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50552 mars 2019 – Qu’on me pardonne si j’insiste, d’autant que je ne peux m’en expliquer parce que je parle là en bonne partie d’intuition, et certainement sous l’empire de l’intuition. L’insistance concerne ce que j’estime être l’importance de l’audition de l’avocat “marron-glacé”, Michael Cohen, ainsi que paradoxalement la sincérité de son témoignage, devant le Commission de Surveillance de la Chambre des questions dont il a été question dans la page précédentede ce Journal-dde.crisis.
C’est à la lecture du texte de WSWS.org sur cette audition que mon esprit a complété la perception de ce que je tendrais à considérer comme une intuition, que j’énoncerais simplement par la conviction que l’on trouve là une vérité-de-situation fondamentale. Il s’agit de l’idée, dont j’avoue qu’elle peut paraître saugrenue, qu’avec l’interminable et sordide témoignage de l’avocat-marron, l’on avait la description très proche de l’authenticité de Trump dans son contexte de nature, c’est-à-dire de “la Famille Trump” selon l’emploi du terme de “Famille” dans la Cosa Nostra (équivalent et prolongement US de la Mafia), désignant un gang très puissant et très structurée, et disposant d’un territoire, sous le contrôle quasiment-légalisée selon les normes de la pègre, d’un Boss (d’un Capo) et de sa propre famille, et autour, intégrés à cette matrice, les principaux opérateurs de la “famille”.
(Cela n’explique rien, ni de la “politique” [?] de Trump, ni de sa psychologie-bouffe, ni de ses excentricités et de ses comportements parfois étranges et inattendus. Cela explique beaucoup, au contraire, de l’espèce de “liberté” assez inattendue avec laquelle Trump évolue, communique, converse et se pavane. Il s’agit bel et bien d’une époque complètement déstructurée et pulvérisée, puisque ce qui serait une “Famille” du crime organisée, mais en version postmoderniste et du type téléréalité, investit le pouvoir sans trouver sur son chemin de véritable obstacle malgré tout le bavardage étourdissant qu’on a entendu ; au contraire, en se trouvant dans un contexte et un environnement qui ne la discréditent nullement, qui s’accordent à elle, puisqu’après tout l’on peut aisément juger, lorsqu’on est partisan de Trump, qu’il vaut largement ses adversaires, et que dans divers domaines il a même plus de qualités, sinon de vertus qu’eux. Seule notre époque est capable de produire cela : après tout, vous n’arrivez même pas à pousser des cris d’horreur, à jeter l’anathème sur Trump et sa bande, non cela ne vous semble pas plus scandaleux que le reste… Et même plus vertueux lorsqu’on mesure le désordre que sa présence à la Maison-Blanche après son parcours électoral ont imposé en transmutant “Washington D.C.” en “D.C.-la-folle”.)
Hier, lors du premier texte sur “marron-glacé”, je ne disposais pas de tous les détails, et surtout de l’atmosphère qui se dégageait de cette audience étrange. Je rajoute ici l’extrait, en traduction, de ce passage du texte de WSWS.org qui aide à comprendre de quelle atmosphère je parle. On note que le dernier paragraphe contient les détails de ce que WSWS.org juge être une “révélation”, qui rejoint en fait ce qu’écrivait Michael Moore en août 2016.
Le texte est introduit par une citation de Karl Marx, de son livre Les luttes de classe en France : « L’aristocratie financière, dans son mode d'acquisition aussi bien que dans ses plaisirs, n'est que la réincarnation du lumpenprolétariat dans la haute bourgeoisie. »
Et WSWS.org de poursuivre :
« Ce que Marx a décrit, dans son analyse de la corruption de la bourgeoisie en France menant à la révolution de 1848, s’applique encore plus aux États-Unis de 2019, où la bourgeoisie arrive à son rendez-vous avec des bouleversements sociaux et des luttes de classe explosives.
» C’est ainsi qu’un marxiste comprend le spectacle de l’audience de mercredi devant le comité de surveillance de la Chambre, au cours dans lequel Michael Cohen, ancien avocat et “réparateur” (avocat-marron) de Donald Trump pendant plus d’une décennie, a témoigné pendant six heures sur la manière dont lui et son patron ont travaillé, – c’est-à-dire escroqué les impôts et des partenaires commerciaux, intimidé les critiques et annihilé l’opposition aux activités de Trump dans les domaines de l’immobilier, des jeux de casino, de la téléréalité et, éventuellement, de la politique électorale.
