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260430 janvier 2017 – Si l’on peut nous pardonner de nous citer nous-mêmes, on comprendra l’explication qui est simplement d’utiliser des citations qui nous évitent de répéter en d’autres termes un point fondamental de méthodologie qui a déjà été défini clairement, pour ce cas il y a très peu de temps. Par conséquent, nous reprenons l’introduction de notre texte, dans Ouverture Libre du 16 janvier 2017 (« Pékin-sur-Davos, ou le chant[re] du globalisme »), qui introduit parfaitement et utilement sinon nécessairement l’aspect absolument fondamental et sine qua non de ce texte d’aujourd’hui. Voici cette introduction sur notre méthodologie, en y ajoutant des règles pour nous impératives, qui permettront nous l’espérons, de nous éviter des appréciations extérieures de type pédagogique pour nous sermonner de ne pas trop prendre en compte des facteurs qui étaient effectivement d’une importance primordiale il y a 25 ans, ou mieux, il y a 50 ans ou 100 ans, et qui n’ont plus aucune valeur à nos yeux aujourd’hui, selon notre logique. Il est inutile de faire une leçon de géopolitique sur tel ou tel point parce qu’il s’agit plus simplement d’accepter ou non notre logique. Si l’on n’accepte pas cette logique, on le dit en trois mots qui expédient toute l’analyse à la poubelle (et d’ailleurs tout ce qu’a écrit et écrit dedefensa.org, ménage en grand) et on passe outre, ou bien, mieux encore, l’on passe outre sans rien dire et en rayant dedefensa.org de sa liste de “favoris” ; si on l’accepte, alors les leçons des experts en géopolitique et autres sont complètement hors de propos, sans le moindre intérêt, aussi archaïques et obsolètes que “les caravelles et les lampes à huile” du Général...
Voici l’extrait : « On sait bien que pour nous, le concept d’antiSystème est d’une rationalisation extrêmement ferme et simple (“tout ce qui est contre le Système, visant à détruire le Système ou à l'aider à s'autodétruire”) et d’une opérationnalisation extrêmement fluide, changeante, parfois énigmatique, très souvent surprenante ; il est, l’antiSystème, sauf pour les rares psychologies qui s’y sont accrochées fermes parce qu’elles savent que là seulement se trouve aujourd’hui le combat qui compte, complètement insaisissable dans sa course, complètement insoucieux des alliances, des lois de la géopolitique, des intérêts financiers et des complots (sans aucun doute réels) sans fin et sans nombre, et il ne cherche à se fixer que sur ce qui, à l’instant présent, fera le plus de tort au Système. Il ne pouvait faire aucun doute que la venue fracassante d’une sorte d’“électron libre” de cette taille si gigantesque qu’est Donald Trump ne pouvait qu’engendrer des conséquences extrêmes, des dé-rangements formidables complètement imprévus suivis de nouveaux rangements colossaux complètement inattendus... »
C’est donc avec cette méthodologie à l’esprit qu’on doit aborder cette idée d’un “axe Chine-Hollywood” qui semblerait assez folle, par l’espèce d’antinomie irréfragable qu’elle inspire à l’esprit ; entre la Chine toujours-communiste, perçue comme l’alliée de la Russie et formant ainsi un axe antiaméricaniste, d’une culture semblant complètement étrangère à celle des USA, par conséquent la Chine irrémédiable ennemie des USA et de l’américanisme d’une part ; et d’autre part cette “usine à rêves” productrice de l’hollywoodisme, perçu comme le principal bras armé culturel de masse de l’américanisme, irrémédiablement lié à la culture et à l’hypercapitalisme américaniste. Même si tout cela n’est pas faux en un sens, tout cela est complètement dépassé d’un autre point de vue, complètement bouleversé par la vitesse des événements et, surtout, comme nous le conseillons, observé selon notre méthodologie qui ne prend en compte que l’affrontement Système-vs-antiSystème, avec ia variabilité et la fluidité extrêmes des acteurs évoluant d’un camp à l’autre.
Nous allons examiner la position actuelle entre ces deux acteurs, pour le temps présent telle qu’elle s’est constituée à une vitesse prodigieuse avec l’élection et l’installation du président Trump. Les deux acteurs considérés, Hollywood et la Chine, ont eux-mêmes été très profondément touchés, et très radicalement, et très rapidement enfin, par l’entrée en piste de Trump. Le premier cas envisagé est celui de Hollywood.
