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223812 mai 2017 – La rapidité absolument fulgurante des événements nous conduit à tenter de trouver un rythme à mesure pour le commentaire, notamment au travers de symboles, de formules, de tout ce qui peut rester signifiant tout en restituant ce rythme et éventuellement sa signification ; d’où cette hypothèse, pour le cas du président des USA après la mise à pied de Comey et sa rencontre quasi-triomphale avec Lavrov, de se demander si nous sommes en présence d’un Trump 3.0 (après le Trump 1.0 de l’élection et des premières semaines et le Trump 2.0 depuis le 1er avril) ou d’un “retour à Trump 1.0” ? Tout cela, la réalité fulgurante des événements, se fait par ailleurs dans le climat stupéfiant de cette partie de la communication à prétention d’exclusivité ; c’est-à-dire l’habituelle et assourdissante hystérie de l’anti-trumpisme/antirussisme de la presseSystème US ; c’est-à-dire, l’habituel et assourdissant silence de la presseSystème en Europe dès qu’il s’agit de quelque chose d’important, ou d’intrigant, qui vient des USA hors des canaux estampillés-Obama comme symbole et “inspirateur officiel” sinon sanctifié du courant progressiste-sociétal. Ces constats signifient que nous sommes à nouveau dans une nouvelle phase de ce que nous serions tentés de nommer “trumpisme” si nous ne craignions pas de donner au comportement du président US une certaine cohérence que suppose l’implication stratégique et doctrinale suggérée par un néologisme en “isme”.
La chose s’est révélée avec les deux événements mentionnés, la liquidation de Comey et l’enthousiasmante visite de Lavrov à Trump (et aussi au secrétaire d’État Rex Tillerson). Sur ce dernier point, les deux parties se sont montrées extrêmement satisfaites, comme l’ont montré diverses prises de vue de la rencontre, la chaleur des poignées de main, les sourires et les rires de part et d’autre. Le ministre russe Lavrov, qui ne se laisse jamais prendre par une euphorie injustifiée, s’est montré d’une humeur jubilante, estimant que le nouvelle direction politique US est complètement business-like, c’est-à-dire en gros “réaliste”, et complètement débarrassée des pesanteurs idéologiques qui marquaient l’équipe précédente : c’est dire, par exemple et exemple symbolique, que Lavrov n’a pas eu à subir l’habituel sermon d’une Rice ou d’une Nuland sur le respect des droits de l’homme en Russie. (Le contraste est complet avec les relations du temps d’Obama, mais il est aussi complet avec le climat de la visite du secrétaire d’État Tillerson à Moscou, le mois dernier, – ce qui constitue un développement particulièrement surprenant et remrquable.)
Pour avoir une vision précise et assez juste des événements de ces derniers jours, nous allons citer une interview du 11 mai 2017 de Ron Paul par RT, effectivement l’un des rares médias “officiels” (Russia Today) en lequel on puisse avoir confiance dans ce genre d’affaire, par rapport à l’incroyable et ordurier amas de fakeNews postvérité que forme la presseSystème du bloc BAO à cet égard. Ron Paul est un interlocuteur parfait pour notre cas : d’une part c’est un homme honnête dont la psychologie a en grande partie échappé à la corruption du Système, et un homme de très bonne intelligence politique, un ancien parlementaire et candidat à la présidence de grand renom, grand connaisseur des matières de politique extérieur et des questions constitutionnelles ; d’autre part, il est loin, très loin de s’être montré indulgent pour Trump et n’a jamais particulièrement porté le nouveau président dans son cœur, mettant en évidences ses erreurs et certaines de ses orientations jugées catastrophiques. Il faut souligner ce fait que Ron Paul n’a pas hésité à prendre nettement position, ces six dernières semaines, affirmant que Trump avait trahi, ou avait été contraint de trahir tous ses engagements de campagne (Trump 1.0 devenue Trump 2.0) et qu’il était complètement prisonnier du Deep State. Le voici donc qui applaudit sans aucune réticence aux résultats de la visite, il y a deux jours, de Lavrov à Washington, la considérant comme une “amélioration sensible” des relations entre les USA et la Russie per se, et également sur le problème syrien : « Pour l’heure, les relations [entre la Russie et les USA] se sont grandement améliorées. Je pense que c’est une bonne chose. »
(Ron Paul parle également de la mise à pied du directeur du FBI, James Comey, qui est l’autre grande affaire qui secoue Washington D.C. depuis quelques jours... Le déchaînement de l’opposition démocrate est complet, au point où certains parlent d’une “Political Civil War” à ce propos, avec, comme l’on sait, le but pour les démocrates de parvenir à une procédure de destitution contre Trump. Ron Paul, lui, absout le président dans cette affaire.)
