Il y a 3 commentaires associés à cet article. Vous pouvez les consulter et réagir à votre tour.
79887 janvier 2019 – Sur le site LewRockwell.com, l’une des principales plateformes des vrais libertariens américains, l’on retrouve évidemment les principales plumes du courant, notamment les nombreux historiens appartenant à l’école historique des USA qui doit être considérée comme la plus libre de ses jugements tout en conservant ses engagements très marqués. D’habitude préoccupés de questions plus “académiques”, ces historiens sont aujourd’hui plongés dans le commentaire des événements courants tant le déferlement crisique que l’on connaît dégage immédiatement une signification historique (métahistorique pour nous). Les libertariens n’ont aucune peine à distinguer que l’époque actuelle est un des grands moments de l’histoire des USA, un moment où tout peut basculer d’un côté comme de l’autre tandis que la narrative conventionnelle du Système est à bout de souffle et en état de désagrégation.
Parmi ces historiens, Michael S. Rozeff est spécialisé dans l’économie et la finance et il juge effectivement que « nous vivons une époque exponentielle ». Nous avons été alerté par plusieurs articles qu’il a successivement mis en ligne sur LewRockwell.com ces derniers jours, concernant la situation actuelle et notamment l’évolution que nous qualifierions également d’“exponentielle” en cours chez les démocrates ; l’intérêt de Rozeff est explicable du fait du “climat” extrême dégagé depuis la première réunion le 3 janvier du nouveau Congrès issus des élections de novembre 2018, et particulièrement de la nouvelle Chambre des Représentants où les démocrates ont reconquis la majorité.
Successivement, Rozeff examine :
• Le 3 janvier 2019, le “plan” de la Représentante démocrate de New York Alexandria Ocasio-Cortez (dite “Sandy”), plan dit-Green New Deal (nom inspiré du programme du New Deal de Roosevelt en 1933, remis au goût du jour).
• Le 4 janvier 2019, les “traumatismes” prétendument (selon les démocrates) infligés par Trump aux USA. Cet argument des traumatismes trumpistes est favorisé par les démocrates pour faire la promotion souvent violente de leurs diverses propositions considérées comme autant de thérapies de type idéologique, notamment dans le domaine des LGTBQ.
• Le 5 janvier 2019, une analyse de la notion de “front”, selon la technique mise au point par les communistes et les socialistes au XXème siècle.
• Le 6 janvier 2019, Rozeff développe une longue analyse (« Accused of Ignorance ») du Green New Deal de “Sandy” Ocasio-Cortez, très détaillée, montrant que ce concept a des racines qui remontent à 2007 et constitue donc un projet très structuré, extrêmement élaboré, dont Ocasio-Cortez a recueilli l’héritage pour le mettre “en musique” et tenter de le vendre (c’est en très-bonne voie) au parti démocrate, ou plutôt, désormais, au parti néo-démocrate.
• Également ce 6 janvier 2019, enfin, Rozeff donne une courte description de ce qu’il considère comme un danger majeur et pressant de voir les USA basculer dans le socialisme, le vrai-de-vrai, avec la proposition de Green New Deal. Il montre combien ce projet est en train de recevoir le soutien de plusieurs personnalités du parti, notamment certaines de celles qui ont annoncé leurs candidatures pour les primaires démocrates de 2020.
C’est ce dernier texte de Rozeff que nous publions ci-dessous. Le titre peut être restitué en français comme ceci : « Le Socialisme Vert gagne des soutiens ». Rozeff rapporte ici les derniers événements concernant le sort de ce programme, et combien il gagne en soutiens et en popularité.
« Beto O’Rourke, un des principaux candidats à la nomination à la présidence démocrate, a approuvé le ‘Green New Deal’. Deux autres candidats, Bernie Sanders et Elizabeth Warren, y sont également favorables.
» Les Green New Dealers affirment que le pays est confronté à trois crise fondamentales, une crise climatique, une crise de l’inégalité économique et une crise d’injustice raciale / sexuelle / des minorités. Ils proposent de surmonter ces crises en instituant le socialisme comme doctrine impérative pour tous les Américains. Le Green New Deal est un socialisme vert, un socialisme démultiplié. Cela conduira à pousser l’Amérique au suicide en masse.