• Jamais, sans aucun doute, Hollywood emporté dans l’anti-trumpisme n’a pris partie avec une telle force et une telle passion pour une cause politique, hors des objurgations et des pressions d’un pouvoir quelconque (celui du gouvernement, celui d’un lobby ou d’une force du Corporate Power) ; et nous parlons d’abord d’Hollywood en tant que communauté qu’on serait tentée de qualifier d’“artistique” en France, mais qu’il faut qualifier aux USA d’“artistico-industrielle”, et même y ajoutant l’autre qualificatif d’“humanitariste” ; c’est-à-dire que nous parlons d’abord des “acteurs” dits-artistiques de l’“industrie” hollywoodienne, c’est-à-dire les acteurs eux-mêmes, les réalisateurs, metteurs en scène, etc. Ils ont pris partie en se ralliant massivement au parti démocrate et à Hillary Clinton ; très rapidement la campagne est devenue essentiellement anti-Trump, essentiellement au nom des “valeurs” que nous définissons en général comme “progressistes-sociétales” (“valeurs” LGBTH essentiellement, cet ensemble que nous qualifions d’“hypergauche” par ailleurs).
Bien entendu, s’il est encore, parfois, question d’“art” (le 7ème du nom) comme le voudraient les Français, il est d’abord question d’une puissance qui s’exprime par l’argent. Ces acteurs-artistes, selon ce mot d’“acteur” pris dans le sens de participant à la chose, sont en général extrêmement riches ; ils ont remplacé les puissants moguls des années 1930-1950, décennies des grands studios, dans la capacité d’organiser une force de pression appuyée sur une masse monétaire considérable, et cette force de pression s’exerce dans toute sa surpuissance aujourd’hui dans la campagne anti-Trump. Des personnalités richissimes comme le metteur en scène Steven Spielberg, par ailleurs co-créateur de studios indépendants tels que DreamWorks, représentent cette nouvelle force, ce nouveau centre de pouvoir dont l’orientation politique est aujourd’hui absolument affirmée.
Le climat à Hollywood est épouvantable de ce point de vue de l’orientation politique, impliquant une pression souvent terroriste sur la “communauté” et l’“industrie” hollywoodiennes ; c’est notamment celui des “listes noires” (black-list), retrouvant le climat de l’immédiat après-guerre. Contrairement à ce qui est évoqué et malgré la similitude de la méthode terroriste, on ne doit pas y voir pas une renaissance du McCarthysme, mais l’invention d’un McCarthysme inverti par rapport à celui de 1946-1954 (qui démarra bien avant l’entrée en scène en 1951 du sénateur McCarthy, mais du fait de l’activité inquisitoriale de la Commission des Activités “Non-Américaines” de la Chambre [House Un-American Activities Commission]). Il ne s’agit pas de la chasse aux acteurs, metteurs en scène, etc. de tendance progressiste et soupçonnées de communisme (la communauté progressiste des “acteurs-artistes”), mais d’une chasse par cette “communauté progressiste des ‘acteurs-artistes’” pour débusquer leurs coreligionnaires qui sont pro-Trump, ou qui ne sont pas assez anti-Trump.
(On peut lire un texte bref du 24 janvier d’Alexander Mercouris, qui est un connaisseur privilégié de cette période parce qu’il en avait été instruit par un membre de sa famille, le metteur en scène Jules Dassin “blacklisté” à la fin des années 1940, exprimer sa stupéfaction qu’une période similaire s’installe à Hollywood, où l’on voit une actrice comme Nicole Kidman obligée de durcir en anti-Trump un propos neutre qu’elle avait prononcé le 10 janvier par crainte de perdre son accès aux productions hollywoodiennes.)
• Ce mouvement, d’une puissance sans précédent et qui rallie les divers mouvements artistiques progressistes-sociétaux hors-cinéma et hors-Hollywood, aux USA et dans nombre de pays du bloc-BAO, s’appuie dans le chef des “acteurs-artistes” sur cette tendance “internationaliste” qui a toujours existé à Hollywood, malgré le patriotisme (US) imposé par les diverses puissances qui firent pression. (Bien entendu, cela ne signifie pas que tous les “acteurs-artistes” sont de cette tendance, mais ils sont extrêmement minoritaires, et justement confrontés à la possibilité d’être “blacklistés”.) Aujourd’hui, la puissance même de la communauté qui subissait en d’autres temps la pression des autres, fait donc que c’est elle qui exerce cette pression, et le sentiment anti-Trump apparaît alors visiblement comme appuyé sur une sorte d’“internationalisme” qui sera bien mieux compris si nous le nommons pour ce qu’il est évidemment aujourd’hui : le globalisme. L’activité courante des acteurs-artistes est, depuis plusieurs années, orienté vers l’humanitarisme (voir Clooney, Angelina Jolie, etc.), qui est l’un des bras armé du globalisme. (Ce pourquoi nous écrivons plus haut : “mais qu’il faut qualifier aux USA d’‘artistico-industrielle’, et y ajoutant l’autre qualificatif d’‘humanitariste’”.)