RT: « Sergey Lavrov says President Trump wants productive relations with Moscow after the previous administration soured them. Can they be improved considering the storm over the alleged ties between the Trump team and Russia? »
Ron Paul: « Absolutely. And I think that has been. What is going on right now is an improvement. I think what is going on in Syria with these de-escalation zones; I think that is good. They are talking to each other. I just don’t understand why sometimes there is an impression that we shouldn’t be having diplomatic conversations … All the tough rhetoric doesn’t do any good. Trump’s statement to me sounded pretty good. I think the whole thing about the elections, putting that aside would be a wise thing because the evidence is not there for any intrusion in our election by the Russians. I think this is good progress, and there will be plenty individuals in this country who complain about it because it just seems like they are very content to keep the aggravation going. Right now, the relationship from my viewpoint has greatly improved. I think that is good. »
RT: « During the media conference, some journalists again raised the question of possible Russian involvement in US politics. How is it possible for such a great nation to think this way? »
Ron Paul: « If it is a fact, we should hear about it, but we haven’t. And those individuals who are trying to stir up trouble like that, they haven’t come up with any facts. Nobody wants anybody’s elections interfered with. But the facts aren’t there, so why dwell on that? Why use that as an excuse to prevent something that we think is positive and that is better relations with Russia. I think what is happening with this conversation is very beneficial.
» Unfortunately, Trump’s opponents have been able to frame the issue in Washington and also we have a compliant media that is playing into the hands of his opposition. He has made a good point that the [allegations of Russian interference] does look like fiction. I am certainly prepared to believe that Russia had some interference in the election. But can we see a single fact? We haven’t seen a single fact of it. The media reports it as if it is true. Trump has a very difficult row to hoe if he wants to improve relations with Russia; he is going to have to take a stand and refute some of these things a lot more vociferously than he has.
RT: « According to Lavrov, Trump also expressed his support for creating safe zones in Syria. Will this pave the way for co-operation between the two coalitions? »
Ron Paul: « With Assad and Russia working together and getting more security for the country, at the same time the US is now talking with Russia. I think this is good. But just the acceptance of the idea that we should be talking and practicing diplomacy rather than threats and intimidation. There are obviously a lot of problems that we have to work out, but I think in the last week and the last couple of days very positive things have been happening.
» Elements of our media have made a big deal about contacts Sergei Kislyak [the Russian ambassador to the US] had with various members of Trump’s transition – and I may add, other politicians, both Democrat and Republican, after all, that is his job as an ambassador to our country to interact with elements of our government... Over here in the US, we talk about the need for fair and balanced coverage. When the reality is in the mainstream press, it is all hard-left, Democrat-favoring Republican-conservative bashing press. »
RT: « The meeting came after the firing of the FBI director James Comey. What do you make of the timing? »
Ron Paul: « I don’t think that firing had anything to do with the so-called investigation. I think it has to do with the credibility of Comey as such, where he was involved too politically in the issues. First, it looked like he was supporting Hillary, then the next time he was supporting Trump, and he should not have been out in front on either one of those issues; that should have been done more privately on these charges made that were unconfirmed. I think this represents poor judgment on Comey’s part and certainly, the president had the authority to fire him. It will be politicized now, and the question will be whether there will be a special prosecutor, but if there are no problems, then a special prosecutor in my estimation is unnecessary. »
• Il faut noter que la rencontre Lavrov-Trump a été accompagnée d’une circonstance inédite, marquée par le déchaînement de la presseSystème, à la fois anti-Trump et antirussiste. La rencontre Trump-Lavrov était “privée” et, semble-t-il deux photographes seulement étaient autorisés à prendre des photos, un de Russie et un des USA. Les photos publiées sont d’abord venues du photographe russe, ce qui a provoqué un véritable tollé dans la presseSystème US. Le photographe russe, Alexander Shcherbak, de Tass, a été stupéfait de ces réactions, certaines allant jusqu’à l’accuser d’avoir placé des micros dans le bureau ovale. (« However, the routine assignment triggered hysteria in the US media and spurred a range of conspiracy theories. There was even a suggestion that Shcherbak could have planted a spying device in the Oval Office. “I cannot understand the hysteria around this issue,” Shcherbak told RT, rejecting such insinuations as ridiculous. “Everyone who’s has to undergo a standard screening procedure. First they checked me, then my belongings and devices, and only afterwards took me to the Oval Office.” »)
TheDuran.com a publié deux articles très critiques des réactions de la presseSystème US, l’un d’Alexander Mercouris et l’autre d’Adam Gurrie exposant les grandes lignes de l’incident : « Yesterday, Russian Foreign Minister Sergey Lavrov held a similar private meeting with US President Donald Trump. The only difference is that in this meeting, two photographers were allowed in at some point during the meeting. From the looks of it, it appears the photos were taken either before or after serious discussions. There was one photographer from Russia and another from America. For whatever reason, the US photographer’s photos have not yet been released while the Russian photographer’s images have been published by TASS.
