Tourbillon crisique-44

Journal dde.crisis de Philippe Grasset

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Tourbillon crisique-44

03 mars 2018 – Deux grands évènements dominent, écrasent, ébranlent cette fin de semaine... Il est intéressant de les comparer, autant dans leur sens que dans leurs effets profonds. Les deux évènements sembleraient de pure remise en ordre, comme s’ils affirmaient brutalement ce qu’on pourrait considérer comme des “vérités” que les simulacres tendent à obscurcir ; certes, mais quels peuvent être leurs véritables effets ?

Il y a d’une part le discours de Poutine, avant-hier, essentiellement son volet portant sur les armements. On en a dit quelques mots hier, d’une façon substantielle il me semble. Je suggérerais d’y ajouter ces observations de Gilbert Doctorow (son article du 2 mars 2018) qui nous dit assez bien, me semble-t-il, la signification profonde de la chose, compte tenu de tout ce que nous savons de la portée opérationnelle révolutionnaire de ce qu’a annoncé Poutine... (Une signification qui prend assez justement le contrepied des lectures conventionnelles de ce discours : « En réaction aux menaces des États-Unis, le président de la Russie déclare une course à l'armement nucléaire », selon WSWS.org, – que je contesterais complètement pour cette fois et pour l’occasion.) :

« À sa manière, écrit Doctorow, ce discours était aussi important, peut-être plus important que le discours de Poutine à la conférence de Munich sur la sécurité en février 2007, dans lequel il exposait longuement les griefs de la Russie à l’encontre de l'hégémonie mondiale des Etats-Unis établie dans les années1990 aux dépens des intérêts nationaux russes. Ce discours (de 2007) avait marqué un tournant dans les relations américano-russes, nous conduisant à la confrontation extrême d'aujourd'hui. Le discours de jeudi ne suggère pas le début d'une nouvelle course aux armements, mais sa conclusion avec la victoire russe et la défaite américaine. »

Il y a d’autre part, le même jour, la décision de Trump d’imposer des droits de douane sur les importations d’acier et d’aluminium, cela posant ainsi un acte de protectionnisme particulièrement marquant de son slogan de communication America First. Trump a choisi les mesures les plus dures parmi celles qui lui étaient proposées, dans la confusion générale (personne à la Maison-Blanche n’était averti de sa décision) et contre l’avis de nombre des membres de son cabinet. (Jusqu’au général Mattis, le chef du Pentagone et l’homme qu’on voit comme “la main de l’ombre” [DeepState] qui manipule la marionnette, qui avait dit son opposition à une mesure pourtant sans tapport direct avec la chose militaire ; au fait, Mattis qui ne manipule pas si bien...).

La décision du président Trump, dit ZeroHedge.com, « a provoqué un tollé dans le monde entier, signe d'une guerre commerciale imminente et de la fin du monde tel que nous le connaissons... [...]

» Le comité de rédaction du Wall Street Journal, [habituellement partisan de la politique économique de Trump] estime que Donald Trump a fait la plus grande erreur politique de sa présidence jeudi en annonçant que la semaine prochaine, il imposera des droits de 25% sur l'acier importé et de 10% sur l'aluminium. Cette augmentation fiscale punira les travailleurs américains, invitera à des représailles qui nuiront aux exportations américaines, divisera la coalition qui lui sert de base, rendra furieux les alliés des USA et sapera ses réformes fiscales et réglementaires. »

Lorsque je dis que deux “vérités” s’affirment, c’est d’une façon subjective, à-la-hussarde, au sens de véritables évènements engendrant une communication qui perce le filet opaque du simulacre que le Système a construit. Cela ne signifie pas que ces deux évènements établissent à eux seuls une nouvelle situation, qu’on nommerait alors “vérité-de-situation”, qui serait directement dans leur logique.

Dans ce cas, Poutine et Trump, tantôt ennemis, tantôt “alliés objectifs”, de caractères opposés et de conceptions qui ne le sont pas moins, se retrouvent avec leurs deux actes en ennemis de la globalisation puisqu’ils affirment à leur façon deux entités nationales. La curiosité est qu’ils devraient être, chacun de leur côté, opposés à l’acte de l’autre selon ce que sont ces deux actes. Cette logique-là, humaine trop humaine, est déplacée là comme ailleurs. Pour ce cas, ce sont deux semeurs de trouble antiSystème qui agissent involontairement de concert. C’est une “main invisible”, “divine” si vous voulez, qui les a fait agir en même temps, le même jour.

Je crois au contraire de la façon dont on serait tenté de les présenter que ces deux évènements incontestablement puissants accélèrent d’une façon radicale le désordre-chaos, encore lui, en semant des oppositions nouvelles, des antagonismes internes autodestructeurs, etc. Combien, dans les divers camps concernés, vont se trouver et se trouvent déjà à la fois pris à contrepied, stupéfaits, furieux de ces deux “vérités”, et bientôt encore plus actifs dans leur travail de simulacre qui œuvre dans ce cas dans le sens de la déstabilisation. Ce n’est pas la “vérité” qui triomphe, c’est la déstructuration de l’architecture-Système. Cette dynamique de déstructuration, voilà la véritable “vérité-de-situation” de la séquence.