» Il n’y a pas de crises si graves, pas plus qu’il n’y avait de crise de cette sorte lorsque que Saddam Hussein et ses armes de destruction massive (ADM) étaient présentée comme telle, ou la Libye comme une crise de génocide imminent, ou l'Ukraine et la Crimée comme une crise d'invasion russe de l'Ukraine, ou encore comme une invasion imminente des républiques baltes.
» Nous vivons à une époque de communications ultra-rapides et sophistiquées. Cela a donné au gouvernement et aux politiciens le pouvoir de répandre de fausses narrative. Le public leur faisaitt confiance mais ils ont trahi cette confiance.
» Si le climat, les inégalités et l'injustice devaient faire l'objet de crises majeures, ces crises ne pourraient qu’être aggravées si l’on nous impose le “socialisme vert” sous la forme du Green New Deal. Elles ne pourraient exister que pour des causes autres que la liberté, le volontarisme et le capitalisme, et ces causes se trouveraient dans les incitations et les limitations mises en place par le gouvernement ; et ces crises ne pourraient être résolues efficacement qu’en limitant drastiquement les intrusions du gouvernement. Nous avons déjà beaucoup trop de socialisme en Amérique.
» Ces démocrates ne parlent pas pour tous les démocrates, pas encore, mais ils sont les principaux prétendants à la tête du parti démocrate. L'aile socialiste du parti démocrate a gagné du terrain sous Obama. Bernie Sanders a prouvé cela. Les néo-démocrates emploient désormais le mot “socialisme” sans craindre de perdre des voix.
» Le socialisme a sapé l’empire romain. Il peut et il va détruire l'Amérique également. Un Green New Deal est un couteau de plus planté dans le corps de l’Amérique, augmentant encore davantage l’hémorragie. La mort est probable, à moins que ne cessent ces attaques du socialisme, que l’hémorragie soit stoppée, enfin que le corps soit autorisé à guérir. »
La rentrée du Congrès, avec la nouvelle Chambre désormais à majorité démocrate, s’est donc passée en grande fanfare. L’agitation législative de ceux que Rozeff nomme les “néo-démocrates” et le New York Times « un Congrès bouillonnant », a commencé le premier jour. Nancy Pelosi, vénérable-presque octogénaire, a été reconduite au siège de Speaker qu’elle occupait jusqu’en 2016. Dès ce premier jour de son élection, on a pu voir les limites de son pouvoir et combien elle risquait de devenir l’otage de son groupe plutôt que son inspiratrice. Alors qu’elle prêchait depuis plusieurs semaines une certaine retenue, avec une attitude de compromis avec Trump sur certaines questions, elle a au contraire été obligée de s’aligner sur cette agitation en s’agitant elle-même énormément pour éviter d’apparaître dépassée par ses jeunes troupes extrêmement activistes... Le contraste est saisissant entre le discours inaugural de Pelosi, préparé à l’avance et plutôt d’un ton conciliant, et les actes qu’elle a dû poser sous la pressions de “ses” troupes.
« La démocrate de Californie a commencé sa journée en suggérant qu'un président en exercice pourrait être mis en accusation. Tard dans la journée, M. Trump a fait une apparition dans la salle de réunion de la Maison Blanche avec une demande belliqueuse de financement du à la frontière avec le Mexique … La nouvelle Speaker de la Chambre a aussitôt déclaré qu'elle ne donnerait même pas un dollars pour financer ce qu’elle a qualifié d’“immoralité”.
