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1298Récemment Ugo Bardi regrettait la violence des policiers en Espagne, réducteurs de bonnes dames catalanes (lesakerfrancophone.fr).
Nous sommes de plus en plus écrasés par les Etats et les gouvernements : invasions (je le dis non comme je le pense mais comme on le voit), guerres, menaces, taxations, massacres de masse ici ou là se terminant par toujours plus de contrôles et de confiscations, plus rien ne nous est épargné. Je vois que comme en Grèce où tout un peuple a été affamé tout le monde s’incline devant la toute-puissance étatique. C’est que nous sommes des hommes sans honneur, pas très susceptibles…
Chrétien de Troyes :
« La douleur passe, la honte dure dans le cœur d'un homme énergique et droit, tandis que chez l'homme médiocre la honte meurt et se refroidit vite (Perceval, v. 2905-2908). »
Les deux qui nous expliquent tout cela mieux que tout le monde sont Nietzsche et Tocqueville. Ces derniers jours Philippe Grasset a parlé de Nietzsche et de son dernier homme. On va citer Tocqueville alors dont la démocratie en Amérique est un guide sur notre apocalypse :
« Au commencement d’une grande révolution démocratique, et quand la guerre entre les différentes classes ne fait que de naître, le peuple s’efforce de centraliser l’administration publique dans les mains du gouvernement, afin d’arracher la direction des affaires locales à l’aristocratie. »
Eh oui, qui dit révolution dit contrôle accru. Qui dit guerre mondiale ou humanitaire dit contrôle accru aussi. Qui dit monde sûr pour la démocratie dit énorme contrôle accru encore ! A comparer avec nos ancêtres émeutiers et frondeurs. Tocqueville dit aussi :
« Quand tous les vivants sont faibles, la volonté des morts est moins respectée. »
Tocqueville a compris le premier que le secret de nos révolutions libérales et sociales (on travaille jusqu’en août pour l’étatisme) c’est le contrôle et la centralisation :
« D’un côté, les plus fermes dynasties sont ébranlées ou détruites ; de toutes parts les peuples échappent violemment à l’empire de leurs lois ; ils détruisent ou limitent l’autorité de leurs seigneurs ou de leurs princes ; toutes les nations qui ne sont point en révolution paraissent du moins inquiètes et frémissantes ; un même esprit de révolte les anime. Et, de l’autre, dans ce même temps d’anarchie et chez ces mêmes peuples si indociles, le pouvoir social accroît sans cesse ses prérogatives ; il devient plus centralisé, plus entreprenant, plus absolu, plus étendu. »
La conclusion ne se fait pas attendre :
« Les citoyens tombent à chaque instant sous le contrôle de l’administration publique. »
Tocqueville comprend le risque bismarckien et l’impossible retour en arrière :
« Les princes ont rejeté toutes les nouveautés que la révolution avait créées chez eux, excepté la centralisation : c’est la seule chose qu’ils aient consenti à tenir d’elle. »
L’Etat, le plus froid des monstres froids, arrive couronné alors :
« Ce que je veux remarquer, c’est que tous ces droits divers qui ont été arrachés successivement, de notre temps, à des classes, à des corporations, à des hommes, n’ont point servi à élever sur une base plus démocratique de nouveaux pouvoirs secondaires, mais se sont concentrés de toutes parts dans les mains du souverain. Partout l’État arrive de plus en plus à diriger par lui-même les moindres citoyens et à conduire seul chacun d’eux dans les moindres affaires. »
Avant Taine né dix-sept ans après lui Tocqueville pleure la fin de l’éducation libre :
« L’éducation, aussi bien que la charité, est devenue, chez la plupart des peuples de nos jours, une affaire nationale. L’État reçoit et souvent prend l’enfant des bras de sa mère pour le confier à ses agents ; c’est lui qui se charge d’inspirer à chaque génération des sentiments, et de lui fournir des idées. L’uniformité règne dans les études comme dans tout le reste ; la diversité comme la liberté en disparaissent chaque jour. »
A transmettre à ceux qui fourrent en prison les parents allemands qui ne veulent pas d’éducation sexuelle pour leurs enfants, ou à la maman espagnole mise en prison pour une gifle…
La religion n’est plus de ce monde. Elle a été nationalisée, explique Tocqueville dans une page moins lue :
« Je ne crains pas non plus d’avancer que, chez presque toutes les nations chrétiennes de nos jours, les catholiques aussi bien que les protestantes, la religion est menacée de tomber dans les mains du gouvernement. Ce n’est pas que les souverains se montrent fort jaloux de fixer eux-mêmes le dogme ; mais ils s’emparent de plus en plus des volontés de celui qui l’explique : ils ôtent au clergé ses propriétés, lui assignent un salaire, détournent et utilisent à leur seul profit l’influence que le prêtre possède ; ils en font un de leurs fonctionnaires et souvent un de leurs serviteurs, et ils pénètrent avec lui jusqu’au plus profond de l’âme de chaque homme. »
On pourrait continuer mais on s’arrêtera là. Ne vous étonnez pas, peuples, d’être devenus jetables et remplaçables après deux siècles de ce régime ! Plus on vous assaisonnera à la liberté et à la sécurité, moins il vous en restera – de liberté et de sécurité !
Alexis de Tocqueville, de la démocratie en Amérique, II, quatrième partie, chapitres 4, 5 et 6