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1595On imagine aisément que la méthode de communication du président Trump, le premier président-tweet de la postmodernité, – et éventuellement le tweet retourné contre la postmodernité, on verra, – n’est certainement pas pour déplaire au président russe Poutine. On ne vous dira certainement pas qu’il n’y a pas eu, en arrière-plan, quelques coup de téléphone discret pour s’assurer que tout s’enchaîne à merveille mais on conviendra que cela serait tout de même plus agréable à l’esprit en général qu’il n’y en ait pas eu et que les deux esprits en question se soient accordés aussi bien sans le secours d’une tactique élaboré. Quoi qu’il en soit, le résultat est là et il est remarquable...
La chose se passe en quatre temps, comme une valse.
• Le premier, c’est Obama-Sherman, exclusivement pour ce cas dans l’affaire des sanctions antirusses décidées par le président-finissant, notamment avec la mesure qui suscite un grand tintamarre de communication, des 35 diplomates russes expulsés des USA. On sait que les causes “objectives” (!) de cette agitation d’Obama sont aussi Fake l’une que l’autre. La première est que ces sanctions sont destinées à “punir” la Russie de ses interférences majeures et de sa manipulation des élections USA-2016. On sait là aussi, comme en nombre de matières, qu’aucune preuve ni présomption ne justifient une telle accusation et que nombre de présomptions et peut-être de “preuves” par défaut justifient de penser que l'accusation est fausse. La seconde de ces causes est de tenter de saboter toute reprise de relations civilisées entre les USA et la Russie avec le président Trump, et l’on verra que c’est l'amorce du contraire qui est obtenu. (On ajouterait bien une troisième cause, accessoire si l’on veut mais certainement de grand poids chez Obama, pour son édification personnelle : c’est l’affirmation qu’Obama soi-même est toujours président et que c’est lui, soi-même, qui décide des choses.)
• Le second temps, c’est la réaction de Trump à la décision d’Obama d’instituer des sanctions. Elle est assez modérée, mais dans un sens marqué d’un peu de dérision et de dédain qui n’a pas du plaire à Obama. Elle consiste à dire : “Laissons tout cela, et notamment cette polémique autour des élections, et occupons-nous de choses plus urgentes et plus sérieuses”. (A noter que, mardi prochain, Trump recevra des dirigeants de services de renseignement pour faire le point sur cette affaire des accusations antirusses pour les élections.)
• Le troisième, c’est la réaction russe aux sanctions. Tout le monde s’attend à des mesures à hauteur de ce qui a été décidé par Obama, et notamment l’expulsion de Russie d’autant de diplomates US qu’il y a de diplomates russes conviés à quitter les USA. On croit un instant que le ministère russe des affaires étrangères semblerait le laisser entendre, mais il apparaît bientôt qu’il s’agit d’une annonce spéculative et prématurée. Finalement, la réaction officielle apparaît sur le site du président russe sous la forme d’un message qu’on jugerait, si on était Obama, un tantinet condescendant et ironique ; en gros : “nous ne faisons rien pour l’instant, nous n’allons pas nous abaisser à faire une ‘diplomatie’ de cuisine avec un président-finissant ; nous attendons l’arrivée de Mr. Trump et la politique de son administration, et nous regrettons que les relations avec l’administration Obama se terminent sur une note négative”. (Voir RT : « We reserve the right to retaliate, but we will not sink to the level of this irresponsible ‘kitchen’ diplomacy. We will take further moves on restoring Russian-American relations based on the policies that the administration of President-elect Donald Trump adopts. [...] We regret relations with Obama administration ending on negative note. »)
• Le quatrième temps, c’est la réaction de Trump à la réaction de Poutine, un tweet qui a fait le tour du monde : “Superbe réaction de Poutine sur la question du délai ; j’ai toujours su qu’il était très intelligent !”. (« Great move on delay (by V. Putin) - I always knew he was very smart! »)
C’est donc une bataille de communication à trois très originale. Obama s’y trouve pris au piège de son déterminisme-narrativiste antirusse additionnée de sa proverbiale arrogance ; Trump s’y trouve sur une ligne d’abord réservée puis très enthousiaste lorsque l’occasion lui en est donnée ; Poutine s’y montre extrêmement habile, comme il l’a toujours été dans le maniement des nuances et des sous-entendus, selon une posture tactique qui tient toujours compte du but stratégique. L’attaque brutale d’Obama s’est heurtée à la fois à la retenue, à l’ironie et à une mise à mort en douceur assortie d’une leçon de courtoisie et de sagesse. Il sort de l’engagement complètement délégitimé, sinon enterré ; le refus de Poutine de riposter est une façon de délégitimer Obama ; le “regret” de Poutine que ses relations avec l’administration Obama “se terminent sur une note négative” signifie évidemment que cela est terminé et que l’on peut procéder à l’enterrement. Obama n’est plus président parce qu’on ne le considère plus comme président, et sa tentative de l’être encore apparaît à cette lumière extrêmement pathétique et dérisoire. Du coup, l’enthousiasme de Trump à propos de “l’intelligence” de Poutine peut s’exprimer sans être bridée et constitue, volens nolens, un premier acte quasiment officiel d'ouverture et de préparation de la politique russe du nouveau président, – ou plutôt, et ses adversaires ne manqueront pas de le dire, de la “politique prorusse” du nouveau président.
Le comble de l’ironie dans cette passe d’armes sans précédent par les moyens employés et la période où cela se passe, – une fois de plus “sans précédent” pour de telles circonstances du pouvoir américaniste, – cela pourrait bien être qu’on pourrait considérer qu’en l’occurrence Poutine est intervenu dans les affaires intérieures des USA, au contraire des affirmations dans ce sens pour les élections USA-2016. Par sa réaction pleine de mesure, Poutine a permis à Trump de réagir à son tour et d’affirmer symboliquement combien les liens entre les deux présidents (Trump et Poutine) pourraient devenir prometteurs.
Durant ces dernières trente-six heures, on a pu voir une union entre le président russe et le président-élu des USA, contre le président-sortant des USA, publiquement, au su et au vu de tous. Dans une époque si complètement-Fake, on pourrait juger qu’il s’agit d’une intolérable ingérence dans les affaires d’autrui (autrui n’étant rien moins que les USA). En attendant, on peut rire à gorge déployée quoiqu’avec mesure, tandis que les cris de “président-vendu”, de Siberian-President et de “traître à la patrie” déferlent une fois de plus sur le président Trump. Pourquoi ne pas commencer tout de suite la procédure d’empêchement pour très-haute trahison ? Fake pour Fake, cela pourrait constituer un bon début d’année avant les insurrections prévues pour la journée d’inauguration du nouveau président...
Mis en ligne le 31 décembre 2016 à 14H23
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