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1560Trump passé de Trump 1.0 à Trump 2.0 n’en perd pas moins sa spécificité de Trump. Au lieu d’une créature étrangère domptée par le Deep State, nous avons bien cet homme-téléréalité dont le comportement dépend aussi bien du goût du prime time que de ses humeurs diverses. Certes, tout le monde ne prendra pas la chose de cette façon dans le monde-Système hystérique de Washington D.C. et les démocrates se sont exclamés qu’il s’agit d’une affaire gravissime qui mérite les mesures les plus radicale, comme celle de nommer un procureur indépendant pour enquêter sur les liens indubitables entre le candidat-Trump (Trump 1.0) et les épouvantables Russes, et tout cela devant nous conduire à la destitution du président Trump ... “La chose“, c’est la décision brutale de Trump de licencier (“You’re fired”) le directeur du FBI, James Comey.
...Ainsi nous est-il rappelé que le grand théâtrev de tragédie-bouffe de la postmodernité possède plusieurs cordes à son acte, et qu’après être passé de Washington D.C. à Paris-Macron il est temps de revenir faire un tour du côté de Washington D.C., à nouveau, – mais il s’agit bien, encore et toujours, du même théâtre de désordre... C’est dire que nous ne prenons pas seulement au tragique la décision de Trump, bien qu’elle soit sérieuse et qu’elle ait été aussitôt comparée à celles que prit Nixon lors du Watergate, licenciant à mesure que leurs déclarations ou comportements risquaient de le compromettre, différents ministres et hauts fonctionnaires ou enquêteurs dans l’affaire du Watergate. Ce qu’a fait Trump avec Comey est “nixonien”, disent certains (« “This is Nixonian,” wrote Sen. Bob Casey on Twitter. “Deputy AG Rod Rosenstein must immediately appoint a special prosecutor to continue the Trump/Russia investigation” »). De même nous est-il rappelé qu’il n’est pas si simple de passer de Trump 1.0 à Trump 2.0, en croyant passer d’un Trump-antiSystème à un Trump-Système, en adjugeant la partie au Deep State ; l’élection de Trump avec la trahison 1.0-2.0 (comme l’élection de Macron en France, – il y a un véritable parallèle à tracer dans la véritable signification de la chose) ne peut se définir en termes de “défaite” et de “victoire”, mais essentiellement en termes de désordre, encore du désordre, toujours du désordre...
Nous allons citer ici, comme documentation de cette décision, certaines parties de l’article que consacre WSWS.org à l’affaire. Nous évitons évitons en général les commentaires en sens divers sur la cause de la décision de Trump. Celle-ci intervient à un moment complètement inattendu, alors qu’on pensait qu’il existait d’assez bonnes relations entre Trump et Comey. Elle intervient dans le cœur d’un dossier bourré de contradiction et de simulacres, et structuré par une affaire (le Russiagate, ou les interférences russes dans la campagne USA-2016) qui s’est révélée jusqu’ici, encore et encore, être un complet montage pour couvrir la corruption du parti démocrate et, au-delà, selon WSWS.org notamment, pour forcer Trump à suivre une politique extérieure du type-neocon, – ce qu’il a fait justement depuis fin-mars, début-avril, mais qui ne serait selon certains qu’un écran de fumée pour satisfaire les plus bellicistes, ou bien qui serait insuffisant, etc..
Si nous ne citons rien des hypothèses sur les causes, c’est parce que le fait principal recommande de n’en rien faire pour l’instant, – le fait principal, “du désordre, encore du désordre, toujours du désordre”.... Cela (le désordre) est largement substantivé par le symbole de cette contradiction, une fois de plus en quelques semaines : Lindsay Graham approuvant la décision, John McCain la critiquant en demandant un procureur spécial indépendant sur Russiagate, ce qui met dans les deux camps radicalement opposés les deux sénateurs-compères et républicains habituellement aussi unis que les deux doigts de la main pour exiger une politique toujours plus belliciste de la part de Washington D.C. (De même, la position de la démocrate Dianne Feinstein, ultra-belliciste mais pour ce cas approuvant Trump, contre l’écrasante majorité de son parti qui hurle la même exigence que celle de McCain.) Bref, un cochon ne trouverait pas de quoi se nourrir dans une poubelle aussi incohérente.
