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1918L’article de Byron York, du Washington Examiner du 15 février est excellent... (Et nous-mêmes, que valons-nous ? Il y a deux jours, nous vitupérions l’Examiner après l’avoir encensé pour une bordée d’articles anti-antiSystème. Puis voici cet article qui nous semble du plus grand intérêt... Notre appréciation varie selon les embardées du désordre, certes, mais aussi l’Examiner près tout.) Il s’agit d’une rapide appréciation d’une sortie de Donald Trump lors du dernier débat public des candidats républicains : une condamnation en des termes extrêmement violents de la guerre en Irak, en 2003 ... Il s’agit de bien préciser, car nombre de positions, justifiées de loin ou opportunément rappelées, ont été affirmées dans le monde politique US depuis 2003, mais d’une façon générale sinon exclusive revenant à des prises de position personnelles (“J’étais contre”, comme l’a dit Obama en 2008, en en nous jurant qu'il autrait voté dans ce sens s'il avait été au Congrès fédéral). Trump, lui, a affirmé urbi et orbi, comme un fait objectif pur, que la guerre contre l’Irak était une catastrophe, justifiée par un montage constitué uniquement de mensonges, d'une montagne de mensonges, notamment concernant les armes de destruction massives (ADM) que n’eut jamais Saddam Hussein. Jeb Bush a tenté de riposter contre cette attaque qu’il prit sottement d’un point de vue personnel, comme si l’on s’en prenait à sa famille ; mais où aurait-il trouvé d’autres arguments ? Cette riposte inappropriée parce qu’impossible a surtout mis en évidence qu’il y a là un débat fondamental qui n’a jamais été mené aux USA, et pour cause, et que The Donald menace de susciter...
York pense qu’il s’agit d’un moment crucial pour le parti républicain qui reste officiellement “refondé” pour la période sur la narrative “9/11 + guerre en Irak”. Faire cette proclamation (de Trump) en pleine campagne électorale, dans le cours de la course à la désignation, c’est officiellement confronter le parti à la mise en cause d’un de ses fondements. Le jugement général est que le résultat de Trump en Caroline du Sud (samedi) peut en être gravement affecté, parce que cette Caroline reste très attachée à GW Bush. La primaire sera donc un test du sentiment des républicains devant cette mise en cause fondamentale.
« ... It's not shocking that George W. Bush's decision to invade Iraq would come up nearly 13 years after the fact; it pops up in Democratic debates these days, too. But the exchange between Trump and Jeb Bush over Iraq Saturday night wasn't just a passing reference. It was in some ways the debate Republicans mostly didn't have back in 2004, when Democrats were consumed with the war. And here in Greenville, as has happened elsewhere in this campaign, the candidate named Bush had a hard time dealing with the subject.
» The back-and-forth started when moderator John Dickerson brought up a 2008 interview with CNN in which Trump said he was surprised that Democrats had not impeached George W. Bush over the war, and that it would be “a wonderful thing” if they had. On stage Saturday, Trump would not repeat what he said about impeachment — there are apparently limits even for Trump. But he did not hesitate to talk about Iraq. “Obviously, the war in Iraq was a big, fat mistake, all right?" Trump said. "We spent $2 trillion, thousands of lives, we don't even have it. Iran has taken over Iraq with the second-largest oil reserves in the world.”
» “George Bush made a mistake,” Trump continued. “We can make mistakes. But that one was a beauty. We should have never been in Iraq. We have destabilized the Middle East.” And finally: “They lied,” Trump said of the Bush administration. “They said there were weapons of mass destruction, there were none. And they knew there were none. There were no weapons of mass destruction.” [...To say that Bush didn't fully engage with Trump would be an understatement...] Nor did Bush address Trump's rebuttal to the "kept us safe" claim. “The World Trade Center came down during your brother's reign, remember that,” Trump said. “That's not keeping us safe.”
