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5555Le général Hossein Salami est le nouveau chef des Gardiens de la Révolution, l’unité militaire et idéologique d’élite de l’armée iranienne. Il a beaucoup “communiqué” depuis son entrée en fonction, mettant en évidence dans ses interventions ce qu’il estime être la faiblesse intrinsèque et cachée des USA et prouvant en même temps la justesse de son analyse selon laquelle l’Iran et les USA se trouvent actuellement dans la confrontation d’une « guerre totale du renseignement ».
« Nous sommes en pleine guerre du renseignement[de communication] avec les États-Unis et les ennemis de la République islamique. Cette guerre est une combinaison de guerre psychologique, de cyber-opérations, d'opérations militaires, de diplomatie, de peur et d'intimidation... »
(L’expression “guerre du renseignement” est la traduction littérale de l’expression “intelligence war”reprise dans la version anglaise de l’agence FARS, traduction du farsi. L’expression nous paraît inappropriée, comme c’est d’ailleurs évident dans les déclarations du Général Salami qui place le renseignement comme un des composants, et certainement pas nécessairement le plus important de cette guerre. Nous lui préférons sans aucun doutel’expression, bien mieux appropriée de “guerre de communication”.)
Concernant l’Amérique, Salami a observé que les USA « courent de grands risques » à ce stade de l’affrontement, dans la région où ils s’opposent à l’Iran. « L'Amérique a perdu son pouvoir, et même si elle semble très puissante, elle est en vérité très fragile » Pour illustrer son propos, Salami a fait une analogie qui n’est pas passée inaperçue, tant du point de vue symbolique que du point psychologique, que même du point de vue de la perception structurelle que devraient en avoir eu les “experts” occidentaux. Selon cette interprétation, Salami à utilisé cette analogie à la fois comme une menace, que les “experts” en question interprèteront comme une “preuve” de plus que l’Iran est impliqué dans 9/11 (la narrative favorite de tous les Bolton de Washington D.C. selon laquelle l’Iran est le sponsor de tous les terrorismes islamiques, et nullement l’Arabie comme le pensent certains adeptes du “complotisme”) ; et à la fois comme un symbole affirmant que le puissant empire américain peut être mis à genoux très rapidement et d’un seul coup qui devient évidemment stratégique quelle que soit sa forme et ses capacités théoriques :
« Mais ce qui est le plus susceptible d'attirer l'attention de l'Occident, c'est qu'il invoque les attentats terroristes du 11 septembre 2001 : “En réalité, le sort promis à l’Amérique est le même que celui des tours du World Trade Center qui se sont effondrées soudainement, à la suite d’une seule frappe”. »
Cette idée semble effectivement très répandue chez les chefs militaires iraniens, comme elle l’est dans d’autres milieux. Elle rejoint la réalité de l’évolution des moyens militaires, décrite dans ce texte du 13 mai 2019où l’on trouve une citation du chef des forces aérospatiales des Gardiens de la Révolution rejoignant la conception qu’expose le général Salami... Dans ce cas, le porte-avions est un symbole (les Iraniens affectionnent la dialectique du symbole) de la puissance des USA, et ce symbole se référant, dans la part de réalité à laquelle il se réfère, à l’apparition de nouvelles tactiques de combat qui peuvent gravement menacer la puissance US :
« L'amirali Hajiadeh, qui dirige la division aérospatiale de l'unité d'élite, a fait des commentaires dimanche en discutant de la présence de garnisons militaires et de flottes navales américaines basées dans les pays voisins de l'Iran.
