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246130 janvier 2016 – Plus que jamais, notre incrédulité sarcastique va à cette sorte de silence par désintérêt puis par intérêt fractionné qui élude, ou plutôt qui a éludé le seul problème essentiel surgi à l’occasion des présidentielles US 2016 ; certes, nous ne disons pas, par exemple, “cette sorte de silence par désintérêt puis par intérêt fractionné qui permet, ou a permis d’éluder...”, comme s’il y avait eu une volonté délibérée à cet égard. L’évolution de notre appréciation des présidentielles US, suivant l’évolution de ces élections qui se trouvent de plus en polarisées autour de deux candidats à la fois improbables, inattendus et complètement stupéfiants par rapport au cadre et aux intérêts impératifs du Système, cette évolution nous conduit effectivement à conclure à ce point que ce silence n’était nullement volontaire pour l’essentiel, même s’il y a évidemment une partie plus ou moins grande, – mais qui reste minoritaire à notre sens, – d’un réflexe d’autocensure dans le chef des organes de communication du Système. Le fait est que nombre d’organes antiSystème, eux aussi, ont traité jusqu’ici ces élections de cette manière fractionnée qui, à notre sens, nous fait rater l’essentiel. S’en tenir à l’interrogation de savoir si The Donald est bien un clown et si Bernie Sanders est véritablement un “socialiste” (à la sauce-US), ou bien ne s’interroger sur rien et penser qu’ils n’ont par principe aucune chance aucun des deux, revient au même constat qu’on rate ainsi le principal enseignement de la campagne présidentielle aux US qui est déjà largement développée et qui s’est jusqu’ici imposée par son caractère exceptionnel. Ce constat est défini tout simplement, le plus simplement du monde par cette question qui constitue un passionnant mystère (nous nous y sommes déjà attachés le 15 janvier) : comment cette situation a-t-elle été rendue possible, ou comment le Système a-t-il laissé passer cela ? ... Et la réponse pourrait bien être, effectivement, que ce désintérêt et ce fractionnement de l’esprit, tous deux nés de l’infatuation c’est-à-dire de l’hybris que dispense le Système même chez certains de ces adversaires, ont constitué la cause essentielle de cet aveuglement devant “la montée des périls”. Il reste que les garde-fous, les dispositifs de sécurité, les automatismes de défense du Système n’ont pas fonctionné, et cela témoigne, comme nous le voyions dans le texte déjà cité, tout simplement d’un épuisement du Système, par l'intermédiaire de l'état absolument déplorable des créatures, – les “zombies-Système”, – qui le représentent.
En attendant de passer à notre commentaire sur la question générale de ces présidentielles US-là, nous allons poursuivre par un autre constat, venu d’une perception de plus en plus insistante que les deux candidats-surprise qui mobilisent l’attention de tous, et apparaissent de plus en plus en favoris, amènent avec eux, dans la politique US, une sorte d’“européanisation” de l’argument politique, au moment où l’Europe officielle, celle de nos directions-Système, voudraient tant se “déseuropéaniser” à cet égard. Nous avons choisi deux textes qui expliquent et symbolisent à la fois cette évolution, le premier concernant Donald Trump, le second concernant Bernie Sanders.
• Le premier texte fait de Donald Trump entré en politique un politicien US qui s’inspirerait (involontairement, certes, mais le réflexe est là) d’une réaction politique qui ne cesse de se renforcer en Europe. (D’ailleurs, Trump ne cesse, lui, de citer en référence de la justification de son combat les évènements en Europe, établissant une synergie inhabituelle entre l’Europe et les USA où l'Europe tient le rôle d'inspiratrice de la voie de la rebellion, – cela, alors que tout le système-UE qui l'emprisonne gémit de proaméricanisme et de haine de toute rebelmlion...) C’est un constat inhabituel même s’il est essentiellement fait du point de vue de la communication, parce que l’Amérique, puissance énorme et à tendance extrêmement isolationniste, ne s’est quasiment jamais inspirée de courants politiques extérieurs à elle, ni même référé à eux. Le 27 janvier 2016 sur The American Thinker, Selwyn Duke fait donc de Donald Trump rien de moins que le “Marine Le Pen US” : Trump « n’est pas tant le prochain Ronald Reagan ou le prochain Barry Goldwater [des politiciens conservateurs US avec un brin de populisme] que le “premier Marine Le Pen de l’Amérique” ».