» It's not the first time Trump has said such things. But he was taking a risk, calculated or not, on saying them in South Carolina. George W. Bush remains popular among state Republicans. Perhaps that does not mean everything Bush did remains equally popular, but slamming the Republican former president so hard is a significant gamble for Trump. [...] So once again, as he has so many times in this campaign, Trump has gambled. Maybe his frankness will allow other Republicans to loosen up and admit their doubts about the wisdom of the Iraq War. Or maybe he has touched the third rail of South Carolina GOP politics. He’ll know more in a week. »
Justin Raimondo jubile de cette sortie de The Donald, qu’il place en parallèle avec les conceptions les plus radicales des antiguerres du temps de la guerre en Irak. Pour lui, si Donald Trump continue et si sa position dans les primaires se maintient, c’est tout l’establishment et le corps électoral US qui vont être impliqués dans un débat dangereux (pour le Système) sur la guerre en général, sur la politique belliciste, etc. Il s’agit d’un débat que les USA n’ont pas connu véritablement, ni après 9/11, ni à l’occasion de la guerre en Irak ni dans l’immédiate suite de la première phase de ce conflit, lorsqu’il s’avéra qu’il n’y avait aucune ADM en Irak et que le soi-disant “après-guerre” se transformait en une guerre asymétriques où les USA allaient perdre beaucoup tandis que l’Irak lui-même serait réduit aux ruines et au chaos.
« If Trump continues to win primaries and his ascent in the polls is uninterrupted, this is the end of the War Party’s influence in the GOP. And when even Medea Benjamin can acknowledge Trump’s contribution to the education of the American people on the causes of the Iraq war – although she was singing a far different tune during the debate – can the rest of the politically correct Left be far behind? In a match-up with Hillary Clinton, who fulsomely supported the war, Trump will have the upper hand on this important issue. Indeed, this will be a perfect opportunity for those Sanders supporters who despise Hillary and her coin-tossing super-delegate fixers to exact their revenge and cast their lot with Trumpian populism. And revenge, as libertarians all know, is what politics is all about.
» To those know-it-all pundits who declared that voters don’t care about foreign policy and that therefore we won’t be hearing much about it this election year: how does it feel to be proven so wrong so decisively? Indeed, it may turn out that America’s global empire is the pivotal issue in this contest, underscoring my argument that the American people are sick unto death of perpetual war – and have been unable to do anything about it because they’ve never been given a choice between interventionism and minding our own business.
» This debate brought out many other aspects of Trumpism that are direct appeals to the dreaded “isolationist” sentiments of the American people the foreign policy “experts” have lived in fear of lo these many years. Trump thinks we can actually get along with Vladimir Putin, an idea that seemed to horrify debate moderator John Dickerson; he challenges our bipartisan policy of arming Syria’s head-chopping Islamist rebels – “We don’t even know who these people are!” – and while he’s bad on the Iran deal, unlike his rivals he hasn’t pledged to “rip it up on Day One.”
» The significance of Trump’s foreign policy “heresy,” as liberal commentator Jonathan Chait characterized it, is that his views are only “heretical” inside the Washington Beltway. Out here in the real world, they’re the conventional wisdom. I’ve been saying this for ages, and now that the rise of Trump is underscoring how distanced the elites are from the rest of us, the chattering classes – to their horror – are beginning to realize it, too.
» So now I say to you: whatever you think of The Donald – and I don’t count myself among his supporters – let’s just kick back and enjoy the sheer beauty of this moment when the neocons, their “liberal” doppelgangers, and indeed all of “respectable” society melts down over the GOP frontrunner’s “heretical” foreign policy views... »
L’intervention de Trump a constitué un choc considérable du côté de l’establishment et de tout ce qui le représente, avec l’affirmation habituelle que Trump avait fait “un pas de trop” dans sa campagne de provocation systématique. La question se pose de savoir si Trump a agi volontairement et d’une manière délibérée, calculée et tactique, ou s’il s’est laissé emporté par son tempérament, – si son tempérament est vraiment celui de l’emportement, ce qui n’est en rien assuré.
Le site WSWS.org, qui déteste Trump (comme il déteste Sanders et tous les autres candidat en général, puisque sa mesure est et reste la pureté révolutionnaire trotskiste), a pourtant qualifié son intervention d’« important moment de vérité [...] ... L’apparition soudaine et inattendue d’une indiscutable vérité politique au cœur du débat républicain ». Ensuite, WSWS.org a noté que, le lendemain, lors d’une émission de la NBC où il était interviewé, Trump a notablement retraité par rapport à ses affirmations du jour précédent ; et le site trotskiste suggère aussitôt qu’il s’agit d’une intervention mystérieuse, “directe ou indirecte”, pour lui signaler que son « bref exercice de parler-vrai n’est pas apprécié très favorablement par la communauté militaire et de renseignement ».
