Il n'y a pas de commentaires associés a cet article. Vous pouvez réagir.
61183 octobre 2016 – Il est significatif que ce texte que reprend ZeroHedge.com le 1er octobre 2016, qui vient de T.J. Brown de la Foundation for Economic Education, ait été mis en ligne par l’auteur le 14 septembre 2016. En plus de deux semaines, par les temps qui courent où une nouvelle sensationnelle est oubliée en deux jours, ce texte n’a non seulement pas pris une ride mais apparaît encore plus pertinent aujourd’hui 3 octobre (1er octobre) que le 14 septembre. L’auteur aborde un thème général, qui est sous-jacent à ce débat intérieur US qui a des dimensions globales impératives, mais qui s’impose de plus en plus : cette élection présidentielle est non seulement celle du pire, mais celle de la survie... Chaque citoyen est confronté non pas à un choix de préférence, mais au choix du moindre effet catastrophique possible : « Habituellement, durant une élection présidentielle, vous observez l’optimisme du public en train d’exalter les qualités de son candidat préféré. Cette année, rien de semblable... Lequel des deux poisons [qui m’est offert] est le moins radical ? »
Ce texte est bienvenu parce qu’il exprime plus clairement et d’une façon argumentée le sentiment général entourant cette élection présidentielle si on la juge selon les conceptions habituelles, un sentiment extraordinairement pessimiste, catastrophiste des électeurs vis-à-vis de l’événement. Nous voulons dire par là qu’il ne s’agit pas d’une révélation sensationnelle, ni d’une argumentation brillante, etc., – même si certains le perçoivent comme tel, – mais bien d’une mise en forme convaincante d’un sentiment général qui baigne toute cette campagne électorale. Le mot de “survie” (“survivance”) est employé dans le titre (« Voter pour la survie : le thème de l’élection de 2016 ») par l’auteur, T.J. Brown ; lequel a en plus la caractéristique symbolique d’être Africain-Américain, donc membre d’une communauté qui est présentée comme revendicatrice d’un point sociétal important, alors que son texte offre une vision globale de cette élection qui rend tous les arguments sociétaux, idéologique, etc., sans aucune pertinence par rapport à l’enjeu que lui-même décrit.
Voici la première partie du texte, qui présente cette perception du sentiment régnant aux USA dans cette élections sans précédent ni pareille, en aucune circonstance, – à cet égard plus importante à notre sens que celle de1860 que nous évoquions récemment en parallèle avec USA-2016..
« Is it just me, or does this year appear to be the most pessimistic election season ever? Typically during presidential elections, you notice people’s optimism as they extol their preferred political candidate. This year, however, not so much.
» Which Poison Is the Least Potent?
» Of course there are plenty within each political party who support their party's nominee. But the mainstream vibe I’ve been getting is mixed. Most people aren’t cheering campaign slogans of Hope & Change. Most people aren’t enthusiastic about the future they’re being promised by their elected representatives.
» There is a sense of betrayal held by supporters of the Bernie Revolution, which promised to oppose corporate corruption in politics, only to endorse the person who is possibly the most cronyistic political candidate Washington has to offer.
» The rebranding of social media hashtags such as #ImWithHer to #IGuessImWithHer exemplifies dispirited submission, rather than positive momentum. Ask a Hillary voter why they’re supporting Hillary, and chances are it’s not because of her policies or her personality. It’s because they are disgusted by and terrified of the opposing candidate, Donald Trump.
» It is the same with Trump’s base. Many are supporting him solely because they feel threatened by a Hillary Clinton presidency. They fear her quasi-socialist economic plans, her hawkish history on foreign policy, and her disregard of the second amendment.
» And even third party candidates feel the same. I’ve often said that much of Gary Johnson’s momentum is not due to his charisma or ideas, but more because many people have equal disdain for both Trump and Hillary, who in many ways are ideologically interchangeable.
» The voice of the American people is so disenfranchised that people are no longer voting based on the desires they want their government to satisfy. Rather, they’re voting based on the least negative inevitable effect the new administration will have on their life.
» There is an upside to this. Even a cause for hope.
» How Did We Get to This Point?