» Enter the fake news merchants with their narrative that ‘Russian journalists were let in’ while ‘US journalists were shut out’. This simply is not true. No one except one photographer from each side was let in. It was a private meeting. This hasn’t stopped many members of US mainstream media from becoming enraged over a non-situation. »
Cet incident assez rocambolesque est une bonne mesure de la tension qui règne aujourd’hui à Washington D.C., et l’indication que l’affrontement que nous avons connu durant la campagne USA-2016 n’est en rien apaisé, et qu’il prend n’importe quel prétexte pour s maniofester. Certains pouvaient envisager une orientation dans ce sens après la fameuse “trahison“ de Trump, passant du Trump 1.0 au Trump 2.0, mais il n’en fut rien. Comme nous avons essayé de le montrer dans le Glossaire.dde, l’antirussisme est quelque chose qui ne peut s’apaiser selon les circonstances, parce qu’il ne dépend pas des circonstances mais d’une pathologie de la psychologie : « A moins d’une issue nucléaire qui pourrait clore définitivement le débat comme tous les autres d’ailleurs, il est très probable que l’antirussisme ne connaîtrait qu’une accalmie : l’antirussisme est une sorte d’Hydre de Lernes postmoderne : au lieu de deux têtes repoussant pour une coupée, on devrait parler de dix, vingt sinon cent... »
Par ailleurs, on peut penser que la chaleur de la rencontre Trump-Lavrov va réactiver l’activisme anti-Trump, qui dépend directement de l’antirussisme. Mais le vrai est que cet activisme n’a jamais complètement cessé, même quand les missiles de croisière volaient vers la Syrie, t qu’il est déjà en pleine réactivation après la mise à pîed de Comey. En attendant, pour nous se pose la question de savoir, une fois de plus et à nouveau, ce qui arrive à Trump : “Trump 3.0 ou retour à Trump 1.0 ?”
Il faut écouter ce que Ron Paul pensait de la politique de Trump, par exemple dans ces deux interviews télévisées des 11 avril 2017 et 18 avril 2017. (De même pourrait-on comparer avec la même surprise, si on y avait accès, aux analyses de Poutine-Lavrov après la visite de Tillerson à Moscou le 15 avril, et celles qu’ils doivent faire aujourd’hui après la visite de Lavrov à Washington D.C. De même pourrait-on faire, tout en gardant notre appréciation nécessairement modeste dans la comparaison des deux exemples ainsi évoqués, avec les articles de dedefensa.org.) Il n’y a strictement aucun reproche à faire à quiconque dans tous ces cas évoqués de commentaire, puisqu’ils reflètent la simple réalité : durant un bon mois, Trump 1.0 est devenu Trump 2.0, selon des circonstances diverses qui tiennent plus, à notre sens, à des déplacements de puissance au niveau de la communication et à des rapports de capacités d’influence entre les diverses forces existant à l’intérieur et autour du pouvoir à Washington D.C., autour de l’axe central figé (politiqueSystème) du système de l’américanisme, qu’à des initiatives et à des décisions structurelles.
Dans ces développements du point de vue de la communication, les psychologies jouent un rôle fondamental, que ce soit celles, individuelles, d’acteurs spécifiques tenant une place importante (celle de Trump, notamment), que ce soit celle, collective, de l’antirussisme et de l’anti-trumpisme caractérisant l’opposition démocrate. Il est extrêmement difficile de distinguer une avancée structurelle dans un tel mélange caractérisé le plus souvent par l’influence de la communication et par l’intensité hystérique de la psychologie. Il est donc très difficile de conclure que nous sommes, pour ce qui concerne l’administration, dans une nouvelle phase (Trump 3.0 ?) car l’on est surtout conduit à observer que le désordre et les situations conjoncturelles insaisissables dominent tout dans cette situation washingtonienne. En fait, il est très difficile de songer à “classifier” Trump, en 1.0, 2.0, 3.0, en interventionniste ou au contraire en homme de compromis, parce qu’il semble bien que ce qui guide ses choix politiques a peut-être fort peu de choses à voir avec une ligne politique quelconque.
Il apparaît très probable que Trump a retrouvé certains avantages qu’il avait déjà rencontrés dans sa campagne, à modifier à nouveau sa position vis-à-vis de la Russie, dans un sens business-like (comme dit Lavrov) qui rencontre ses habitudes de businessman réputé pour sa capacité à réaliser des accords (le faiseur de deals). Le côté “homme-téléréalité” qui domine chez lui trouve également son avantage dans une posture d’accommodement avec la Russie qui fait sensation, comme avait fait sensation le tir des cruise missiles contre la Syrie effectué alors qu’il dînait avec le président chinois Xi. Dans ce cas, le même jugement porté à ce moment (il y a à peine un gros mois !) vaut toujours, avec une “diplomatie” (?) complètement renversée dans son orientation : le président Trump continue à étonner et à prendre tout le monde à contrepied. Il y a un mois, un commentateur russe se lamentait à propos du “caractère imprévisible” du président Trump ; aujourd’hui, les Russes s’en réjouissent selon une doctrine qu’on pourrait qualifier d’“après tout, ce qui est pris est bon à prendre”.
