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1194... Pendant ce temps-là, il était une fois une crise entre l’Arabe principalement (avec quelques amis officiels et les Israéliens officieusement-officiellement) et le Qatar, cette crise-là qu’il importe de ne pas oublier. Le nouveau leader d’Arabie (il vient de remplacer le jeune Mohammed ben Nayef [MbN], qui affirmait une stature de direction depuis 2012), le Prince Mohammed ben Salman (MbS), fils du Roi et prochainement Roi à la place du Roi (plus de 80 ans, ennuis de santé) a présidé à un coup d’éclat pour son entrée en fonction en envoyant un ultimatum au Qatar (le second) qui comprend 13 ou 15 points qui doivent être absolument remplis dans les dix jours. Sinon ? Ce n’est pas précisé... On devrait le savoir puisque le Qatar a repoussé l’ultimatum.
Adam Gurrie, de TheDuran.com, s’est affairé à la tâche délicate de détailler ces points, en les assortissant de commentaires divers. Le texte est surmonté d’une photo en gros plan du Prince MbS brandissant quelques feuillets avec un gros et vaste sourire comme s’il nous interrogeait : “la blague est bonne, n’est-ce pas ?” Nous n’avons pas reproduit ces divers points d’ultimatum : qu’il suffise de savoir qu’on pourrait penser qu’il y a des clauses secrètes qui ne déparerait pas le menu principal, et que ces clauses secrètes pourraient être “Le Qatar doit faire en sorte qu’il y ait au moins 40 jours de pluie par an à Ryad” ou bien “Le Qatar ne doit plus faire d’ombre à l’Arabie, quelle que soit la position du soleil” ; voilà à peu près le style de l’ultimatum... Sans surprise excessive, le Qatar a rejeté la chose avec l’indignation qui convient et les qualificatifs qui vont avec (“ridicule et irréaliste”). Cela implique, si ce cirque est sérieux et si l’on ne trouve pas un nouvel arrangement très dans le style du Golfe d’ici là, que nous nous dirigeons vers la guerre.
Certains prennent effectivement la chose au sérieux, tel Alexander Mercouris qui fait le parallèle avec juillet 1914, lorsque l’Autriche-Hongrie envoya à la Serbie, après l’assassinat de Sarajevo, un ultimatum portant de telles exigences qu’il était écrit pour être rejeté et permettre le déclenchement des opérations austro-hongroises contre la Serbe. Sur CrossTalk (RT) ce 26 juin 2017, il y eut quelques autres suggestions portant sur la même sorte d’affrontement qu’évoque Mercouris :
« With the undeniable fact being that Qatar will tear up Saudi Arabia’s demands, the question is asked, what’s next?
» Dmitry Babich, appearing on RT’s CrossTalk, notes that the pathology of the United States is that of traditional “colonialism”, where the US views the conflict between Saudi Arabia and Qatar as a “family affair”, letting the nations divide themselves into pieces as the colonial power watches on… “They [The United States] pour weapons into both Saudi Arabia and Qatar.”
» Mark Sleboda views the endgame as a move towards a “soft regime” change in Qatar, noting that the US cannot allow a conflict between Saudi Arabia and Qatar, given the massive US military presence in Qatar… “The US cannot allow a Saudi on Qatari military conflict.” »
Un autre acteur-malgré-lui de cette étrange comédie d’agressivité tous-azimut de la part de la Maison des Saoud est la Turquie, qui doit immédiatement fermer la base qu’elle a au Qatar et, bien entendu, en retirer ses troupes. Erdogan répond dans le sens qu’in imagine, qui est celui de l’honneur blessé et de la souveraineté agressée, – la Turquie étant, à cet égard, un modèle de vertu, – mais qu’importe, qui n’a pas eu sa part dans ce Moyen-Orient infernal depuis presque deux décennies ?