» “Un porte-avions avec au moins 40 à 50 avions et 6000 hommes à bord était une menace sérieuse pour nous dans le passé”, a-t-il déclaré à l'Agence iranienne de presse des étudiants (ISNA). “Mais maintenant, les menaces se sont transformées en opportunités”. M. Hajiadeh a noté la croissance des capacités de missiles de l'Iran, qui pourraient facilement toucher les porte-avions américains se trouvant entre 300 et 700 kilomètres de distance. “Si [les Américains] font un geste, nous les frapperons à la tête.” »
Il est remarquable de constater que ce symbole a effectivement essaimé dans bien des esprits, précisément ceux qui sont hors-Système sinon antiSystème, au point que l’on peut parler d’un concept décrivant l’effondrement en cours des USA/du Système. C’est donc le même concept qui est utilisé, d’une façon plus exotique, par un de nos experts antiSystème Tom Luongo, dans son textedu 15 mai 2019, partant de l’exemple des chèvres dont il semble qu’il fut très proche à une période de sa vie passée, pour décrire la façon dont il perçoit aujourd’hui ce que nous nommons en général “le système de l’américanisme” et sa situation d’effondrement en cours de réalisation, comme l’affirment les chefs militaires iraniens.
J’ai malheureusement été témoin de première main et d'une manière dévastatrice de l’activité de l’élevage de chèvres. L'ensemble de leur tube digestif peut être comparé à de gros vaisseaux de fermentation, remplis de bactéries différentes qui travaillent sur ce que les animaux ont mangé.
» Quand les chèvres sont en bonne santé, tout va bien. Les bonnes bactéries digèrent la nourriture, l’absorbent et les chèvres sont vibrantes, alertes et intenables.
» Mais, si l'une de ces bactéries commence à devenir incontrôlable, l’animal peut passer de la bonne santé à la mort dans les heures qui suivent.
» La chèvre est le symbole taoïste pour “forte à l'extérieur, fragile à l'intérieur”.
» Notre système politique est définitivement une chèvre en ce moment. »
A toutes ces hypothèses et suggestions, Trump répond par des tweet dont certains sont surprenants et révélateurs, ou les deux à la fois c’est selon. Ainsi Trump a-t-il tweeté quelque chose vendredi qui donne en fait de la crédibilité au rejet de l’accusation contre l’Iran de “sabotage” et à l’affirmation que Washington travaille essentiellement dans le simulacre-fanfaronnade et la narrative complète, notamment pour ce qui nous concerne au cours des dernières semaines dans le cadre de la “guerre de communication” menée contre l’Iran, labellisée “campagne de pression maximale sur l’Iran” conduite par la doublette Bolton-Pompeo. (Mais nous penserions volontiers, – qui en douterait une seconde ?– que cette technique de l’emploi des narrative à Washington D.C. est d’actualité depuis beaucoup plus longtemps, et sans attendre la doublette Bolton-Pompeo.)
... Ce que ZeroHedge.comprésente ainsi, avec une sorte d’ingénuité américaniste malgré son engagement antiSystème :
« Ironiquement, Trump et le général Salami semblent quelque peu d'accord sur le fait qu'il s'agit fondamentalement d'une “guerre du renseignement”[de communication] et qu’on ne se dirige pas encore vers une guerre directe, étant donné que le président américain a tweeté la déclaration stupéfiante suivante : “Avec toutes ces fausses nouvelles et ces nouvelles fabriquées ici, l'Iran ne peut avoir aucune idée de ce qui se passe vraiment !” »
... Ce qui n’a pas empêché le monde la communication, comme RT-com ici,de s’alarmer d’un nouveau tweetoù il semblerait à la raison courante qu’il faille prendre le président au sérieux contre l’avis qu’il donnait précédemment aux Iraniens, – ou bien pas du tout à prendre au sérieux, après tout, malgré la menace d’apocalypse, ou justement à cause de cette menace d’apocalypse ? « Si l’Iran cherche la bagarre, ce sera la fin de l’existence officielle de l’Iran. Ne menacez jamais plus les États-Unis ! », a donc tweeté hier Donald Trump