Cette spéculation n’est en rien évidente et dépend effectivement de ce qu’on décide à propos de l’intervention de Trump. Elle est fondée si l’on croit que Trump s’est laissé emporter. (Mais cela signifie alors que le tempérament de Trump est de dire la vérité et qu’il a des idées fortes là-dessus ? Cela laisse à penser à propos de ce qu’il faut penser de lui.) Elle est faussaire si l’on admet que Trump fait de la tactique : jeter un énorme pavé dans la mare en espérant rencontrer le sentiment du public, et essuyer le lendemain quelques éclaboussures pour ne pas se trouver coincé dans une position trop antiSystème par rapport à l’establishment.
« In an appearance on the NBC interview program “Meet the Press” Sunday, only hours after the debate, Trump sought to beat a retreat. Asked by interviewer Chuck Todd whether he still believed that the war in Iraq was an impeachable offense, Trump replied, “Well, that’s for other people to say. And look, that is for other people to say. I can say this, it may not have been impeachable because it was a mistake.” When Todd suggested that he was risking his frontrunner position in South Carolina polls by calling President Bush a liar, Trump spluttered, “I didn’t call him a liar. I say—I said, I didn’t call anybody a liar.” He continued lamely, “Look, I said maybe, Chuck, I said maybe there were lies. Because look, the weapons of mass destruction, they said they existed, and they didn’t exist… There were no weapons of mass destruction. Now, was it a lie? I don’t know.”
» There is little doubt the billionaire has been informed, directly or indirectly, that his brief exercise in truth-telling is not looked on favorably by the US military-intelligence apparatus. »
Il peut nous paraître extraordinaire que les USA en soient encore à s’effrayer ou à envisager de parvenir à une certaine maturité de la vision de la Grande Crise à propos de la guerre en Irak de 2003, et de l’existence ou non des ADM fantasmagoriques de Saddam. Bien entendu, le cas est depuis longtemps réglé et affirmé hautement du côté des antiSystème et de nombre d’analystes, de commentateurs, etc., se trouvant en marge du Système ou dans le Système sans être complètement phagocytés par lui.
Pour ceux qui sont dans le Système, qui font partie des élites-Système, et surtout dans des occurrences officielles et pompeuses comme la campagne électorale, c’est plutôt le silence sur le fondement de cet événement, sur la vision objective qu’on peut et doit en avoir, c’est-à-dire selon notre jargon d’aujourd’hui, sur sa “vérité-de-situation”. On peut certes dire qu’on était “contre”, voire quand c’est le cas qu’on a voté “contre”, mais ce n’est certainement pas aller jusqu’à ce qu’a dit Trump. En quelques mots, Trump a dit que tout, absolument tout était faux et faussaire dans cette guerre, et que tout le reste qui a suivi, certainement pour le cas du Moyen-Orient, mais aussi pour d’autres crises ou “chaînes crisiques” qui se sont formées, dépend de cette guerre et est né d’elle-même. En quelques mots, Trump dit que cette guerre a agi comme un choc déstructurant formidable qui ne cesse de faire sentir ses effets comme autant de répliques sans fin, qui dissolvent littéralement les situations, les structures principielles, déclenchent des crises et les alimentent, tout cela conduisant jusqu’au “tourbillon crisique” d’aujourd’hui. En quelques mots, Trump désigne la politique-Système non plus d’une façon abstraite (un peu comme l’avait fait Ullman) mais d’une façon opérationnelle qui met en cause tous les acteurs de l’origine et ceux qui ont suivi en enchaînant là-dessus sans changer de fondement. Bref, avec lui “le roi est nu”, complètement et sans artifices...
Tout cela n’est pas pour suggérer que Donald Trump est le révolutionnaire tant attendu doté d’une grande conscience politique et d’une capacité d’analyse exceptionnelle ; il dit tout haut ce que tout le monde sait très bien en silence et désigne la culpabilité de l’establishment, simplement parce qu’il n’accepte pas les règles du Système. C’est sa politique et, diront certains, “son fonds de commerce”, selon l’“instinct” qu’il a de la situation actuelle ; comme dirait de Gaulle, mais avec un zeste d’ironie en raison du personnage (Trump) et en inversant sarcastiquement les termes “Tout peut un jour arriver, même ceci qu’un bon placement politique apparaisse, en fin de compte, comme un acte conforme à l’honneur et à l’honnêteté”. (La citation exacte étant « Tout peut un jour arriver, même ceci qu’un acte conforme à l’honneur et à l’honnêteté apparaisse, en fin de compte, comme un bon placement politique. ») Le tout est donc désormais de savoir si Trump a fait ou non un “bon placement politique”, s’il est aussi bon politicien que businessman milliardaire.
Mis n ligne le 16 février 2016 à 15H58