« This demand in particular infuriated Erdogan who correctly stated that such demands contravene international law. Erdogan said of the 13 point memorandum, “This approach of 13 demands is against international law because you cannot attack or intervene in the sovereignty of a country”.
» Erdogan reaffirmed that Turkey has no plans to shut its base in Qatar and even remarked that he made a similar offer to Saudi Arabia. Erdogan described the offer in the following way, “If Saudi Arabia wants us to have base there, a step toward this also can be taken. I made this offer to the king himself and they said they will consider this. They did not come back to us since that day and even though they still didn’t come back to us on this, asking Turkey to pull back its troops (from Qatar) is disrespectful against Turkey”. »
Entretemps et comme pour nous faire patienter pour cette Grande Guerre Mondiale entre États pétroliers, on avait appris la dernière du nouveau chef du royaume de la Maison des Saoud, Prince MbS évoquant la présence russe en Syrie, qui est, selon lui, productrice de “terrorisme” sur une grande échelle.
MbS a l’intention de ne pas la prendre à la légère et d’être “no soft” concernant Poutine, ce qui promet une déroute des Russes installés en Syrie en à peu près trois jours, du fait de l’action des forces saoudiennes. Dans l’attente, et pour avertir l’intrus et lui laisser une chance de s’en sortir, MbS promet un ultimatum à la Russie, – ce qui semble aujourd’hui, l’ultimatum, la principale production de la maison des Saoud, avec le pétrole, le tapis volant et les mille-et-un-millards-de-dollars :
« The official Saudi Press Agency reports that Mohammad bin Salman Al Saud, the Crown Prince of Saudi Arabia, said he thinks Russian President Vladimir Putin, is the main threat to Saudi Arabia. “I think there is many terrorist groups in Syria that must be defeated. But it’s the Russians who tries to expand terrorism in the Middle East. It’s not difficult to imagine how much the spirits of these terrorists been raised, obviously, Russia is helping terrorists by attacking FSA militants.”
» Mohammed bin Salman continued his delusional rant… “Saudi Arabia won’t ‘go soft’ on Russia, we will issue an ultimatum to Mr. Putin. If Russia continues its indiscriminate bombing, we should make clear that we will take steps to hold its forces at greater risk. Russia must keep in mind that our military capabilities will be enough to destruct Russian forces in Syria in 3 days.” »
En attendant la suite de cette crise qui pourrait bien s’installer pour longtemps dans les sables de la péninsule arabique, observons que l’évolution de l’Arabie est un cas singulièrement remarquable. Ce pays, cette puissance de sable, de pétrole et de corruption est exemplaire et symbolique de l’évolution générale des relations internationales, sinon de la civilisation elle-même, arrivée au stade de contre-civilisation dont nous parlons lorsque nous nous référons à la métahistoire et au Système.
Mettons-nous à un rapide rappel à cet égard : il nous montrera de quelle façon les Saoud sont exemplaires et symboliques.
Liée aux USA pour sa sécurité depuis 1945 (rencontre entre Saoud et FDR à bord d’un croiseur de l’US Navy à Alexandrie), c’est dans les années 1970 que l’Arabie commença à jouer un rôle international de haut niveau. Elle le fit principalement en coopération parfois antagoniste avec l’Iran du Shah, selon un livret d’organisation-manipulation, largement ou pas du tout c’est selon, chorégraphié avec les intérêts US. L’Arabie et l’Iran sont les deux grands organisateurs-manipulateurs de l’embargo pétrolier de l’automne 1973 qui ouvre une nouvelle période de l’Histoire, marquée par une situation crisique permanente, transcendant la Guerre Froide pour aller jusqu’à nous. Dans cette première phrase, au côté du Shah qui tenait un rôle plus impétueux, le ministre du Pétrole Cheikh Yamani montrait de la mesure, de l’habileté, une fermeté aimable mais intraitable. Cette Arabie-là paraissait promise à une position essentiellement modérée, hostile à tout activisme, avec une crainte certaine de tous les troubles et toutes les aventures extérieures. Comme l’on sait, la séquence fut brutalement interrompue par la chute du Shah, créature installée par la CIA et le MI6 en 1953 dans un coup d’État contre le laïque, démocrate et émancipateur Mossadegh. Les conditions extrêmement sanglantes (répression) de la chute du Shah exacerbèrent l’extrémisme religieux amené par l’ayatollah Khomeini, jusqu’à l’installation de la république islamiste.