... «... Même une raison d’espérer » (“Even a cause for hope”) ? Cela ne nous semble pas assuré, et quoi qu’il en soit nous passons du domaine du constat au domaine de la plaidoirie et de la prospective. Le propos est moins intéressant pour notre analyse. Néanmoins, on retiendra que l’auteur est de tendance libertarienne, ni pro-Clinton, ni pro-Trump, opposé à l’idée d’un gouvernement omnipotent et qui considère que la cause profonde de la situation est un gouvernement qui a pris des proportions énorme et qui est devenu incontrôlable. On pense aussi bien à l’hypothèse dramatique de Rumsfeld le 10 septembre 2001 (voir le 11 septembre 2001), et plus généralement l’on pense à l’idée centrale pour nous du Système. On notera donc tout de même, pour notre propos, l’analyse rapide que Brown fait de la cause centrale de la situation présente, où l’on retrouve l’idée de la création d’une entité (pour Brown, il s’agit d’un “monstre”), que certains pourraient juger être une égrégore, dont le caractère est constitué à la fois d’incontrôlabilité et d'une constante pression menaçante :
« As with any monster, as government grows, it becomes more threatening and uncontrollable. The democratic process, once used to proactively control the state’s power, has now transformed into a tool of defensive opposition to the threat that same state now poses to our liberty and happiness. Some people will claim that this reckless condition of government overreach is due to greedy interests, bad leaders, and bad laws. But the truth is, this beast we find ourselves fighting is of our own creation. It is government created by the people, of the people, but not for the people. »
Ces précisions permettent de mieux comprendre encore pourquoi Brown explore cet état d’esprit de l’élection présidentielle comme s’il s’agissait effectivement d’un champ de lamentations exposant un extraordinaire pessimisme si étranger d’habitude aux citoyens de la Grande République, et plus précisément le sentiment, moins visible que la colère ou la haine qu’on rencontre ici et là, “d’un immense désarroi et d’une angoisse évidente. Il s’agit du sentiment qu’il importe peu que ce soit Clinton ou Trump, ou tout autre d’ailleurs parmi les candidats secondaires, tant l’impression qui s’impose de plus en plus est celui du constat que dans le climat qui s’est créé en Amérique, dans le contexte crisique ainsi développé, personne n’est vraiment capable d’affronter et de maîtriser la situation, avec les hypothèses terribles et les inconnues des suites de l’élection”. (Citation de notre texte de présentation de la semaine du 24 septembre au 1er octobre 2016, en première page et page d’accueil de ce site.) Il ne s’agit pas d’un accident, ce sentiment que nous expose Brown, mais bien d’une confirmation... Par exemple, cette perception et cette analyse comme la confirmation d’autres perceptions et analyses que nous notions déjà, exactement dans le même cadre ; particulièrement celle du chroniqueur du Washington Times Pruden, que nous présentions le 13 juillet 2016, avec notre titre (« L’élection de toutes les terreurs ») et son titre à lui (« L’élection qui nous terrifie tous ») :
« Pruden synthétise les situations courantes, autour et au cœur de cette élection, sans s’attarder aux arguments : les deux candidats également détestés, chargés de défauts, – Trump et ses insultes, son insupportabilité de quelque mise en cause de lui-même que ce soit, même les plus dérisoires ; Hillary avec ses mensonges, sa corruption, sa cupidité extraordinaire (belle image : “Si elle se trouvait devant un agonisant avec une tenaille, elle lui arracherait les dents pour récupérer l’or qu’on y trouverait éventuellement”). [...]
» De son texte, nous extrayons aussitôt ce paragraphe, toujours marqué par le ton polémique et l’image ricanante, mais qui effectivement dit tout du sens de la chose, et qui justement le dit avec en arrière-plan ce cas exceptionnel et tragique dont nous parlons : “C’est l’élection qui va pousser à son terme la théorie si longtemps répétée par les observateurs selon laquelle Dieu prend soin des petits enfants, des alcooliques et des États-Unis d’Amérique. Les petits enfants grandissent, les alcooliques deviennent sobres, mais cette année il semble bien que les États-Unis d’Amérique aient poussé le bouchon un peu trop loin. C’est comme si l’on défiait la fortune du destin et si l’on jouait inconsidérément avec la grâce de Dieu.” »
On peut ainsi mesurer la durabilité extrême et même en accentuation constante de ce sentiment considérable, son installation dans les structures de la psychologie du public, mais plutôt comme une révolte contre la psychologie américaniste à laquelle contraint le Système tel qu’il s’est développé. Bien entendu, il s’adresse à la situation qu’on sait, – qu’elle prenne la forme de la bureaucratie [du Pentagone] que dénonçait justement Rumsfeld en la décrivant comme “un danger plus grave que l’URSS”, ou celle du “monstre” qu’est devenu le gouvernement des USA et que dénonce Brown. Il s’agit là d’une critique structurelle que nous considérons nous-même comme fondamentale et qui est devenue classique pour nous, avec l’idée de “Système” que nous avons développée selon notre propre perception et qui guide toute notre démarche. Il n’y a aucune dimension idéologique dans notre chef, certainement et surtout pas, et cela se reflète dans le fait que les deux exemples cités (Rumsfeld et Brown) sont à la fois éloignés dans le temps et venus de deux hommes idéologiquement opposés, – signe à la fois de la puissance du diagnostic qui résiste et se renforce avec le temps, et de sa complète indifférence aux dérisoires manœuvres idéologiques où se complaisent tant de critiques, notamment chez les antiSystème. Ce qui est plus marquant dans l’approche critique de Brown, c’est le constat de l’impuissance humaine face à cette situation, dans le chef des élites politiques.
