutionnalisée, etc.). Il s’agit du cas de la dévolution, ou sécession si l’on prend l’hypothèse géographique des États ou groupes d’États... L’Amérique est une puissance “provinciale”, qui n’a jamais ôté à ses constituants de “province” (les États ou groupe d’États) les structures et les particularismes qui constituent un soubassement de souveraineté prêt à émerger ; les directions sont toutes issues d’élections locales, sans supervision du “centre” ; la question de l’union (de la sécession) reste une constante historique obsessionnelle et l’on a vu qu’elle surgit à nouveau avec cette crise ontologique. Certes, s’il y avait une concrétisation opérationnelle d’un courant “révolutionnaire”, ce courant serait interprété et détourné de différentes façons selon les composants des USA, conduisant nécessairement et logiquement à la perspective de la dévolution/de la sécession.
C’est essentiellement de cette façon que les USA peuvent avoir ce destin tragique prévu par Lincoln... « [N]ous devons éternellement survivre, ou mourir en nous suicidant. » Le processus d’effondrement du Système serait alors en très-bonne voie car s’il ne peut y avoir de révolution en Amérique, par contre l’éclatement de l’Amérique peut et doit provoquer au niveau mondial un événement révolutionnaire et cosmique qui achèvera cette contre-civilisation globalisée qui ne sert plus qu’à dévorer et à détruire le monde.
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