Trump & Erdogan, même dessein ou même destin...

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Trump & Erdogan, même dessein ou même destin...

Deux choses ont marqué, ces derniers jours, l’imaginaire enfiévré des neocons US et de la psychologie belliciste dominante dans l’establishment qu’ils représentent, qui est à très courte perception et se repaît des nouvelles du jour revues à la sauce de cette très courte perception. La première, c’est le “putsch avorté” en Turquie, qui soulève d’énormes vagues, pour ne pas dire une tempête, et qui est le sujet d’une extraordinaire activité de communication avec les diverses interprétations et, surtout, les extrêmement nombreuses contradictions d’interprétation. La seconde, c’est la désignation de Trump comme candidat républicain, dans le mode d’une maîtrise assez générale de la machinerie du parti malgré quelques accidents à l’incidence qui reste à évaluer. (Le discours de Melania Trump et ses accointances avec celui de Michelle Obama huit ans plus tôt ne sont pas destinés à peser d’un grand poids. Par contre, l’intervention de Ted Cruz, perçue en général comme un acte de trahison sans précédent par rapport à ses engagements, et un acte sans précédent dans une convention nationale, risque de laisser des traces dont on ne sait précisément à qui elles profiteront.)

Les deux choses ont donc été mixées pour aboutir à une recette remarquable qui représente l’adaptation “du jour”, le “plat du jour” si l’on veut, de la cuisine-neocon qui est plus que jamais orientée vers une attaque permanente et furieuse contre Trump. Cela donne un “op-ed” d’un obscur membre de la “nouvelle génération”-neocon, comme ils le sont tous (obscurs) pour ce qui concerne cette génération-là (“nouvelle génération”-neocon), cela dans le Los Angeles Times du 20 juillet. Il s’agit de James Kirchick, qui a des lettres de créance qui vous en disent long sur l’état d’esprit des dignes organisations gouvernementales d’où il vient, et il vient de Radio-Free-Europe-RL (subventionnée par le Congrès, contrôlée par la CIA). Son texte commence par une mise en garde qui dit aux citoyens de l’exceptionnaliste Amérique que, – attention, Américains patriotes ! – les USA ne sont pas immunisés contre le grossier comportement des pays de sauvages primaires que l’hégémonie américaniste est bien obligée de traîner à ses basques pour y mettre un peu d’ordre, – il veut parler là de la Turquie, pays barbare et sans passé, au contraire du “Beacon of the Free” qui éclaire le monde. La démarche donne ceci, – avertissement sans frais que nous soulignons de quelques traits de caractère gras :

« Americans viewing the recent failed coup attempt in Turkey as some exotic foreign news story—the latest, violent yet hardly unusual political development to occur in a region constantly beset by turmoil—should pause to consider that the prospect of similar instability would not be unfathomable in this country if Donald Trump were to win the presidency.. »

... Seulement cette fois, au contraire de ce qui arrive chez les ploucs, le “coup” réussirait (réussira). En effet, nous sommes aux USA et les forces armées, qui sont bien entendu les meilleures du monde, sont conscientes de leur devoir constitutionnel, comme les neocons le savent bien et ne manquent jamais de nous le rappeler, eux qui prennent exemple de façon si empressée sur cette attitude constitutionnaliste et vertueuse à la fois. Cela bien compris, il n’apparaît pas nécessaire de nous embarrasser de la prose de Kirchik in extenso ; nous nous replierons donc sur le texte de Kurt Nimmo, d’Infowars.com, qui nous résume le propos le même 20 juillet...

« A writer linked to a neocon think tank who formerly worked for the CIA’s Radio Free Europe took to the Los Angeles Times on Tuesday and said if Donald Trump wins the election, a military coup may be in order to remove him from office. “Americans viewing the recent failed coup attempt in Turkey as some exotic foreign news story—the latest, violent yet hardly unusual political development to occur in a region constantly beset by turmoil—should pause to consider that the prospect of similar instability would not be unfathomable in this country if Donald Trump were to win the presidency,” writes James Kirchick.

» He then imagines Trump doing “something stupid, illegal or irrational” in foreign policy and refusing to back down when faced with opposition by military brass. “In that case, our military men and women, who swear to uphold the Constitution and a civilian chain of command, would be forced to choose between obeying the law and serving the wishes of someone who has explicitly expressed his utter lack of respect for it,” Kirchick writes. The military might then “pull a reverse-Truman” and overthrow the president. Kirchick’s “reverse-Truman” is a reference to President Truman’s firing of Gen. Douglas MacArthur, who advocated bombing China.