(Nous ne disons pas “élites-Système” parce qu’il n’est pas question de cette problématique dans le propos que nous citons. Brown écarte complètement cette approche, cette interrogation “opérationnelle” que nous étudions régulièrement, – qui devient essentiellement, dans le cas de l’élection, celle de savoir si Trump est un antiSystème assez sérieux, assez puissant, assez “performant” dirait-on, d’une part pour parvenir à être élu en rencontrant, ou même en suscitant le sentiment antiSystème du public, d’autre part, s’il était élu, à susciter une attaque véritablement sérieuse contre le Système. Brown, en bon libertarien qui cultive une grande défiance à l’encontre de tout ce qui est institutionnel et centralisateur [y compris la fonction de président des USA] estime que c’est aux individus, qui pratiquent l’individualisme que recommande la conception libertarienne, à déconstruire “le monstre”, ce gouvernement devenu ingouvernable et incontrôlable, et que ce doit être là un motif d’espérance, de toutes les façons...
« Si le premier pas [vers cet objectif] est une totale perte de confiance dans les dirigeants politiques, qu’il en soit ainsi pourvu que cela soit accompagné d’une foi renouvelée dans la capacité des individus et de la société de parvenir à la grandeur sans s’encombrer de prétendus planificateurs centralisateurs. »)
Passons à autre chose parce qu’il est manifeste pour nous que la conclusion de Brown est trop marquée par l’idéologie libertarienne autant que trop théorique pour rendre compte de la situation en cours dans sa dimension métahistorique, qui est ce qui nous intéresse essentiellement. Passons donc à un autre propos, en prêtant une oreille attentive à Michael Moore et l’on verra que c’est pour notre compte poursuivre le même propos par une autre voie et ainsi nous permettant de progresser dans notre enquête...
Depuis ses films documentaires dont l’un fut couronné à Cannes, Michael Moore est devenu une référence symbolique de la gauche progressiste du parti démocrate, dans un sens très activiste et populiste de gauche par sa proximité avec la catastrophe qui a frappé le monde ouvrier traditionnel aux USA, notamment dans sa ville natale de Flint. Il fut aussi une référence en France, avec ses trois récompenses en 2002-2004, aux Césars et deux fois à Cannes. Ce succès rend compte de l’ambiguïté des positions, entre antiaméricanisme-antiSystème durable et qui existe aujourd’hui plus que jamais, et d'autre part opposition idéologique d'alors à l’administration GW Bush qui s’est transformée, en France encore, en un soutien extasiée et “sociétal” à la même politique déstructurante des USA dès lors qu’elle a été reprise à son compte par Obama & Cie. Ce rappel n’est pas de pure forme : l’ambiguïté des positions et de l’évolution des positions par rapport au phénomène de l’élection USA-2016 se manifeste dans les prises de position les plus récentes de Moore, qui nous permettent de poursuivre notre propos.