« Ever since Donald Trump’s rise to 2016-contender prominence, the rap on him, and perhaps part of his broad appeal, has been that he’s not a conservative. And he’s not – he’s a nationalistic populist. Yet there’s another way to understand The Donald’s professed politics: as that of the first prominent “European-conservative” American presidential candidate. He’s not so much America’s next Ronald Reagan or Barry Goldwater, but her first Marine Le Pen.
» A prerequisite for grasping this is first understanding the true natures of liberalism and conservatism. While many have their own definitions of the latter -- and will stubbornly insist they’re correct -- the truth is that both political terms are provisional, meaning different things in different times and places. The term “conservative” in the 1970s referred to a communist in the USSR and someone staunchly anti-communist in the US; and a European conservative today, such as Britain’s David Cameron, is well to the “left” of our conservatives. Many other examples could be provided, but the point is this: liberalism and conservatism are not ideologies as much as processes.
» Liberalism is the process of inexorably trying to change the status quo; conservatism is the process of trying to preserve the status quo. Thus, what the terms represent will vary depending on the status quo in question. And when analyzing the Trump phenomenon, it’s clear that it’s roughly the same one evident in much of the West, the one fueling the fortunes of Le Pen in France, the Netherlands’ Geert Wilders (who has endorsed Trump), Britain’s Nigel Farage and Sweden’s Jimmie Åkesson. He also bears much in common with those figures... »
• Bernie Sanders est qualifié de “socialiste”, et même bien entendu de “communiste” (dixit Trump, qui affute déjà les arguments d’un affrontement avec Sanders), avec toute la charge explosive de cette perception caricaturale. Sanders s’est présenté à l’investiture du parti démocrate avec des ambitions limitées de simple figuration affirmée, d’une façon très discrète, en insistant le moins possible sur cette image de “socialiste” ; mais sa candidature s’est affirmée d’une façon progressive, sinon “progressiste”, soutenue par un mouvement populaire important qui lui a permis de se passer des habituelles subventions des puissances d’argent (qu’il n’aurait d’ailleurs pas obtenues), et à mesure que la position hyperpuissante d’Hillary Clinton se dissolvait peu à peu sous les coups de boutoir de l’affirmation du sentiment anti-establishment (antiSystème).
Dès lors, Sanders n’a plus craint de s’affirmer effectivement comme “socialiste”, selon un terme qui est employé en Europe et qu’il semblait impossible d’utiliser aux USA ; peu importe ce que recouvre d’une façon opérationnelle et politique le terme, c’est ici et encore l’image qui compte, et cette introduction d'un autre élément du langage politique européen dans la course présidentielle US (paradoxalement, là aussi, alors que le terme “socialisme” est partout rejeté en Europe). Le site WSWS.org a donné une analyse de “Sanders et le socialisme”, bien dans la manière du du trotskisme pur et dur, en décrivant une population US avide de changements révolutionnaires, et un Sanders comme faux-“socialiste” bien entendu, et faux-nez de puissances d’argent (« Alors qu’elle entre dans un grand affrontement de classe, la classe des travailleurs devra [...] identifier dans Sanders et ses alliés un obstacle au développement d’un mouvement révolutionnaire de classe qui doit être rejeté et écarté. ») Cela affirmé, WSWS.org ne se prive pas de la description d'une situation complètement exceptionnelle aux USA.
« In a presidential election campaign that has already defied conventional wisdom and revealed an immense crisis of the American political system, the most significant factor is the broad and growing support for Democratic presidential aspirant and self-described “democratic socialist” Bernie Sanders.
» The Vermont senator, who has openly characterized his campaign as an effort to reverse flagging support for the Democratic Party and boost its prospects in the 2016 elections, has made the issue of social inequality and the machinations of Wall Street the central theme of his challenge to former Secretary of State Hillary Clinton for the Democratic presidential nomination. This has evoked a far greater popular response than anyone in the media or political establishment, beginning with Sanders, anticipated. Just days away from the February 1 Iowa Caucuses, Sanders has, according to opinion polls, either erased or overtaken Clinton’s lead in a state where the presumed front-runner had spent millions of dollars and supposedly locked in a victory. In New Hampshire, which hosts a primary a week later, Sanders has a double-digit lead over Clinton that seems to be expanding.
