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1686La tension monte, pourrait-on écrire sur un ton dramatique, sur la frontière russe. On l’a déjà écrit dix fois voire cent fois, et chaque fois l’on ne voit pas que l’on puisse dire qu’elle monterait plus qu’elle n’a fait, et chaque fois cela s’avère possible. Effectivement, les “provocateurs” qui ne se cachent aucunement de l’être, “provoquent” plus que jamais. A l’approche du sommet de l’OTAN de Varsovie (juillet), dont on peut attendre qu’il sera un redoutable pow-wow célébrant la future défaite de la Russie prise au piège de ses agressions continuelles contre ses innocents voisins de l’Ouest, la tension monte, monte...
Il est vrai que cette tension est alimentée par des évènements auxquels il a été fait une très grande publicité, et qui concernent des initiatives de mise en place d’éléments du réseau de missiles antimissiles (type BMDE, ou Ballistic Defense Missile in Europe). Cela a été le cas de deux cérémonies successives auxquelles ont assisté, hilares, toutes les personnalités qui vont bien, quelques amiraux US, saupoudrés de quelques ministres de la défense des divers pays concernés, et bien sûr avec l’inamovible Norvégien faisant actuellement fonction de secrétaire général de l’OTAN. Cette foire extravagante-extraterrestre a donc eu un premier épisode avec l’installation près de Deveselu, en Roumanie, de la première base terrestre (dite AEGIS Ashore) liée au réseau des frégates AEGIS de l’US Navy qui ont la tâche de constituer ce réseau antimissiles, puis, quelques jours plus tard, un second avec les premières pelletées de terre maniées par toutes ces excellences entamant symboliquement les travaux sur une base équivalente près de Redzikowo, en Pologne. On imagine la bonne humeur générale devant cette tâche urgente de déployer un tel réseau, contre des missiles iraniens qui n’existent pas, mais en réalité contre des missiles russes qui ne seront pas égratignés par ces systèmes datant déjà de quelques décennies. Ce qui compte avant tout, c’est l’éclat de la communication, pour tenter d’activer une provocation conduisant à des incidents graves dont la responsabilité est déjà actée et approuvée, – du côté russe, cela va de soi.
Parmi ceux qui s’inquiètent très sérieusement de ces manœuvres, il y a bien entendu Stephen F. Cohen, dont on parlait encore récemment. Cohen a eu une trouvaille de langage dont on doit bien comprendre qu’elle est de pure communication car elle n’a nullement, stricto sensu, le caractère terrifiant qu’elle semble nous suggérer : “Jamais depuis juin 1941 (date du début de Barbarossa, l’invasion allemande de l’URSS) il n’y a eu autant de forces hostiles rassemblées sur la frontière de la Russie”. Cela était dit le 17 mai lors du l’émission radiodiffusée John Batchelor Show avec une interview de Cohen. Sputnik reprend cette émission le 21 mai.
« ... “We have been watching for nearly a month a steady buildup of American and NATO forces along near Russia's borders – on land, on sea and in the air,” he said. “There has been nothing like this on Russia's borders, such an amassing of hostile military force, since the German invasion of the Soviet Union in 1941.” [...]
» Moscow has warned that the system [NATO's missile defense system] could be detrimental for global peace and stability. NATO officials have tried to alleviate Russian concerns by saying that the Aegis system is purely defensive, but Cohen warned that it the complex could be used for other purposes.
"Somebody said that the only defensive weapon in military history is a foxhole; everything else could be used for offensive purposes. [NATO's missile defense system] could be used for offensive purposes. They can launch cruise missiles,” he observed. ‘It's Amazing’ That No NATO Member Opposes US Missile Shield in Europe. [...]
» Professor Cohen has long warned that Washington's policies towards Russia have been the key reason for the recent cold spell in relations between the two global powers. This trend appears to be getting more dangerous. “Are we sleepwalking towards an actual war with Russia or is this a plan to provoke a war with Russia?” he asked. “If we are sleepwalking, we all need to yell, ‘Wake up!’ If they actually now would not mind a war with Russia, then they are crazy. Because there is no way if there is war with Russia on Russia's borders that eventually some kind of nuclear weapons will not come into play.” »
Bien évidemment, nous parlons, lorsqu’il s’agit de cette comparaison (“Jamais depuis 1941...”), d’une “trouvaille de langage dont on doit bien comprendre qu’elle est de pure communication car elle n’a nullement, stricto sensu, le caractère terrifiant qu’elle semble nous suggérer”. Il n’y a rien, dans ce qui est déployé aujourd’hui sur la frontière russe du côté des héroïques pays-membres de l’OTAN, qui puisse se comparer avec la masse que la Wehrmacht et ses alliés avaient rassemblée sur les frontières de l’URSS pour l’attaque du 21 juin 1941 (plus de 250 divisions, soit 3.800.000 soldats, 4.300 chars, 4.400 avions de combat). Néanmoins, le constat est vrai, stricto sensu, simplement parce qu’il n’y a jamais eu aucune concentration de forces hostiles sur cette frontière russe depuis 1941. Autrement dit, le constat de Cohen a complètement sa place dans la guerre de la communication actuellement en cours entre le bloc-BAO (l’OTAN) et la Russie.