(Fait assez peu connu, les Britanniques des SR, toujours du MI6 auquel appartenait Lawrence, toujours fascinés comme Lawrence par les affaires du Moyen-Orient, jouèrent paradoxalement et de façon très dissimulée un rôle de soutien décisif inverse de celui de 1953 pour l’installation de la république islamiste. La CIA n’en sut rien alors que les Français de le DGSE furent mis au courant après coup, comme nous en instruisit une source directe. C’est effectivement le MI6 qui transmit aux islamistes la liste complète des dirigeants du parti Tudeh [parti communiste iranien] qui menaçait la “révolution khomeyniste” ; cela permit aux khomeinistes de liquider les structures de ce parti de masse et de guérilla, et de se débarrasser de leurs concurrents communistes qui menaçaient leurs positions.)
A partir de ce tournant, l’Arabie vécut dans la hantise d’une attaque chiite/iranienne et terroriste, et ne cessa plus de se radicaliser. Comme moyen de “défense” contre cette attaque hypothétique, elle développa le terrorisme islamiste sunnite. On connaît les différentes étapes, où l’Arabie constitua avec la CIA, le Corporate business et la corruption aux USA, une équipe extrêmement ambiguë : l’Afghanistan première période, la guerre du Golfe, les subversion diverses (ex-Yougoslavie, Bosnie), l’attaque 9/11 puis tout ce qui s’ensuivit jusqu’au “printemps arabe” tournant directement à l’affrontement sunnite-chiite, etc. La hantise saoudienne s’est transformée en paranoïa, la corruption a pris l’allure d’une Très-Grande politique, la prudence initiale s’est transformée par complète inversion en une action subversive agressive permanente dont la figure la plus achevée et la plus symbolique fut Prince Bandar, corrupteur n°1 à Washington D.C. devenu manipulateur des groupes terroristes au Moyen-Orient même et jusqu’en Tchétchénie avant d’être éliminé d’une manière mystérieuse (mort ou blessé dans un attentat, victime d’une purge intérieure, etc.).
De façon très symbolique depuis la disparition de la scène publique de Bandar, l’Arabie s’est totalement lancée, cette fois à visage découvert et même hors de la couverture de la subversion, dans la poussée surpuissante de déstructuration type-Système par la corruption, la coercition, l’agression armée indirecte et directe (nous laissons de côté les divers catéchismes religieux qui recouvrent d’un baume parfumé comme de l’encens oriental ce qui est une impulsion satanique). A partir de 2014 se succèdent l’attaque contre le Yemen, la création de Daesh dans laquelle l’Arabie et les copains de la CIA ont au moins mille mains à l’œuvre, l’activisme incroyable en Syrie, et enfin pour arriver au petit dernier, puisque les loups et les louveteaux se bouffent entre eux, l’ultimatum à la Marx-Brother de MbS au Qatar (sans compter la menace antirusse qui doit terrifier Poutine).
Toutes ces dates rencontrent notre chronologie du Système et de sa dynamique de surpuissance se transmutant en autodestruction. De façon vraiment très symbolique, nous publiions le dernier texte sur Bandar le 19 février 2014, à deux jours du “coup de Kiev” dont nous estimons qu’il ouvre une nouvelle époque où le simulacre complet s’affiche sans le moindre souci de dissimulation, où la réalité est brutalement pulvérisée, où le déterminisme-narrativiste règne.
Mis en ligne le 26 juin 2017 à 16H59
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