Bien entendu, ce tweet annonçant qu’à la prochaine incartade du général Salami, l’Iran sera rayé de la carte rappelle évidemment les sorties tonitruantes de Trump contre la Corée du Nord, menacée du même sort (voir le Wikipédia sur le sujet, à la rubrique “Escalade rhétorique, août 2017”, avec menace de destruction complète de la Corée du Nord à la tribune de l’ONU, – une des grandes performances des débuts de la présidence Trump). Finalement, la conclusion à laquelle on est conduit est que le tweet le plus proche d’une vérité-de situation est celui du vendredi 17 mai, mais qui devrait être modifié de la sorte : “Avec toutes ces fausses nouvelles et ces nouvelles fabriquées ici, [personne] ne peut avoir aucune idée de ce qui se passe vraiment !”, – “personne”, y compris Trump... On ne se trouve donc en aucune façon dans une “guerre du renseignement”, comme vu plus haut, et plus certainement dans une “guerre de communication” d’une sorte très particulière : une “guerre de communication” dont l’un des principaux acteurs et le responsable direct de ce conflit admet lui-même qu’elle est littéralement truffée de fausses nouvelles et de nouvelles inventées dont on ne se préoccupe même pas, ni de la crédibilité, ni de la possibilité de réalisation, qui constituent des outils activant la mécanique de la communication bien plus que des références et des informations, et qui peuvent aussi bien et même plus encore, le concerner lui-même autant sinon bien plus que son adversaire. (Ce dernier point constitue une référence directe au désordre régnant à “D.C.-la-folle”, y compris à l’intérieur même de l’administration et de l’“équipe” de sécurité nationale, comme par exemple avec les mésententes et manipulations réciproques entre Trump et Bolton.)
Les seuls faits réels concernent les mesures unilatérales économiques, commerciales, financières et juridiques prises contre l’Iran, comme dans de nombreux autres cas, contre la Corée du Nord, contre la Russie, contre la Chine, contre le Venezuela, contre Cuba, contre la Syrie, également contre les pays de l’UE directement et indirectement malgré leur statut d’“alliés”, contre le Canada malgré tout, etc., – en bref et pour faire bref, quasiment contre “le reste du monde” (du monde “qui compte” pour les USA de Trump). Il s’agit essentiellement de la “politique des sanctions” ou “weaponization” de moyens non-militaires, que nous serions inclinés, pour éviter toute question indiscrète, à sortir de la “guerre de communication” pour en faire une sorte de “non-politique de la force brute”, totalement et abruptement unilatéraliste-exceptionnaliste.
Il ne nous semble en aucune façon que tout cela dans le chef de l’action des USA réponde à une stratégie quelconque, malgré les diverses tentatives de rationalisation du procédé par les très nombreux “experts”-appointés du Système, – lesquels doivent effectivement justifier au moins l’apparence de leur existence. L’effet général pourrait plutôt se rapprocher d’une sorte de stratégie qu’aurait enfantée Michel Foucault s’il était encore de ce monde devenu trumpiste, c’est-à-dire une “stratégie liquide” ou “stratégie de la plasticité”, insaisissable et informelle. Si l’on voulait paraphraser Jean-Marc Mandosio dans son Longévité d’une imposture – Michel Foucault (Édition de l’Encyclopédie des Nuisances, 2010), on pourrait avancer que la “stratégie” déclenchée par les USA et par Trump constitue « un constructionnisme radical, qui prône la plasticité indéfinie de la subjectivité[stratégique], d’où l’idée de nature, avec les limitations qu’elle implique, est complètement éliminée. En effet pour [Trump], la “nature [stratégique]” n’existe pas en soi ; ce n’est qu’une construction permettant de légitimer les “dispositifs” de normalisation... »
(... Cela écrit à partir de la page 73 de l’excellent pamphlet cité, en abandonnant la suite de la citation qui, impliquant Foucault, implique des prétentions de référence, – telle que « “essence” éternelle », – auxquelles un Trump ne prêterait strictement aucune attention. Son seul but n’est-il pas de dissimuler l’absence d’“essence” de l’Amérique et son extrême vulnérabilité présente ?)
Mis en ligne le 20 mai 2019 à 10H35