D’autre part, il n’y a aucune possibilité pour que les forces rassembles sur les frontières occidentales russes puissent inquiéter la Russie en quelque façon que ce soit, dans la mesure où l’OTAN est totalement incapable de déployer un corps de bataille qui puisse inquiéter la Russie au niveau de la capacité, du volume et de la combativité des forces. L’OTAN est aujourd’hui un outil de la guerre de communication utilisé pour tenter de pousser les Russes à bout, en espérant un incident qui serait immédiatement imputé à la responsabilité russe. Il ne fait guère de doute également que cette poussée de provocation actuellement observée a un rapport, direct ou indirect qu’importe, avec l’élection présidentielle aux USA et la position de force de Donald Trump.
Il est manifeste que le “parti globaliste”, que représente Hillary Clinton, est dans un Panic Mode considérable devant l’ascension de Trump, avec ses intentions, déjà fortement esquissées, d’un arrangement avec les Russes et d’un désengagement de la politique expansionniste agressive, éventuellement pour entreprendre, au niveau intérieur, une opération de grande envergure de déstructuration de l’appareil financier qui emprisonne actuellement les USA justement dans cette politique expansionniste agressive. Il est fortement suggéré, ici et là, et d’ailleurs selon la pression de l’évidence, que la seule véritable “chance” que voit ce “parti globaliste”, avec sa piétaille neocon, de freiner sinon bloquer Trump en cas de victoire, c’est de parvenir à créer des conditions conflictuelles avec la Russie qui l’obligerait (lui, Trump) à rester dans une position et une politique de confrontation, tout en l’obligeant (toujours lui, Trump) à rester dans le cadre “globaliste“ en place.
Il s’agit d’une sorte de pari absolument irrationnel dans la mesure où “des conditions conflictuelles avec la Russie” comportent des risques de conflit au plus haut niveau, y compris avec le risque de l’engagement nucléaire. Mais il est vrai, et ceci explique cela d’une façon lumineuse, que, contrairement à ce qu’en jugent habituellement les connaisseurs, nous nous trouvons dans le chef de ces activistes dans des conditions d’irrationalité extrême, sinon d’affectivisme échevelé où les psychologies et les caractères, souvent proches de l’hystérie, sont totalement incapables de contrôler cette sorte de situation, y compris dans la conceptualisation elle-même et dans l'évaluation des effets. Il est évidemment improbable que tout cela soit un montage de bout en bout et que tous les acteurs de ces diverses manœuvres y soient impliqués en complète connaissance de cause, et avec une capacité à la fois de manipulation et de contrôle des évènements ; il nous paraît même improbable que des “plans” de cette sorte soient délibérément dressés et suivis. Il s’agit plus certainement d’une dynamique d’une inspiration plus extrahumaine qu’élaborée dans les laboratoires-sapiens adéquats, activée par le déterminisme-narrativiste autant que par la panique terrorisée générée par le personnage de Trump, et entraînant l’état d’esprit “globaliste” dans son sillage, lequel devient à son tour le moteur de la logique qu’il est amené à suivre.
D’autre part, il n’apparaît absolument pas impossible que des contacts aient d’ores et déjà été établis entre les Russes et Trump sur cette question, pour tenter de faire ce qui peut être fait pour éviter des circonstances qui donneraient l’avantage aux “provocateurs” et qui risqueraient d’entraîner un incident et des dynamiques incontrôlables. Il ne fait aucun doute qu’une partie extrêmement délicate est en train de se jouer, à mesure que Trump apparaît de plus en plus comme un vainqueur extrêmement possible, sinon d’ores et déjà probable. Ainsi en est-il de période de grande rupture, et l’état épuisée de notre contre-civilisation sous la pousse surpuissante du système nous montre qu’effectivement l’épisode rupturiel s’impose.
Mis en ligne le 24 mai 2016 à 12H15
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