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287217 décembre 2017 – Depuis le scandale Weinstein (10 octobre), les USA tourbillonnent au rythme des “scandales sexuels”, jusqu’à introduire un nouvel élément politique majeur dans la grande crise de “D.C.-la-folle”. On peut donc parler de “crise sexuelle”, avec l’aide d’une puissance de communication sans égale, – car, bien entendu, dans toute cette chronique, comme dans bien d’autres, le manipulateur central et le Deus/Diabolus ex machina (dimension-Janus), c’est la communication.
(On notera aussitôt que je ne parle que des USA. Dans d’autres pays, il y a eu des “affaires sexuelles”, certaines très sévères, comme celle de Tariq Ramadan en France. Mais nulle part, rien de semblable à ce qui se passe aux USA, – non pas nécessairement pour la gravité des affaires mais pour le fantastique effet de communication producteur d’une formidable résilience ; cela qui entraîne des affaires si étonnantes de banalité pour ces territoires des mœurs considérablement dissolues [Hollywood, tu parles !], vers les hauteurs supposées de la politique au plus haut niveau, de la plus grande puissance que le monde ait jamais connue.)
Luke Rosiak, de The DailyCaller annonce une “bombe” de révélations qui va secouer la Chambre des Représentants dans les 72 heures et provoquer la démission « de plus d’une douzaine de députés ». (On verra ça demain puisque l’article est du 15 décembre.) Le même DailyCaller, si vous consultez sa première page ce matin, détaille deux nouvelles affaires. (Je cite DailyCaller puisque j’y étais, je n’ai pas fait de recherches extensives...) Le site WSWS.org, qui a pris avec une vigueur sans égale position contre cette vague de “répression” et de “dénonciation”, publie un long article détaillant toutes les affaires en cours, estimant (ou espérant ?) qu’une réaction contre cette “crise” est en train de s’ébaucher mais observant également sa dimension politique fondamentale par l’exploitation qui en est faite, bien entendu sous la forme d’une manipulation complotiste des usual suspects.
« Depuis le début de la présidence de Trump, les démocrates ont cherché à canaliser l'opposition populaire à l'administration derrière un programme de droite basé sur les demandes de puissantes factions de l'appareil de renseignement militaire. D’où la campagne sur les “fausses nouvelles”, le Russiagate et maintenant le harcèlement sexuel. Thomas Edsall, dans une chronique publiée cette semaine (“The Politics of #HimToo”), reconnaît que la campagne est largement motivée par des considérations politiques. La chronique est d'autant plus significative qu'elle apparaît dans le New York Times, la voix dominante dans la poursuite de la chasse aux sorcières.
» “La question de l'inconduite sexuelle a émergé comme une pièce maîtresse de la stratégie démocratique pour s'attaquer au président Trump et au parti républicain”, écrit Edsall. “Pour les démocrates, qui ont lutté pour trouver des munitions dans leurs batailles avec l'administration, l'explosion des allégations a créé une ouverture pour mettre l'accent sur Trump – un développement grandement amélioré par la débâcle de Moore.” Il s’agit d’une référence à la défaite du républicain fasciste Roy Moore [accusé de pédophilie] par le démocrate de droite Doug Jones lors de l'élection de cette semaine au Sénat américain en Alabama. »
J’arrête là pour les nouvelles illustrant cette transmutation de ce qui fut au départ un “scandale sexuel” comme on en connaît beaucoup, – quoique l’on pense du personnage central, – en une nouvelle forme de la crise politique fondamentale qui déchire “D.C.-la-folle”. On avait d’ailleurs eu un avant-goût de la chose durant la campagne présidentielle, avec les attaques contre Trump, dont on a vu qu’elles se poursuivent et vont même être réactivées.
Ce qui m’intéresse ici, c’est le mélange, la confrontation, la transmutation pas d’autre mot de plusieurs matières d’habitude si étrangères l’une de l’autre, jusqu’à une intégration générale dans le “tourbillon crisique”. Il y a déjà eu des cas individuels de ce genre, où une affaire de sexe débouchait sur une affaire politique, mais cela restait toujours un cas individuel, une occurrence conjoncturelle. On en restait à une “affaire de sexe” ou un “scandale sexuel” impliquant un personnage politique jusqu’à sa chute par exemple, sans passer à la notion de crise et à la dimension crisique qui s’étend et se multiplie sur le terme et s’inscrit dans la Grande Crise Générale. Ce qui est remarquable aux USA, et aux USA seuls comme je l’ai dit plus haut, c’est justement qu’il y a ce passage “à la dimension crisique qui s’étend sur le terme et s’inscrit dans la Grande Crise Générale” par le biais d’accusations et de dénonciations qui font sentir leurs effets avant même que l’institution judiciaire ait tranché, ni même n’ait été saisie, tout cela emporté à un train d’enfer par le système de la communication.