« The surprise firing of FBI Director James Comey, announced late Tuesday afternoon, is a sign of a deep and intensifying crisis of the Trump administration. Trump’s firing of Comey smacks of desperation on the part of a White House under siege. The firing sparked widespread condemnation by Democrats and some Republicans, along with demands for the appointment of a special prosecutor or independent commission to investigate charges of collusion between the Trump campaign and the Russian government during the 2016 election campaign.
» Powerful sections of the US ruling elite are moving against the Trump White House, which is so steeped in corruption that any one of a series of scandals, not just the investigation into alleged Russian interference in the 2016 elections, could leave it politically crippled.
» There were numerous media comparisons to the “Saturday Night Massacre” during the Watergate scandal of 1973–74, when President Richard Nixon fired his attorney general and deputy attorney general when they refused to dismiss special Watergate prosecutor Archibald Cox. That effort to torpedo an investigation failed: ten months later, Nixon was forced to resign as president. Unlike Watergate, however, there is no democratic principle being asserted, even in a limited fashion, by the Democratic Party opponents of the Trump administration. This is a conflict within the US ruling elite and its military-intelligence apparatus, driven largely by differences over foreign policy.
» No significant evidence has been produced in support of the allegations of Russian interference in the 2016 US elections. The real purpose of the campaign of Russia-baiting is to push the Trump administration into a more confrontational foreign policy in Syria, Central Asia, North Africa and Eastern Europe, where US imperialism regards Moscow as its principal obstacle. [...]
» The White House apparently informed only a handful of congressional leaders ahead of the firing, including Senators Lindsey Graham and Dianne Feinstein, the top Republican and Democrat on the Senate Judiciary Committee subcommittee that oversees the FBI. Graham publicly endorsed the firing, while Feinstein did not oppose it.
» Among other Democratic senators and congressmen, however, there was near-unanimous opposition. Senate Democratic Whip Richard Durbin of Illinois, speaking on the Senate floor, condemned the firing. “Any attempt to stop or undermine this FBI investigation would raise grave constitutional issues,” he said. “We await clarification by the White House as soon as possible as to whether this investigation will continue and whether it will have a credible lead so that we know that it’ll have a just outcome.” Senate Minority Leader Charles Schumer noted Trump’s firing of acting attorney general Sally Yates, US Attorney Preet Bharara and now Comey, saying on Twitter, “If we don’t get a special prosecutor, every American will rightfully suspect that the decision to fire Comey was part of a cover-up.”
» Even more significant were the statements from two leading Republican senators. Senator Richard Burr of North Carolina, chairman of the Intelligence Committee, which is conducting an investigation into the Russian hacking allegations, declared, “I am troubled by the timing and reasoning of Jim Comey’s termination. I have found Director Comey to be a public servant of the highest order.” Senator John McCain, former presidential candidate and chairman of the Armed Services Committee, reiterated his support for a special investigating committee. “I have long called for a special congressional committee to investigate Russia’s interference in the 2016 election,” he said in a statement. “The president’s decision to remove the FBI director only confirms the need and the urgency of such a committee.” »
La décision de licenciement du directeur du FBI par le président Trump est unique en son genre depuis la création du Bureau en 1921. (Il n’existe qu’un seul précédent formel, qui ne peut être pris en compte : décision de licenciement de Williams Sessions par Bill Clinton en 1993, mais pour des raisons d’ordre éthique et nullement pour un désaccord fondamental concernant l’orientation de l’activité de sécurité nationale du FBI avec le directeur en fonction, comme c’est le cas avec Trump-Comey.) L’effet est donc considérable, d’autant que la décision intervient alors qu’a été ouverte l’enquête par audition du Congrès sur Russiagate : Comey a été entendu la semaine dernière par la commission ad hoc de la Chambre et il était prévu qu’il soit entendu par le Sénat mardi prochain. La question est ouverte de savoir si cette audition aura lieu, puisqu’il n’est plus directeur du FBI : les démocrates veulent absolument qu’il soit tout de même entendu, ainsi que quelques républicains.