» The surge in support for Sanders is all the more significant in that it has continued during two months of nonstop media scaremongering over the threat of terrorist attacks following the events in Paris and San Bernardino. Not so long ago, media pundits were gloating that Sanders’ campaign had become a dead letter because the American people had shifted their attention from economic inequality to the “war on terror.” The support for Sanders has exploded a whole series of fictions about the American people and American politics. In a country where anti-socialism has been a virtual secular religion for the better part of a century, where socialist ideas have been excluded from political discourse and banned by the media, and where socialist opponents of the two parties of big business have been kept off the ballot by antidemocratic election laws—it turns out that socialist ideas are immensely popular.
» A recent poll showed that a majority of Democratic voters in Iowa identified themselves as socialists as compared to those identifying themselves as capitalists. Particularly among young people, Sanders’ denunciations of social inequality and Wall Street evoke a powerful response. A YouGov poll of Iowa Democrats showed Sanders leading Clinton among voters aged 18 to 29 by an astonishing 74 percent to 14 percent. In a country where the entire political, media and academic establishment is obsessed with questions of race, gender and sexual orientation and basic class issues are suppressed, it turns out that what really concern the vast majority of people are fundamental social and economic issues that transcend the preoccupations of identity politics and are common to all working people. [...]
» The Wall Street Journal’s lead editorial of January 20, “Taking Sanders Seriously,” was a warning to the corporate-financial elite about the dangerous implications of Sanders’ campaign. While it greatly exaggerated the radicalism of Sanders’ reform proposals, claiming, for example, that Sanders would “use government to control the means of production,” the statement made clear that the financial elite would not tolerate any of the measures, modest by historical standards, advanced by Sanders to rein in the banks and reduce social inequality. Citing a Wall Street Journal/NBC poll showing Sanders defeating Republican front-runner Donald Trump by 15 percentage points in a hypothetical match-up, the newspaper worried about the possibility of a split in the Republican Party and “an extreme election outcome.” »
Cette revue des interprétations de l’“européanisation” des deux candidats doit s’accompagner du commentaire essentiel, suggéré par l’une ou l’autre remarque plus haut, qu’il s’agit d’un processus déjà exceptionnel pour les USA (par exemple, rien de pareil ne pouvait être relevé chez Ron Paul) , qui renvoie à l’exceptionnalité des temps ; il s’agit d’un processus également très suspect, souvent perçu comme peu américaniste, et dans tous les cas qui peut être suspecté dans les conditions existantes comme étant quasiment antiSystème, – et là, nous en venons à l’essentiel, puisque nous retrouvons le caractère principal de ces deux candidatures. Répétons-le sans trop insister, tant la chose est évidente pour nous : que nous importent les programmes des deux hommes, du moment que leur base d’attaque et le moteur de leur candidature sont leur opposition, chacun de leur côté, à l’establishment ; du moment, par conséquent, qu’ils sont évidemment antiSystème, que cela leur plaise ou non.
Il est maintenant évident que le Système s’est aperçu de quelque chose. Ni le silence dont nous parlions plus haut, ni même le fractionnement du jugement ne sont plus de mise désormais, depuis quelques semaines, sinon quelques jours, parce que les opérations officielles des primaires vont commencer. Il s’agit désormais d’une situation générale qu’il faut considérer alors que commencent les primaires, simplement parce que cette situation s’impose en tant que telle. A cet égard, là encore et là aussi, les évènements commandent lorsqu’ils sont, ou lorsqu’ils se sont aussi superbement préparés en présentant l’ultime possibilité, ce qu’on nommerait si vous voulez l’“option nucléaire” : la très forte possibilité que l’élection se joue entre deux candidats qu’on ne peut pas ne pas qualifier d’antiSystème, et cela avec l’adoubement du Système lui-même puisqu’au cœur de son processus. (Il semble de plus en plus évident qu’au plus l’on avance, au plus Trump pourra évoluer, et éventuellement l’emporter, dans le cadre du parti républicain, tandis que pour Sanders, sénateur indépendant mais inscrit dans le caucus démocrate, le problème ne se pose pas à l’intérieur du parti démocrate.)