Le mélange qui aboutit à cette dimension que ne connaît aucun autre pays est singulièrement étonnant, et s’avère explosif au bout du compte. Étonnant et détonant, je l’avoue le mot est tentant... D’une part, il y a une évolution accélérée des mœurs, cette espèce de “révolution sociétale” qui touche peu ou prou tous les pays du bloc-BAO, qui peut être considérée et identifiée comme ayant les caractères d’une extrême licence et d’une libération de ces mœurs autant que des habitudes culturelles et sociétales, donc par conséquent et notamment, une “libération sexuelle” quasiment sans entraves. D’autre part, il y a certains constituants parmi les plus puissants de cette “révolution sociétale” qui entend se caractériser par une “libération” dans tous les sens, qui s’érigent de plus en plus en accusateurs, dénonciateurs et censeurs, qui sont le contraire de quelque “libération” que ce soit et plutôt du type oppressif sinon terroriste. Pour ce qui nous concerne ici, je veux parler du féminisme dans son expression la plus extrême à partir d’un mouvement dont on pouvait et même devait au départ juger bien entendu qu’il était complètement justifié. (*)
Enfin, il y a cerise sur le gâteau, celle qu’est le fond très puissant de puritanisme qui forme le cimier et la poutre-maîtresse de la culture américaniste, qui prône aussi bien la dénonciation des abus sexuels que l’encouragement à la dénonciation des auteurs de ces abus. (Ce sont les phénomènes du puritanisme sexuel et de “la chasse aux sorcières”.) Je crois que ce fond des comportement et caractère américanistes qui subsistent quels que soient les sujets en cause, fournit l’explication principale à la formidable ampleur qui fait que l’on soit passé d’un “scandale sexuel” à des “scandales sexuels”, et maintenant à une “crise sexuelle” qui absorbe tout le reste, qui monte au niveau politique avec déjà cinq démissions de parlementaires et d’autres à venir, qui a eu la peau du candidat-sénateur républicain Moore dans l’Alabama, qui pourrait notamment servir de moteur à une action législative contre Trump, et ainsi de suite.
Le plus extraordinaire des paradoxes, c’est que le féminisme, qui se veut un mouvement d’ultra-libération de la licence sexuelle, postmoderne, déconstructeur sinon libertaire, se trouve conforté jusqu’à s’y mélanger par le vieux fond de puritanisme, ultra-rigoriste, c’est-à-dire cette sorte de caporalisation des mœurs tenant la société dans une structure rigide et repoussant avec une hargne brutale toute licence sexuelle. Les deux manient avec une maestria similaire l’hystérie de l’accusation en place publique jusqu’à la terrorisation de sa proie, la chasse aux sorcières, etc. Le site WSWS.org, dont la rigueur doctrinale qui est aussi de type puritain après tout ne cesse de me ravir, a bien du mal, le pauvre, à nous convaincre que les dénonciateurs des “abuseurs sexuels” sont des fascistes d’extrême-droite, réactionnaires, antidémocratiques, etc., – on connaît la musique... « La campagne de harcèlement sexuel est de droite, antidémocratique et politiquement réactionnaire. Cela n'a rien à voir avec les intérêts des travailleurs, hommes ou femmes. »
Voici ce qui me ravit, – je parle de l’étonnement presque joyeux de l’esprit devant la cosmique stupidité de Nos Temps-Derniers qui s’expose avec autant d’empressement débridé... Ce qui me ravit c’est cet étrange mélange des extrêmes les plus divers et, en général, qui s’opposent avec une violence extrême et qui se retrouvent, volens nolens, côte-à-côte, engagés dans des combats si différents, mais pourtant si extrêmes qu’ils finissent par se confondre dans la méthode, dans l’état de l’esprit. Ce qui me ravit c’est de voir que ce qu’on nomme très-vulgairement “des affaires de cul” débouchent sur ce qu’on nomme bien exagérément “la grande politique”. Ce qui me ravit est de voir que ceux qui croient accomplir une “révolution sociétale“ à partir d’une situation qu’ils jugent intolérables d’oppression et d’inégalité, font une “révolution” selon le sens que rappelait Hanna Arendt, c’est-à-dire une ellipse qui revient à son point de départ, eux-mêmes (les “libérateurs”) évoluant à grande vitesse vers la promotion d’une situation “intolérable d’oppression et d’inégalité”. Ce qui me ravit c’est que tout cela s’accomplit dans une fièvre démocratique, républicaine, où les vertus les plus extrêmes ne cessent de s’affirmer pour la grandeur des États-Unis d’Amérique et la beauté des lendemains de la postmodernité-qui-chante, pour alimenter comme le napalm le fait des missions d’éradication de l’USAF, le désordre le plus complet, le chaos le plus décisif et je l’espère le plus subversif possible, – le “tourbillon crisique” dans sa variante charmante du “tourbillon sexuel”...
Bref, l’extase ! (J’allais dire “l’orgasme”... Mais non, décidément il s’agit de “grande politique” et il est temps, morbleu, de redevenir sérieux.)
Note
(*) Ce dernier point devrait rassurer les sentinelles vigilantes qui scrutent chez PhG un fond de machisme abruti et indigne jusqu’à la détestation la plus justifiée.
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