Avec cette décision, la polémique qui a empoisonné la campagne présidentielle durant l’automne 2016 et la période de transition entre l’élection et la prise de fonction revient au premier plan. Les démocrates sont déchaînés et veulent immédiatement la nomination d’un procureur spécial indépendant, ainsi que certains républicains (voir McCain). Russiagate est à nouveau dans tous les esprits, alors qu’il semblait que s’établissait une certaine normalisation de la présidence Trump, mais plutôt par fatigue de la polémique que par rangement politique. On ne sait toujours pas précisément quelle est l’orientation de la politique de Trump, malgré son virage à 180° du début avril : dans le climat actuel, on ne sait plus si les degrés ont toujours la même valeur, et si un tournant à 180° signifie bien une volte-face... Le Russiagate resurgit alors qu’aucun élément n’est venu corroborer l’implication de la Russie et que le comportement de Trump, notamment vis-à-vis de la Russie, a tendu à montrer qu’il était tout sauf un pion des Russes.
Les partisans de Trump (ou plutôt les adversaires de l’establishment) ont un argument tout prêt : pour eux, Trump commence à faire le ménage dans les organes du renseignement, parce qu’il commence à y avoir une structure débarrassée des hommes d’Obama, et donc prête à agir. (Mais est-ce bien par le FBI qu’il faut commencer ?) C’est ce que dit Peter Lavelle, dans TheDuran.com : « Only just recently did the Trump administration have enough high-level appointees at the Department of Justice to act decisively. (Said differently – former Obama appointees are no longer in place to sabotage the new administration). This is not another Watergate or Trump abusing is Constitutional powers. It is time to de-politicize the FBI and DOJ. Comey had to go. »
Mais qu’importent ces éléments de logique puisque le désordre est partout. Il reste que Trump, avec cette décision justifiée ou non, – il faudra quelque temps pour savoir si elle l’est, et rien n’indique d’ailleurs que les uns et les autres accepteront les explications officielles ni même les analyses officieuses, – a réactivé l’incendie du désordre à Washington D.C. Nul ne sait si Trump a voulu une telle réactivation, par exemple pour provoquer un affrontement avec les démocrates et avec le Congrès alors qu’il se jugerait en position beaucoup plus forte aujourd’hui, – ou s’il n’a rien prévu du tout, réagissant simplement parce que Comey n’a pas publiquement et solennellement confirmé ce qu’il aurait dit officieusement à Trump, à savoir que le FBI n’a trouvé aucune implication du président. Instantanément, le précédent du Watergate si souvent évoqué dans tous les sens revient à l’esprit de tous, et ce sont aussitôt les positions de guerre civile et les appels à la destitution qui réapparaissent. Le résultat ne sera certainement pas une position clarifiée ni une marche vers une décision claire et nette, mais une relance de la “guerre des tranchées” que nous avons eue entre juillet 2016 et février 2017.
Pour WSWS.org, cette relance de la “guerre civile” marque la position désespérée de l’administration Trump face aux pressions exercées contre elle par l’establishment. Mais un peu plus loin, le même article signale que cette décision reflète « un conflit à l’intérieur des élites dirigeantes US et de sa structure du renseignement, largement suscitée par des désaccords du point de vue de la politique extérieure ». Le moins qu’on puisse dire est qu’il y a une certaine contradiction entre ces deux explications, tout comme il y a une “certaine contradiction” entre des attaques de l’establishment contre Trump pour le destituer, ce qui serait inévitablement une grave crise constitutionnelle, et l’évolution de Trump vers une politique extérieure conforme en gros aux vœux de l’establishment, avec la garantie de chefs militaires de confiance aux poste-clef (Mattis à la défense, McMaster au NSC). Le résultat est donc une fois encore une défausse fondamentale du jugement vers ce qui nous paraît l’évidence de l’hypothèse du désordre, et la considération faite et refaite d’une “marionnette” type-“homme-téléréalité” très difficile à contrôler moins à cause de la politique qu’elle veut faire qu’à cause de sa façon d’agir, de sa psychologie et de l’influence de ses humeurs sur ses décisions.