Tout cela fait encore mieux comprendre la puissance de l’anti-trumpisme puisque Trump s’appuie, lui, essentiellement et férocement, sur une opposition à ce globalisme dont Clinton a été le porte-drapeau lors de la séquence USA-2016. C’est alors, à ce point où est nommé le globalisme, que nous rencontrons le deuxième “acteur” de notre analyse, qui est la Chine. On a vu dans notre présentation-commentaire d’un texte de Kerry Bolton, le 16 janvier 2017, le développement de notre analyse selon laquelle la Chine se présente, sans beaucoup d’aménité pour les USA, comme la défenderesse ultime de la globalisation et du globalisme (ce qui ne signifie nullement, comme on cru le comprendre certains commentateurs, que nous impliquons qu’il y a la possibilité d’une alliance avec les USA, alors que nous indiquons que c’est, que cela ne peut être que le contraire : « ...cette révision [pro-globalisme de la Chine] se fait, aujourd’hui, dans des conditions dramatiques de basculement cosmique, au moment où les USA basculent dans l’anti-globalisation et dans l’hostilité au globalisme, l’un et l’autre qui semblent constituer le pilier central assuré et immuable des conceptions trumpistes »).
Cette proximité entre Hollywood et la Chine, qui invite à faire “anti-trumpisme commun”, est réalisée au moment où la Chine, qui a déjà de gros investissements à Hollywood, vient d’en effectuer de nouveau. Cela nous vaut un texte d’Infowars.com, qui souligne l’alarme dont nous parlons ici, – mais eux, d’Infowars.com, continuent à s'alarmer considérablement du “communisme” chinois (« Anti-Trump Chi-Coms buying up Hollywood »), qui n’est évidemment pas de notre propos, mais vraiment pas une seule seconde. (On peut aussi voir et écouter Alex Jones le 27 janvier éructer contre cette attaque chinoise contre la souveraineté US.)... Voici une citation du texte du 26 janvier. (A propos du film Little America, qui est le sujet du texte, cette précision de Variety.com du 25 janvier : « “Little America” is described as being reminiscent of John Carpenter’s iconic 1981 sci-fi action-thriller “Escape From New York,” starring Kurt Russell. “Little America” is set in a time where America is so bankrupt that China is calling all the shots. »)
« Hollywood is set to begin work on Little America, a dystopian adventure movie set in a future where a Trump-like U.S. president has bankrupted America and China has called in its debts. The film, set to be produced by explosion-obsessed director Michael Bay, describes a future where the president has destroyed America’s economy, prompting China to call in its debts, making it the de facto owner of the country while many Americans emigrate to China for work.
» Universal Pictures recently picked up the rights to the movie after a heated bidding war with several producers, reports the Hollywood Reporter.
» The plot of the movie follows a former American Force Recon member who is hired by a Chinese billionaire to infiltrate an American ghetto and rescue his daughter. The tone of the movie is said to be similar to the 1981 John Carpenter film Escape from New York starring Kurt Russell. These efforts to portray Trump as a weak leader responsible for America’s downfall is no coincidence. Neither is the portrayal of China as the real controller of America.