C’en est au point où la seule initiative sérieuse d’un “troisième parti”, ou d’une candidature indépendante au cas où l’on irait à un duel Sanders-Trump, pourrait être celle du milliardaire Michael Bloomberg, c’est-à-dire une candidature-Système pur jus. Ainsi apparaît-il que le Système serait obligé d’envisager des initiatives traditionnellement hors-Système sinon antiSystème pour espérer tenter de reprendre la main ! (Et dans ce cas, on souhaite bonne chance à Bloomberg...) Cette observation que l’on se trouve potentiellement dans une situation antiSystème où n’importent ni les candidats ni leurs programmes commence à être réalisée, y compris par des commentateurs d’habitude fortement marqués par leurs engagements. (Voir la dernière chronique De Justin Raimondo le 29 janvier, pro-Trump faisant aussi bien l’éloge de Sanders que de Trump, et s’exclamant “Cela fait des années que je ne me suis autant amusé” [« I haven’t had this much fun in years »]. Voir aussi la chronique de Jacob Dreizen, sur Russia Insider le 22 janvier, ou un pro-Sanders faisant aussi bien l’éloge de Sanders que de Trump.)
Qui ne verrait dans cette situation telle qu’elle se dessine désormais à traits précis, une occurrence absolument révolutionnaire, parce que si profondément antiSystème au cœur du Système ? Et désormais comme nous l’avons remarqué plus haut, comme on le mesure à la panique des commentateurs-Système depuis les dix-quinze derniers jours (les choses vont vite), la révolution brutalement n’est plus stealthy du tout : en un tournemain, en quelques jours même, elle est devenue ouverte, sinon tonitruante ; non seulement Trump, mais aussi Sanders à visage découvert. (L’éditorial du Wall Street Journal du 20 janvier avait comme titre : « Taking Sanders Seriously », suivi d’un texte illustrant un véritable sentiment de panique à l’adresse de Wall Street et du Corporate Power.)
On sait l’influence énorme des USA dans le monde, et particulièrement dans la situation du monde aujourd’hui. Cette influence n’est pas tant due à l’hégémonie d’un “Empire” selon la vision classique de la chose qu’à la position totalement privilégiée et totalement soumise au Système qu’occupe le système de l’américanisme. La prépondérance des USA devenue absolue depuis 9/11 n’est pas le triomphe de l’“Empire” ni d’une position hégémonique classique mais, de façon entièrement différente, le surgissement à visage découvert du Système en mode de surpuissance dans son empire sur le monde, et lancée ainsi dans son offensive finale dont cette dynamique de surpuissance est le signe indiscutable. Cela signifie que la référence US courante et omniprésente, notamment au sein du bloc-BAO, n’est plus un signe d’“américanisation” dans un monde par ailleurs globalisée et donc dans un stade dépassant l’américanisation, mais un signe puissant d’asservissement total au Système ; et les USA, dans le chef de leur population, en sont autant les créatures et les victimes que les autres, et cela étant d’ailleurs la cause évidente du surgissement de cet évènement, aux présidentielles des USA, à l’intérieur du processus-Système, de deux candidats antiSystème.
Qu’importe tout cela, pour le jugement commun la situation générale reste bloquée sur le stéréotype de l’empire des USA sur le monde. Par conséquent, tout ce qui passe aux USA a une influence énorme sur le Rest Of the World, et par conséquent l’événement politique le plus important, l’élection du président, dispense l’influence la plus importante ; et l’on appréciera qu’après tout, si pour la plupart des jugements nous en restons au stéréotype de l’empire des USA, c’est dans ce cas aussi bien, sinon mieux que tout... Car voilà que l’événement US-Système dispensant l’influence politique la plus importante dans le monde représente avec une brutalité inouïe et une puissance foudroyante, dans le cas désormais possible de l’affrontement Sanders-Trump/2016, une situation totalement antiSystème. Il est difficile de trouver meilleure démonstration de la validité de l’équation surpuissance-autodestruction, même en en restant au seul constat en temps constant, lorsqu'on observe le travail d'autodestruction déjà accompli par Sanders-Trump.
C’est avec ces constats à l’esprit que l’on doit relire ce que nous écrivions le 15 janvier, dans ces Notes d’Analyse sur “le silence du Système” : « Il faut d’abord noter l’importance de cette position de leadership des USA, – une fois de plus à la satisfaction du président Obama sans doute, – à cause de l’importance des présidentielles US comme évènement dans le système de la communication, de leur proximité, de leur caractère dynamique auquel on s’est accoutumé comme d’une démonstration d’une démocratie “vibrante” dans la narrative convenable, et par conséquent de l’effet l’influence et d’entraînement qu’elles suscitent.