» Entre-temps, alors que la nouvelle Assemblée bourdonnait dans les couloirs du Capitole d’une nouvelle majorité plus jeune et d’une plus grande diversité sociétale et culturelle, Mme Pelosi s'est engagée à diriger un Congrès “unificateur” qui permettrait de surmonter les divisions partisanes et de résoudre les conflits dans un pays polarisé. »
Howard Kunstler décrit dans un langage plus coloré cette atmosphère d’invective et d’insurrection institutionnalisées, acceptée en général le plus naturellement du monde par les parlementaires les plus anciens comme l’a montré le comportement de la Speaker, partant aussitôt à l’assaut après ses déclarations officielle conciliantes prônant « l’unité du Congrès » : « La nouvelle majorité démocrate du Congrès s'est réunie dans l’état d’esprit d'une secte religieuse vouée à un seul objectif apocalyptique : renverser le Golden Golem of Greatness qui règne à la Maison Blanche au nom du suprémacisme blanc. Ils sont tous prêts pour les tortures de l’Inquisition, cherchant partout pour ce faire, des vis à oreilles, des entraves pour le bétail, des électrodes, des baignoires pour le supplice de l’eau, des éclats de bambou, tout l’outillage démocratique nécessaire pour rectifier l’héritage de l’élection de 2016. »
Lorsqu’il fonctionnait bien, notamment lors des années de Guerre froide et même durant les extrêmes agitations des années 1960-1970, le Congrès accueillait régulièrement de nouveaux parlementaires extrémistes et les gobait rapidement pour les faire entrer dans le moule. L’autorité des “anciens”, les influences naturelles ou organisées des groupes de pression, une attitude bien entendu strictement pro-Système mais dans un mode très policé de la presseSystème, le respect des hiérarchies et le culte du bipartisanisme, enfin des mécanismes contraignants des règles internes des assemblées parlementaires, transmutaient discrètement mais très rapidement les rebelles en parlementaires conformes, corrompus mais portant beau et le discours consensuel à la bouche, démocrates et républicains mêlés. Les rares qui résistaient étaient isolés, sans influence, même lorsqu’ils forçaient à un respect et une popularité d’estime pour leur compétence, leur honnêteté et leurs vertus civiques (cas de Ron Paul).
Ces temps sont révolus...
Aujourd’hui, c’est tout le contraire, le bipartisanisme cédant la place avec une brutalité inouïe à la polarisation et la montée aux extrêmes, – comme c’est d’ailleurs la tendance, sous diverses formes, dans les débris des diverses autres “démocraties” du bloc-BAO. Ainsi, une Ocasio-Cortez, dont on jugeait lors de son élection (une partielle à New York) et selon des réactions surannées de l’“ancien monde” qu’elle serait vite engloutie par la classique machine niveleuse du Congrès, apparaît au contraire en pleine effervescence et rallie autour d’elle, avec d’autres compères du même tonneau, un soutien grandissant à ses conceptions, y compris de parlementaires chevronnés, dont certains du Sénat lui-même (Sanders, Warren). Non pas que “Sandy” soit un leader désigné, mais elle est certainement un symbole de ce “nouveau monde”, – le vrai, celui-là, pas l’espèce de bouillie pour les chats de Macron... Un “nouveau-monde” qui est celui de l’opérationnalisation de la Grande Crise d’Effondrement du Système et non pas l’absurde lubie du stupide monde politique français toujours en retard de trois ou quatre doctrines, d’une globalisation proclamée comme modèle triomphant alors qu’elle suit elle-même une trajectoire accélérée d’effondrement.
Tout cela n’est pas pour faire l’apologie ou au contraire pour dénoncer comme un danger catastrophique l’actuelle évolution avec Ocasio-Cordez & Cie, Green New Deal en bandouillère. Il s’agit de façon complètement différente de faire le constat que les folies diverses depuis 2015, essentiellement gauchistes, sociétales-progressistes, etc., mais aussi en contraste contraire populistes trumpistes, ne sont pas des “accidents de parcours”, des poussées de fièvre destinées à s’éteindre, mais au contraire l’établissement d’une nouvelle norme qui devient structurelle d’une Amérique politisées dans ses extrêmes et s’abîmant dans un désordre extraordinaire. La “Guerre civile froide” dont on jurait qu’elle ne durerait qu’une saison se transforme en un affrontement structurel et quasi-institutionnalisé qui s’attaque aux fondements de la Grande République. Tout cela se fait très, très-vite.
Tout indique donc qu’avec ce nouveau Congrès s’ouvre une nouvelle phase de la “guerre civile froide” qui se réchauffe de plus en plus, qui pénètre officiellement dans le cœur bouillonnant de “D.C.-la-folle” (le Congrès) en étant institutionnalisée. C’est une situation nouvelle et imprévue, car si l’on envisageait un activisme antitrumpiste avec ce nouveau Congrès, il n’était guère question d’une telle structuration politique dans le projet néo-démocrate, qui va bien au-delà de l’antitrumpisme pour proposer une refonte complète de la situation politique structurelle aux USA. Ce qui apparaît le plus extraordinaire, le plus stupéfiant, c’est la sorte d’institutionnalisation d’un projet socialiste qui émerge avec ce courant néo-démocrates,qui semble ne soulever aucune opposition sérieuse, aucun interdit de principe, qui semble même d’ores et déjà imprégner la politique centrale du parti. Le gros des soutiens populaires de ces néo-démocrates se trouvent dans les diverses minorités et les migrants devenus citoyens américains qui forment un bloc de plus en plus proche de la majorité, qui n’ont aucune des traditions américanistes et une attirance certaine pour des tendances socialistes.