» Ce que Cohen a décrit est une version un peu plus dissimulée d’une activité que la plupart des Américains retrouveraient en regardant des films comme The Godfather : Trump en tant que capo di tutti capi, l’autorité incontestée qui doit être consultée pour chaque décision ; les enfants, Donald Jr., Ivanka et Eric, jouant chacun un rôle important dans l'entreprise criminelle familiale en cours. Allen Weisselberg, CEO de la Trump Organization, société en charge des finances, a été cité à plus de 20 reprises par Cohen au cours de six heures de témoignages, comme l’auteur des mesures prises par Trump pour se soustraire à l’impôt, tromper des banques et ses partenaires commerciaux.
» Cohen lui-même était un exécutant. Selon son propre décompte, il a menacé au nom de Trump au moins 500 personnes en dix ans, notamment des hommes d’affaires, des hommes politiques, des journalistes et tous ceux qui cherchaient à porter plainte ou à obtenir un remboursement après avoir été escroqués par une des entreprises de Trump. L'avocat, aujourd'hui radié, a admis avoir plus d’une centaine de fois procédé à l’enregistrement clandestin sur bandes magnétiques de clients de Trump, parfois avec Trump lui-même.
» Les incidents relatés par Cohen vont de l’enfantillage vaniteux (exercer des pressions sur les collèges fréquentés par Trump et même sur son école de préparation militaire pour ne pas divulguer ses notes ou ses résultats aux tests), au minable (Trump faisant acheter à lui-même un portrait de lui-même pour $60 000 par sa propre fondation “charitable”), à l’effrontément illégal (faire gonfler délibérément la valeur de propriétés qu’il voulait acheter pour sa demande de prêts bancaires, puis réduisant jusqu’à 20 fois cette estimation pour échapper à l’impôt).
» L’une des révélations les plus remarquables de Cohen est que Trump lui-même n’est pas entré dans la course avec l’espoir de pouvoir remporter la nomination républicaine ou la présidence. La “star” milliardaire de la télé-réalité a répété à ses collaborateurs les plus proches que la campagne serait le “plus grand publi-reportage de l'histoire politique”, ce qui ferait une excellente promotion pour “la marque Trump” et ouvrirait des opportunités commerciales sur des marchés auparavant fermés. »
Je crois qu’on voit ainsi mieux éclairés le comportement de Trump et aussi les interférences de sa famille, comme par exemple, – exemple récent déjà mis en évidence dans le sens envisagé ici, – la mission confiée à son gendre Kushner de négocier directement avec MbS d’Arabie la vente de combustible nucléaire pouvant aboutir à la fabrication d’une bombe. Il s’agit bien d’une démarche de crime organisé, avec bénéfices directs attendus à la clef, bien plus que d’une démarche géopolitique ; et l’on en jugeait bien dans ce sens, dans le texte du 24 février où il en était question :
« La phrase parle de “Donald Trump” et non des USA, tandis que l’autre partie est désignée normalement et logiquement comme une nation. Cela recouvre une situation qu’on pourrait qualifier d’“explosive” essentiellement par les positions, les pouvoirs, la culture des différents participants au pouvoir US en général, et dans ce cas dans la question des relations avec l’Arabie Saoudite. C’est donc “Trump”, ou disons “la famille Trump” qui traite directement avec l’Arabie. Les seuls intérêts stratégiques qu’elle prend en compte sont ceux d’Israël, le seul but stratégique qu’elle poursuit est la destruction de l’Iran ; le reste se mesure pour elle au volume de business qu’elle parvient à établir dans ses discussions avec les Saoudiens. »
(Quant à la relation avec Israël dont il est question, je me demande si elle ne relève pas, elle aussi, bien plus du “crime organisé” et des diverses “Familles” entre lesquelles se nouent des liens d’amitié et d’intérêt. Après tout, Netanyahou est engagé aujourd’hui dans une sorte de steeplechase pseudo-électoral pour tenter de se faire réélire avant d’éventuels irréparables dommages que lui causerait son ministre de la justice en autorisant la justice de son pays à le mettre en examen pour trois chefs d’inculpation ayant tous trait à des faits de corruption.)
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