» Just a few months ago, China bought all six Hollywood studios in an unprecedented buy-up, a move meant to repurpose Hollywood films to serve China’s agenda, including influencing public perception with state-sponsored propaganda. “China views film as a component of social control,” states a report from the U.S.-China Economic and Security Review Commission (USCC), noting that when it comes to Chinese policies for regulating movies, “the CCP’s (Chinese Communist Party) concerns are positioned above all other interests.” »
Par ailleurs et sur le plan général des tendances de la politique planétaire, la Chine a confirmé, certes dans son style retenu et presque humble, ce qui était apparu avec la prestation de Xi à Davos : l’acceptation de prendre en charge la position, non seulement de n°1 mondial, mais par conséquent la situation de se présenter comme le moteur et l’inspirateur du globalisme qui est la représentation idéologisée de la globalisation. Cela fut notamment dit par un haut fonctionnaire du ministère des affaires étrangères, selon l’argument “innocent“ que la Chine affirmait cette position du fait de la “désertion“ de cette positions des États-Unis avec l’arrivée du président Trump. Quelques mots à cet égard :
« A senior Chinese Foreign Ministry official has hinted that Beijing may pick up the torch of global leadership if forced to do so by the withdrawal of other contenders for the role as Washington under Trump appears to become more immersed in domestic issues. “If anyone were to say China is playing a leadership role in the world, I would say it’s not China rushing to the front but rather the frontrunners have stepped back, leaving the place to China,” Zhang Jun, the director general of the Chinese Foreign Ministry’s international economics department, told reporters on Monday, according to Reuters. At the same time, he said that China would not shun the opportunity to lead the world if needed for the common good. “If China is required to play that leadership role, then China will assume its responsibilities,” the official added. »
Comme on voit, les Chinois conservent leur flegme pour affirmer cette prise de pouvoir, mais nous n’oublierons pas que lorsque Trump s’adresse à Taïwan d’une façon officielle, le flegme se transforme en une colère sans équivoque. D’autre part, le terme “prise de pouvoir” supposerait un affrontement où l’un aurait fini par l’emporter et détrôner l’autre. Ce n’est pas le cas, même si les amateurs de PNB font aller leurs calculettes pour rationnellement nous prouver tant de choses claires et complexes ; il y a, plus simplement, que les USA ont déserté le navire en se déclarant anti-globalistes, et les Chinois, qui sont l’économie n°1 depuis un certain temps, sont soudain devenus en l'affirmant hautement les leaders incontestés du parti du globalisme. (Car, en termes de perception, ce qui fait l’essentiel bien plus que les calculettes, être “le n°1 économique” ne suffit pas pour assurer un leadership mondial ; par contre s’affirmer comme “les leaders incontestés du parti du globalisme”, c’est effectivement jeter un défi où l’on s’affirme maître du leadership mondial.)
Mais comme on l’a suggéré plus haut, ces vaticinations de type économique, géostratégique, etc., ne nous intéressent pas. Ce qui nous intéresse, c’est que la Chine est conduite à embrasser le “parti des globalistes” d’une façon offensive, qu’elle se trouve ainsi, elle qu’on avait l’habitude de se classer dans le camp de l’antiSystème, totalement dans le camp du Système qui est complètement manipulateur de la logique déstructurante et dissolvante du globalisme...
... Et ce qui nous intéresse plus précisément pour notre propos, c’est que cette évolution de la Chine, accompagnée de l’argent chinois, rencontre parfaitement celle d’Hollywood qui vient de basculer complètement dans le camp du Système avec sa position durant la campagne USA-2016. Tout cela se fait dans le cadre californien où, entre l’“élite” de Silicon Valley et la puissance de la présence des latinos restés si mexicains dans leur cœur, l’anti-trumpisme constitue un ciment exceptionnel pour ces divers composants qui semblent si étrangers les uns des autres. Peut-être l’argent chinois va-t-il encore plus s’intéresser au Mexique, et la République populaire de Chine être le premier pays à reconnaître la République de Californie ?
Ces constats qui apparaîtraient à beaucoup, à première lecture, comme de complètes divagations géopolitiques ont tant de puissance lorsqu’on considère la surpuissance de la dynamique lancée par Trump, – ou bien dirait-on : “enfourchée par Trump” comme un cow-boy sur un cheval sauvage dans un rodéo, mais pour le rendre plus sauvage encore ? On admet bientôt que la logique géopolitique est une chose dépassée ou bien du passé et que l’enjeu à la fois de communication, symbolique et psychologique de la formule “Système-vs-antiSystème” est aujourd’hui maîtresse du jeu. Cela renvoie évidemment à l’“avertissement” venu d’un autre texte, et que nous avons cité en début de texte comme une des règles méthodologiques du jugement qu’il nous importe d’avoir sur les événements. Ici, cette formule “Système-vs-antiSystème” se ramène aux positions diverses et antagonistes autour du globalisme, et l’axe Chine-Hollywood identifié a alors tout son sens.