Il faut avoir la mémoire singulièrement courte, – mais nous reconnaîtrons que c’est l’habitude aujourd’hui, et même une des vertus du temps, – pour ne pas saisir le formidable bouleversement conceptuel qu’implique cette considération ouverte, sinon bienveillante d’un projet aussi évidemment socialiste aux USA. C’est une révolution intellectuelle et idéologique en soi, – même si les causes doivent être cherchées dans les attitudes psychologiques, dans l’espèce de démence exacerbée qui marquent les attitudes progressistes-sociétales, particulièrement depuis 2014-2015.
Cet aspect psychologique est certes fondamentalement important sinon essentiel pour nous, mais il d'importance secondaire ici, dans l’analyse que nous faisons de la situation politique aux USA, et souhaitant nous en tenir à cela pour ce sujet. Alors, seul importe ceci, qui est que cette démence est en train de devenir une part essentielle des structures politiques US sous la forme d’idéologies dont il était impensable qu’elles fussent seulement envisagées aux USA depuis la fondation de la Grande République, du fait de son impossibilité absolue de s’accorder avec la capitalisme, fondement des États-Unis d’Amérique.
Mais l’on comprendra, bien entendu, que nous ne décrivons pas simplement une étape de plus du développement politique aux USA. Nous décrivons le basculement décisif des États-Unis dans la Grande Crise d’Effondrement du Système, rien de moins.
Face aux néo-démocrates, il y a pour l’instant la confusion. Le “trumpisme” a une signification symbolique qui l’apparente au populisme et le conduit à s’opposer au programme sociétal-progressiste, et certainement socialiste dans cette logique. Politiquement, le trumpisme n’est en rien organisé, notamment parce qu’il est lié au parti républicain qui est en complet désarroi du point de vue conceptuel et doctrinal. Mais il s’agit de la situation du moment, alors que les événements et les changements vont si vite.
Si, comme c’est désormais de plus en plus possible jusqu’à l’extrêmement probable tant la montée aux extrêmes est la seule dynamique disponible, les néo-démocrates imposent le Green New Deal, le parti républicain va être rudement secoué tandis que le trumpisme, et d’abord la politique de l’administration elle-même, devrait se radicaliser en sens inverse. Dans cette logique, on peut envisager une “montée aux extrêmes” des républicains, disons les trumpistes ralliant à eux la plupart des républicains, tous devenant des néo-républicains face aux néo-démocrates. L’orientation intérieure devrait favoriser les orientations libertariennes du type Rozeff et autres, c’est-à-dire d’abord une restriction radicale des pouvoirs du gouvernement central (fédéral) pour contrer la seule force, le centralisme, ayant la capacité d’imposer une doctrine socialiste aux USA.
Devant des perspectives si radicales, dans une puissance (les USA) faite pour avoir une direction consensuelle d’un establishment présentant un front uni, il est bien difficile d’envisager que la marche des institutions et de la politique médiane qu’elles produisent puissent se poursuivre. En d’autres mots, l’impossibilité d’entente entre les deux partis qu’on constatait au niveau symbolique et de la contestation des diverses affaires depuis 2015-2016, devient institutionnelle, au cœur même du pouvoir, le désintégrant d’autant. Dans ce cas, la “guerre civile froide” qui s’est attiédie entretemps, devient brûlante ; dans ce cas, l’issue raisonnablement (!) envisageable devient celle que les États-Unis n’ont cessé de nous suggérer depuis leur création, dans les moments de grande crise : l’éclatement par sécession. Seuls la sécession, au mieux, et l'effondrement au pire, peuvent empêcher la marche vers les USSA (United Socialist States of America).
Depuis que nous tournons autour de cette hypothèse ... A force de tourner autour, nécessairement nous nous en rapprochons. 2020 est une bonne date pour cela.
Forum — Charger les commentaires