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297327 avril 2018 – Pour cette fois, comme une première fois, on ne parlera pas pour cette rubrique du “tourbillon crisique” d’un ensemble de crises et d’évènements de nature générale et affectant plusieurs domaines, mais au départ d’un événement très technique. L’intérêt est dans les conséquences, véritablement tourbillonnaires
L’événement, d’abord passé inaperçu parce que venu d’un séminaire lundi dernier de spécialistes US de la guerre électronique (EW, pour Electronic Warfare), se trouve dans quelques extraits d’une conférence du général Raymond Thomas, chef du US Special Operations Command. Phrases principales, où “nos adversaires” sont évidemment les Russes :
« Actuellement, en Syrie, nous nous nous trouvons, du fait de nos adversaires, dans l’environnement de guerre électronique le plus agressif que l’on puisse trouver dans le monde. Ils nous attaquent chaque jour, interrompant nos communications, désactivant nos AC [EC ?]-130, etc... »
Il y a une querelle d’interprétation pour savoir si Thomas a dit AC-130 ou EC-130 (versions spéciales, d’attaque et de guerre électronique, du vieux et increvable C-130 dont le premier vol-proto remonte à 1954). Deux articles, les premiers à citer cette information, – Breaking Defense du 24 avril et War Zone du 25 avril, – développent cet aspect accessoire du propos. Ils présentent également des éléments précis mettant en évidence l’infériorité sévère des forces US dans le domaine de la guerre électronique. (Voir aussi, très bien documenté, Breaking Defense du 8 janvier 2018.) Un débat essentiel est en train de s’ouvrir, concernant les capacités électroniques des forces armées US dans un conflit de haute intensité, face essentiellement à la Russie dont les progrès considérables sont désormais actés. Ce débat, avec les propos du général Thomas, sonnent, dix jours après, comme une confirmation implicite de la version russe de l’attaque du 13-14 avril, et des interprétations qui ont donné un rôle essentiel dans l’interception des cruise missiles aux capacités de guerre électronique des Russes, soit pour repérer et informer les batteries syriennes, soit pour interférer directement dans le vol des missiles.
Une autre nouvelle se chuchote sous le manteau, dans le même registre : les Israéliens auraient décidé de renvoyer à 2025 leur deuxième commande imminente de F-35, avec une commande de F-15 pour verrouiller l’intervalle. L’aviation militaire israélienne est une référence fondamentale : cette décision, très-très-probable pour mon compte, confirmerait que le F-35, notre fabuleux JSF, est bien inapte dans l’état actuel des choses à tout emploi opérationnel sérieux alors que tout le programme est dans l’impasse d’un chaos technologique, bureaucratique et budgétaire. L’avenir de la puissance aérienne US est ainsi dramatiquement mise en cause et en lumière.
Le déclin de la puissance militaire US est maintenant un fait incontestable, avec divers points de possibilités de rupture précipitant le déclin vers l’effondrement. Est-ce le moment rêvé pour la Russie, pour affirmer sa puissance ? Paradoxalement, – ou bien, pas vraiment, – les propos du général Thomas ont amené une réaction de protestation à Moscou : « La Russie a autre chose à faire en Syrie » qu’interférer dans le vol des avions US, déclare l’adjoint du président de la commission de la défense de la Fédération de Russie Evguéni Serebrennikov. « Je ne sais pas qui ils [les Américains] désignent par le mot “nos adversaires”, mais la Russie n’a rien à voir avec cette affaire, et toutes ces allégations sont infondées. »
Ce n’est pas une protestation de circonstance. Les Russes ne veulent pas exercer une domination, ils veulent un monde multipolaire où les divers pôles de puissance s’accordent pour établir des situations stables et apaiser les conflits. Ils veulent que les USA “gèrent” aimablement et sagement leur déclin, – puisque déclin il y a, – et que tout le monde s’entendent dans le respect mutuel. Bien entendu, cela relève du vœu pieux : la gent américaniste, exceptionnelle comme nulle autre cela va de soi, ne sait pas se replier, encore moins accepter des défaites même partielles. Cette attitude se retrouve dans un de ses traits psychologiques, l’indéfectibilité.
Ceux qui croient que le déclin désormais accéléré de la puissance US est un gage d’apaisement des tensions se trompent non pas lourdement, mais absolument, du tout au tout. Les Russes y croient-ils ? Ils seront vite ramenés à la grande vérité-de-situation. Le déclin des USA ne peut se faire que dans le bruit et la fureur, dans un effondrement qui emportera le Système jusqu’au plus profond de ce trou noir sans fond qui nous menace. Tous les vrais américanistes l’ont prévu ainsi ;
que ce soit leur grand président Abraham Lincoln (« Si la destruction devait un jour nous atteindre, nous devrions en être nous-mêmes les premiers et les ultimes artisans. En tant que nation d’hommes libres, nous devons éternellement survivre, ou mourir en nous suicidant ») ; que ce soit leur grand poète Walt Whitman (« Les États-Unis sont destinés à remplacer et à surpasser l’histoire merveilleuse des temps féodaux ou ils constitueront le plus retentissant échec que le monde ait jamais connu… »).
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