» Kirchick then declares such a scenario would be unimaginable under Hillary Clinton, who is the preferred candidate of the neocons: If this scenario sounds implausible, consider that Trump has normalized so many once-outrageous things—from open racism to blatant lying. Needless to say, such dystopian situations are unimaginable under a President Hillary Clinton, who, whatever her faults, would never contemplate ordering a bombing run or—heaven forbid—a nuclear strike on a country just because its leader slighted her small hands at a summit. Rubio might detest her, but he cannot honestly say that Clinton, a former secretary of State, should not be trusted with the nation’s nuclear codes. Kirchick concludes by saying the American people must make sure Donald Trump does not enter the White House. “Voters must stop him before the military has to.” »

Kirchick est une petite main dans la bande-neocon, un nouveau-venu, mais cela ne porte pas à conséquence pour le poids de son message du fait que les neocons de la génération présente, la post-9/11, n’est faite que de petites mains. Au reste, les neocons n’ont besoin de rien d’autre que de messagers sans importance, l’essentiel étant le message qui est celui du Système. La gloire des neocons est d’avoir absolument compris comment fonctionne la soumission au Système, et donc d’en être les meilleurs porte-voix, notamment dans l’art de présenter le manuel d’opérationnalisation de la politique-Système. Nul besoin pour cela de fabriquer des clones à la grande gueule, type-Richard Perle, qui finissent par se faire prendre dans de sordides affaires de fric parce que la notoriété les a emplis d’ivresse. Par conséquent, on prendra cette intervention de Kirchick pour du comptant et l’on déchiffrera deux volets dans son message :

• Une appréciation in fine du putsch avorté de Turquie, dont la référence “en passant” est mise en évidence comme introduction du texte. Cela signifie que les neocons (le Système) ont très vite et parfaitement déchiffré cet événement : un échec très préoccupant, montrant combien est grippée et inefficace la machine à fabriquer du regime change, cette fois pas avec des fleurs mais avec des chars selon la bonne vieille méthode de la Guerre froide. C’est une alerte très sérieuse et peut-être même catastrophique, même dans le royaume enchanté des neocons qui ne cessent de nommer “victoires” les désastres successifs de la politique-Système imposée aux USA d’une façon grossière et surpuissante depuis 9/11. La perte possible de la Turquie qui a toujours figuré comme un des points centraux de la corruption US et comme relais fondamental vers le Moyen-Orient, avec la position unique de ce pays de cette région d’appartenir à l’OTAN, constitue un “Wake-Up Call” invitant à la nécessité absolue d’un président agressif dans tous les sens pour remplacer Obama ; qui plus est, cette “perte” de la Turquie n’étant pas limitée à cet aspect négatif, mais renforcée d’un très probable rapprochement avec la Russie suivant peut-être une intervention décisive des Russes pour sauver la vie d’Erdogan qui évoque le cauchemar d’une alliance Russie-Turquie bouleversant d’un coup deux grands champs d’action US : l’unité de l’OTAN et le désordre islamiste au Moyen-Orient...

Il est évident que Trump est désormais, dans ce contexte, un danger encore plus grand qu’il apparaissait être il y a quelques semaines ou quelques mois parce que, devant une telle situation qui confirme ses analyses sur la nécessité d’un repli (“America First”), il peut trouver la voie ouverte à des arrangements (avec la Russie, avec la Turquie, etc.) qui entérineraient l’entreprise cauchemardesque pour les neocons d’un complet renversement de la politique US.

• Le scénario évoqué alors par Kirchick enchaîne directement sur cette introduction et dit en substance qu’il ne saurait être question de laisser agir Trump dans ce sens, que les forces armées US doivent être prêtes à intervenir, de façon un peu plus efficace qu’en Turquie please, pour destituer par la force un président si évidemment traître-au-Système... Ce n’est même pas un procès d’intention, c’est un procès-en-narrative, de la sorte la plus terrible, car vous êtes jugé selon des facteurs appartenant à une réalité complètement inventée.

Pour les neocons, c’est-à-dire pour la politique-Système, avant même que quoi que ce soit ait eu lieu, notamment bien entendu l’élection éventuelle de Trump, le verdict est déjà expédié et on ne fera aucun cadeau à cet Erdogan-sur-Potomac. Effectivement, tel qu’il est ainsi évoqué, Trump n’est pas autre chose qu’un Erdogan américanisé, imprévisible, incapable de tenir une voie conforme au Système, etc., et finissant finalement toujours par copiner avec Poutine, lui toujours à l’affût d’un bon coup pour diminuer ou ternir l’exceptionnalisme américaniste. Tout cela s’appelle “revenir aux choses sérieuses” où les questions qui nous agitent en général jusqu’à nous paraître bouleversantes, – djihadisme, terrorisme, Daesh, etc., – prennent leur véritable place qui est celle de pions dans un affrontement dont le Système est le maître d’œuvre, et qui trouve sur sa route des obstacles imprévus, antiSystème nécessairement.

Quant à l’hypothèse elle-même d’un coup de force des forces armées US pour déposer un éventuel président-Trump, elle n’a guère de consistance factuelle, bien entendu. Mais son évocation en termes si précis, dans un journal de grande audience de la presse-Système (le Los Angeles Times), témoigne d’un climat marqué par une psychologie exacerbée dans une mesure extraordinaire, et par un maniement proche de la complète perte de contrôle de l’outil qu’est le système de la communication.

 

Mis en ligne le 21 juillet 2016 à 17H38