Pour en rajouter là-dessus, on notera que la tension autour de la Corée du Nord s’est évaporée comme un léger nuage de fumée d’opium dispersé par un alizé à-propos, certainement renforcé par la victoire en Corée du Sud du candidat de la paix, Moon Jae-in, partisan d’un arrangement avec le Kim-de-Corée. Du coup, plus personne ne parle de la WWIII qui était d’actualité il y a trois semaines, et Trump le premier, lui qui tonnait et menaçait à ce moment. Encore une fois, on retrouve l’agilité de l’homme-téléréalité à aller vers où l’intérêt du public selon les circonstances le pousse. Entre l’option du président qui suscite les événements et celle des événements qui suscitent les variations du président, on comprendra que notre choix aille, sans d’ailleurs nécessairement le déplorer, et certainement pas pour cette séquence, à la seconde. Comme tout homme de cette trempe (homme-téléréalité), Trump est une éponge qui pompe à son avantage ce que les événements lui offrent. Il résulte de cette nouvelle séquence, comme cela se chuchote à Washington, que les deux principaux militaires de son cabinet, Mattis au Pentagone et McMaster à la présidence du NSC, ne sont plus en odeur de sainteté dans le bureau ovale, malgré qu’ils soient censés surveiller le président au nom du Deep State et donc censés être intouchables...
Il est vrai que cette nouvelle variation dans l’orientation des relations internationales intervient en même temps que l’épisode le plus sensationnel et le plus remarquable de la très-jeune présidence Trump : la mise à pied brutale du directeur du FBI. On ne sait toujours pas la cause de cette mesure exceptionnelle, et Philip Giraldi, un ancien officier de la CIA passé à la dissidence, explique simplement que Trump “n’aime pas Comey et n’a pas du tout confiance en lui”. (« I believe that the simplest explanation for the firing of Comey is the most likely: Donald Trump doesn’t like him much and doesn’t trust him at all. While it is convenient to believe that the FBI director operates independently from the politicians who run the country, the reality is that he or she works for the attorney general, who in turn works for the president. That is the chain of command, like it or not. »)
Est-ce possible, Giraldi a-t-il raison ? Combien de présidents ont dû vivre avec cet homme qu’ils détestaient et en qui il n’avaient aucune confiance, J. Edgar Hoover, directeur du Bureau pendant près d’un demi-siècle ? Si Giraldi a raison en théorie, l’histoire du gouvernement US ne confirme pas la théorie. De ce point de vue, Trump a posé un acte d’une audace assez rare, sans doute ressortant d’une certaine inconscience du risque bien propre à l’homme qu’il est : l’homme-téléréalité ne calcule pas sur le long terme. La tempête que Trump a soulevé chez les démocrates relance la “guerre civile politique” et confirme, ou emprisonne c’est selon, les démocrates dans une opposition absolument destructrice, – et d’ailleurs aussi bien destructrice pour le système/le pouvoir de l’américanisme que pour eux. Mais ce point de vue pourrait aussi éclairer la nouvelle attitude de Trump vis-à-vis des Russes : confronté aux effets de sa décision sans aucun doute plus violents qu’il ne prévoyait, il juge de bonne tactique, et même il est tactiquement obligé d’affirmer sa position de leadership en revenant à une politique russe conforme à celle qu’il avait dessinée durant sa campagne. En même temps, il peut espérer retrouver le soutien dont il disposait en 2016 dans l’aile droite paléo-conservatrice et populiste.
C’est dire que l’on serait loin d’une véritable stratégie et d’une véritable ligne directrice ; c’est dire qu’on verrait se confirmer, et le désordre considérable de Washington D.C., et la crise du pouvoir de l’américanisme, avec les événements menant les hommes plutôt que le contraire. Même le Deep State ne peut rien établir de durable selon ses intérêts, d’ailleurs lui-même fracturé en intérêts contraires. Trump 1.0, 2.0, 3.0, ou retour à Trump 1.0 ? Ces classifications qui donnent une impression de rangement ne sont que des artifices de communication que se donne le commentateur pour alléger son discours. Pour le reste, Trump nous confirme qu’il est l’homme du désordre parce qu’il a été enfanté par le désordre. Pour le reste et “pour l’heure”, comme dit Ron Paul, vive la doctrine de l’“après tout, ce qui est pris est bon à prendre”.