» D’un point de vue symbolique également, l’événement est d’une extrême importance dans la mesure où il met en évidence combien le système d’accession au pouvoir le plus strictement contrôlé, le plus gendarmé par le Parti unique, se trouve aujourd’hui pris en défaut d’une façon extrêmement inquiétante pour lui. Il ne s’agit en aucun cas d’un accident ou d’une exception; ce qui est mis en cause, c’est la qualité qu’on pourrait dire équivalente à celle de quasi-zombies des sapiens-Système de la direction politique aux USA, “zombie” dans le sens où une part très importante d’eux-mêmes est complètement morte puisque totalement annexées par le Système producteur d’entropisation mortifère.
» Cette situation explique en bonne partie les deux aventures en cours. Dans le cas de Trump, cette situation individuelle de “zombie” affecte ses concurrents et les empêche de lui opposer une défense sérieuse alors qu’ils (le Système) n’auraient du en faire qu’une bouchée lorsqu’il n’était qu’un “clown” au début de son aventure ; dans certains cas même, cette situation conduit certains d’entre eux à se rapprocher du “modèle Trump” en le singeant, comme c’est le cas du sénateur Cruz, qui s’est imposé comme deuxième candidat sérieux à la nomination derrière Trump. C’est cette même condition de “zombie” qui ôte chez Hillary Clinton tout sens de la mesure disons civique, – le mot est surréaliste dans son emploi à son propos, – et l’a conduit à une corruption totale, vénale et psychologique, extrêmement dangereuse comme on le voit aujourd’hui. Ce cas-là est remarquable dans le sens de l’inversion et transforme rapidement Clinton en une sorte de “perdante” chronique (2016 après 2008 ?) : ses remarquables états de service qui devraient en faire une candidate-Système idéale la transforment en son inverse ; son expérience de secrétaire d’État devient une sorte de rappel lancinant de sa condition de corrompue, une énorme casserole affreusement bruyante et qui ne cesse de la couler aux yeux des électeurs.
» Quoi qu’il en soit, il devient extrêmement difficile, sinon impossible d’envisager une option pour le cours des présidentielles-2016 aux USA qui ne soit pas profondément déstabilisante et n’entraîne pas des remous très dangereux pour le Système, aussi bien pendant la campagne que pour son terme, voire pour l’installation de la nouvelle administration. Ces remous peuvent aussi bien dépasser le seul cadre du monde politique et affecter la population elle-même avec la formation d’initiatives de sédition. Il s’agit de la conséquence de la perception d’un système de l’américanisme qui apparaît incroyablement fragile et vulnérable, et en complet état de confusion. La complète absence d’Obama réfugié dans sa “bulle aux narrative impénétrable”, confirmée par son discours sur l’état de l’Union (“Obama in Wonderland”), complète le tableau d’une situation d’irréalité prodigieuse, d’une situation de complet flottement dans un vague insaisissable, complètement instructurée, incapable d’opposer la moindre résistance à un événement inattendu ou l’autre qui aurait une certaine substance.