En un certain sens en effet, et en un sens qui doit être souligné comme le plus puissant selon nous, dans une intervention très récente lors de l’émission de la NBC Meet the Press, Moore poursuit le propos de Brown sur le sentiment populaire en interprétant le soutien que reçoit Donald Trump. Là aussi, il s’agit d’écarter l’idéologisation qui n’a pour nous qu’un intérêt complètement secondaire en même temps qu’elle porte le danger de l’enfumage classique du Système maître dans la tactique de l’inversion... Le propos est intéressant notamment parce que l’on sait qu’au début de l’apparition du phénomène, Moore a été très critique de Trump, dans le sens le plus progressiste et le plus idéologique possible, faisant sien toutes les interprétations idéologiques et “sociétales” anti-Trump (en gros de l’hitlérisme-fascisme au racisme). Cette fois, il change complètement de cible et s’attaque essentiellement au parti démocrate, à sa vertigineuse corruption et à sa soumission au Système ; ce faisant, il donne une interprétation complètement différente du phénomène-Trump et entre directement, certes à sa façon, dans le thème du propos de Brown. (Son interprétation est si radicale que le présentateur est conduit à se demander, et à demander à Moore, s’il ne votera pas pour Trump : Moore ne votera pas pour Trump, mais le fait que la question vienne à l’esprit est significatif.) Voici les passages essentiels de l’intervention de Moore, selon Daily Caller du 2 octobre :
« During an interview with Chuck Todd on NBC’s “Meet the Press” Sunday, the filmmaker said the establishment has abandoned voters and argued that they may vote for Donald Trump out of frustration. “I don’t think people do trust the Democrats anymore,” Moore said. “How else does a socialist win 22 states?” “I mean, in my state of Michigan, Bernie Sanders won. If Hillary Clinton and the Democrats had a tough time with him, that should have been the red flag to everybody that there is a mood out there where people are upset at the Democrats and the Republicans.”
» During his interview, Moore said Americans see Trump as a “human Molotov cocktail.” “Across the Midwest, across the Rustbelt, I understand why a lot of people are angry,” he said. “And they see Donald Trump as their human Molotov cocktail that they get to go into the voting booth on Nov 8. and throw him into our political system.” “I think they love the idea of blowing up the system.”
» Moore, who clarified that he is not voting for Trump, said people don’t pay attention to the media or “people in power” any longer. “People don’t trust the media, they don’t listen to it, and for good reason — because the media has let them down. The rich and powerful has let them down. A lot of them used to vote for the rich and powerful and they aren’t going to do that anymore.” »
L’intervention de Moore est d’un plus grand intérêt encore si on la place dans la logique, ou dans l’évolution logique plutôt, de l’interprétation qu’il donnait de la candidature-Trump en août dernier, et qui a été assez répandue dans le système de la communication à cette époque. Mettant alors de côté sa critique idéologique du candidat (hitlérisme-fascisme, racisme, etc.), il faisait de Trump, de façon très différente, un candidat complètement involontaire et prisonnier d'une initiative devenue insaisissable ; il affirmait même que Trump ne voulait pas l’emporter, qu’il tentait de saboter sciemment sa candidature sans pourtant paraître perdre, – le milliardaire hait la notion de “loser”, – mais plutôt en tentant de susciter contre lui la haine de ses adversaires, la fureur du Système, etc., pour qu’il puisse dire au terme “on m’a saboté alors que j’allais gagner”. Le texte du 17 août de Moore sur son site est intéressant, sans nul doute et surtout à la lumière de ce qu’il dit maintenant.
Avec Moore le 17 août, nous partons d’une affirmation extrêmement péremptoire : « Donald Trump n’a jamais réellement voulu être président des États-Unis. Je le sais cela parce que c’est un fait. [...] [...I]l y a certaines personnes qui lisent ce texte maintenant, elles se reconnaîtront, et elles savent que chaque circonstance décrite dans les paragraphes suivants sont absolument réelles... » Suit le récit des circonstances fortuites qui ont conduit Trump à poser sa candidature, sans espoir ni d’ailleurs le moindre intérêt pour lui qu’elle réussisse effectivement. Mais il s’est passé quelque chose, qui dépend beaucoup moins de l’éventuel génie de Trump, du charisme improbable du personnage, notamment à ses débuts dans la compétition USA-2016 ; tout se passa donc comme si Trump avait été choisi par une certaine dynamique collective pour exprimer un puissant sentiment collectif absolument radical :
« Et alors, quelque chose se produisit. Pour être honnête, si cela vous arrivait, vous réagiriez sans doute de la même façon. Trump, à sa complète surprise, enflamma le pays, particulièrement chez ces gens qui sont l’opposé des milliardaires. Il devint numéro un dans les sondages des électeurs républicains. Ses réunions attirèrent jusqu’à 30.000 supporteurs enthousiastes. La TV le mit en évidence... »
On ne s’attardera pas ici aux circonstances que décrit Moore pour s’en tenir à cette thèse, qui est pour lui un fait, d’un Trump qui se trouve là où il se trouve sans l’avoir voulu. (On observera en passant mais non sans intérêt que la thèse, si elle n’est pas exaltante pour le personnage de Trump, pulvérise absolument l’idéologisation de la candidature-Trump, – l’hystérie “fascisme-racisme” des vociférations que le Système enjoint à ses divers zombies d’exprimer en fait de critique ; on observera que le Système tient absolument à s’en tenir à cette démarche parce qu’elle a la vertu de “crédibiliser” l’élection, par conséquent de donner à la candidate qui lui importe un peu de substance échappant à la pourriture absolue dont est faite Hillary Clinton.) On s’intéressera plutôt à la description que Moore fait de la situation, par rapport à ce qu’il en écrivait en août dernier ; et l’on conclura que Trump n’est pas parvenu à se sortir de ce “mauvais pas” où il s’était mis (la course à la présidence), qu’au contraire il est devenu totalement prisonnier de cette “dynamique collective [exprimant] un puissant sentiment collectif absolument radical”. Il a été transmuté en “cocktail-Molotov humain” destiné à être lancé contre le Système, – car cette dynamique n’a qu’un idée qui montre son bon sens et son sens stratégique de l’essentiel, cette idée qui est de faire exploser le Système (« I think they love the idea of blowing up the system »).