Les arguments sont nombreux concernant la Chine, pour faire de cette puissance civilisationnelle et souveraine quelque chose de tout à fait étranger, du point de vue politique et géopolitique, à la situation que nous évoquons ici ; et aussi nombreux, concernant Hollywood, pour faire de cette puissance d’influence et de communication, quelque chose de tout à fait étranger, du point de vue culturel et psychologique, à la situation que nous évoquons ici. Mais raisonner en ces termes, c’est s’appuyer sur un passé que la globalisation s’est employé à réduire à néant, à déstructurer et à dissoudre littéralement. Les structures traditionnelles de la Chine sont en train de se dissoudre à une très grande vitesse sous la pression d’une activité économique effrénée qui pousse la Chine vers le globalisme comme moyen de s’affirmer, – éventuellement de survivre selon les conditions présentes. Les structures “traditionnelles” d’Hollywood, placé au cœur d’une Californie qui a voté à une écrasante majorité contre Trump, dont le premier groupe ethnique est désormais latinos et viscéralement lié au Mexique, dont la législature vient d’accepter d’éventuellement soumettre (si la proposition recueille assez de signatures [600.000 en 180 jours]) au vote de ses citoyens la proposition d’un référendum sur la sécession pour mai 2019, animé culturellement par une haine anti-trumpiste qui tend à voir dans les USA une entité étrangère, ces structures évoluent dans la perceptionqu'on en a à une rapidité stupéfiante en fonction de cet environnement. L’état d’esprit, soit pro-mexicain, soit globaliste et de toutes les façons anti-Trump suscite une situation tout à fait nouvelle. La Chine pourrait s’y adapter de son côté en considérant la Californie comme une entité qui lui serait très accueillante, comme un marché de grande qualité échappant aux restrictions insupportables (pour les Chinois) que Trump voudrait et va imposer aux USA vis-à-vis des pays extérieurs.
Cette idée d’une possible situation développée ci-dessus ne doit pas être considérée selon sa possibilité géopolitique objective, mais selon la possibilité que la communication fait envisager à la psychologie, c’est-à-dire possibilité virtuelle mais aussi possibilité symbolique, c’est-à-dire un symbole immédiatement disponible pour le raisonnement et le jugement de la situation. Dans l’époque où triomphe le système de la communication, le symbole est une sorte d’“arme absolue”, la figure la plus forte qu’on puisse envisager pour la pensée, celle qui influe extraordinairement sur les perceptions. C’est par conséquent dans ce cadre d’instantanéité de la communication, avec une action extrêmement puissante sur la psychologie, qu’il faut “penser” cette idée à première vue baroque d’un “axe Chine-Hollywood”.
Notre idée générale est que la situation actuelle est privée de toutes perspectives à long terme sinon de toute perspective tout court à cause de la rapidité et de la puissance extraordinaires des effets du système de la communication. En un sens, on pourrait y trouver un exemple de ce qu’on nommait dans un article d’il y a exactement trois ans et un jour (le 29 janvier 2014) The Big Now, ou l’“éternel présent”. Mais il s’agit bien entendu d’une conception absolument postmoderniste, et une inversion totale de l’“éternel présent” des conceptions métaphysiques de la Tradition caractérisant la notion ultime d’éternité : le Big Now est alors plutôt un “présent bloqué” comme caricature invertie de l’“éternel présent”, c’est-à-dire le caractère essentiel d’une époque “bloquée dans le présent” par la puissance de la communication, donc privée de perspectives à long terme sinon de perspective tout court, de logiques politique et géopolitique, etc., et donc soumise à tous les possibles, jusqu’à ceux qui semblent impossibles à la raison... Il est vrai que nous évoluons, dans de telles conditions, directement dans la métahistoire et non plus dans des conditions historiques normales, une métahistoire où le pire peut dissimuler le meilleur, où le plus extravagant jusqu’au nihilisme de la démence peut dissimuler une norme nouvelle.