» Il est enfin très difficile, sinon impossible d’envisager que cette élection US, dans le climat qu’on décrit, ne contribue pas d’une façon massive à une fragilisation générale de tous les pouvoirs-Système en place au sein des pays du bloc-BAO. L’influence des USA est un fait essentiel du Système, mais elle s’avère encore plus puissante lorsqu’il s’agit de l’effondrement et d’entraîner vers les abysses ceux qui y sont soumis. »
Nous arrêtons cette situation sur ce point pour développer cette hypothèse déjà suggérée plus haut que la saison 2016 qui s’ouvre avec tant de fracas aux USA n’a jamais été autant la saison du monde, et paradoxalement l’influence des USA n’a jamais été aussi prépondérante, vitale, fondamentale qu’en cette saison-là. Nous avons depuis longtemps considéré que le sort des USA constituerait le point fondamental de la Crise Générale d’effondrement du Système, aussi bien politique et économique que psychologique, et même plus encore psychologique selon une psychologie collective qui se répercute de manière lancinante dans tant de psychologies individuelles épuisées et accrochées aux stéréotypes traditionnels (!) de la modernité. Par exemple, nous écrivions en février 2009, évoquant les risques de dislocation de l’Amérique et en observant que l’Amérique constituait nécessairement la condition sine qua non, sinon “nécessaire et suffisante” de l’existence de la modernité, et par conséquent les deux sorts (celui de la modernité et celui de l’Amérique) liés jusqu’à se confondre : « [N]ous tenons comme un fait avéré que notre civilisation et sa crise vivent depuis près d’un siècle sous l’empire psychologique d’une fiction virtualiste répandue et entretenue par le phénomène de la communication, qui est la “vertu américaniste”, – idée traduite par les publiciste, nom US pour “propagandiste”, par l'expression si populaire dans notre conscience et surtout dans notre inconscient de “American Dream”. Le jour où cette pression psychologique terrible cessera, en même temps que s'effaceront les USA sous leur forme actuelle, il s’agira du plus formidable événement de notre temps moderne, une sorte de “bombe nucléaire de notre psychologie collective”. »
Est-ce que ces élections, dans le cas d’un affrontement des deux candidats antiSystème, pourraient mener à une aggravation d’une situation déjà pathétique dans sa gravité ? C’est extrêmement possible, dans la mesure où ces deux candidats antiSystème ne font nullement front commun, mais qu’ils sont au contraire idéologiquement très opposés. On a vu cela pas plus tard que le 29 janvier, en faisant la remarque que leur affrontement signifierait nécessairement une montée aux extrêmes idéologiques (« L’intérêt de cette fiesta que constituerait leur affrontement pour la finale des présidentielles, c’est qu’il y aurait de très fortes chances pour que cet affrontement soit terrible, c’est-à-dire qu’il monte aux extrêmes à cause de leurs accusations respectives, chacun voulant alors verrouiller son engagement anti-establishment [antiSystème] qui l’a porté à la désignation de son parti et qui assure sa popularité...») ; et d’évoquer « de graves divisions pouvant menacer d’aller jusqu’à des situations de conflit interne dans le pays ».
Cela, pour en revenir à notre citation précédente et considérer par conséquent qu’avec cette élection et les risques qu’elle fait soudain apparaître, avec les possibilités de conflits internes dans un pays marqué par une “guerre culturelle” incessante depuis quasiment les années1960, et qui a pris un tour dramatique ces quinze dernières années avec une situation démographique où le groupe dominant (les WASP et les communautés d’origine européenne) se trouve dans une situation qu’il perçoit lui-même comme celle d'un état de siège où il risque d’être marginalisé, défait de son identité, sinon de disparaître pour les interprétations les plus catastrophiques. (Selwyn Duke note par exemple, à propos des Chrétiens blancs d’origine européenne aux USA : « ...I think these believers’ attitude was reflected well by a devout Catholic man I know – a truly faithful fellow – who said some years back that he considered immigration an even bigger issue than abortion. His point was that all else is for naught if you’re subjected to demographic genocide and lose your nation. »)
Ainsi s’ouvre une partie formidable, dès la semaine prochaine où, avec les premières élections primaires (Iowa et New Hampshire), on va pouvoir mesurer dans les vérités-de-situation la position exacte des uns et des autres, et particulièrement, bien entendu, de Sanders et de Trump. Il ne faut pas voir “cette partie formidable” selon l'hypothèse de la seule perspective du pouvoir suprême aux USA mais, d’une façon complètement différente, dans l'hypothèse de la prospective obligée de la situation générale de la Grande Crise du Système. Si un Trump ou un Sanders est élu, il nous paraît impossible, selon notre appréciation, que les contrecoups de cet événement formidable, – l’élection d’un président chargé de l’image d’un antiSystème au cœur du Système, – en restent au seul changement de président et aux spéculations qui l’accompagneraient, c’est-à-dire à des discussions de programme, à des changements même spectaculaires des politiques. L’événement une fois accompli si c’est le cas secouera aussitôt tout le système de la communication comme un formidable bouleversement sismique ; avec les USA eux-mêmes et dans une mesure et selon des modalités inconnues, c’est tout le Système lui-même, c’est-à-dire le bloc-BAO, c’est-à-dire toute la modernité elle-même et par conséquent notre civilisation, et cela quoi qu’en veuille au départ le président élu, qui seront touchés de plein fouet. Les conséquences seront imprévisibles, inattendues et nécessairement considérables.
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