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2816On sait que Gorbatchev, après son éviction politique de 1991 du fait de l’action de Eltsine soutenu par les USA, était devenu l’homme politique d’importance le plus impopulaire de la Russie. (Sa côte de popularité a atteint dans ses pires années autour de 1% d’opinions favorables.) Ses rapports avec le pouvoir eltsinien ont été nuls, sinon franchement hostiles. Avec l’arrivée de Poutine, les choses ont changé, avec un soutien initial de Gorbatchev à Poutine, puis un recul marqué du fait de l’influence de groupes plus ou moins “humanitaires” et relais des “valeurs” et des mannes du bloc BAO qui l’ont amené à condamner Poutine pour sa politique intérieure jugée comme répressive (voir le 19 mars 2014.) En conséquence, Gorbatchev avait complètement disparu de la scène politique officielle, se cantonnant à des actions de communication avec l’institut qu’il a créé et des subventions venant effectivement des groupes suspects qui le soutenaient.
Depuis la crise de l’Ukraine, le statut de Gorbatchev a complètement changé. Jugeant l’action du bloc BAO avec une sévérité extrême, effectuant ainsi un virage complet et réaffirmant son soutien à Poutine et à la politique russe, il est réapparu sur la scène officielle russe et dans le monde de la communication que le pouvoir russe a réorganisé et à considérablement étendu depuis deux ans. Désormais, Gorbatchev est une voix très écoutée, fortement relayée sur les médias les plus importants. Ainsi, pour prendre la période récente, Russia Today lui a donné deux fois très largement la parole ces deux dernières semaines, le 1er décembre 2014 et, plus récemment, lors d’une interview radiodiffusée. C’est cette dernière que reprend Sputnik.News le 15 décembre 2014.
Cette plus récente interview est certainement le plus spectaculaire de toutes. Gorbatchev s’adresse aux USA et affirme, d’une façon très officielle et avec une grande diffusion, qu’il est urgent que les USA entreprennent le même travail de déstructuration d’eux-mêmes que lui-même a effectué avec l’URSS en 1985 et 1989. Gorbatchev avait déjà suggéré cette initiative radicale, mais, pour les raisons qu’on a exposées, d’une façon beaucoup plus discrètes et bien moins diffusées, et parlant en tant que personnage marginalisé. Gorbatchev parle de perestroïka nécessaire pour les USA, alors qu’on sait que nous préférons le concept psychologique de glasnost dont l’application a été la cause centrale du sort du système bureaucratique de l’URSS, précurseur et l’un des géniteurs du Système, entre 1985 et1989, – mais l’essentiel, dans ce cas, est qu’il parle de façon si officielle, dans ce sens révolutionnaire... Les principaux extraits de cette intervention :
«The United States needs a complex of political reforms similar to Perestroika in the Soviet Union and a review of its outdated policy of intervention into global affairs, the last Soviet leader, Mikhail Gorbachev told the RT broadcaster Monday. “They can call it any name they want, the American way,” Gorbachev said in the interview. “Americans do not want a war. But it is not easy for them, with the society that they have,” the ex-Soviet leader added... [...]
»The United States is “still enslaved by their old policy” of pressure, and so uses political instabilities across the globe as an opportunity for intervention, according to Gorbachev. Gorbachev stressed that the United States has its reasons for its international decisions, but they have to make those decisions only in partnership with other countries. [...] Referring to the crisis in Ukraine, Gorbachev noted that the United States used it as “some pretext to interfere… they need an enemy figure, and they are doing it again”.»
Donc, notre appréciation principale de ces déclarations de Gorbatchev est qu’il s’agit certainement de la première fois, sur un média de si grande diffusion que Sputnik.New (et RT) qu’il fait une déclaration aussi catégorique. Gorbatchev nous dit que les USA d’aujourd’hui ne valent pas mieux que l’URSS de 1985 et qu’ils ont besoin d’une “restructuration”, c’est-à-dire d’une véritable révolution radicale. Bien entendu, les événements actuels aux USA sont évidemment une cause tout à fat conjoncturelle de cette intervention, disons un biais pour la justifier ; quant à en mesurer l’efficacité, d’un autre point de vue qui est celui des USA eux-mêmes, il apparaît évident que Gorbatchev ne sera certainement pas écouté, si même on prend la peine de l’entendre aux USA, – on sait bien ce qu’on peut attendre des USA à cet égard, dont l’existence réelle se résume à eux-mêmes et dont les faits et gestes sont complètement sous le contrôle du Système... Mais là n’est pas le principal enseignement de l’intervention de Gorbatchev.
Notre appréciation est que si Gorbatchev reçoit ainsi tant de publicité, dans des puissantes organisations de communication qui travaillent évidemment dans le sens des intérêts de la politique de sécurité nationale de la Russie, c’est qu’il y a évidemment l’accord des autorités gouvernementales. Ce qui conduit à envisager que ce qu’exprime Gorbatchev, avec l’autorité que lui donne son action passée de grand réformateur et de liquidateur de l’URSS, rencontre l’analyse que font les autorités gouvernementales russes elles-mêmes. La situation qui se dégage est que ces autorités russes jugent que les USA, non seulement ont besoin d’une véritable transformation qui ressemblerait dans leur cas (comme celui de l’URSS, après tout), à une désintégration, que les USA sentent confusément la pression de cette crise mais entendent n’y répondre en aucune façon dans le sens gorbatchévien, donc que les USA se trouvent dans une situation désespérée où l’une des échappatoires, et peut-être, bientôt, la seule échappatoire concevable, se trouve dans une aventure extérieure majeure. Il ne s’agit de rien de moins qu’un affrontement avec la Russie, d’où la dimension nucléaire ne peut évidemment être exclue.
Effectivement, les interventions de Gorbatchev mettent également l’accent sur la nécessité d’une coopération, d’une entente, de la recherche d’un nouvel ordre international pour éviter une catastrophe majeure. Ce discours-là, bien sûr, est particulièrement indicatif de la crainte qu’on éprouve d’une “catastrophe majeure”. Il ne fait aucun doute, de notre point de vue, que c’est aujourd’hui, et chaque jour davantage, le sentiment profond des dirigeants russes. A cet égard, le vieux Gorbatchev retrouve une sorte de seconde vie politique : on pourrait croire, après tout, qu’il fait partie du gouvernement russe, comme une sorte de porte-parole officieux ... Ainsi complète-t-il une carrière politique déjà bien remplie.
Mis en ligne le 16 décembre 2014 à 11H24
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