De cette façon, on peut envisager des situations jusqu’ici impensables ou absurdes, comme cet “axe Chine-Hollywood”, mais alors configurées comme quelques-unes des nombreux avatars de l’immense bataille autour du globalisme, et alors beaucoup plus selon leurs propres effets déstructurants et dissolvants sur le reste des situations comme sur elles-mêmes, et nullement comme une ou des perspectives (puisqu’il n’y a plus de perspective). De ce point de vue, cela signifie que nous envisageons cette situation Chine-Hollywood, d’une part avec des arguments sérieux, d’autre part comme quelque chose de complètement insignifiant et sans intérêt, – à la fois aussi important d’une part, d’autre part aussi insignifiant et sans intérêt que la puissance de la Chine ou la fureur anti-trumpiste d’Hollywood, ou bien encore l’éventuelle sécession de la Californie, etc. Tout cela dépend dans quel cadre nous considérons ces événements ou ces hypothèses : l’importance qu’on doit leur accorder est directement dépendante du rôle qu’ils jouent, en tant qu'autant de symboles, dans l’affrontement Système-vs-antiSystème ; car l’avenir n’existe plus dans le “présent bloqué” tandis qu’il doit exister dans le cadre du “présent éternel” de la métaphysique comme le moyen de détruire le Système qui constitue une attaque terrible contre ce même “éternel présent” de la métaphysique.
La perspective, ou non-perspective, de l’“axe Chine-Hollywood” se trouve donc dans son pouvoir déstructurant et dissolvant, d’une part des forces constituées et existantes, – comme l’intégrité de l’entité US, par exemple, qui fournit le moteur essentiel du Système, – d’autre part des entités qu’il prétend lui-même créer, puisqu’il fonctionnerait, dans le cadre du globalisme, comme fonctionne le Système en état de surpuissance-autodestruction... On peut en effet aussi bien considérer qu’une Chine qui poursuivrait sur la voie du globalisme finira par générer des tensions internes qui menaceront sa propre intégrité, tout comme on pourrait considérer qu’un Hollywood se détachant de sa matrice américaniste perdra toute sa capacité d’invasion culturelle et de communication. Là encore, nous ne disons pas que ces choses arriveront, mais nous voulons dire que la possibilité de ces choses existe avec assez de force pour peser dans un sens déstructurant et dissolvant sur des situations évolutives telles que celle que nous décrivons. Le “présent bloqué” où nous vivons ne cesse d’enfanter une possibilité quasiment infinie d’événements qui n’ont pas besoin de se produire pour faire sentir leurs effets psychologiques, même, et surtout inconsciemment ; c’est de cette façon que le “présent bloqué” est susceptible de changer et de se référer implicitement à l’“éternel présent” en détruisant ou en participant à la destruction du Système qui constitue aujourd’hui le seul enjeu envisageable.
Nous avons parlé dans ce F&C de l’“axe Chine-Hollywood” parce qu’il y a beaucoup d’éléments concrets pour le faire. Mais d’autres “événements” aussi improbables, confus, extraordinaires sinon absurdes par rapport à la situation-Système générale, pourraient être également évoqués. Ainsi parle-t-on beaucoup et avec frayeur, notamment à Paris, à Bruxelles et à Berlin, d’une alliance entre la Russie et les USA aux dépens de l’Europe, et de l’extrême risque de dislocation de l’Europe (l’UE) qui en résulterait... Cette quasi-absurdité par rapport à la situation présente et ce qu’on en sait, devient, du point de vue psychologique et de la communication, tout à fait et instantanément possible dans l’environnement actuel ; ce l’est indirectement par rapport aux propos de l’ambassadeur-pressenti des USA à l’UE, qui affiche son intention de tout faire pour briser l’Union Européenne et pour renvoyer Juncker de la présidence de la Commission au mayorat d’une ville moyenne du Luxembourg. Ce l’est, dans un autre domaine, à propos de la possibilité du succès d’une “révolution de couleur” à Washington D.C., qui doit être perçu d'abord d'unpoint de vue symbolique comme le déclencheur d'une guerre civile, – parce que les USA ne sont pas l'Ukraine et n'acceptent pas un “Coup” permettant de changer de président comme on change de chemise... Là encore, on trouve cette différence entre la futilité de la réalisation de tels événements (situation historique du “présent bloqué”) et la quasi-surpuissance de communication, avec ses effets, de ces déclarations et des perspectives évoquées (référence métahistorique de l’“éternel présent”).
La communication est aujourd’hui tellement puissante qu’elle réduit les événements réels à quasi-rien (elle pulvérise absolument la réalité) tandis qu’elle provoque des effets extraordinaires de surpuissance avec les événements possibles/virtuels qu’elle suggère... Bref, si nous ne savons pas où nous allons, nous y allons à une vitesse extraordinaire ; si nous ne savons pas comment détruire le Système, nous voyons le Système s’autodétruire à une vitesse extraordinaire...