Ainsi Moore rejoint-il Brown dans son interprétation, mais en retournant la situation : le mépris complet et le jugement catastrophique où la population tient sa direction est certes cause d’angoisse, mais aussi cause de colère. La paralysie éventuellement causée par la première se trouve annihilée par l’énergie suscitée par la seconde jusqu’à l’idée d’une manipulation, et Trump est transformé prestement en “cocktail-Molotov humain”. Il nous paraît alors inévitable de juger intéressante cette logique générale que nous avons décrite, qui a l’avantage de nous éviter les discussions de comptoir et de Café de Commerce au travers de talk-shows et salons sur les complots et les dangers fascistes et racistes menaçant nos démocraties frémissantes, autant que la vertu de nous suggérer des voies d’explication qui sortent des sentiers battus par une raison-subvertie et toute acquise au Système, même quand elle prétend le combattre. Le Mystère complet que constitue cette élection USA-2016, elle aussi sortie de rien comme Trump, – nul ne pouvait prévoir début 2015 qu’il y aurait un tel événement en 2016 aux USA, dans le cadre institutionnel du Système, – mérite un tel effort conceptuel dans la recherche à la fois de ses causes, de sa signification, des perspectives qu’elle ouvre. Il nous paraît évident que l’événement échappe aux explications habituelles, psalmodiées par les experts-Système dont le seul but est de nous conduire obligeamment, en fait de conclusion, jusqu’à TINA (There Is No Alternative au Système et à sa dévastation).
Que va-t-il se passer ? Que va-t-on faire de Trump manipulé en “cocktail-Molotov humain” s’il est élu ? Que va-t-on faire de cette angoisse et de cette colère populaire qui ont manipulé Trump si Trump n’est pas élu ? Ce sont des questions sans réponses parce que ce ne sont pas les questions du jour et à chaque jour suffisent nos questions-du-jour. Nous vivons au jour-le-jour, non par adhésion à la thèse de l’“éternel présent” qui caractérise la postmodernité, mais au contraire par hostilité absolue à cette thèse qui ne cesse de décrire notre avenir enchanté en le réduisant à un “futur” contenu dans “l’éternel présent”. Nous en restons au jour-le-jour parce que nous croyons à la dimension immédiatement métahistorique des événements et nous interdisons par conséquent de spéculer sur un avenir qui serait réduit à un “futur” lui-même réduit à la simple extension de l’“éternel présent” que nous offre l’idéologie de la postmodernité, – ultime idéologisation imposée par le Système.
La seule assurance qui nous habite pour l’instant, pour ce jour, c’est celle de l’importance fondamentale de cette élection USA-2016, sans aucun rapport avec la politique-Système qui guide nos jugements convenus, sans aucun rapport avec l’idéologisation qui habille tant de démarches intéressées, y compris, – ô combien ! – tant de démarches qui se voudraient antiSystème. Cette importance fondamentale se mesure à la vérité-de-situation de l’élection USA-2016, qui n’a aucun rapport avec les manœuvres d’idéologisation, qui est fondamentalement inscrite au contraire dans la bataille entre Système et antiSystème.